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Les sénateurs refusent le bénéfice de la pension de réversion aux pacsés

date de redaction mardi 22 novembre 2005


Extrait des débats au Sénat, le vendredi 18 novembre 2005. Les sénateurs examinent puis repoussent deux amendements au projet de loi sur financement de la sécurité sociale visant à améliorer le pacs, qui proposent d’ouvrir le bénéfice de la pension de réversion au pacsé survivant.


L’amendement n° 254 rectifié, présenté par MM. Madec et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, MM. Lagauche et Yung et Mme Demontès, est ainsi libellé :

Avant l’article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° - aux articles L. 38, L. 45 et L. 50, après le mot : « conjoints », sont insérés les mots : « ou partenaires au titre des articles respectifs 144 et 515-1 du code civil ».

2° - aux articles L. 40, L. 43 et L. 88, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou partenaire au titre des articles respectifs 144 et 515-1 du code civil ».

3° - Le premier alinéa de l’article L. 45 est complété par les mots : « ou de chaque pacte civil de solidarité ».

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. M. Madec aurait aimé présenter lui-même cet amendement mais, nos débats étant plus longs que prévu, il a dû s’absenter.

Nous estimons que les dispositifs de la pension de réversion en vigueur dans le régime des pensions civiles et militaires de retraite des fonctionnaires doivent s’appliquer tant à une personne liée par un contrat de mariage qu’à une personne liée par un pacte civil de solidarité, un PACS.

Voilà six ans que le PACS a été créé et nous constatons un réel intérêt de nos concitoyens pour ce mode d’union. Les chiffres le prouvent : 22 276 pactes civils de solidarité ont été signés en 2000 ; 40 093 l’ont été en 2004 ; plus de 15 000 ont été signés au cours du deuxième trimestre de 2005. Pourtant, ce dispositif connaît quelques insuffisances. Il doit donc être amélioré.

Ainsi, rien ne justifie le fait que l’on opère une distinction entre les couples mariés et les couples pacsés face au drame que constitue le décès de l’un des deux partenaires du couple. Les droits sociaux prévus pour les premiers doivent être accordés aux seconds ; le Gouvernement a d’ailleurs ouvert la voie dans le projet de loi de finances pour 2006, en reconnaissant aux partenaires liés par un PACS le bénéfice d’une pension militaire d’invalidité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le bénéfice des pensions de réversion des fonctionnaires civils et militaires aux personnes ayant signé un PACS.

La commission des affaires sociales a depuis toujours estimé qu’il ne fallait jamais aborder la question du PACS au détour de l’examen d’un amendement « extérieur ». De plus, cette mesure serait coûteuse.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

En effet, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas le cadre approprié pour apporter des aménagements au pacte civil de solidarité.

Certes, plusieurs années après la mise en oeuvre de ce dispositif, il serait, il est vrai, utile d’examiner s’il ne comporte pas des imperfections et s’il ne conviendrait pas d’y apporter, si nécessaire, des améliorations. Toutefois, il faut considérer cette question dans son ensemble, et non pas au cas par cas.

J’ajoute que, par le biais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, on ne peut peser sur des décisions qui relèvent de toute façon du projet de loi de finances, puisqu’il s’agit ici non pas des régimes relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais des pensions de l’État.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a reçu les associations il y a plus d’un an. Il leur a indiqué que, s’il n’entendait pas mettre en chantier la reconnaissance du mariage entre personnes de même sexe, il n’était en revanche pas hostile à une amélioration du pacte civil de solidarité, pour que celui-ci soit signé en mairie ou qu’il apporte davantage de sécurité aux deux partenaires. Il semblerait même qu’un engagement formel ait été pris.

Or, alors même que le PACS vient de fêter son sixième anniversaire et que 169 531 pactes ont été signés au 1er juillet 2005, l’idée d’un éventuel projet de loi visant à améliorer ce dispositif n’a pas été rendue publique par le Gouvernement. Au contraire, l’interassociative lesbienne, gay, bi et trans s’est vu signifier que le Gouvernement n’avait en réalité aucun projet au sujet des droits liés au décès du partenaire.

M. le rapporteur a indiqué que la question du PACS ne pouvait être abordée par le biais de débats d’une autre nature - j’en conviens -, et M. le ministre a estimé qu’il pouvait être nécessaire de recenser les imperfections du dispositif.

J’aimerais que M. le ministre nous confirme qu’il a bien l’intention de remettre l’ouvrage sur le métier, afin non seulement de garantir l’égalité de traitement entre les couples pacsés et les couples mariés, mais également d’éliminer les discriminations entre les couples hétérosexuels et homosexuels.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Je ne pensais pas m’exprimer sur cet amendement, mais l’intervention de M. le ministre m’oblige à réagir.

M. François Autain. Comme d’habitude !

M. Roland Muzeau. L’argument massue de M. le ministre est qu’il n’y a pas lieu d’aborder cette question lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est assez curieux !

Si cette question n’entre pas dans le cadre de nos débats, pourquoi alors évoquer des questions aussi gravissimes que la suspension, voire la suppression des allocations familiales pour les enfants de parents étrangers ? Pourquoi débattre de la suppression des retraites pour les travailleurs étrangers résidant dans leur pays d’origine ? Il y a là deux poids, deux mesures !

