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Débat parlementaire : compte-rendu de lecture au Sénat (2/2)

date de redaction mercredi 24 novembre 2004


Compte-rendu analytique de la séance de l’après-midi du 23/11. Poursuite de l’examen du projet de loi créant une Haute Autorité de lutte contre les discriminations par les sénateurs.


Rappel au règlement

M. BEL. - Une nouvelle fois, - et je le regrette - je dois malheureusement intervenir sur nos conditions de travail.

Face à l’hostilité de sa propre majorité, le gouvernement annonce qu’il retire de l’ordre du jour son projet de loi tendant à lutter contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe qui, dans un premier temps, devait être examiné dans la session extraordinaire de juillet 2004, puis a été reporté en février 2005.

Il est vrai que le 18 novembre, la commission consultative des droits de l’homme a demandé au gouvernement de retirer ce projet de loi. Elle a rappelé l’universalité des droits de l’homme, qui transcende les différences entre les êtres humains, et a craint que la segmentation des droits de l’homme remette en cause cette universalité.

Le Sénat a été saisi, dans la précipitation, hier soir, d’amendements qui reprennent certaines dispositions de ce projet de loi. Mais, dans la précipitation, on n’a pas tenu compte de l’avis de la commission consultative qui suggère de retenir un champ de discrimination large. On aurait dû prendre en compte les propositions de notre collègue Badinter, qui, dès mars 2000 avait déposé, avec Dinah Derycke, une proposition de loi tendant à faire référence à l’article 225-1 du Code pénal dans chacun des articles de la loi sur la presse.

Ce revirement est d’autant plus surprenant que le gouvernement a refusé toutes les initiatives des parlementaires socialistes visant à lutter contre les propos sexistes, homophobes ou insultant pour les handicapés. Il a rejeté la proposition de loi des députés Bloche et Ayrault de novembre 2003 comme les amendements du groupe socialiste du Sénat dans le projet de loi Perben II, reprenant ces dispositions. Lors de l’examen de ce projet de loi en première lecture, à l’Assemblée nationale le 6 octobre, votre majorité a repoussé les mêmes amendements présentés par Mme Billard. Le rapporteur M. Clément ainsi que le ministre, Mme Vautrin, ont affirmé « être là pour installer la haute autorité et que le texte sur l’homophobie viendrait en discussion quand le calendrier le permettrait ». Le calendrier le permet, mais la volonté politique a disparu !

Alors qu’il s’était systématiquement opposé aux amendements socialistes sur ce point, le gouvernement dépose, la veille du débat, en toute fin d’après-midi, un dispositif bricolé à la hâte : nous sommes favorables à ces dispositions, sous réserve de faire référence à la définition de l’article 225-1 du Code pénal, visant ainsi toutes les discriminations. Mais nous ne pouvons accepter ces méthodes de travail qui nuisent à la lisibilité du débat parlementaire. Une fois de plus, le groupe socialiste dénonce ces dysfonctionnements. (Applaudissements sur les bancs socialistes.)

M. HYEST, président de la commission des Lois. - Bien entendu, il n’est pas agréable pour le Parlement de voir arriver d’importantes dispositions sous forme d’amendements de dernière minute, alors que le texte avait déjà été examiné par la commission. Toutefois, ces textes tiennent compte des observations du Conseil d’État et de la commission consultative : on ne peut réclamer la concertation et s’en plaindre ensuite... Bricolage ou pas, la commission des Lois a voté ce matin à la quasi-unanimité ces amendements qui, d’ailleurs, sont très voisins des propositions de M. Badinter. Le Sénat peut donc valablement les examiner. Si je m’en réfère à une peut-être trop longue expérience parlementaire, ce ne serait pas la première fois qu’une telle situation se présente. En l’occurrence, on ne peut différer indéfiniment l’examen de dispositions impatiemment attendues.

Mme OLIN, ministre déléguée - je remercie M. Hyest de ses propos auxquels je souscris tout à fait.

M. LE PRÉSIDENT. - Il ne faut pas modifier trop fréquemment l’emploi du temps du Sénat : cela doit demeurer l’exception. (Mme la ministre déléguée approuve.)

M. SUEUR. - L’exception se généralise. (Approbation sur les bancs socialistes.)

Haute autorité de luttecontre les discriminations

(Suite)

M. LE PRÉSIDENT. - Nous en étions parvenus à l’examen des amendements.
Article additionnelavant l’article premier

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 39, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.I. - Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La détermination des objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de la politique publique de lutte contre les discriminations relèvent de la responsabilité de l’État.

La politique publique de lutte contre les discriminations et pour l’égalité concerne :

1°) l’éducation et la prévention contre les discriminations et pour l’égalité ;

2°) la répression et la sanction des discriminations ;

3°) la médiation pour régler et développer les bonnes pratiques contre les discriminations et pour l’égalité.

La loi définit les objectifs de la politique publique de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité. À cette fin, le gouvernement présente au Parlement un rapport sur les objectifs de sa politique et les principaux plans qu’il entend mettre en œuvre.

Ce rapport s’appuie sur une analyse des problèmes de discriminations et de rupture d’égalité tenue sous l’autorité du Premier ministre. Cette conférence nationale est également chargée de tirer le bilan de l’application des lois en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité.

La conférence nationale associe les pouvoirs publics et les organisations de la société civile intéressées par ces questions. Un décret en Conseil d’État précise la composition du conseil national de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

II. - En conséquence, avant le titre premier, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :Titre...De la luttecontre les discriminations

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Il serait vain de penser que la haute autorité permettra une mobilisation à la hauteur des espoirs qu’avait suscités le Président de la République à Troyes le 14 octobre 2002 ; sa création doit s’accompagner d’une véritable politique de lutte pour l’égalité, qui relève de la responsabilité de l’État. Pour ce faire, le gouvernement doit déterminer des objectifs, des plans et des actions dans les domaines de la prévention, de l’éducation, de la médiation et de la répression. La plupart des ministères sont concernés : Éducation, Fonction publique, Justice, Intérieur, Santé, Travail, Logement... Nous proposons que le gouvernement présente un rapport au Parlement qui dressera un bilan de la politique mise en œuvre et fixera des objectifs pour l’avenir. Ce rapport devra être rendu public. Nous proposons aussi qu’une conférence soit organisée, dans des conditions fixées en Conseil d’État, qui associera les pouvoirs publics et les associations qui œuvrent dans ce domaine.

M. LECERF, rapporteur. - Notre corpus juridique, déjà très développé, prévoit déjà de nombreuses sanctions. Les missions de la haute autorité sont suffisamment amples. Cet amendement n’apporte pas de précision utile. Avis défavorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Cet amendement très peu normatif déborde du champ du projet de loi qui, purement institutionnel, porte sur la seule création de la haute autorité. Il n’y a pas lieu de définir la politique publique de lutte contre les discriminations, car certaines initiatives contribuent déjà à lui donner corps : c’est le cas de la charte de la diversité par exemple, des dispositions relatives à la fonction publique, de la réforme des anciennes Codac ou des dispositions préconisées par le tout récent rapport Bébéar. Il n’y a donc pas lieu de charger ce projet de loi de dispositions sans rapport avec son objet.

L’amendement n° 39 n’est pas adopté, le groupe C.R.C. s’abstenant.
Article premier

Il est institué une autorité administrative indépendante dénommée haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

La haute autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie.

M. COLLOMBAT. - La discrimination, plaie de notre société, est-elle soluble dans une haute autorité ? Autrement dit, celle-ci répond-elle à l’ampleur du problème ? Nous ne le pensons pas.

La multiplication d’organes administratifs prétendument indépendants brouille les dispositifs existants. Les crédits sont soit insuffisants pour régler réellement le problème, soit trop élevés s’il ne s’agit que de faire fonctionner une entité administrative de plus. Le groupe socialiste propose donc - conformément d’ailleurs à ce que semble souhaiter le rapporteur - de confier au médiateur de la République, en élargissant ses compétences et dans un cadre plus collégial, la mission confiée à la haute autorité. Ce serait conforme à la directive européenne et nous y gagnerions en efficacité et en légitimité.

En outre, la simplification n’est-elle pas à l’ordre du jour ?

M. SUEUR. - En disciples de Montesquieu, nous savons tous que la séparation des pouvoirs - le législatif, l’exécutif, le judiciaire - est le fondement de nos institutions. Or, depuis quelques années, on voit se développer de très nombreuses instances, aux dénominations variées - ici un conseil, là une commission ou une autorité - mais toutes gratifiées d’adjectifs valorisants comme « hautes » ou « supérieures » : on n’imagine guère installer une « basse autorité » ou une « commission inférieure ». (Rires à gauche.)

Est-il judicieux de continuer dans ce sens ? Ne risque-t-on pas de multiplier les occasions de conflits de pouvoirs ? La loi punit déjà sévèrement les discriminations, dans le Code pénal même. La loi du 3 février 2003 a qualifié de circonstance aggravante le caractère raciste antisémite ou xénophobe d’un délit ou d’un crime - la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure a fait de même pour l’orientation sexuelle de la victime. La loi du 9 mars 2004 va dans le même sens. Le Code du travail comprend également des mesures contre les discriminations. Aussi les comportements discriminatoires relèvent-ils de la justice.

Comment articuler l’action de la haute autorité avec celle de la justice ? Le nouvel outil est certainement utile pour l’information, pour promouvoir la lutte contre les discriminations, mais prenons garde à l’organisation des pouvoirs publics. Prenons garde aux dérives : chaque citoyen doit savoir qui fait quoi !

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 40, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Rédiger comme suit cet article :

Le médiateur de la République est compétent pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie.

Mme KHIARI. - Nous souhaitons confier les fonctions de la haute autorité au médiateur de la République. Le budget initial ne permettait pas de créer d’antennes régionales, mieux vaut mettre le dispositif à l’abri des aléas budgétaires, en élargissant les compétences et la saisine du médiateur qui dispose déjà d’infrastructures départementales lui permettant d’agir très vite à un coût modéré. Dans beaucoup de pays, la mission dévolue à la haute autorité est confiée à une seule personne. Recourir au médiateur, qui dispose déjà d’un réseau national, ce serait plus efficace ; mais pour que cette instance est une réelle efficacité il faut qu’elle puisse être saisie par toutes les victimes et sur tout le territoire.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 72, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.Dans le second alinéa de cet article, après le mot :« prohibées »,insérer les mots :« ou non ».

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Nous souhaitons élargir le champ des discriminations dont la haute autorité pourra se saisir, au- delà des seules discriminations prohibées par la loi. Il faut prendre en compte, par exemple, les discriminations sexistes, ou celles qui tiennent compte de certains handicaps ou certaines caractéristiques de l’identité individuelle. Dès lors que la haute autorité est universelle, et qu’on ne hiérarchise pas les discriminations, elle doit pouvoir se saisir de celles qui ne sont pas inscrites à l’article 225 du Code pénal.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 29, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La haute autorité a également pour missions de promouvoir l’égalité et de veiller à la bonne application de la loi.

Mme ASSASSI. - Nous souhaitons inscrire dès l’article premier - plutôt qu’attendre l’article 14 - la mission de promouvoir l’égalité. Quant à celle de veiller à la bonne application de la loi, cela va de soi, mais c’est mieux en le disant, et comment la haute autorité pourrait-elle proposer d’améliorer le dispositif si elle ne connaît pas précisément son application ?

M. LECERF, rapporteur. - Nous avons examiné la possibilité de confier les fonctions de la haute autorité au médiateur, mais cela supposerait de rendre son fonctionnement collégial : le texte fait un autre choix, que nous approuvons. La plupart des autorités administratives indépendantes ont été créées par la gauche, il faudra réfléchir à d’éventuels regroupements...

M. LE PRÉSIDENT. - Je ne peux que vous approuver !

M. LECERF, rapporteur. -... mais chaque chose en son temps ! La prévision de l’amendement n° 40 est-elle utile ? Je ne le crois pas, car c’est à la loi plutôt qu’à une autorité administrative de définir les catégories de discrimination. Avis défavorable.

Il ne paraît pas utile de préciser que la haute autorité veille à l’application de la loi, c’est sa mission même. Elle est rappelée à l’article 14. Avis défavorable à l’amendement n° 29.

Mme OLIN, ministre déléguée. - La position de M. Sueur contre la haute autorité me surprend, car le débat de ce matin a montré qu’il y avait un consensus... mais si nous ne l’avions pas créée, conformément aux vœux du Président de la République, nous aurions été critiqués... La haute autorité complétera le travail des associations, par son pouvoir d’enquête, et elle aidera la justice à établir les preuves de comportements discriminatoires. Avis défavorable à l’amendement n° 40, qui met en cause le principe même de la haute autorité que le rapport Belorgey appelait de ses vœux dès 1999 !

Avis défavorable au n° 72 : je vous renvoie à l’argument du rapporteur ; et j’ajoute que si la haute autorité constate des carences dans la législation, elle peut formuler des recommandations pour y remédier - c’est l’article 14.

Défavorable, enfin, au n° 29 : l’article premier définit non les missions mais le champ de compétence de l’autorité. La promotion de l’égalité figure à l’article 14.

M. LE PRÉSIDENT. - Je mets aux voix l’amendement n° 40.

Mme BORVO. - Nous sommes favorables à une autorité qui combatte le cancer des discriminations.

Diverses instances ont été créées - y compris par le précédent gouvernement, qui ont effectué un travail utile. Mais une réflexion s’impose sur les relations entre les pouvoirs publics et les citoyens, car si le médiateur, le défenseur des enfants sont nécessaires, c’est parce que l’écart se creuse entre l’action publique, les possibilités légales - l’arsenal juridique est conséquent - et la capacité des citoyens à faire valoir leurs droits.

Le gouvernement serait bien inspiré de veiller à la démocratisation des institutions de la République, à une saisine aisée de la justice par ceux dont les droits sont bafoués, au lieu de réduire sans cesse la dépense publique et le nombre des fonctionnaires. Au moment où le défenseur des enfants jette un cri d’alarme, les services de protection de l’enfance sont mis à mal !

Nous avons, hélas !, besoin d’une instance se préoccupant de ce que les pouvoirs publics négligent : l’égalité. Le problème est plutôt celui du pluralisme, donc de la collégialité. Nous ne sommes pas favorables à ce que ce soit le médiateur qui soit saisi de ces questions : il n’est pas démocratiquement désigné, même s’il est rôdé aux problèmes touchant les relations entre les administrations et les citoyens.

Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’un organisme pluraliste et ouvert à tous ceux qui sont au fait sur des discriminations.

L’amendement n° 40 n’est pas adopté, non plus que les nos 72 et 29.

L’article premier est adopté.
Article 2

La haute autorité est composée d’un collège de onze membres nommés par décret du Président de la République :- deux membres, dont le président, désignés par le Président de la République ;- deux membres désignés par le Président du Sénat ;- deux membres désignés par le Président de l’Assemblée nationale ;- deux membres désignés par le Premier ministre ;- un membre désigné par le vice-président du Conseil d’État ;- un membre désigné par le premier président de la Cour de cassation ;- un membre désigné par le président du Conseil économique et social.

Le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre désignent chacun des membres de sexes différents.

Le mandat du président et des membres de la haute autorité a une durée de cinq ans. Il n’est ni révocable, ni renouvelable.

Les membres du collège, à l’exception du président, sont renouvelables par moitié tous les trente mois.

