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La Gay Pride à Nantes

date de redaction lundi 20 octobre 1997     auteur A. Ardoin, Yannis Delmas


Tiré de la revue Politique n°5 « Homos : en mouvement ».

Christian Dubs est membre du comité d’organisation de la Lesbian and Gay Pride - Nantes.

1997 verra se dérouler la troisième Lesbian and Gay Pride (L.G.P.) de Nantes. La première année, ce fut surtout le fruit de la volonté de quelques personnes, convaincues qu’il était enfin possible d’organiser en région une manifestation de visibilité homosexuelle rassemblant suffisamment de personnes pour être crédible, et qu’il était ainsi possible de mettre en place un levier efficace dans le combat pour l’égalité des droits. Cette démonstration faite, au moins en partie, avec environ 500 personnes dans les rues à cette occasion, la nécessité de structurer cette démarche s’est imposée. Un outil venait d’apparaître sur la scène homosexuelle. Qui allait s’en emparer et pour quel usage ?


Tout d’abord il est apparu que le tissu associatif « gay » local ne pouvait, ou ne souhaitait pas prendre en charge l’organisation de la L.G.P. Après le militantisme des années 70, après avoir obtenu des gouvernements socialistes l’abrogration de textes explicitement discriminatoires, durant les années 80, les militants se sont orientés soit vers des associations de convivialité et de loisirs, soit dans le combat contre le SIDA. Aujourd’hui, on compte à Nantes pas moins de 9 associations homosexuelles ou traitant de ce sujet [1]. L’autre problème rencontré à ce stade fut celui de la légitimité à organiser un événement représentatif de l’ensemble de la réalité homosexuelle nantaise. C’est pourquoi une association L.G.P. a été créée, qui se considère plus comme le garant d’un certain nombre de principes de fonctionnement que comme le propriétaire de l’événement. A chacun de s’emparer de l’opportunité que cela représente pour s’exprimer, l’association veillant à la cohérence du projet.

Organiser le pluralisme

Le respect des différentes sensibilités est une des exigences de l’association. Une des toutes premières questions soulevées fut celle de l’image des gays et des lesbiennes que l’on voulait promouvoir. Une tendance, minoritaire heureusement, voulant exclure un certain nombre de « look » du défilé, les « cuirs », les « camionneuses » ou les « folles » par exemple, au profit d’une représentation très politiquement correcte, et d’une approche normative de l’homosexualité. A contrario, la revendication autour du contrat d’union sociale ne fait pas l’unanimité, certains la considérant comme une concession insupportable au modèle petit bourgeois du couple.

De même, la place accordée au commerce gay et lesbien pose problème. A ce sujet, la différence d’appréciation entre les gays et les lesbiennes est particulièrement sensible. En plus de l’opposition des puristes qui refusent ce qu’ils considèrent comme une pollution du militantisme par l’esprit mercantile, quelques filles condamnent cette concession à ce qu’elles considèrent comme des pornocrates. L’émergence de réseaux de rencontres télématiques, vécue comme une victoire de la liberté (homo)sexuelle par les garçons est pour certaines lesbiennes une manifestation de la domination phallocratique, appréciation directement héritée du combat féministe.

Visibilités

L’objectif premier d’une LGP, à Nantes, reste d’organiser la visibilité sociale, institutionnelle, culturelle, de l’homosexualité.

Visibilité sociale : c’est la raison d’être de la marche dans les rues de la ville. Rappeler à l’ensemble du corps social l’existence d’une réalité différente du modèle dominant suscite peu de réactions négatives, hormis de la part de quelques extrémistes. Il est à noter que le Front National, heureusement assez peu présent à Nantes, a fait circuler une liste des commerçants soutenant la LGP. De même, les associations d’anciens combattants s’opposent encore à une présence visible des gays aux commémorations de la déportation. En 1996, on a pu rassembler 1000 personnes dans les principales artères de la ville, un samedi après-midi, faisant la démonstration que l’on peut vivre sereinement son homosexualité dans ce que les parisiens appellent la province.

Visibilité institutionnelle : l’association nantaise a réussi à faire figurer sur ses affiches le logo de la ville de Nantes. Les relations avec les institutions sont assez ambiguës. Deux « alibis » permettent d’obtenir l’engagement de celles-ci : la lutte contre le sida, et la culture. Pour la première fois, c’est la direction générale de la santé qui a contacté la LGP pour figurer dans les différentes publications de celle-ci. De même, la DDASS, à Nantes, accepte de subventionner les activités relatives à la lutte contre les M.S.T. (maladies sexuellement transmissibles), notamment un débat sur la prévention en milieu gay. Par ailleurs, c’est grâce à la programmation d’une pièce de théâtre, dans le cadre de la semaine d’activité de la Lesbian and Gay Pride, monté par une compagnie [2] soutenue par la municipalité, qu’a été obtenue la reconnaissance de la réalité de la dimension culturelle. A partir de ce stade, il a été possible d’accéder au réseau d’affichage officiel de la ville, puis d’avoir le droit d’apposer le logo de Nantes et ensuite de voir le programme de la LGP repris dans les publications municipales.

A noter également la collaboration avec un ciné-club universitaire pour la mise en place d’un festival de cinéma dans une salle commerciale du centre ville, la participation d’une galerie d’arts d’une exposition d’affiches originales réalisées pour la circonstance, ou encore la collaboration mise en place avec un foyer de jeunes travailleurs.

Lenteurs et difficultés

Par contre, il est toujours difficile d’obtenir l’engagement des associations de défense des droits de l’homme, telles la LDH ou Amnesty international, au plan local. Ce qui traduit, sans doute, la crainte des militants sur place d’être identifiés comme homosexuels, alors qu’au plan national, Amnesty ou SOS Racisme se sont engagés. De même, les syndicats sont encore réticents à reconnaître que l’homophobie est une cause de licenciement abusif, et hésitent à s’engager avec les associations gays.

En ce qui concerne les partis politiques, hormis l’exception notable des Verts qui ont mis en place une commission « gays et lesbiennes », et qui ont été représentés dans le défilé de l’année dernière, la frilosité est de rigueur. Certes la municipalité délivre des certificats de vie commune aux couples homosexuels, ce qui lui a valu une polémique virulente avec une conseillère municipale [3]. Certes, on a pu voir une adjointe [4] aux affaires sanitaires et sociales, intervenir au cours d’une conférence organisée par la LGP. Et, pour ces raisons, on peut considérer la situation à Nantes comme relativement favorable. Il n’en reste pas moins qu’il n’y a pas d’engagement fort des politiques, soit par crainte des réactions du corps électoral soit parce qu’il y a doute quant à la pertinence des revendications des homosexuels. Il reste à la charge de la LGP de continuer à faire la démonstration que ces questions concernent une part non négligeable de la société. Et ce, aussi bien à Paris que dans une ville comme Nantes, et les environs.

Christian Dubs

Plus d'informations :

Rédaction : La revue Politique, 60-62 rue d’Hauteville, 7501 Paris, Tél. : 01 53 34 00 00. Réalisation de la page : A. Ardoin et Yannis Delmas, Gais et lesbiennes branchés © 1997.

Notes :

[1Gays randonneurs nantais, Si maman savait, David et Jonathan, Association des parents et futurs parents gays et lesbiens, les soeurs de la perpétuelle indulgence, les Filles, le Centre lesbien et gay de Nantes, Contact, Lesbian and Gay pride Nantes.

[2Compagnie science 89.

[3Annick De Roscoat, divers-droite, CNI.

[4Michèle Meunier, PS.


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