vendredi 13 septembre 2013
Plusieurs associations de défense des gays et des lesbiennes estiment qu’il est temps de trouver une issue politique.
communiqué inter-associatif Inter-LGBT - ARDHIS - l’Autre Cercle - Les Amoureux au ban public - 11/9/2013
Une délégation composée de l’Inter-LGBT, l’ARDHIS, l’Autre Cercle et les Amoureux au ban public ont rencontré la semaine dernière le cabinet de la Garde des Sceaux et ont pu exposer leurs arguments et leurs propositions pour trouver une solution à la situation que vivent certains couples homosexuels étrangers ou franco-étrangers. La circulaire d’application du 29 mai 2013 liste 11 pays avec lesquels la France est liée par des conventions bilatérales, datant pour certaines de la fin de l’époque coloniale, qui prescrivent l’application de la loi nationale des époux pour apprécier les conditions du mariage. Selon la circulaire, ces conventions feraient obstacle à la célébration en France d’un mariage entre deux personnes de même sexe lorsqu’un des futurs époux au moins possède la nationalité de l’un de ces 11 pays. Cependant, si la circulaire précise que, pour ces 11 pays, « l’officier de l’état civil ne pourra célébrer le mariage » elle indique aussi que « en cas de difficultés, il conviendra que l’officier de l’état civil interroge le procureur de la République territorialement compétent ».
Nos associations ont déjà pu recenser cet été pas moins de 30 cas de couples ayant effectué des démarches auprès de leur mairie et rencontrant des difficultés. Dans 2 cas, le procureur de la République a été saisi et a tranché en faveur de la célébration du mariage. Dans un cas, le procureur de la République s’est prononcé contre, obligeant le couple à saisir le juge judiciaire pour qu’il tranche la question. Il ressort donc clairement de ces quelques cas une inégalité en fonction du Procureur territorialement compétent, inégalité qui ne fera que perdurer au stade judiciaire, en fonction des tribunaux saisis. Il faut par ailleurs prendre en compte que, dans la majorité des cas, et face à un refus pur et simple du personnel de l’état civil, ces couples n’engageront pas de procédure, soit qu’ils soient peu au fait de leurs droits, soit qu’ils préfèrent,compte tenu de leur statut d’étranger ne pas attirer l’attention sur eux
Un temps évoquée par l’administration, il nous semble que la renégociation des conventions bilatérales est irréaliste et inutile, et n’est donc pas la voie que nous proposons. La balle est dans le camp du Ministère de la justice et l’issue est politique. La circulaire peut être réécrite afin de ne plus mentionner les conventions bilatérales en question. Le Ministère peut, à l’instar de la solution adoptée par la Belgique et par l’Espagne, faire valoir que la loi du 17 mai 2013 a voulu inscrire la possibilité du mariage entre personnes de même sexe comme un principe supérieur en France, principe au nom duquel il est possible d’écarter la loi étrangère normalement compétente - et donc la loi nationale issue de l’application de ces 11 conventions.
En effet, le juge français accepte d’écarter l’application de ces conventions lorsqu’elle est susceptible de heurter les conceptions sociales ou juridiques de la France. Ainsi, par exemple, la loi marocaine ne permet pas à ses ressortissantes d’épouser un non-musulman, obligeant le futur époux français à se convertir, et ce même si le mariage a lieu en France, puisqu’au regard des conventions, seule la loi personnelle est applicable ; or il est admis de longue date que les couples franco-marocains de personnes de sexe différent peuvent se marier en France sans qu’il soit question de conversion religieuse, la France écartant purement et simplement l’application de la loi marocaine, pourtant prescrite par la convention franco-marocaine de 1981. Il n’y a pas de raison que cette jurisprudence soit réservée aux couples de personnes de sexe différent et le même mécanisme doit donc s’appliquer aux couples étrangers ou franco-étrangers de même sexe vivant en France et désireux de s’y marier.
Le droit au mariage pour toutes et pour tous ne doit pas dépendre de l’appréciation subjective du juge judiciaire qui déciderait, au cas par cas, d’écarter ou non les accords bilatéraux. D’autre part, ces procédures peuvent s’avérer longues et coûteuses pour les couples, alors qu’il y a matière à s’appuyer sur la jurisprudence existante et sur le caractère évolutif de l’ordre public international français. C’est pourquoi nos associations demandent à ce que le Ministère de la justice produise une réponse politique et rapide pour ne pas laisser perdurer une situation aussi absurde que discriminatoire.
Nicolas Gougain, porte parole de l’Inter-LGBT
Charlotte Rosamond, les Amoureux au ban public
IMPORTANT : les couples qui rencontrent des difficultés sont par ailleurs invités à se signaler à l’adresse suivante : refusmariage@ardhis.org