En cas de vacance d’un siège de membre du collège pour quelque cause que ce soit, il est pourvu à la nomination, dans les conditions prévues au présent article, d’un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Son mandat peut être renouvelé s’il a occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de deux ans.

La haute autorité décide la création auprès d’elle de tout organisme consultatif permettant d’associer à ses travaux des personnalités qualifiées choisies parmi des représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et toutes autres personnes ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l’égalité.

Elle dispose de services, placés sous l’autorité de son président, pour lesquels elle peut recruter des agents contractuels.

Le président représente la haute autorité et a qualité pour agir au nom de celle-ci.

M. COLLOMBAT. - Le mode de désignation des membres de la haute autorité ne nous satisfait pas. Il convient d’assurer le pluralisme politique ; ce serait une catastrophe que cette institution apparaisse comme partisane. Il serait paradoxal que la haute autorité chargée de lutter contre les discriminations pratique la discrimination la plus archaïque, la discrimination politique.

L’équilibre serait meilleur si le pouvoir de désignation appartenait à des organismes collectifs et non aux personnalités qui les dirigent. Nous proposerons donc une désignation par la représentation nationale et par le Conseil économique et sociale, selon des modalités diverses. Tout ce que nous souhaitons, c’est que la haute autorité soit représentative de toutes les sensibilités politiques.

M. SUEUR. - Le texte, dès la première ligne, déclare l’autorité administrative « indépendante ». Or, deux de ses membres seront nommés par le Président du Sénat, deux par le Président de l’Assemblée nationale, deux par le Premier Ministre et deux par le Président de la République.

Imaginons une situation dans laquelle les trois premiers appartiennent au même parti. (Sourires.)

M. LE PRÉSIDENT. - Cela me semble parfait ! (Rires.)

M. SUEUR. - Imaginons que tous trois soutiennent le Président de la République. (Même mouvement.)

M. PASQUA. - Alors tout est bien !

M. SUEUR. - Cela peut changer.

M. LE PRÉSIDENT. - Vous êtes plein d’espérances !

M. SUEUR. - Nous suivons avec attention l’évolution de la situation...

Monsieur le Président, ne craignez-vous pas que l’on vous soupçonne de privilégier tel ou tel ami politique ? Nos amendements tendront à vous épargner cet embarras en introduisant le pluralisme - dont l’indépendance sera le fruit.

Je salue les efforts de M. Lecerf. Son amendement montre la voie. Nous souhaitons aller plus loin : qui a peur de l’indépendance ? (Mme Borvo applaudit.)

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 30, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Remplacer les huit premiers alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

La haute autorité est composée de représentants d’associations représentatives pour chaque critère de discrimination, de représentants d’organisations non gouvernementales, de syndicats, de personnalités qualifiées, de parlementaires, d’experts, du médiateur de la République et de représentants du gouvernement.

La composition du collège de la haute autorité concourt à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Les membres de la haute autorité sont nommés par décret du Président de la République.

Mme ASSASSI. - La composition de la haute autorité pose problème. En l’état, l’institution est verrouillée politiquement - et nullement indépendante, par conséquent, du pouvoir politique. Les associations, les syndicats, sont exclus en dépit de leur grande expérience. La création d’un comité consultatif ne suffit pas. Pour notre part, nous estimons qu’il faut nous inspirer de la composition de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dont l’indépendance et l’impartialité sont éprouvées. Nous veillons aussi à la parité. Je note que la commission des Lois n’était pas opposée à une référence au médiateur. Suivez notre proposition et la haute autorité sera généraliste, pluridisciplinaire et donc efficace - les victimes le méritent. Le pluralisme était oublié - notre commission en a pris conscience en déposant un amendement. La parité était elle aussi absente du texte initial, mais les députés ont réussi à l’introduire !

M. LE PRÉSIDENT. - J’invite M. Sueur à présenter en bloc ses neuf amendements.

Amendement n° 44, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :« onze »,par le mot :« dix ».

II. - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :- quatre membres désignés par l’Assemblée Nationale à la majorité des 4/5e de ses membres ;- quatre membres désignés par le Sénat à la majorité des 4/5e de ses membres ;- deux membres désignés par le Conseil économique et social à la majorité des 4/5e de ses membres.

Amendement n° 45, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :« onze »,par le mot :« dix ».

II. - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :- quatre membres désignés par l’Assemblée nationale à la majorité des 3/4 de ses membres ;- quatre membres désignés par le Sénat à la majorité des 3/4 de ses membres ;- deux membres désignés par le Conseil économique et social à la majorité des 3/4 de ses membres.

Amendement n° 46, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :« onze »,par le mot :« dix ».

II. - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :- quatre membres désignés par l’Assemblée nationale par vote au scrutin proportionnel ;- quatre membres désignés par le Sénat par vote au scrutin proportionnel ;- deux membres désignés par le Conseil économique et social par vote au scrutin proportionnel.

Amendement n° 47, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :« onze »,par le mot :« douze ».

II. - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :- trois membres désignés par les groupes de la majorité de l’Assemblée nationale ;- trois membres désignés par les groupes de l’opposition de l’Assemblée nationale ;- trois membres désignés par les groupes de la majorité du Sénat ;- trois membres désignés par les groupes de l’opposition du Sénat.

Amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :« onze »,par le mot :« dix ».

II. - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :- deux membres désignés par les groupes de la majorité de l’Assemblée nationale ;- deux membres désignés par les groupes de l’opposition de l’Assemblée nationale ;- deux membres désignés par les groupes de la majorité du Sénat ;- deux membres désignés par les groupes de l’opposition du Sénat ;- deux membres désignés par le Conseil économique et social.

Amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :« onze »,par le mot :« douze ».

II. - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

- deux membres désignés par les groupes de la majorité de l’Assemblée nationale ;

- deux membres désignés par les groupes de l’opposition de l’Assemblée nationale ;

- deux membres désignés par les groupes de la majorité du Sénat ;

- deux membres désignés par les groupes de l’opposition du Sénat ;

- deux membres désignés par le Conseil économique et social ;

- deux maires désignés par l’Association des maires de France dans le respect du pluralisme.

Amendement n° 41, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :- six membres désignés par l’Assemblée nationale à la majorité des 4/5e de ses membres ;- cinq membres désignés par le Sénat à la majorité des 4/5e de ses membres.

Amendement n° 42, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :- six membres désignés par l’Assemblée nationale à la majorité des 3/4 de ses membres ;- cinq membres désignés par le Sénat à la majorité des 3/4 de ses membres.

Amendement n° 43, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :- six membres désignés par l’Assemblée nationale par vote au scrutin proportionnel ;- cinq membres désignés par le Sénat par vote au scrutin proportionnel.

M. SUEUR. - L’amendement de Mme Assassi présente l’intérêt d’ouvrir la composition de la haute autorité mais a le défaut de réserver les nominations au seul Président de la République. Pour notre part, nous réclamons le pluralisme dans le collège des personnalités chargées des nominations. C’est pourquoi notre amendement n° 44 propose, de manière originale, que les membres de la haute autorité, ramenés à dix soient désignés par Les 4/5e de chacune des deux Assemblées et du Conseil économique et social, ce qui oblige à trouver un accord. C’est une garantie de pluralisme.

M. LE PRÉSIDENT. -... ou de blocage !

M. SUEUR. - Monsieur le Président, vous connaissez notre capacité à nous accorder, pour le bien commun, au Sénat ! Si toutefois, vous trouvez la majorité de 4/5e est excessive, alors par l’amendement n° 45 nous la ramenons aux trois quarts. Il serait intéressant d’expérimenter cette procédure qui oblige à un accord entre majorité et opposition. Si ce mode de désignation vous paraît trop difficile à mettre en œuvre, par l’amendement n° 46, nous vous proposons de désigner ces membres par le scrutin proportionnel.

M. PASQUA. - En ce qui concerne le Conseil économique et social, cela sera difficile...

M. SUEUR. -... mais pas impossible si c’est votre seule objection, vous pouvez souscrire à cet amendement ! Toutefois, si ces trois premiers amendements ne vous conviennent pas, par l’amendement n° 47, nous vous suggérons une nouvelle solution : nous portons le nombre des membres à douze, représentant à égalité majorité et opposition de l’Assemblée et du Sénat : le pluralisme sera total.

Nous ne préjugeons pas de l’origine des membres désignés qui peuvent venir du milieu associatif, être des experts,... Nous faisons un nouvel effort avec l’amendement n° 48 rectifié puisqu’avec ce dispositif, deux membres seraient nommés par le Conseil économique et social que nous considérons comme un tout ! Et si cela ne nous convient toujours pas, avec l’amendement n° 49 rectifié nous ajoutons deux maires nommés par l’Association des maires de France - le Sénat est très attaché à l’intervention des collectivités locales dans ce dispositif. Nous proposons enfin trois amendements de repli, au cas où aucun des précédents ne vous séduirait...

En présentant ces neuf amendements, à la fois nous espérons vous avoir démontré qu’il est possible de fonder l’indépendance de la haute autorité par le pluralisme et nous serions déçus si aucune de nos propositions n’était retenue.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 51, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :« , dont le président, ».

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Cet amendement a pour objet de faire désigner le président de la HALDE par le collège et non par le Président de la République. Il s’agit d’ailleurs d’une recommandation de la commission nationale consultative des droits de l’homme.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 25, présenté par Mme Dini et les membres du groupe de l’Union centriste.À la fin du cinquième alinéa de cet article, remplacer les mots :« Premier ministre »,par les mots :« ministre en charge de la politique de lutte contre les discriminations ».

Mme DINI. - La création d’autorité administrative indépendante justifie l’intervention d’experts indépendants et impartiaux. Nous proposons de substituer le ministre en charge de la lutte contre les discriminations au Premier ministre pour la nomination de deux membres du collège de la haute autorité. Outre que la nomination par le Premier ministre est une pratique peu courante, il est préférable de donner cette faculté au ministre qui a une connaissance particulière du sujet et qui est amené à rencontrer les personnes spécialisées en la matière.

M. LECERF, rapporteur. - Avis défavorable à l’amendement n° 30. Il ne fixe pas le nombre des membres du collège qui deviendrait pléthorique : ce serait un forum, plus qu’une haute autorité. Le recours à un comité consultatif nous paraît plus équilibré et plus opérationnel. Avis défavorable aux neuf amendements présentés par M. Sueur. Les différentes autorités qui désignent les membres de la haute autorité devront veiller au pluralisme : notre amendement n° 1 rappellera cette ardente obligation. L’inscription du respect du pluralisme donnera une autorité morale à ce nouvel organisme. De plus, les délais de nomination par les deux Assemblées serait trop longs et cette forme de désignation serait le plus sûr moyen de politiser la haute autorité qui est une autorité administrative et nons pas représentative.

M. SUEUR. - Et les Présidents des Assemblées ne sont pas des hommes politiques ?

M. LECERF, rapporteur. - En ce qui concerne l’amendement n° 51 : avis défavorable, la désignation par le Président de la République ne constitue pas une exception. Voyez la commission nationale de déontologie instituée en 2000 et la commission consultative du secret de la défense nationale, instituée en 1998 : la gauche, à chaque fois, l’a accepté. Avis défavorable à l’amendement n° 25 : la position institutionnelle du Premier ministre le rend plus légitime pour nommer deux membres de la haute autorité, que celle du ministre chargé de la politique de lutte contre les exclusions : prémunissons-nous contre les aléas de l’évolution politique...

Mme OLIN, ministre déléguée. - Avis défavorable à l’amendement n° 30. Le collège est constitué de 11 personnes reconnues en fonction de leur compétence ou de leur parcours. Il est impossible d’y faire représenter les multiples organisations et associations. Le champ de compétence de la haute autorité est vaste : il englobe toute forme de discrimination. Ne tombons pas dans le piège d’une énumération, forcément incomplète. De plus, l’exemple de la Commission nationale consultative des droits de l’homme n’est pas pertinent puisque celle-ci, comme son nom l’indique, n’est que consultative.

L’amendement n° 44 remet en cause le système classique de désignation prévu par l’article et risque, par la même, d’aboutir à ce que certains craignent, à savoir un organisme partisan.

Pour des raisons identiques, je suis défavorable aux amendements nos 45, 46, 47, 48 rectifié, 9 rectifié, 41, 42 et 43.

Il en va de même pour l’amendement n° 51.

Enfin, je souhaite le retrait de l’amendement n° 25 : il est évident que le Premier ministre ne manquera pas de consulter le ministre en charge de la lutte contre les discriminations avant de procéder à ses nominations.

L’amendement n° 25 est retiré.

L’amendement n° 30 n’est pas adopté.

M. SUEUR. - Les explications de M. le rapporteur et de Mme la ministre m’ont un peu déçu. M. Lecerf estime que la nomination des membres de la haute autorité par le Sénat et par l’Assemblée nationale risquerait de la politiser. Ne soyons pas hypocrites ! Le président du Sénat, le Président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre ne sont pas des personnes qui n’ont aucun rapport avec la politique ! Ce sont des élus qui appartiennent - très normalement - à des formations politiques. Certaines nominations aux C.S.A. et même au Conseil constitutionnel sont d’ailleurs interprétées comme étant liées au contexte politique... Certaines personnes qui, durant des décennies, se sont engagées politiquement peuvent difficilement apparaître, après leur nomination, comme des êtres apolitiques.

Nous faisons tous de la politique...

M. LE PRÉSIDENT. -... de la bonne politique !...

M. SUEUR. - Et chacun est persuadé qu’elle est la meilleure.

Faisons donc en sorte d’instaurer un certain pluralisme dans le mode de désignation. Et que cessent ces cris d’orfraies devant cette proposition prétendument novatrice ! Le Sénat n’est-il pas représenté dans des dizaines d’organismes de façon pluraliste ou que nous souhaiterions davantage pluraliste...

J’ai tout à l’heure salué la proposition de notre rapporteur de faire en sorte que le Président de la République, les Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale nomment les membres de la haute autorité dans le respect du pluralisme. Peut-être chacun nommera-t-il un membre de droite et un de gauche... Mais s’ils faisaient ainsi, notre rapporteur s’élèverait contre la politisation de cette instance ! On n’échappe pas à la réalité ! Honorons-nous donc en mettant en place un processus qui respecte le pluralisme, gage de l’indépendance. Tel était notre souhait en présentant ces amendements. Nous regrettons que notre espérance soit déçue.

M. LE PRÉSIDENT. - Je m’honore d’être toujours impartial dans mes nominations.

L’amendement n° 44 n’est pas adopté, non plus que les amendements nos 45, 46, 47, 48 rectifié, 41, 42 et 43.

L’amendement n° 51 n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 1, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Rédiger comme suit le neuvième alinéa de cet article :

Les désignations du Président de la République, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale et du Premier ministre concourent à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et au respect du pluralisme.

M. LECERF, rapporteur. - Nous proposons de revenir sur le dispositif adopté par l’Assemblée nationale pour appliquer le principe de parité entre les hommes et les femmes au sein de la haute autorité. Nos collègues députés ont en effet prévu que le Président de la République, le Premier ministre les Présidents de chaque Assemblée désigneraient chacun deux membres de sexe différent. Cette rédaction risque d’être contraire à l’article 3 de la Constitution, comme l’a relevé M. Clément, président de la commission des Lois et rapporteur de ce projet de loi. On ne peut se satisfaire de l’espoir que le Conseil constitutionnel ne sera pas saisi.

