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La position du Cardinal Jean-Marie Lustiger

date de redaction vendredi 19 novembre 2004


Ces propos ont été transmis par M. Thierry Massis, puis diffusés en annexe de l’avis rendu le 18 novembre 2004 par la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme.


Exposé des motifs :

Le projet de loi ajoute aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse deux nouveaux délits :

 la provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle,

 l’injure et la diffamation envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle.

Ces délits sont calqués sur le régime des infractions spéciales de la loi du 29 juillet 1881 en matière de lutte contre le racisme et sont assortis d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.

1°/ Ce projet de loi heurte le principe de la liberté d’expression et d’opinion qui a une valeur constitutionnelle. Faut-il rappeler que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 considère : « que la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». L’article 10 de la Convention Européenne a consacré ce droit à la liberté d’information. La jurisprudence de la Cour Européenne a, d’une manière constante, dans ses décisions, considéré que la liberté d’opinion « vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur, considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent » (CEDH, Handsyde/Royaume Uni, 7 déc. 1976 et les décisions postérieures).

Le projet de loi, en créant des infractions spéciales d’homophobie, tend à réduire le champ de la liberté d’expression et d’information. L’homosexualité, l’homoparentalité appellent de légitimes débats sur la vie de la société et même sur la nature de la civilisation, débats qui risquent d’être analysés comme des messages ou propos homophobes susceptibles d’être poursuivis aux termes de ce projet de loi. Dès lors, l’institution d’un délit indéterminé d’homophobie introduirait un obstacle injustifié à la liberté d’expression.

2°/ Les notions de diffamation et d’injure à raison de l’orientation sexuelle constituent un délit extrêmement flou dans ses éléments constitutifs et paraissent difficilement compatibles avec les exigences les plus modernes prévues par la Convention Européenne, notamment la qualité et la prévisibilité de la loi.

Le fait de qualifier une personne d’homosexuel pourra t-il constituer le délit de diffamation ? Le fait de rappeler les légitimes appréciations morales soulevées par la pratique de l’homosexualité pourra-t-il être considéré comme des propos homophobes ? Il n’est pas possible de renoncer au droit d’exprimer sa pensée sur une question de société qui découle de la liberté d’opinion et de la liberté de conscience. En définissant mal ce qu’est un propos discriminatoire, on met en péril l’exercice de ces libertés.

3°/ Le projet de loi, qui s’appuie sur la notion d’orientation sexuelle, est dans la ligne des textes pénaux sur la discrimination. Mais il ne doit pas interdire sous peine de délit la libre expression sur la réalité anthropologique de la différence sexuelle perçue comme un fait objectif et universel sur lequel repose l’organisation sociale. En instituant un délit d’homophobie, la loi tendrait à créer une nouvelle norme sociale.

Pour ces raisons, considère que :

1° - ce projet de loi heurte le principe de la liberté d’expression et d’opinion qui a une valeur constitutionnelle. En créant des infractions spéciales à raison de propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, le projet de loi tend à réduire le champ de la liberté d’expression et d’information dans les légitimes débats sur la vie de la société et même sur la nature de la civilisation. L’institution d’un délit indéterminé d’homophobie introduirait un obstacle injustifié à la liberté d’expression.

2° - la diffamation et l’injure à raison de l’orientation sexuelle constitue un délit extrêmement flou dans ses éléments constitutifs et paraît difficilement compatible avec les exigences les plus modernes prévues par la Convention Européenne, notamment la qualité et la prévisibilité de la loi.

3° - le projet de loi, qui s’appuie sur la notion d’orientation sexuelle, est dans la ligne des textes pénaux sur la discrimination. Mais il ne doit pas interdire sous peine de délit la libre expression sur la réalité anthropologique de la différence sexuelle perçue comme un fait objectif et universel sur lequel repose l’organisation sociale.

4° - notre société doit fonder les relations entre les personnes sur une autre logique que celle du droit pénal pour que les hommes et les femmes se respectent. D’autres notions, comme l’atteinte à la dignité humaine ou à la vie privée, constituent des moyens suffisants pour protéger les personnes notamment en ce qui concerne dans leur vie sexuelle.

Pour toutes les raisons énoncées, demande le retrait pur et simple de ce projet de loi.

Plus d'informations :

L’avis défavorable de la CNCDH


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