Nous vous proposons donc de retenir une formulation validée par le Conseil constitutionnel s’agissant de la composition des jurys chargés de valider les acquis de l’expérience. L’objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes ainsi validé par le juge constitutionnel pourrait être appliqué aux autorités politiques chargées de désigner chacune deux membres du collège de la HALDE pour les inciter à ce concerter afin de parvenir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Ce principe de concertation serait également appliqué pour assurer, au sein du collège, le respect du pluralisme : si des parlementaires étaient désignés pour en faire partie, ils devraient l’être de façon à assurer l’expression des sensibilités différentes. Il n’est en revanche pas possible de prévoir que des parlementaires de la majorité et de l’opposition seront nommés, car des personnalités apolitiques venant d’ailleurs peuvent aussi être désignées.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Avis favorable.

M. LE PRÉSIDENT. - Cet amendement, monsieur Sueur, vous donne satisfaction ?

M. SUEUR. - En partie : nous sommes sensibles à l’effort de M. le rapporteur et nous voterons son amendement qui prévoit que les membres du collège seront nommés en tenant compte de la parité et du pluralisme. Nous aurions préféré que les deux Assemblées puissent s’exprimer.

L’amendement n° 1 est adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Deux amendements peuvent faire l’objet d’une discussion commune.

Amendement n° 53, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le neuvième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le président de la haute autorité est élu par le collège ainsi constitué, il a voix prépondérante en cas d’égalité des voix.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Amendement de coordination avec notre précédent amendement : le président de la haute autorité doit être nommé par ses pairs et disposer d’une voie prépondérante.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 18, présenté par M. Türk.Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En cas de partage égal des voix, celle du Président de la haute autorité est prépondérante.

M. TÜRK. - Cette mesure peut être d’ordre réglementaire mais il est préférable, pour une autorité administrative indépendante, d’inscrire dans la loi même qu’en cas de partage, la voix du président est prépondérante.

M. LECERF, rapporteur. - Avis défavorable à l’amendement n° 53.

La mesure proposée relève certes du décret mais comme il est traditionnel que dans chaque haute autorité, la voix du président soit prépondérante en cas de partage égal, l’avis est favorable à l’amendement n° 18.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Avis défavorable à l’amendement n° 53. Le gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 18 puisque la disposition prévue est d’ordre réglementaire.

L’amendement n° 53 n’est pas adopté.

L’amendement n° 18 est adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 50, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Supprimer le onzième alinéa de cet article.

M. SUEUR. - Amendement de coordination avec nos neuf amendements précédents, qui n’ont cependant pas eu le succès escompté. Je le retire donc.

L’amendement n° 50 est retiré.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 2, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Dans l’antépénultième alinéa de cet article, remplacer les mots :« décide la création auprès d’elle de tout organisme consultatif »,par les mots :« crée auprès d’elle un comité consultatif ».

M. LECERF, rapporteur. - Amendement de précision. L’Assemblée nationale ayant rendu obligatoire la création d’un organisme consultatif auprès de la haute autorité, il convient de le qualifier adéquatement.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Précision fort utile. Favorable.

L’amendement n° 2 est adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Pelletier, Seillier, de Montesquiou et André Boyer.Rédiger ainsi l’avant-dernier alinéa de cet article :

La haute autorité est dotée de services centraux et régionaux, placés sous l’autorité de son président, pour lesquels elle peut recruter des agents contractuels. Elle dispose d’un réseau de délégués territoriaux.

M. DE MONTESQUIOU. - Pour l’efficacité dans la lutte contre les discriminations, la haute autorité doit bénéficier d’un réseau de délégués territoriaux. La plupart des interlocuteurs de la commission présidée par M. Stasi, y compris au sein des administrations, y est favorable. Les organismes étrangers similaires ont créé des antennes ou des bureaux locaux : c’est le cas en Belgique, au Royaume-Uni ou au Québec.

La création d’un réseau de délégués est indispensable, pour tenir compte des réalités de terrain, rapprocher, selon une logique de proximité, l’autorité des victimes de discriminations, assurer la mise en œuvre de ses actions et de sa politique de communication sur l’ensemble du territoire. Ces délégués favoriseraient une collaboration effective entre les acteurs locaux - notamment associatifs - et la justice. Ils pourraient, en outre, décharger la structure centrale de certaines tâches opérationnelles. La mission Stasi a d’ailleurs prévu d’installer cinq délégations pilotes au cours de la première année - quatre en métropole et une outre-mer - dans la perspective de disposer à terme de 26 délégations.

Il apparaît préférable de faire référence à ce réseau dans la loi.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 54, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Dans l’avant dernier alinéa de cet article, après les mots :« Elle dispose de services »,insérer les mots :« centraux ou départementaux ».

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Parce que l’on peut s’attendre à une forte mobilisation contre les discriminations, il ne serait pas raisonnable de cantonner la haute autorité dans un rôle national. Ces combats ne se gagnent que dans la proximité. Il convient donc de disposer d’un maillage départemental placé sous l’égide d’une autorité publique clairement identifiée au plan régional. La commission Stasi s’est prononcée en faveur de délégués territoriaux, comme il en existe en Belgique et au Royaume-Uni. L’existence d’un réseau permettra de tenir compte des réalités du terrain, de rapprocher la haute autorité des victimes, d’assurer la mise en œuvre d’une politique de communication. Les délégués locaux pourront ainsi collaborer avec les acteurs locaux - associations, syndicats - avec la justice de proximité : comités départementaux d’accès au droit, maisons de la justice et du droit...

M. LECERF, rapporteur. - La rédaction de ces deux amendements, avec l’esprit desquels la commission s’accorde, nous paraît moins adéquate que celle de l’amendement n° 32 du groupe C.R.C., après l’article 3. Nous souhaitons donc leur retrait à son bénéfice.

L’amendement n° 78 rectifié est retiré.

L’amendement n° 54, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 52, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Après l’avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le collège ainsi constitué statue publiquement.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Nos amendements précédents visaient à assurer l’indépendance de la haute autorité, en même temps qu’une meilleure représentativité. Certes, le comité consultatif placé auprès d’elle doit permettre d’associer les représentants syndicaux, les organisations professionnelles et tout acteur engagé dans la lutte contre les discriminations. Mais comme tous ces acteurs ne pourront être représentés, nous souhaitons que son collège statue publiquement, comme le fait le Parlement.

M. LECERF, rapporteur. - S’il importe que le résultat des délibérations soit public, le contenu des discussions et la répartition des votes doivent, pour garantir l’indépendance des délibérations, rester secrets. Je rappelle que la haute autorité n’est pas une juridiction mais un organisme administratif soumis éventuellement au contrôle du Conseil d’État. Défavorable.

L’amendement n° 52, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.

L’article 2, modifié, est adopté.

*

PRÉSIDENCE DE M. JEAN- CLAUDE GAUDIN,VICE- PRÉSIDENT
Article additionnel

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 3, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Aucun membre de la haute autorité ne peut :- participer à une délibération ou procéder à des investigations relatives à un organisme au sein duquel il détient un intérêt, direct ou indirect, exerce des fonctions ou détient un mandat ;- participer à une délibération ou procéder à des investigations relatives à un organisme au sein duquel il a, au cours des trois années précédant la délibération ou les vérifications, détenu un intérêt direct ou indirect, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

II. - Tout membre de la haute autorité doit informer le président des intérêts directs ou indirects qu’il détient ou vient à détenir, des fonctions qu’il exerce ou vient à exercer et de tout mandat qu’il détient ou vient à détenir au sein d’une personne morale. Ces informations, ainsi que celles concernant le président, sont tenues à la disposition des membres de la haute autorité.

Le président de la haute autorité prend les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations résultant du présent article.

M. LECERF, rapporteur. - Pour assurer l’indépendance du collège, il paraît souhaitable d’exclure les membres dont la participation pourrait susciter des conflits d’intérêt, à l’occasion de certaines investigations ou délibérations, en les soumettant aux mêmes obligations que les membres d’autres autorités administratives indépendantes, comme la C.N.I.L. Le décret d’application pourrait prévoir les mêmes obligations pour les agents procédant à des vérifications ou à des médiations.

L’amendement n° 3, accepté par le gouvernement, est adopté, et devient article additionnel.
Article 3

Toute personne qui s’estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État.

La haute autorité peut aussi se saisir d’office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu’elle est identifiée, ait été avertie et qu’elle ne s’y soit pas opposée.

La saisine de la haute autorité n’interrompt ni ne suspend les délais relatifs à la prescription des actions en matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 55, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Toute personne qui s’estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité qui en accuse réception. Elle peut être accompagnée dans sa saisine par une association ou toute personne de son choix.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Vous avez fait le choix de la saisine directe, et nous nous en félicitons. Quelles que soient les modalités que retiendra le décret en Conseil d’État, il nous semble utile de préciser que la haute autorité devra accuser réception, et que les victimes pourront être accompagnées, pour favoriser l’expression de ceux qui par crainte, manque d’assurance ou difficulté à s’exprimer en français pourraient être amenés à renoncer. C’est du reste ce que préconise le comité national consultatif des droits de l’homme.

M. LECERF, rapporteur. - Amendement partiellement satisfait par l’amendement n° 4 de la commission. Retrait ou rejet.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Sans récuser le fond, car il me paraît utile de mentionner le rôle des associations, je considère que l’amendement de la commission est plus satisfaisant. Retrait ou rejet.

L’amendement n° 55 n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 26, présenté par Mme Dini et les membres du groupe de l’Union centriste.Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Un parlementaire peut saisir la haute autorité de tout acte de discrimination dont il a connaissance.

Mme DINI. - Les parlementaires sont souvent les destinataires de plaintes et de témoignages de personnes victimes de discriminations, qui leur demandent d’intervenir. Il paraît donc souhaitable de leur permettre de saisir la haute autorité. Les personnes particulièrement vulnérables ne savent pas toujours quelle procédure suivre, et les parlementaires pourraient ainsi constituer des relais de proximité efficaces.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 56, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Tout parlementaire peut saisir la haute autorité.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Cet amendement vise à permettre à tout parlementaire de saisir la haute autorité, comme c’est le cas pour le médiateur de la République.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. de Montesquiou, Seillier, Pelletier et Thiollière.Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les députés, les sénateurs et les représentants français au Parlement européen peuvent saisir, de leur propre chef et par écrit, la haute autorité de tout cas de discrimination directe ou indirecte dont ils ont connaissance. Dans ce cas, lorsqu’elle est identifiée, la victime est avertie par la haute autorité. Puis, si la victime n’y est pas opposée, la haute autorité entame ses investigations et décide des suites à donner à la procédure.

M. SEILLIER. - Même objet - nous précisons les modalités de la saisine.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. de Montesquiou, Seillier, Pelletier et Thiollière.Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les victimes de discrimination peuvent également saisir la haute autorité par l’intermédiaire d’un député, d’un sénateur ou d’un représentant français au Parlement européen.

M. SEILLIER. - Cet amendement vise à préciser que les victimes peuvent saisir la haute autorité par l’intermédiaire de tout parlementaire. Le consentement a priori de la victime peut ainsi être considéré comme acquis.

M. LECERF, rapporteur. - Favorable à l’amendement n° 80 rectifié, qui va dans le même sens que l’amendement n° 4 de la commission. Les trois autres amendements, satisfaits, pourraient être retirés.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Même avis que la commission.

M. LECERF, rapporteur. - Je demande la priorité pour l’amendement n° 80 rectifié.

Acceptée par le gouvernement, la priorité est de droit.

L’amendement n° 80 rectifié est adopté.

Les amendements nos 26, 56 et 79 rectifié n’ont plus d’objet.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 4, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discrimination, peut saisir la haute autorité conjointement avec toute personne qui s’estime victime de discrimination.

M. LECERF, rapporteur. - Les associations doivent pouvoir saisir la haute autorité conjointement avec les victimes : nombre de celles-ci ne seraient pas à même de le faire seules. Le critère de cinq ans doit garantir le sérieux de ces associations.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 31, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discrimination, peut saisir la haute autorité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Mme MATHON. - Notre amendement a le même objet, je pense donc que vous l’accepterez.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 76, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet et M. Desessard.Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

La haute autorité peut être directement saisie par les associations reconnues d’utilité publique qui luttent contre les discriminations énoncées à l’article 225-1 du Code pénal et par les syndicats.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Les victimes ont souvent peur de représailles ou d’un harcèlement. Elles doivent donc pouvoir être aidées.

M. LECERF, rapporteur. - Après un long débat, la commission a été presque unanime à préférer la saisine conjointe, que ne retient pas l’amendement n° 31. Elle y est donc défavorable, ainsi qu’à la partie du n° 76 qui n’est pas satisfaite par le nôtre.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Favorable à l’amendement n° 4, qui satisfait le n° 31. Vous le retirez, n’est-ce pas, madame Mathon ?

Mme ASSASSI. - Soit.

L’amendement n° 31 est retiré.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Quant à l’amendement n° 76, il est partiellement satisfait par le n° 4 ; pour le reste, il ne nous paraît pas infondé de faire une différence entre les associations - dont ce pourra être la tâche exclusive - et les syndicats - dont, en tout état de cause, ce ne pourra être l’unique préoccupation.

L’amendement n° 4 est adopté.

L’amendement n° 76 n’a plus d’objet.

L’article 3, modifié, est adopté.
Article additionnel

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 32, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Après l’article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La haute autorité dispose, sur l’ensemble du territoire, de délégués qu’elle désigne dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Les délégués apportent aux personnes visées au premier alinéa de l’article 3 les informations et l’assistance nécessaires au traitement des réclamations.

Mme MATHON. - Par souci d’efficacité, il conviendrait que l’autorité administrative dispose de relais locaux sur l’ensemble du territoire, à l’image de ce qui existe pour le médiateur de la République. M. Stasi en affirme lui-même la nécessité et évoque l’installation de 5 délégations pilotes au cours de la première année, dont une outre-mer, en attendant d’en avoir 26.

L’implantation d’une délégation au sein de chaque région éviterait l’encombrement de la haute autorité voire sa paralysie. Ces délégations devraient animer et coordonner le réseau local des acteurs de lutte contre les discriminations, et aussi assister les personnes.

N’est-ce pas à ce prix que la haute autorité atteindra ses objectifs ?

Accepté par la commission et le gouvernement, l’amendement n° 32 est adopté et devient article additionnel.
Article 4

La haute autorité recueille toute information sur les faits portés à sa connaissance.

À cet effet, elle peut demander des explications à toute personne privée mise en cause devant elle. Elle peut aussi demander communication d’informations et de documents quel qu’en soit le support et entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 57, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Dans la première phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :« personne privée »,par les mots :« personnes physique ou morale ».

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Les discriminations émanent souvent d’entreprises ou de services publics lors de l’accès à l’emploi ou au logement.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Dans la première phrase du second alinéa de cet article, remplacer le mot :« privée »,par les mots :« physique ou à toute personne morale de droit privé ».

M. LECERF, rapporteur. - Notre amendement de précision va dans le même sens. Nous voulons éviter d’éventuels obstacles hiérarchiques.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Le gouvernement préfère la rédaction de l’amendement n° 5 rectifié.

L’amendement n° 57 n’est pas adopté.

L’amendement n° 5 rectifié est adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 6, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois. Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les personnes auxquelles la haute autorité demande des explications en application de l’alinéa précédent peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l’audition est dressé et remis à la personne entendue.

M. LECERF, rapporteur. - Nous voulons mieux assurer le respect des droits de la défense pour les personnes à qui la haute autorité demanderait des explications.

Accepté par le gouvernement, l’amendement n° 6 est adopté.

L’article 4, modifié, est adopté.
Article additionnel

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 77, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet et M. Desessard.Après l’article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Devant les juridictions civiles et administratives ainsi que devant les autres instances compétentes, lorsqu’une personne lésée par le non-respect de son principe d’égalité de traitement établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Nous voulons aménager la charge de la preuve conformément à la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.

M. LECERF, rapporteur. - Retrait : cette demande est satisfaite par l’article 17 tel qu’il sera modifié par un amendement de la commission.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Défavorable à cet amendement qui s’insère mal dans la trame du texte et qui traite d’un sujet qui est réglé ailleurs.

M. COLLOMBAT. - Il est extrêmement délicat de modifier les règles en matière de charge de la preuve. On touche à un des fondements du système libéral.

M. LE PRÉSIDENT. - Libéral ? Vous vous insurgez contre ce mot, d’habitude ? (Sourires.)

M. COLLOMBAT. - Libéral au sens classique, autrement dit libre. Je ne voterai pas cet amendement.

M. BADINTER. - Les principes sont les principes. Je rejoins M. Collombat : la charge de la preuve fondamental incombe au demandeur, l’inverser ne se justifie pas. Je ne voterai pas l’amendement.

L’amendement n° 77 n’est pas adopté.
Article 5

Les autorités publiques et les organismes chargés d’une mission de service public sont tenus d’autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre à toute demande de la haute autorité. Ces agents sont tenus de déférer à cette demande.

La haute autorité peut, pour ce qui relève de sa compétence, demander aux autorités publiques de faire procéder à toute vérification ou enquête par les organismes ou corps de contrôle placés sous leur autorité. En ce cas, ces autorités sont tenues d’y donner suite.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 7, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Remplacer le second alinéa de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

Les agents mis en cause devant la haute autorité et entendus par elle en application du premier alinéa peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l’audition est dressé et remis à la personne entendue.

Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche de la haute autorité. Elles communiquent à celle-ci, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission telle qu’elle est définie à l’article premier.

La haute autorité peut demander dans les mêmes conditions aux ministres compétents de saisir les corps de contrôle en vue de faire des études, des vérifications ou des enquêtes relevant de leurs attributions. Les ministres informent la haute autorité des suites données à ces demandes.

M. LECERF, rapporteur. - Cet amendement est clair. Les agents publics doivent bénéficier des mêmes garanties procédurales que les personnes privées. En outre, nous précisons les modalités du concours des autorités publiques aux investigations de la haute autorité.

Accepté par le gouvernement, l’amendement n° 7 est adopté, ainsi que l’article 5, modifié.
Article 6

La haute autorité peut procéder ou faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation.

Lorsqu’il est procédé à cette médiation, les constatations et les déclarations recueillies au cours de celle-ci ne peuvent être ni produites ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives, sans l’accord des personnes intéressées.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 58 rectifié, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

La haute autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier. Elle aide la victime à identifier les procédures adaptées à son cas.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Les directives communautaires disposent que les organismes de lutte contre les discriminations doivent « apporter une aide indépendante aux victimes pour engager une procédure pour discrimination ». En effet, les victimes ont de grandes difficultés à constituer un dossier et à apporter la preuve de la discrimination. Comme le préconisait M. Stasi, nous souhaitons que les services de l’autorité aident les plaignants à constituer leur dossier et à identifier les procédures adaptées à leur cas médiation, recours pénal, civil ou administratif. Le service en charge des réclamations doit leur offrir une expertise juridique et technique.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 33, présenté par Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La haute autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier et le rassemblement des éléments permettant le règlement du litige. Elle aide la victime à identifier les procédures adaptées à son cas : recours devant une juridiction ou médiation.

Mme BORVO. - Nous renforçons les missions de la haute autorité dans le sens de l’assistance aux victimes pour la constitution de leur dossier. La preuve est en effet souvent difficile à apporter par les victimes elles- mêmes.

M. LECERF, rapporteur. - La commission était sensible à l’esprit de ces deux amendements. En rectifiant son amendement n° 58, Mme Boumediene-Thiery y a apporté davantage de cohésion formelle. Nous y sommes donc favorables et souhaitons le retrait du n° 33 qui est satisfait.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Même avis.

L’amendement n° 33 est retiré.

L’amendement n° 58 rectifié est adopté.

L’article 6, modifié, est adopté.
Article 7

La haute autorité peut, après avis adressé aux personnes intéressées et avec leur accord, procéder à des vérifications sur place, dans les locaux administratifs, ainsi que dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels, à condition que ces derniers soient exclusivement consacrés à cet usage.

Lors de ses vérifications sur place, elle peut entendre toute personne susceptible de fournir des informations.

Les agents de la haute autorité qui sont autorisés à procéder à des vérifications sur place en application du présent article reçoivent une habilitation spécifique donnée par le procureur général près la cour d’appel du domicile de l’agent dans des conditions et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 8, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Dans le premier alinéa de cet article, avant le mot :« procéder »,insérer les mots :« charger un ou plusieurs de ses membres ou de ses agents de ».

M. LECERF, rapporteur. - Nous permettons à la haute autorité de charger un ou plusieurs de ses membres ou agents de procéder à des vérifications sur place. Ses membres jouiraient ainsi des mêmes prérogatives que ceux de la C.N.I.L. et pourraient procéder à ces vérifications sans avoir à obtenir une habilitation, à la différence des agents qui les accompagneraient.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Avis favorable à cette possibilité de vérification conjointe sur place.

L’amendement n° 8 est adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Türk.Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

En cas d’opposition du responsable des lieux, le président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d’une demande motivée afin qu’il autorise les vérifications sur place.

M. TÜRK. - Actuellement, l’accord des personnes intéressées est nécessaire. Il faut permettre à la haute autorité de passer outre à une opposition, condition sine qua non de l’efficacité de sa mission.

M. LECERF, rapporteur. - Avis favorable à ce renforcement des pouvoirs d’investigation de la haute autorité.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Je souhaite le retrait. Cet article 7 prévoit que les vérifications ont lieu avec l’accord des personnes intéressées. Il n’est donc pas cohérent de prévoir l’intervention du juge des référés.

M. TÜRK. - En l’absence d’accord, la procédure sera close ! Dès lors, comment ne pas faire appel au juge des référés ! Le contrôle ne doit pas connaître d’entrave. J’avais même pensé rétablir par amendement le délit d’entrave...

Mme OLIN, ministre déléguée. - Après l’avoir longuement examiné, la commission a donné un avis favorable à cet amendement.

L’amendement n° 20 rectifié est adopté.

L’article 7, modifié, est adopté.
Article 8

Lorsque ses demandes ne sont pas suivies d’effet, la haute autorité peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu’elle fixe.

En cas de refus, le président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d’une demande motivée aux fins d’ordonner toute mesure d’instruction que ce dernier juge utile.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Türk.Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :« ses demandes »,insérer les mots :« formulées en vertu des articles 4 et 5 ».

M. TÜRK. - La rédaction est ambiguë et il convient de préciser le cadre juridique dans lequel il peut être procédé à une mise en demeure en faisant expressément référence aux articles 4 et 5 de la présente loi.

M. LECERF, rapporteur. - Avis favorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Il n’est pas souhaitable de limiter la portée de l’article 8. Et il ne s’agira pas du même juge des référés aux articles 4 et 5. Il y a donc là une ambiguïté qui recouvre deux possibilités. Il n’est pas souhaitable de nous priver de l’une d’entre elles. Avis défavorable.

M. LECERF, rapporteur. - M. Türk a modifié son amendement en ajoutant l’article 5 à l’article 4.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Alors, avis favorable.

L’amendement n° 21 rectifié, est adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 59, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :« peut mettre »,par le mot :« met ».

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :« peut saisir »,par le mot :« saisit ».

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Nous faisons obligation à la haute autorité de mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre et, en cas de refus de ces personnes, de saisir le juge des référés. La mission Stasi préconisait des mesures plus coercitives encore. Si nous voulons que cette haute autorité soit efficace, il faut lui en donner les moyens, et dépasser le stade des bonnes intentions.

M. LECERF, rapporteur. - Avis défavorable. La majorité de la commission a jugé qu’il fallait laisser une marge d’appréciation à la haute autorité.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Avis défavorable à cet amendement inutile.

L’amendement n° 59 n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 22, présenté par M. Türk.Au début du second alinéa de cet article, remplacer les mots :« En cas de refus »,par les mots :« Lorsque la mise en demeure n’est pas suivie d’effet. »

M. TÜRK. - Il convient de préciser la condition préalable à la saisie du juge des référés.

L’amendement n° 22, accepté par la commission et par le gouvernement, est adopté.

L’article 8, modifié, est adopté.
Article 9

Les personnes astreintes au secret professionnel ne peuvent être poursuivies en application des dispositions de l’article 226-3 du Code pénal pour les informations à caractère secret qu’elles auront pu révéler à la haute autorité, dès lors que ces informations entrent dans le champ de compétence de la haute autorité tel que prévu à l’article premier de la présente loi.

Les membres et les agents de la haute autorité ainsi que les personnalités qualifiées auxquelles il est fait appel sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l’établissement des avis, des recommandations et des rapports.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. de Richemont, Cambon, Béteille, Gélard, Guené, Mme Michaux-Chevry et M. Peyrat.Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :« haute autorité »,insérer les mots :« , à l’exception de celles visées à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ».

M. CAMBON. - Les personnes astreintes au secret professionnel pourront ne pas être poursuivies pour violation de ce secret, dès lors que les informations livrées à la haute autorité entrent dans son champ de compétence tel que prévu à l’article premier.

L’article 226-13 punit ce délit d’un an d’emprisonnement et de quinze mille euros.

Nous nous interrogeons sur l’ampleur de cette fenêtre ouverte. L’article 226-14 du Code pénal limite très étroitement les cas où le secret professionnel est levé, s’il s’agit de sévices et d’atteintes sexuelles.

Ici, il y a disproportion manifeste. Le secret professionnel est d’ordre public, il est général, absolu, illimité. L’avocat doit être le confident, en toute quiétude, aucune autorité ne doit pouvoir interférer. Le secret couvre les correspondances entre l’avocat et le client, les courriers entre confrères, ainsi que les notes d’entretien : tout cela doit rester secret !

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement identique n° 60 rectifié, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. BADINTER. - Le secret professionnel des avocats n’est pas fait pour leur confort, il est nécessaire à l’État de droit même. On ne doit pouvoir y déroger que dans des cas exceptionnels, ou bien on met en cause les droits des justiciables.

M. LECERF, rapporteur. - Dans la conciliation entre le respect du secret professionnel et la manifestation de la vérité, cet amendement est équilibré : avis favorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Même avis.

M. COINTAT. - Je m’inquiète au-delà du cas des avocats. À lever le secret professionnel, ne risque-t-on pas des fuites, par exemple en matière de secret défense ou contre le terrorisme ? Plus il y a de personnes dans le secret, plus grand est le risque qu’il soit divulgué ! Madame la Ministre, apaisez-nous !

Mme OLIN, ministre déléguée. - Voici. Je suis d’accord avec vous : le secret s’impose !

Les amendements identiques nos 28 rectifié et 60 rectifié sont adoptés à l’unanimité.

L’article 9, modifié, est adopté.
Article 10

La haute autorité peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement.

Les autorités ou personnes intéressées sont tenues, dans un délai fixé par la haute autorité, de rendre compte à celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. La haute autorité peut rendre ses recommandations publiques dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 61, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :« peut »,par le mot :« doit ».

II. - Dans la seconde phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :« peut rendre »,par le mot :« rend ».

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Nous souhaitons que les recommandations de la haute autorité soient rendues publiques : c’est par la médiatisation que les mentalités évolueront.

L’amendement n° 61, repoussé par la commission et par le gouvernement, n’est pas adopté.

*

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER,VICE- PRÉSIDENT

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 9, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En l’absence de compte rendu des personnes intéressées ou si elle estime, au vu du compte rendu qui lui est communiqué, que sa recommandation n’a pas été suivie d’effet, la haute autorité peut établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel de la République française.

M. LECERF, rapporteur. - Nous proposons de publier au Journal officiel les recommandations non suivies d’effet : cela satisfait partiellement l’amendement précédent.

L’amendement n° 9, accepté par le gouvernement, est adopté.

L’article n° 10, modifié, est adopté.
Article 11

Lorsqu’il apparaît à la haute autorité que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d’un crime ou d’un délit, elle en informe le procureur de la République. Elle lui fait savoir, le cas échéant, qu’une mission de médiation est en cours ou a déjà eu lieu en application des dispositions de l’article 6.

Le procureur de la République informe la haute autorité des suites données à ses transmissions.

Si la haute autorité est saisie de faits donnant lieu à enquête pénale ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, elle doit recueillir l’accord préalable des juridictions pénales saisies ou du procureur de la République pour la mise en œuvre des dispositions des articles 4 à 8.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 10, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Dans la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :« est en cours ou a déjà eu lieu »,par les mots :« a été initiée ».

M. LECERF, rapporteur. - Nous proposons que l’information du procureur de la République, intervienne dès que la mission de médiation a été engagée, ce qui permettra à celui-ci d’exercer ses compétences dans ce domaine, réglées par l’article 41-1 du Code de procédure pénale. Cet article dispose en effet que le procureur peut demander une médiation « s’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits ».

L’amendement n° 10, accepté par le gouvernement, est adopté.

L’article 11, modifié, est adopté.
Article 12

Les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, lorsqu’elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d’office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations. Dans les mêmes conditions, les juridictions pénales peuvent, à la demande de la haute autorité, l’inviter à présenter des observations, y compris à les développer oralement au cours de l’audience.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 62, présenté par Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Rédiger comme suit la seconde phrase de cet article :

La haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions qui ne peuvent lui opposer un refus.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Nous proposons que la haute autorité puisse être entendue, à sa demande, devant les juridictions civiles, pénales et administratives, sans qu’un refus puisse lui être opposé.

M. LECERF, rapporteur. - La faculté pour la haute autorité d’être entendue par le juge est le corollaire de son pouvoir d’enquête, et cette faculté est déjà reconnue aux inspecteurs du travail comme aux agents de l’administration de la concurrence et de la répression des fraudes. Cependant, on ne saurait l’imposer au tribunal civil, devant lequel ce sont les parties qui mènent l’instance.

Devant le juge administratif, il faut s’associer au défendeur ou au demandeur pour être entendu. Avis défavorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Même avis.

L’amendement n° 62 n’est pas adopté.

L’article 12 est adopté.
Article 13

La haute autorité peut porter à la connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. La personne mise en cause en est tenue informée. La haute autorité est informée des suites données à ses transmissions.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 11, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :« peut porter »,par le mot :« porte ».

M. LECERF, rapporteur. - Nous proposons de rendre automatique l’information de l’autorité disciplinaire, à charge pour elle de poursuivre ou non.

L’amendement n° 11, accepté par le gouvernement, est adopté.

L’article 13, modifié, est adopté.
Article 14

La haute autorité mène des actions de communication et d’information propres à assurer la promotion de l’égalité. Elle favorise la mise en œuvre de programmes de formation.

Elle conduit et coordonne des travaux d’études et de recherches relevant de sa compétence et suscite et soutient les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne l’élaboration et l’adoption d’engagements visant à la promotion de l’égalité.

Elle identifie et reconnaît toute bonne pratique en matière d’égalité des chances et de traitement.

Elle peut recommander toute modification législative ou réglementaire et être consultée par le gouvernement sur tout texte ou toute question relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l’égalité.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 63, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Compléter la première phrase du premier alinéa de cet article par les mots :« des chances ».

Mme KHIARI. - Pour que l’égalité ne soit pas qu’un slogan, nous précisons que la haute autorité promeut l’égalité des chances. Les discriminations sont une mort sociale qu’il faut combattre par une politique de rééquilibrage républicain qui fait cruellement défaut.

M. LECERF, rapporteur. - Ce serait restreindre son champ d’intervention : le principe d’égalité devant la loi est plus large. Avis défavorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Défavorable, l’amendement est inutile. La notion d’égalité n’a pas besoin d’être qualifiée pour produire du sens.

Et pourquoi charger cette belle notion, figurant au fronton de nos édifices, d’un appendice qui la limite ?

L’amendement n° 63 n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Dini et les membres du groupe de l’Union centriste.Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les commissions pour la promotion de l’égalité des chances et la citoyenneté veillent à appliquer les instructions de la haute autorité et mettent en œuvre ses actions de communication et d’information.

Mme DINI. - Nombreux sont les organismes et instances dont la mission est de lutter contre les discriminations : C.N.C.D.H., H.C.I., G.E.L.D., observatoire de la parité, D.G.E.F.P., S.D.F.E., D.I.P.H., F.A.S.I.L.D.

L’efficacité de notre politique passe par la coopération entre ces structures. Nous lui donnons ici une base législative.

Une circulaire de février 2004 étend les champs d’intervention des Codac à toute forme de discrimination, définit de nouvelles priorités et une méthode d’action en matière d’égalité des chances et de lutte contre le racisme. Désormais, ces instances se dénommeront « Commissions pour la promotion de l’égalité des chances et la citoyenneté » (Copec).

La circulaire donne une seconde chance à ces institutions au bilan contrasté et relance la politique de lutte contre les discriminations.

Or les missions et les actions de la haute autorité et des Copec sont parfaitement complémentaires. Il serait regrettable de ne pas prévoir dans le cadre de ce projet de loi un lien évident entre ces deux autorités. Cet amendement vise donc à clarifier la place et le rôle des commissions aux côtés de la haute autorité.

Faisons des premières les véritables relais locaux de la seconde, afin d’intervenir au plus près des citoyens.

M. LECERF, rapporteur. - Défavorable : les Copec seront chargées de définir des actions sous l’autorité du préfet. L’autorité administrative indépendante ne saurait leur adresser des instructions.

L’amendement n° 27 rectifié, repoussé par le gouvernement, est retiré.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 64, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.I. - Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :« relevant de sa compétence ».

II. - Compléter le deuxième alinéa de cet article par les mots :« des chances ».

Mme KHIARI. - Notre rédaction inclut toutes les discriminations, « légales » ou émergentes.

Songez que six millions de postes, dans la fonction publique ou au sein d’entreprises ayant reçu une délégation de service public, sont fermés aux étrangers, au nom de la sûreté de l’État. Soit, mais les géomètres ou les sages-femmes, eux, ne se mêlent pas de défense nationale !

Dans le même temps, des administrations emploient des contractuels moins payés que les autres - on connaît le scandale des médecins étrangers hospitaliers, qui exercent dans des conditions difficiles et pour un salaire moindre.

Je crains que la haute autorité ne puisse formuler des recommandations s’agissant de discriminations qui pour être légales, n’en sont pas moins intolérables.

M. LECERF, rapporteur. - J’approuve vos propos mais n’en comprends pas le lien avec le contenu précis de notre amendement - auquel nous préférons nous rédaction, plus large.

L’amendement n° 64, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 34, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Ces organismes publics ou privés, dans le cadre des études, recherches ou initiatives qu’ils seront amenés à effectuer, devront éditer des statistiques sexuées, quel que soit leur domaine d’intervention.

Mme MATHON. - Des statistiques sexuées seraient un outil efficace pour lutter contre les inégalités entre hommes et femmes. Je m’étonne qu’un projet de loi qui traite de la promotion de l’égalité oublie de forger les instruments nécessaires au combat !

Pour être pertinentes, les études devraient distinguer le sexe des victimes. Mieux repérer les inégalités entre les hommes et les femmes, c’est mieux lutter contre elles.

Le ministère de l’Intérieur n’édite pas de statistiques sexuées concernant les violences spécifiques faites aux femmes. Elles passeraient totalement inaperçues parmi l’ensemble des crimes et délits si les associations ne se chargeaient d’alerter les pouvoirs publics et l’opinion !

La haute autorité doit mener une action déterminante afin de mieux détecter les inégalités entre hommes et femmes. Les seules statistiques sexuées concernent les écarts de salaires.

M. LECERF, rapporteur. - Il convient de préserver l’autonomie de la haute autorité, laquelle coordonne les travaux d’étude et de recherche.

Et c’est en matière de statistiques sexuées que les plus importants progrès ont été accomplis.

Mme OLIN, ministre déléguée. - J’ai répondu ce matin : la haute autorité conduit et coordonne tous les travaux de recherche de sa compétence, mais il serait souhaitable qu’elle prenne l’attache de la C.N.I.L., des organismes publics de statistique et d’experts nationaux et internationaux, afin de mener une réflexion commune sur l’invisibilité statistique des discriminations.

Mme MATHON. - Voilà qui nous satisfait.

L’amendement n° 34 est retiré.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 65, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Dans l’avant-dernier alinéa de cet article, remplacer le mot :« reconnaît »,par le mot :« promeut ».

Mme KHIARI. - La haute autorité ne peut se contenter d’identifier et de reconnaître les bonnes pratiques. Elle doit également les promouvoir.

Quelle forme prendrait cette promotion ? À partir de critères définis en partenariat avec les syndicats et les associations, l’autorité pourrait délivrer labels et agréments aux entreprises qui se sont engagés dans la lutte contre les discriminations.

M. LECERF, rapporteur. - Favorable à cette sorte de labellisation.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Sagesse.

L’amendement n° 65 est adopté à l’unanimité.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 66, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Après l’avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Elle invite les chefs d’établissement publics ou privé, qui ont connaissance de discriminations au sein de ces établissements, à s’en saisir afin d’y mettre un terme.

Mme KHIARI. - M. Assouline souhaite affiner ainsi la lutte contre les discriminations à l’école.

M. LECERF, rapporteur. - Précision inutile ! J’y suis défavorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Cette disposition n’est pas de même nature que celles de l’ensemble de l’article et elle ne concerne pas la haute autorité. De quels établissements exactement s’agit-il ? L’amendement n’a sa place ni dans la discussion de cet article, ni dans celle du projet de loi. Défavorable.

L’amendement n° 66 n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Trois amendements sont en discussion commune.

Amendement n° 12, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Elle peut recommander toute modification législative ou réglementaire. Elle est consultée par le gouvernement sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l’égalité. Elle peut également être consultée par le Gouvernement sur toute question relative à ces domaines.

M. LECERF, rapporteur. - Il s’agit de rendre obligatoire la consultation de la haute autorité par le gouvernement lorsqu’une modification de la législation est envisagée. Afin d’alléger, nous laissons en revanche au gouvernement le soin d’apprécier si un texte réglementaire ou une question relative au fonctionnement des administrations doivent être soumis ou non à l’autorité.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 35, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Elle recommande toute modification législative ou réglementaire et est consultée par le gouvernement sur tout texte ou toute question relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l’égalité.

Mme MATHON. - Les auteurs de cet amendement souhaitent renforcer le rôle de la haute autorité en rendant notamment obligatoire la consultation de celle-ci par le gouvernement sur toutes les questions et tous les projets de loi gouvernementaux relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l’égalité.

Cela n’a de sens, cependant, que si la haute autorité dispose d’une légitimité suffisante - ce qui exige une composition pluraliste, l’indépendance, l’impartialité, une action efficace et des moyens : c’est le sens dans lequel vont tous nos amendements.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 67, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Dans le dernier alinéa de cet article, après les mots :« ou réglementaire »,insérer les mots :« et en particulier par le recours à l’anonymat des curriculum vitae avant le premier entretien en vue d’embauche ».

Mme KHIARI. - J’ai quelque espoir, puisque M. Bébéar préconise, dans le rapport remis aujourd’hui, la même mesure que cet amendement.

L’anonymat des C.V. permettrait aux « minorités visibles », aux habitants des quartiers défavorisés, d’avoir les mêmes chances d’être convoqués au premier entretien d’embauche que les autres.

Il s’agit donc d’une étape indispensable pour enrayer les phénomènes du plafond de verre que raconte avec talent le dernier documentaire de Yamina Benguigui, que je vous encourage à regarder.

M. LECERF, rapporteur. - L’amendement n° 35 est partiellement satisfait, mais incompatible avec celui de la commission. J’en souhaite donc le retrait.

Concernant l’amendement n° 67, l’anonymat des curriculum vitae est une question de grande actualité qui donne lieu à des rencontres un peu surprenantes ! Cette question pourra être étudiée par la haute autorité, mais elle n’est pas pertinente pour l’instant. Avis défavorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Avis favorable sur l’amendement n° 12 et même avis que la commission sur les deux autres amendements.

L’amendement n° 12 est adopté.

Les amendements nos 35 et 67 deviennent sans objet.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 13, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Elle contribue, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Elle peut participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes en ce domaine.

M. LECERF, rapporteur. - Il s’agit d’autoriser la haute autorité à participer, à la demande du Premier ministre, à la préparation de la position française dans les négociations internationales relatives à la lutte contre les discriminations.

Elle pourrait également participer, toujours à la demande du Premier ministre, à la représentation française auprès des organisations internationales et communautaires. Cette disposition s’inspire de ce qui existe déjà pour la C.N.I.L.

L’amendement n° 13, accepté par le gouvernement, est adopté.

L’article 14, modifié, est adopté.
Articles additionnels

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 68, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises de plus de cinquante salariés doivent insérer dans leur bilan social un chapitre relatif à leur politique en matière de lutte contre les discriminations.

Mme KHIARI. - Les entreprises de plus de 50 salariés se sont emparées du thème du développement durable et la plupart d’entre elles lui accordent une place prépondérante dans leur communication d’entreprise. La promotion de la diversité dans l’entreprise doit bénéficier de la même publicité.

Puisque les statistiques en fonction de l’origine et de la religion ne sont pas autorisées, les entreprises devraient publier, à l’occasion de leur bilan social, un certain nombre d’indications sur leurs cadres dirigeants pour montrer à leurs salariés comment elles luttent contre les discriminations.

M. LECERF, rapporteur. - La haute autorité pourra définir en la matière les bonnes pratiques, comme la charte de la diversité de l’Institut Montaigne.

L’amendement n°68, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 74, présenté par Mme Boumediene-Thiery.

Après l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La haute autorité formule des recommandations afin que les salariés licenciés d’une entreprise susceptible de les avoir contaminés ou d’avoir altéré leur santé, soient protégés contre toute discrimination à une nouvelle embauche.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - La haute autorité doit formuler des recommandations pour que les salariés licenciés ayant été contaminés ou connaissant de graves problèmes de santé soient protégés de toute discrimination à l’embauche.

Des sites aujourd’hui fermés se sont rendus célèbres par la brutalité des licenciements, amplifiée par la révélation de l’état de santé des salariés dû à leur exposition à l’amiante ou au plomb. Ces personnes sont souvent tenues à l’écart d’un nouvel emploi, car leurs employeurs éventuels ne veulent pas subir les conséquences de leur état de santé. Or, seul le médecin du travail est compétent pour définir l’aptitude à un emploi.

M. LECERF, rapporteur. - Le Code du travail et le Code pénal sanctionnent de telles discriminations. La haute autorité pourra bien sûr se saisir de ces cas, mais il n’est pas souhaitable de le prévoir dès maintenant dans ce texte.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Cette question est importante, mais elle n’a pas sa place ici : avis défavorable.

L’amendement n° 74 n’est pas adopté.
Article 15

La haute autorité remet chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport rendant compte de l’exécution de ses missions. Ce rapport est rendu public.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 23, présenté par M. Türk.Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :« et au Parlement »,par les mots :« , au Parlement et au Premier ministre ».

M. TÜRK. - Le Premier ministre doit être destinataire du rapport annuel de la haute autorité.

Nous avions oublié de le mentionner lors de la création de la C.N.I.L. en 1978 et, pendant 25 ans, le Premier ministre n’a pas été destinataire officiel de son rapport. Ce n’est qu’en mai dernier que nous avons enfin modifié les choses. Il faut éviter à la haute autorité ces 25 ans d’oubli ! (Sourires.)

M. LECERF, rapporteur. - Le médiateur de la République et le défenseur des enfants ne remettent pas leur rapport au Premier ministre. Mais comme ce dernier nommera deux membres de la haute autorité, il semble pertinent qu’il soit destinataire du rapport.

L’amendement n° 23, accepté par le gouvernement, est adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 69, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Compléter la première phrase de cet article par les mots :« et énumère les discriminations, portées à sa connaissance. ».

Mme KHIARI. - La HALDE doit faire état, dans son rapport annuel, de toutes les discriminations portées à sa connaissance, car nous en ignorons certaines que l’on peut qualifier d’émergentes.

M. LECERF, rapporteur. - Il faut laisser à l’autorité administrative indépendante le soin de décider du contenu de son rapport. Avis défavorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Cet amendement n’apporte rien au texte : avis défavorable.

L’amendement n° 69 n’est pas adopté.

L’article 15, modifié, est adopté.
Article 16

Les crédits nécessaires à la haute autorité pour l’accomplissement de sa mission sont inscrits au budget du ministère chargé des affaires sociales. Son président est ordonnateur des recettes et des dépenses.

Les comptes de la haute autorité sont présentés au contrôle de la Cour des comptes.

Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 24, présenté par M. Türk.Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

La haute autorité est soumise au contrôle de la Cour des comptes.

M. TÜRK. - Cet article dans sa rédaction actuelle implique que la haute autorité transmette de façon systématique et automatique tous ses comptes à la Cour des comptes, ce qui est curieux pour une instance administrative indépendante. Je vous propose donc de lui appliquer un régime de contrôle plus classique.

M. LECERF, rapporteur. - Avis favorable.

Mme OLIN, ministre déléguée. - J’y suis, hélas, opposée, car une telle disposition affaiblirait la portée du contrôle de la Cour des comptes et rien ne le justifie.

L’amendement n° 24 est adopté.

L’article 16, modifié, est adopté.
Article 16 bis (nouveau)

Les personnels employés par le groupement d’intérêt public « Groupe d’étude et de lutte contre les discriminations » peuvent, à leur demande, bénéficier d’un contrat de droit public conclu avec la haute autorité.

Les dispositions des articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-10 du Code du travail ne sont pas applicables aux personnels recrutés dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 36, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Rédiger comme suit l’article :

Tous les contrats des personnels employés par le groupement d’intérêt public « groupe d’étude et de lutte contre les discriminations » subsistent auprès de la haute autorité.

Mme ASSASSI. - Cet article a trait à la situation des agents du G.I.P.-G.E.L.D. Oubliés dans la version initiale, ces personnels ont eu droit à une session de rattrapage à l’Assemblée nationale.

Mais cet article n’évoque que la possibilité de bénéficier d’un contrat de droit public conclu avec la haute autorité et ne prévoit ni intégration ni transfert du personnel vers cette dernière. On passe d’un système qui aurait dû être automatique à une procédure de demande. Or, qui dit demande, dit réponse, et certaines réponses peuvent être négatives. Dans le cas où la demande serait refusée par la haute autorité, quel serait le sort des agents ?

En outre, l’agent qui voudra bénéficier d’un contrat de droit public avec la haute autorité sera-t-il titulaire d’un nouveau contrat avec nouvelle période d’essai, nouveau salaire, nouvelle ancienneté ? Il ne devrait pas y avoir, selon nous, interruption des contrats de travail des personnels du G.I.P.-G.E.L.D, en application de l’article L. 122-12 du Code du travail.

Nous proposons une rédaction plus claire et moins ambiguë de cet article.

Le deuxième alinéa de cet article risque de créer deux catégories d’agents : ceux provenant de l’ancien G.I.P.-G.E.L.D. et ceux qui seront embauchés directement par la future haute autorité.

M. LECERF, rapporteur. - La commission est défavorable à cet amendement mais elle pense que le gouvernement peut apporter des précisions utiles pour lever les inquiétudes.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Vous avez eu raison, madame la Sénatrice, de soulever cette question. Je puis vous assurer que les salariés du G.I.P.-G.E.L.D. seront repris par la haute autorité sur la base du volontariat. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

L’amendement n° 36 n’est pas adopté.

L’article 16 bis est adopté.
Titre II
Mise en œuvre du principede l’égalité de traitemententre les personnessans distinction d’origine ethniqueet portant transpositionde la directive n° 2000/43/C.E.du 29 juin 2000

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 14, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Dans l’intitulé du titre II, supprimer les mots :« sans distinction d’origine ethnique ».

M. LECERF, rapporteur. - Amendement de conséquence : il faut modifier l’intitulé de ce titre pour tenir compte de notre amendement n° 15 que nous allons examiner.

L’amendement n° 14, accepté par le gouvernement, est adopté et le titre est ainsi rédigé.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 37, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Avant l’article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, le sexisme, l’homophobie et, de manière générale, sur toutes les formes de discriminations, est dispensé dès l’école primaire par l’éducation nationale.

II. - En second cycle, cet enseignement devient un module obligatoire dans le cadre des cours d’éducation civique.

Mme ASSASSI. - C’est l’éducation nationale, acteur primordial de la lutte contre les discriminations, et non la haute autorité seule, qui devrait assurer des actions d’information et de sensibilisation sur les discriminations. Certains collèges sont certes déjà engagés dans ce type d’action, mais nous proposons d’en faire un enseignement systématique, pour répondre à toutes les questions que se posent les enfants.

M. LECERF, rapporteur. - S’il convient de laisser la haute autorité conduire des actions en partenariat, la mise en place d’un enseignement spécifique nécessiterait davantage de préparation. Défavorable.

L’amendement n° 37, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.
Article 17

En matière de protection sociale, de santé, d’avantages sociaux, d’éducation, d’accès aux biens et services, de fournitures de biens et services, d’affiliation et d’engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d’avantages procurés par elle, ainsi que d’accès à l’emploi, d’emploi et de travail indépendants ou non salariés, chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou sa non- appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race.

Toute personne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte en ces domaines établit devant la juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le précédent alinéa ne s’applique pas devant les juridictions pénales.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 71 rectifié, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Après les mots :« traitement égal, »,rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :« quelle que soit son origine, son sexe, sa situation de famille, son apparence physique, son patronyme, son état de santé, son handicap, ses caractéristiques génétiques, ses mœurs, son orientation sexuelle, son âge, ses opinions politiques, son activité syndicale, son appartenance ou sa non appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Mme KHIARI. - L’article 17 doit étendre le principe général de l’égalité de traitement à tous les domaines couverts par la directive. Or, la liste n’en est pas exhaustive. Notre amendement tend donc à reprendre la définition donnée par l’actuel article 225-1 du Code pénal.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Après les mots :« droit à un traitement égal, »,rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :« quels que soient son origine, son sexe, ses mœurs, son orientation sexuelle, son âge, sa situation de famille, son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses convictions religieuses, son apparence physique, son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du Code du travail, son état de santé ou son handicap ».

M. LECERF, rapporteur. - Cet amendement vise à étendre à toutes les discriminations, au-delà du seul critère racial ou ethnique, le droit à l’égalité de traitement dans les domaines couverts par la directive du 29 juin 2000. L’aménagement de la charge de la preuve devant les juridictions civiles et administratives serait ainsi valable pour toutes les discriminations. La loi du 16 novembre 2001 prévoit un aménagement de la charge de la preuve pour toutes les victimes de discrimination en matière de recrutement, de rémunération et de formation. En donnant à la haute autorité compétence pour toutes les discriminations prohibées par la loi, nous irions ainsi au- delà de la simple transposition de la directive.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 38, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.Après les mots :« quelles que soient »,rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :« son origine, son sexe, sa situation de famille, son apparence physique, son patronyme, son état de santé, son handicap, ses caractéristiques génétiques, ses mœurs, son orientation sexuelle, son âge, ses opinions politiques, ses activités syndicales, son appartenance ou sa non- appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Mme ASSASSI. - Cet amendement est similaire. Il s’agit d’offrir des garanties à nos concitoyens, quels que soient les cas de discrimination.

M. LECERF, rapporteur. - Cet amendement, comme le n° 71 rectifié, est satisfait par l’amendement de la commission. Je souhaite leur retrait.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Même avis que la commission sur les amendements nos 71 rectifié et 38 : retrait ou rejet. Favorable au n° 15 rectifié de la commission.

L’amendement n° 71 rectifié n’est pas adopté.

M. LONGUET. - L’amendement n° 15 rectifié me pose problème. Il élargit les cas de discrimination à des comportements, des appartenances, des engagements différents, parce que expressions d’un choix.

Nous sommes tous républicains, et donc opposés aux discriminations raciales et sexistes - même s’il est vrai que l’émancipation de la femme a été une longue marche dans notre pays, et que du chemin reste encore à parcourir : mais la présence de Mme Ameline me rassure. (Sourires.) Cependant, à vouloir, dans un même ensemble, traiter de toutes les discriminations, on risque d’affaiblir les luttes les plus essentielles.

Notre pays est une terre d’accueil et notre tradition républicaine repose sur l’égalité des droits et des devoirs. Même si la France n’a pas inventé l’habeas corpus, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 16 août 1789 a posé des jalons qui mènent vers un respect croissant de l’individu. Sans doute ne sommes-nous pas exempts de défaut, mais nous nous sommes donné la responsabilité de lutter contre les discriminations. Au reste, pas de suprématie française en ce domaine, puisque c’est aussi notre héritage chrétien partagé qui fait de la fraternité et de l’égalité de la condition humaine des principes absolus - même si l’église catholique a mis du temps à les mettre en pratique...

Mais, face à des engagements qui résultent d’un libre choix, le cas est différent : engagement politique, religieux, signes physiques d’appartenance religieuse...

N’avons-nous pas voté un texte par lequel nous avons affirmé que les convictions religieuses elles-mêmes doivent se soumettre à des conditions ? Que les signes d’appartenance religieuse n’ont pas partout droit de cité ?

L’apparence physique qu’on se donne peut donner lieu à discrimination professionnelle dans certains métiers, à juste titre. Quant aux opinions politiques, toutes ne sont pas respectables.

Je crains, en un mot, qu’en prenant en compte des choix qui correspondent à des engagements libres, l’amendement n° 15 rectifié ne finisse par nous imposer d’accepter des comportements que la République récuse. Mais j’ai peut-être mal compris...

M. LECERF, rapporteur. - J’entends ces réserves mais notre amendement a pour seul but de garantir la cohérence de notre système juridique, que ce projet de loi pourrait ébranler au regard de la loi du 16 novembre 2001. Pour le reste, nous visons le seul accès à l’emploi et son exercice. Donc, je persiste et signe.

L’amendement n° 15 rectifié est adopté.

L’amendement n° 38 n’a plus d’objet.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 73, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet et M. Desessard.Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :« discrimination directe ou indirecte »,insérer les mots :« , prohibée ou non par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie prenante, ».

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Ne croyez pas que je veuille faire entrer un cheval de Troie ! Mais la haute autorité doit être compétente pour toutes les discriminations, fussent-elles indirectes. Un célibataire peut adopter un enfant mais, s’il est homosexuel, il est sûr à 99 % que sa demande sera rejetée, contrairement à ce qu’indique expressément le code. La loi est toujours en retard sur la réalité ; les discriminations existent, que la haute autorité doit pouvoir combattre avant même que la loi ne les ait pris en compte. Il n’y a pas de raison de choisir entre les discriminations.

Les chartes et conventions auxquelles nous nous référons - la C.E.D.H., la charte des droits de l’enfant - sont ratifiées ; elles ont valeur de traités qui s’imposent à la France.

M. LECERF, rapporteur. - Le législateur peut toujours prendre en compte de nouvelles discriminations, dont la haute autorité prendra acte. L’amendement n° 15 rectifié a instauré une cohérence que l’adoption de cet amendement affaiblirait.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Défavorable.

Mme KHIARI. - Le groupe socialiste votera contre cet amendement qui pourrait ouvrir la porte à une remise en cause de la loi sur la laïcité.

L’amendement n° 73 n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 70, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans les premier et deuxième alinéas de l’article 225-1 du Code pénal, les mots :« , une race »,sont supprimés.

Mme KHIARI. - Nous allons retirer cet amendement car nous avons appris qu’un texte de nature constitutionnelle devrait modifier en ce sens l’article premier de la Constitution.

L’amendement n° 70 est retiré.

L’article 17 modifié est adopté.
Article additionnel après l’article 17

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 75, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, M. Desessard.Après l’article 17 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 225-1 du Code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Une discrimination indirecte est constituée lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes à raison de son origine, son sexe, sa situation de famille, son apparence physique, son patronyme, son état de santé, son handicap, ses caractéristiques génétiques, ses mœurs, son orientation sexuelle, son identité de genre, son âge, ses opinions politiques, son activité syndicale, son appartenance ou sa non appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Mme BOUMEDIENE-THIERY. - Nous reprenons une directive européenne que la France n’a pas intégralement transposée et qui définit la discrimination indirecte. La haute autorité doit être compétente pour toutes les discriminations, directes ou indirectes.

M. LECERF, rapporteur. - Cette précision n’est pas pertinente. On ne saurait modifier le Code pénal sans une réflexion approfondie, d’autant plus que l’article 225-1 ne fait pas de distinction entre les discriminations. Qu’en pense le gouvernement ?

Mme OLIN, ministre déléguée. - Il est défavorable.

L’amendement n° 75 n’est pas adopté.

M. HYEST, président de la commission. - L’amendement n° 82 crée une division additionnelle dont les amendements nos 83, 84 et 85 forment le contenu. Il serait donc logique qu’il ne soit discuté qu’ensuite.

Acceptée par le gouvernement, la réserve est de droit.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 83, présenté par le gouvernement.Après l’article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est inséré, après le huitième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un alinéa ainsi rédigé :

Seront punis des peines prévues à l’alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle ou auront provoqué, à l’égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du Code pénal.

Amendement n° 84, présenté par le gouvernement.

Après l’article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Il est inséré, après le deuxième alinéa de l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un alinéa ainsi rédigé :

Sera punie des peines prévues à l’alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle.

II. Il est inséré, après le troisième de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un alinéa ainsi rédigé :

Sera punie des peines prévues à l’alinéa précédent l’injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle.

Amendement n° 85, présenté par le gouvernement.

Après l’article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La deuxième phrase du 6°) de l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée :

Toutefois, la poursuite pourra être exercée d’office par le ministère public dans les cas prévus par le deuxième et le troisième alinéas de l’article 32 et par le troisième et le quatrième alinéas de l’article 33.

II. Il est inséré, après l’article 48-3dela loi précitée, deux articles :

Article 48-4. - Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou d’assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l’article 24, le troisième alinéa de l’article 32 et le quatrième alinéa de l’article 33.

Toutefois, quand l’infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l’association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes.

Article 48-5. - Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d’assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l’article 24, le troisième alinéa de l’article 32 et le quatrième alinéa de l’article 33.

Toutefois, quand l’infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l’association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes.

III. Au neuvième alinéa de l’article 24, au troisième alinéa de l’article 32 et au quatrième alinéa de l’article 33, les mots :« par l’alinéa précédent »,sont remplacés par les mots :« par les deux alinéas précédents ».

IV. Au premier alinéa de l’article 63, les mots :« alinéa 5 », « alinéa » et « alinéa 3 »,sont respectivement remplacés par les mots :« alinéas 8 et 9 », « alinéas 2 et 3 » et « alinéas 3 et 4 ».

M. PERBEN, garde des Sceaux. - En juin dernier, j’ai proposé un projet de loi contre les propos sexistes et homophobes. Il était en effet apparu que de tels propos pouvaient être à l’origine d’actes de violence dont l’actualité avait montré la triste réalité.

Ce projet de loi a suscité réflexions, réactions, critiques et interrogations. J’ai reçu notamment jeudi dernier l’avis de la commission nationale consultative des droits de l’homme, qui faisait écho aux inquiétudes exprimées par certaines associations de défense des droits de l’homme et d’associations religieuses. Cela a amené le gouvernement à souhaiter modifier son dispositif législatif.

Sur la forme, il s’agissait d’adjoindre par amendement le dispositif prévu à ce projet de loi.

Sur le fond, nous avons d’abord aligné les dispositions sur le sexisme sur celles concernant l’homophobie. J’ai rencontré ce matin des associations féministes et antisexistes ; elles sont satisfaites par cette modification.

D’autre part, nous avons répondu aux interrogations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme en faisant en sorte que les propos discriminatoires punissables soient seulement ceux qui constituent déjà des infractions au regard du Code pénal.

Enfin, nous ramenons le délai de prescription au droit commun en matière de presse, soit trois mois.

Ainsi modifié, ce dispositif est équilibré. J’ai repris contact avec ceux qui ont vocation à s’exprimer sur le sujet, les associations féministes et homosexuelles. Tous ont jugé que ces dispositions étaient équilibrées et qu’elles n’ouvraient pas la porte à une jurisprudence hasardeuse tout en permettant de lutter efficacement contre certaines abominations que nous avons connues récemments. Ces trois amendements trouvent un équilibre satisfaisant et considéré comme tel par tous.

Mme AMELINE, ministre de la Parité et de l’Égalité professionnelle. - Les discriminations liées à la race, au sexe ou à l’orientation sexuelle ne sont pas des formes atténuées de la violence, mais l’expression même de la violence. D’où l’importance de ces amendements qui réaffirment les valeurs de respect et de dignité. Il fallait répondre à l’attente des femmes de France et des associations féministes, qui réclamaient une disposition de ce genre depuis longtemps. Alors que se crée cette haute autorité, l’extension de la lutte contre les discriminations à l’homophobie et au sexisme est une avancée essentielle. Un vide juridique est comblé. Comment évoquer impunément la lapidation des femmes en France, en 2004 ? Ce texte réprimera désormais des propos dangereux et outranciers jusqu’alors impunis. Il aligne le sort des propos homophobes sur celui de l’injure et de la diffamation, conformément à l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Les associations féministes pourront désormais ester en justice, en cas d’atteinte grave au corps social.

Le renvoi à l’article 225-2 du Code pénal préserve l’équilibre entre le principe de liberté de la presse et celui du respect de la dignité humaine. La déontologie professionnelle peut ici jouer ; j’en veux pour preuve la convention que mon ministère a récemment conclue avec le bureau de vérification de la publicité.

La France tient à être, aux côtés de l’Espagne, exemplaire quant au respect de la dignité humaine, et c’est avec fierté que je présente ces dispositions qui traduisent nos engagements en Europe et dans le monde. (Applaudissements à droite.)

M. LE PRÉSIDENT. - Sous-amendement n° 87 à l’amendement n° 83 du gouvernement, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.Dans le texte proposé par l’amendement n° 83 pour insérer un alinéa après le huitième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, après les mots :« orientation sexuelle »,insérer les mots :« ainsi qu’à raison des autres motifs mentionnés à l’article L. 225-1 du Code pénal ».

M. BADINTER. - Je ne parlerai pas de la lutte contre le sexisme, bien qu’on y soit très attaché dans ma famille, mais de l’homophobie. C’est là un vieil adversaire que j’ai toujours combattu notamment dans ma vie professionnelle. On en trouve la forme la plus odieuse dans certains États où l’homosexualité est encore effectivement punie de la peine de mort. Au-delà de cette persécution légale, existe aussi une homophobie brutale qui se nourrit de préjugés profondément enracinés. La « chasse à l’homo » se pratique encore, qui relève de la même inspiration que la « ratonnade ». J’en ai de terribles souvenirs professionnels... Et il existe enfin des formes plus insidieuses d’homophobie, qui en nourrissent les formes extrêmes et brutales : la provocation à la haine et la discrimination.

Ce texte arrive aujourd’hui. C’est bien, mais c’est tard ! Je tiens à rappeler, que, dès 2000, nous avions déposé avec la regrettée Dinah Derycke, une proposition de loi tendant à inscrire dans la loi sur la presse les mêmes mesures pour les incitations à la haine raciale ou homophobe. Elle n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour. M. Dreyfus-Schmidt l’a reprise avec quel- ques modifications. À l’Assemblée, M. Bloche a déposé une proposition équivalente et, ici-même, lors de la discussion de la loi Perben II, nous avions déposé des amendements à ce sujet. Vous aviez alors répondu, monsieur le Ministre, qu’ils venaient trop tôt parce que le gouvernement entendait déposer un grand projet de loi tendant à lutter contre toutes les formes d’homophobie. Et voilà qu’aujourd’hui, vous nous proposez ces quatre amendements ! Que de temps perdu...

L’article 222-1 du Code pénal énonce les discriminations et incitations à la haine qui sont punies : elles sont nombreuses. Mais la loi de la presse de 1881 punit « la provocation à la haine, à la violence et à la discrimination ». Or, ce texte ne vise pas les mêmes discriminations que le Code pénal ! Pourquoi cette discrimination entre les discriminations ? Pourquoi punirions-nous les provocations à haine contre les homosexuels et pas celles qui visent les malades du sida ? J’ai presque honte de rappeler, dans cet hémicycle de la République, les propos infâmes qui furent proférés à l’encontre des sidaïques.

Ce type d’incitation à la discrimination existe pour des raisons morales comme par souci d’harmonisation juridique, nous souhaitons faire référence aux discriminations réprimées par le Code pénal.

M. LE PRÉSIDENT. - Sous-amendement n° 88 à l’amendement n°84 du gouvernement, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.I. - Compléter le texte proposé par le I de l’amendement n° 84 pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 par les mots :« ainsi qu’à raison des autres motifs mentionnés à l’article L. 225-1 du Code pénal. ».

II. - Compléter le texte proposé par le II de l’amendement n° 84 pour insérer un alinéa après le troisième alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 par les mots :« ainsi qu’à raison des autres motifs mentionnés à l’article L. 225-1 du Code pénal. ».

M. BADINTER. - Coordination.

M. LECERF, rapporteur. - L’amendement n° 83 du gouvernement comble une lacune et sa rédaction est préférable à celle du projet de juin puisque, tout en couvrant un champ très large, elle préserve la liberté d’opinion sur les grands sujets de société. Avis favorable.

La commission n’a pas examiné les sous-amendements : à titre personnel, ils me semblent rejoindre les préoccupations exprimées par la commission sur la loi Perben II, mais je crains cependant qu’ils ne rompent l’équilibre entre la lutte contre les discriminations et la liberté d’expression.

M. PERBEN, garde des Sceaux. - Avis tout à fait défavorable aux sous- amendements. Monsieur Badinter, je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que vous connaissez la différence substantielle qui existe entre l’article L. 225-1 et l’article L. 225-2 du Code pénal. En vous référant au premier plutôt qu’à la liste limitative du second, vous élargissez considérablement le champ de cet article, en y incluant l’expression des opinions politiques ou syndicales, ce qui va très au-delà des intentions initiales et constituerait un changement considérable de la loi sur la presse, ce qui m’étonne de votre part, monsieur le Sénateur. Mieux vaut se référer à l’article L. 225-2, qui vise notamment des cas de discrimination économique ou d’embauche. Retrait, sinon rejet.

M. BADINTER. - L’article L. 225-2 vise les discriminations économiques ou les discriminations au travail. Dès lors que la provocation à la discrimination est un délit, on ne peut distinguer entre les discriminations. Ou bien on considère, comme la Cour suprême des États-Unis, que la liberté de la presse autorise tout propos, y compris les plus inacceptables - voyez la propagande néonazie -, ou bien nous continuons de réprimer la provocation à la discrimination, parce qu’elle est contraire à l’égalité.

On ne peut distinguer selon le motif de discrimination. Loin de retirer mes amendements, je vous invite à prendre en considération mes observations : aucune discrimination n’est admissible !

M. PERBEN, garde des Sceaux. - De quoi s’agit-il ? De ce que doit être, ou non, une loi sur la presse. Il ne faut pas confondre la discrimination de comportements, et celle de propos véhiculés par la presse. Il est normal que le champ soit plus restreint dans le second cas. Ensuite, l’article L. 225-2 renvoit à des peines légales, c’est une référence bien plus précise que l’article L. 225- 1.

Au nom de la liberté de la presse, mieux vaut en rester à l’amendement n° 83.

M. DARNICHE. - Je suis tout à fait opposé aux comportements sexistes ou homophobes. Mais je m’élève contre la méthode, contre ce coup de force consistant à reprendre à la sauvette un projet de loi auquel le C.N.C.D.H. a reproché de menacer la liberté d’expression et de ranger la population par catégories.

Ces critiques démontrent qu’un tel sujet méritait plus de temps pour en débattre ! Il est anormal que le gouvernement, en la mettant devant le fait accompli, cherche à contourner la représentation nationale. Je ne voterai pas ces amendements, comme mon collègue M. Retailleau.

M. GÉLARD. - Sur la forme, comme l’a dit cet après-midi M. Bel, approuvé m’a-t-il semblé par M. le Président du Sénat, il faut mettre fin à cette pratique. Les amendements gouvernementaux de dernière minute. (« Très bien » ! sur les bancs socialistes.)

Sur le fond, les trois amendements du gouvernement ne me choquent pas : ils ne font que combler une lacune du droit français. Les dispositions du Code pénal et de la loi de 1881 pourraient englober le sexisme et l’homophobie car le racisme prend de multiples formes et concerne aussi bien la taille ou la couleur des cheveux... Les races n’existent pas, il n’y a que des différences : la condamnation pour racisme est une condamnation du refus des différences.

Dans le catalogue des droits et libertés, nous comblons un manque : le droit à la dignité - c’est la contrepartie logique du droit à la différence - est reconnu dans de nombreuses législations étrangères et les amendements du gouvernement sont mesurés, sages, certainement pas révolutionnaires.

Il est fort difficile de toucher à la loi sur la presse de 1881 qui, selon certains, a une valeur supra législative !

Certes, il ne convient pas, en ce domaine, d’agir trop rapidement, mais entre 2000 et 2002, on n’a rien fait...

Le texte, critiquable, de l’Assemblée nationale avait suscité de telles réactions - associations, presse, églises, partenaires institutionnels et commission consultative nationale - qu’il a été retiré. Il reprenait, dans une certaine mesure, des propositions socialistes antérieures. Et il avait un objectif défendable : condamner des comportements scandaleux, ce qu’une définition trop étroite n’autorise pas.

Merci à Mme Ameline d’avoir souligné la nécessité de réprimer les comportements sexistes. Il était indispensable de viser précisément le sexisme et l’homophobie.

L’amendement n° 83 procède à une simple extension, du racisme à l’homophobie et au sexisme, de certaines dispositions existantes dans notre droit. Le n° 84 en est la suite logique, étendant à ce nouveau domaine la répression de la diffamation et de l’injure.

Sur le n° 85, je note un petit oubli. Le contenu n’est pas révolutionnaire, il est la reprise de ce qui existait déjà : les associations pourront saisir les tribunaux, à condition que la diffamation ou l’injure touche, globalement, une catégorie. Le M.R.A.P., la LICRA se portent ainsi en justice pour obtenir condamnation d’injures racistes. Les associations ne pourront intervenir, s’agissant d’injures individuelles, que si la victime est consentante.

Je veux dire aux timides, à ceux qui ont peur que la loi bouleverse le mariage, l’adoption, le droit d’expression, qu’ils peuvent se rassurer : ces dispositions sont dans le droit fil des articles du Code pénal en vigueur concernant la presse.

Il ne s’agit pas de cavaliers, puisque nous débattons de lutte contre les discriminations depuis ce matin... Les atteintes à la dignité sont quotidiennes, qui touchent les femmes, les homosexuels, ceux qui sont trop petits, ceux qui sont trop grands, etc. La définition actuelle est trop étroite. Je voterai donc, comme un nombre non négligeable de mes collègues de groupe, les amendements nos 83, 84 et 85.

M. LONGUET. - Le garde des Sceaux nous dit : nous proposons de condamner ce qui déjà peut l’être. Alors pourquoi diable ce texte ? M. Gélard dénonce une procédure expéditive mais conclut que l’on pouvait, dans la législation actuelle, déjà poursuivre - et que désormais, on pourra mieux poursuivre...

J’ai éprouvé un certain malaise à entendre Mme Ameline mobiliser au secours de ce texte des faits qui nous sont étrangers et que nous combattons tous avec énergie. Certes, il existe des pays où on lapide les femmes - les Talibans le faisaient tout récemment - et des condamnations sont intervenues en Arabie saoudite, au Soudan - en Malaisie, l’ancien Premier ministre, condamné pour homosexualité, est encore en prison.

Toutes les discriminations sont condamnables, mais certaines convictions religieuses antinomiques par rapport à nos textes fondamentaux ne sauraient laisser insensibles les Républicains que nous sommes.

Quoi qu’il en soit, ce débat aurait exigé plus de temps. Je m’inquiète pour la liberté de penser. Le ministre d’État, alors ministre de l’Intérieur, avait estimé nécessaire des discriminations positives : je partage cet avis. Il n’est pas toujours facile, en France, d’être fils d’immigré ! Les expériences de discrimination positive menées par de grandes écoles au profit des lycéens issus de certaines Z.E.P. ont montré le caractère fructueux de telles mesures.

Nous, Républicains qui refusons le communautarisme, devons afficher nos convictions.

Nous pratiquons déjà la discrimination positive à l’égard des familles : il convient de faire de même envers ceux qui ne sont pas intégrés.

Toutes les orientations sexuelles ne sont pas également admissibles : nous condamnons la pédophilie, bien sûr, alors que, s’il n’est pas bon de convoiter la femme du voisin, on s’en arrange et cela produit du théâtre de boulevard. J’y insiste : il n’est pas de communauté sans valeurs partagées.

Et il ne faudrait pas que les discriminations positives en faveur de la famille soient un jour considérées comme une discrimination à l’égard de ceux qui ont choisi un autre mode vie.

En Lorraine, nous connaissons les différences : 20 % de la population y est d’origine italienne, algérienne, marocaine, polonaise,... Toutes ces nationalités ont enrichi notre culture. Elles sont un exemple de différence qui n’a pas été choisie - et qu’il faut respecter.

D’autres différences sont librement choisies : il doit être possible d’en débattre librement, sans que la pensée inique fige toute discussion. Et, dans un pays où le renouvellement des générations n’est plus correctement assuré, les familles hétérosexuelles ont des avantages qui n’ont jamais été concurrencés.

M. LARDEUX. - Je fais partie de ces timides qu’évoquait M. Gélard : je ne voterai pas les amendements ; je ne voterai pas non plus, par cohérence, l’ensemble du texte.

Je n’ai pas les compétences de MM. Hyest et Gélard : je ne me placerai donc pas sur le terrain du droit, mais sur celui des convictions et personne n’est obligé de les approuver ni de les partager.

J’ai bien entendu les propos de Mme la ministre sur le sexisme, et je les partage, mais nous avons encore beaucoup à faire pour simplement appliquer les textes actuels lorsque l’on voit les images dégradantes des femmes sur les abribus, sur les murs ou à la télévision aux heures de grande écoute.

Il faudrait quand même être cohérents ! Il s’agit de véritables incitations aux délits, voire aux crimes de la part des auteurs de ces affiches ou de ces spots publicitaires. Toute personne mérite respect et toute injure ou incitation à la haine doit être sanctionnée, mais notre arsenal juridique est déjà l’un des plus important du monde, un des plus répressif qui existe en démocratie.

Je crains que nous nous engagions dans une voie qui conduise, un jour ou l’autre, au délit d’opinion. L’enfer est pavé de bonnes intentions ! Nous risquons, avec ces textes, de nous retrouver là où nous ne voulions pas aller.

Enfin, je crains qu’avec ces amendements nous connaissions une dérive que tout le monde s’accorde à condamner, à savoir le communautarisme.

Où l’incitation commence-t-elle ? Où finit-elle ? Je ne voterai donc pas ce texte, même s’il est meilleur que celui qui nous a été proposé il y a quelques mois : nous sommes passés du pire au moindre mal.

M. COINTAT. - Ma position est équilibrée : Je voterai l’amendement n° 83 car je suis contre toute forme d’intolérance et de discrimination. En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur les amendements nos 84 et 85 : l’objectif est certes honorable, les sentiments louables et le dispositif est intellectuellement acceptable mais les résultats pratiques risquent d’être extrêmement dangereux car, qu’on le veuille ou non, nous assisterons à une véritable atteinte à la liberté d’expression.

Selon vous, ce texte tient compte de l’avis de la commission consultative des droits de l’homme. J’avoue ma perplexité car il y est dit que « légiférer afin de protéger une catégorie de personnes risque de se faire au détriment des autres et, à terme, de porter atteinte à l’égalité des droits et à la liberté d’expression ». C’est donc à la démocratie même que l’on s’attaquerait !

Ces deux amendements posent de réels problèmes : si les intentions sont respectables, les chemins ouverts ne vont pas dans la bonne direction. J’attire votre attention sur les graves décalages qui existent entre les propos publics et privés. Quand, dans une démocratie, il y a de telles différences, on est en droit de s’interroger : dans toutes les régions, j’ai entendu des propos privés qui font frémir d’horreur. Lorsqu’on va trop loin d’un côté, l’effet de balancier veut que l’on aille trop loin de l’autre. Nombre de nos concitoyens ne supportent plus le discours lénifiant du politiquement correct ! Bientôt, on ne pourra plus parler sans avocats. Cela fera la richesse de la profession, (sourires), mais pas de la démocratie. Attention : ne transformons pas la lutte contre les discriminations qui frappent ceux qui sont différents en discrimination contre ceux qui pensent différemment !

Les personnes qui, sans penser à mal, diront « un couple normal » risquent d’être attaquées et traînées devant un tribunal par des associations qui trouveront cette expression injurieuse à l’égard des couples homosexuels. De même, faudra- t-il renoncer à la pratique française d’affubler quelqu’un d’un mot à trois lettres commençant par « c » puisqu’il s’agit d’un terme sexiste ? (Sourires.)

À force d’interdire, on ne pourra bientôt plus rien faire. En 1968, il était interdit d’interdire. Aujourd’hui, il va être interdit d’autoriser ! Cessons donc de jouer aux apprentis sorciers : la commission consultative des droits de l’homme estime elle-même qu’« aujourd’hui, personne ne peut se soustraire à sa responsabilité pénale en cas d’atteinte à la réputation ou aux droits d’autrui. La législation actuelle et l’autorégulation permettent un équilibre satisfaisant entre le respect de l’intérêt des personnes, des groupes de personnes ou des institutions et la liberté d’expression ».

De grâce, ne perturbons pas ce fragile équilibre ! L’article 2-6 du Code de procédure pénale est déjà très coercitif alors que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme se fonde davantage sur la liberté d’expression que sur les restrictions à ce principe.

Comme disait Voltaire, « je n’ai pas vos idées, mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer et les défendre ». Nous aussi... sauf si, bien évidemment, elles risquent de troubler l’ordre public ou s’il s’agit d’appel à la haine, à la discrimination ou à la violence. Pour défendre cette liberté d’expression, je répondrai à ces amendements par un autre mot bien français, lui aussi, en trois lettres avec un « o » au milieu : non ! Mais ce non pourra évoluer - sinon vers un oui, du moins vers une abstention amicale - si vous nous apportez la garantie claire et précise que l’adoption de ces amendements ne mettra pas en cause le droit de chacun de formuler une opinion éthique sur l’homosexualité ou le mariage homosexuel. Ces assurances me paraissent essentielles compte tenu de l’interprétation des juges en cas de différends. Si vous voulez empêcher toute dérive, alors apportez-nous ces garanties qui seront la meilleure façon de faire progresser le droit ! (Applaudissements sur quelques bancs à droite.)

Mme BORVO. - ll y a la forme, et le fond.

Sur la forme, on peut regretter que nous soyons saisi, presque en catimini, d’un texte confus à l’occasion de la création de cette haute autorité. C’est d’autant plus dommage que ce n’est pas la première fois que nous avons l’occasion d’avoir ce débat. Comme le groupe socialiste, nous avons déposé plusieurs propositions de loi, ici et à l’Assemblée nationale, sur les discriminations. Bien entendu, ces textes n’ont jamais été examinés, mais nous avons eu un vrai débat sur le sujet à l’occasion de la loi Perben II, car nous avions déposé des amendements en ce sens. Nous nous sommes heurtés à un refus absolu de les prendre en compte au motif que le Premier ministre avait des discussions avec les associations sur le sujet et qu’il allait très prochainement faire des propositions. Et puis le temps a passé... Il a fallu attendre, ce qui a posé quelques problèmes au sein de la majorité : M. Romero, notamment, en a conçu quelque dépit...

Contrairement à ce que j’ai entendu dire, il ne s’agit nullement d’encourager le communautarisme qui veut qu’une catégorie particulière l’emporte sur la qualité humaine. Les associations ne mangent pas de ce pain là, elles qui veulent simplement que la législation permette de condamner l’homophobie et le racisme. Il serait donc de mauvaise foi de prétendre que ce texte favorise le communautarisme.

La forme, donc, n’est pas très agréable, d’autant que le gouvernement n’en est pas à son coup d’essai - ce fut encore le cas, récemment, avec les amendements Larcher sur le texte relatif à la cohésion sociale - mais il y a le fond.

On peut avoir honte que dans notre pays, un homme ait été l’an dernier gravement brûlé parce que certains ont considéré que son homosexualité les autorisait non seulement à saccager ses biens, mais à attenter à sa vie. On peut avoir honte de voir quelqu’un qui se réclame de son appartenance à notre communauté nationale justifie que l’on batte une femme, justifie même la lapidation. Ce sont des atteintes à la dignité humaine ! Nous avons un bien commun à défendre. Mais dans notre droit pénal, la pédophilie reste un crime ; l’orientation sexuelle, c’est autre chose !

Il paraît logique, sur le fond, de compléter notre arsenal juridique, qui manque de précision, et de dire ainsi que nous ne pouvons accepter les discriminations ou les incitations à la discrimination. La loi Gayssot sur le racisme a prouvé son utilité ! Certains ont demandé si l’on pourrait encore donner son opinion sur le mariage homosexuel. Quelle considération pour la justice et pour les juges ! On sait bien qu’il ne s’agit pas de cela !

Sur le fond, donc, même si j’aurais souhaité que le débat ait lieu il y a un an, je crois qu’il faut quand même voter ces amendements.

M. HYEST, président de la commission. - À l’issue d’un long débat - justifiésansdoutepuisqu’il avait lieu depuis six mois dans la presse - je suis surpris par certains propos. Sans doute est-ce une faiblesse, mais lorsque je vote un texte, je vote sur son contenu, et pas sur autre chose. Nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets de société, ne nous ingénions pas aujourd’hui, comme je l’ai vu faire, à fausser ce débat. Comme il y a beaucoup de non-dits, certains, pour ne pas voter contre le politiquement correct, trouvent autre chose !

Le texte du gouvernement prévoit que toutes les provocations à la haine et à la violence doivent être réprimées. Or, jusqu’à présent, notre arsenal juridique réprime mal la haine et la violence contre les personnes en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. Quelqu’un peut-il dire ici qu’il n’est pas d’accord avec cela ? Il s’agit de la dignité de tous. On a parlé de la charia, de la lapidation... mais oublie-t-on que notre Code pénal réprime plus sévèrement les crimes et les délits contre une personne en état de faiblesse ?

Je comprends cependant l’inquiétude qui s’est exprimée quant à la liberté d’expression. On veut trop souvent toucher à la loi de 1881. Et il est vrai que le projet initial, qui ne réservait pas le même traitement à toutes les catégories de délits, et prévoyait l’allongement du délai de prescription pour un cas particulier manquait d’équilibre. Mais il ne s’agit à présent que d’étendre la définition, au sens du code et de la jurisprudence, de l’injure et de la diffamation. Dire que l’on est opposé au mariage homosexuel, à l’adoption par un couple homosexuel n’est ni une injure ni une diffamation, mais relève du débat démocratique. Et il n’est pas non plus question d’interdire d’écrire dans un livre son sentiment sur l’orientation sexuelle. Il faudrait brûler tous les livres ! Combien de nos grands auteurs ont professé des opinions antisémites !

Autant donc le texte initial me paraissait dangereux pour la liberté d’expression, autant le texte qui nous est aujourd’hui présenté met fin à une fausse polémique. Il permet de lutter contre les discriminations, d’éviter que certains ne prennent avantage de la liberté d’expression pour stigmatiser une catégorie ou une autre. Notre histoire a vu des temps où certains étaient stigmatisés pour leur différence. Notre devoir est aujourd’hui de préserver la liberté et l’indépendance de tous. Si donc certains ne votent pas ce texte, sans doute ont-ils d’autres motifs. Je vous en supplie, mes Chers Collègues, votez en fonction du texte ! (Applau-dissements au centre et sur les bancs socialistes.)

M. PERBEN, garde des Sceaux. - Bien que M. Hyest y ait déjà largement répondu, je souhaite répondre à M. Cointat. Certes, l’expression retenue pour notre amendement n° 83 est large : provoquer aux discriminations. Mais il s’agit, comme le précise l’amendement, des discriminations prévues aux articles 225-2 et 432-7 du Code pénal. Les cas de sanction sont donc strictement encadrés : discrimination à l’embauche, au logement... Le risque que vous évoquiez n’existe donc plus dans cette rédaction. Je serais heureux si vous vous absteniez.

Le sous-amendement n° 87 n’est pas adopté.

M. LE PRÉSIDENT. - Je vais mettre aux voix l’amendement n° 83.

M. BADINTER. - Je regrette la distinction, que je ne comprends pas, entre discrimination à l’encontre d’un sexe ou d’une orientation sexuelle et discrimination à l’encontre des handicapés et des malades. Reste que nous franchissons là une étape importante, comme nous n’avons jamais cessé de le réclamer. On nous opposait des arguments dilatoires, voire des argutie ; nous avons toujours souhaité que le sexisme et l’homophobie soient sanctionnés. C’est pourquoi, bien que nous regrettions de n’avoir pas été suivis sur notre sous-amendement, nous voterons l’amendement n° 83.

À la demande du groupe de l’U.M.P., l’amendement n° 83 est mis aux voix par scrutin public.

M. LE PRÉSIDENT. - Voici les résultats du scrutin :Nombre de votants : 326Suffrages exprimés : 324Majorité absolue : 163Pour : 312Contre : 12

Le Sénat a adopté.

M. LECERF, rapporteur - Le sous-amendement n° 88 n’a pas été examiné par la commission. Sur les amendements nos 84 et 85, son avis, exprimé par M. Gélard, est favorable.

M. PERBEN, garde des Sceaux. - Défavorable au sous- amendement.

Le sous-amendement n° 88 n’est adopté.

À la demande du groupe de l’U.M.P., l’amendement n° 84 est mis aux voix par scrutin public.

M. LE PRÉSIDENT. - Voici les résultats du scrutin :Nombre de votants : 325Suffrages exprimés : 320Majorité absolue : 161Pour : 310Contre : 10

Le Sénat a adopté.

À la demande du groupe de l’U.M.P., l’amendement n° 85 est mis aux voix par scrutin public.

M. LE PRÉSIDENT. - Voici les résultats du scrutin :Nombre de votants : 328Suffrages exprimés : 322Majorité absolue : 162Pour : 312Contre : 10

Le Sénat a adopté.

L’amendement n° 82 est adopté.
Article 18

Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du titre premier de la présente loi dont les dispositions entreront en vigueur à compter du premier jour du premier mois suivant sa publication.

Il fixe les dispositions temporaires concernant la durée du mandat des membres de la haute autorité nommés lors de sa création et les conditions transitoires dans lesquelles elle peut être saisie pendant une période de six mois suivant cette entrée en vigueur.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 16, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :« du premier mois »,par les mots :« du deuxième mois ».

M. LECERF, rapporteur. - Ce report d’un mois est nécessaire pour laisser au gouvernement le temps de prendre les décrets d’application. Le délai initialement prévu n’était pas réaliste.

Accepté par le gouvernement, l’amendement n° 16 est adopté, ainsi que l’article 18 modifié.
Article 19

L’article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations est ainsi modifié :

1°) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

Un service d’accueil téléphonique gratuit concourt à la mission de prévention et de lutte contre les discriminations. Ce service a pour objet de recueillir les appels des personnes estimant avoir été victimes de discriminations. Il répond aux demandes d’information et de conseil sur les discriminations et sur les conditions de saisine de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Le cas échéant, il réoriente les appelants vers les autres organismes ou services compétents.

2°) Les deuxième, troisième et avant-dernier alinéas sont supprimés.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 17, présenté par M. Lecerf au nom de la commission des Lois.Dans la première phrase du texte proposé par le 1°) de cet article pour le premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, supprimer le mot :« gratuit ».

M. LECERF, rapporteur. - Nous supprimons le principe de la gratuité des appels téléphoniques : le 114 a reçu 98 % d’appels fantaisistes ! Conserver le principe de la gratuité grèverait lourdement le budget de la haute autorité. Il y a de nombreuses possibilités d’appel à tarif réduit.

M. LE PRÉSIDENT. - Amendement identique n° 81, présenté par MM. Pelletier, Seillier et de Montesquiou.

M. PELLETIER. - Même objectif. Il serait sage d’adopter cet amendement, sauf à voter des crédits très importants pour la haute autorité, ce que nous ne sommes pas prêts à faire...

Mme OLIN, ministre déléguée. - Avis favorable car le 114 a reçu 98 % d’appels fantaisistes.

Les amendements identiques n° 17 et 81 sont adoptés, les groupes socialiste et C.R.C. s’abstenant.

L’article 19, modifié, est adopté, ainsi que l’article 20.

Explications de vote

M. PELLETIER. - Ce projet de loi est un grand pas dans la lutte contre la discrimination. Une personne s’estimant victime d’une discrimination, quelle qu’elle soit, pourra saisir la haute autorité, et celle-ci pourra s’autosaisir quand elle le jugera nécessaire. Elle pourra mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre et en cas de refus, saisir le juge des référés. Elle favorisera la résolution amiable des conflits - je reconnais là la patte du médiateur de la République ! Elle pourra formuler des recommandations, présenter des observations devant les juridictions saisies et assurer la promotion de l’égalité par des actions de communication d’information, de formation, par des études et par la reconnaissance des bonnes pratiques. Pour toutes ces raisons, le groupe du R.D.S.E. unanime votera ce projet de loi.

Mme KHIARI. - Nous regrettons que le gouvernement ait choisi de transformer son projet de loi contre l’homophobie en quatre amendements, car une loi a toujours une forte charge symbolique et sa discussion déborde le cadre du Parlement. Les propos et les actes homophobes et sexistes sont une atteinte à la dignité de l’homme. Inutile d’évoquer des pays arriérés : c’est bien chez nous qu’un jeune homosexuel a été brûlé ! Opposés sur la forme, mais d’accord sur le fond, nous avons voté ces amendements.

La création de la haute autorité est un message positif adressé aux victimes de discrimination. Mais il lui manque le souffle nécessaire pour que la peur change de camp. Faute de garanties sur le pluralisme, et sur les moyens statutaires de la haute autorité, nous nous abstiendrons.

Mme ASSASSI. - Le texte initial comme les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale ont été améliorés. Mais cette haute autorité reste en deçà de ce qu’elle devrait être, à savoir une autorité réellement indépendante, pluraliste, impartiale, dotée de pouvoirs d’investigation et de moyens suffisants. Nous doutons de son efficacité. La lutte contre les discriminations requiert des moyens inédits. Peut-être aurait-on pu s’inspirer des exemples belge ou britannique ? Malgré l’adoption d’amendements pertinents, des questions de fond demeurent. Notre réserve porte non pas sur la création d’une haute autorité, qui était urgente et attendue, mais sur son fonctionnement. Et si nous avons approuvé les amendements du gouvernement, relatifs au sexisme et à l’homophobie, nous regrettons la méthode.

L’ensemble du projet de loi est adopté.

Mme OLIN, ministre déléguée. - Je remercie le président de la commission et le rapporteur pour leur excellent travail. Je remercie aussi les sénateurs pour leur écoute, pour la qualité du débat et pour les améliorations qu’ils ont apportées au texte. Je suis fière d’avoir porté ce projet de loi car cette haute autorité, souhaitée et effectivement attendue, pourra enfin apporter écoute et soutien à des victimes qui jusqu’à présent ne parvenaient pas à en trouver. (Applaudissements.)

Prochaine séance demain, mercredi 24 novembre à quinze heures.

La séance est levée à 21 h 25.

Le Directeur du servicedes comptes rendus analytiques :

René-André Fabre


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