Nous débattons de ce projet de loi depuis maintenant cinq jours. Chaque fois que nous avons proposé de nouvelles mesures, votre argumentation n’était absolument pas fondée. Pourtant, le Gouvernement ne se gêne pas - pas plus que la majorité sénatoriale, d’ailleurs -, pour introduire des cavaliers dans ce texte ou pour s’arranger allègrement avec la LOLF en prévoyant des dispositions telles que celles dont nous avons débattu tout à l’heure - même si, en l’espèce, l’impact financier en était modéré : 10 000 euros -, ou encore celles, beaucoup plus fondamentales, que nous examinerons tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je suis surpris par les arguments avancés tant par M. le rapporteur que par M. le ministre.

Nous avons discuté du statut du conjoint lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, et tout le monde a trouvé cela normal. À partir du moment où nous soulevons un problème qui est lié au sujet qui nous réunit - et c’est le cas ici -, vous n’avez pas à dire, monsieur le ministre, qu’il n’y a pas lieu d’en parler !

Mais c’est en réalité la réponse de M. le rapporteur qui m’a plus choqué : si vous commencez à dire, monsieur Leclerc, que nous ne pouvons pas aborder la question des pacsés chaque fois qu’ils sont concernés par un texte de loi, cela signifie que vous n’avez pas digéré le PACS ! Vous en êtes encore à cette question de principe : les personnes pacsées ont-elles les mêmes droits que les personnes mariées ?

Votre attitude est d’autant plus surprenante que, lorsque nous demandons le mariage pour les homosexuels, vous nous rétorquez que la question ne se pose plus puisque le PACS a résolu tous les problèmes. De deux choses l’une : ou les personnes pacsées ont les mêmes droits que les personnes mariées dans tous les domaines, et vous ne pouvez pas nous objecter une question de principe puisqu’une loi spécifique n’est pas nécessaire, ou vous acceptez que nous demandions le mariage pour les homosexuels. Il faut que ce soit clair !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je réitère la totale ouverture d’esprit du Gouvernement : il faut évaluer les progrès nécessaires qui peuvent être apportés au régime du PACS. Mais, encore une fois, je le répète, cette question mérite un vrai débat portant sur tous ses aspects.

C’est pourquoi le Gouvernement, je le confirme, est défavorable à l’amendement n° 254 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur Desessard, soit on refait un débat sur le PACS, comme M. le ministre vient de le proposer, soit on aborde cette question, comme aujourd’hui, à l’occasion de sujets annexes.

La commission des affaires sociales estime que cette question mérite un débat spécifique, afin de resituer le dispositif dans la réalité d’aujourd’hui. Or tel n’est pas l’objet, aujourd’hui, de la présente discussion.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 254 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)


Articles additionnels après l’article 45

M. le président. L’amendement n° 253 rectifié, présenté par MM. Madec et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, MM. Lagauche et Yung et Mme Demontès, est ainsi libellé :

Après l’article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l’article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « conjoint survivant » sont remplacés par les mots : « conjoint ou partenaire au titre des articles respectifs 144 et 515-1 du code civil, survivant »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Nous proposons que la pension de réversion s’applique tant à une personne liée par un contrat de mariage qu’à une personne liée par un pacte civil de solidarité.

Ainsi, de même que les dispositifs d’aides sociales publiques prennent en compte, dans leurs conditions de ressource, la réalité sociale de l’existence de couples de personnes unies soit par contrat de mariage soit par pacte civil de solidarité, le bénéfice d’une pension de réversion après la mort d’un conjoint s’appliquera à ces situations.

Il s’agit d’une mesure de justice sociale anti-discriminatoire à l’égard des couples stables unissant deux personnes de même sexe pour lesquelles il n’est pas prévu l’accès au mariage.

Les éventuelles pertes pour les comptes sociaux publics seraient elles-mêmes limitées, compte tenu de l’impossibilité juridique de cumuler les statuts de marié au titre de l’article 144 et de partenaire de pacte civil de solidarité au titre de l’article 515-1.

Je tiens au passage à signaler que je ne m’inscris pas dans la logique de ceux qui demandent un débat sur le PACS : ce débat a déjà eu lieu, et nous avons retenu le principe selon lequel tous les couples doivent bénéficier de droits identiques, que les personnes soient mariées ou pacsées.

Comme pour les autres textes législatifs, si des imperfections apparaissent dans le texte relatif au PACS, elles doivent être corrigées au fur et à mesure. Renvoyer à un débat d’ordre général l’examen de tous les problèmes relatifs au PACS serait vraiment une perte de temps et signifierait que, contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, alors que le Gouvernement prétend faire preuve d’ouverture, il se montre, en fait, fermé et a du mal à appliquer ce principe d’égalité.

Le droit étant le même pour les personnes mariées et pour les personnes pacsées, il nous appartient de toiletter la législation pour faire en sorte que, dans chaque secteur, cette égalité soit respectée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué.
Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, votre affirmation, tout à l’heure, de la totale ouverture d’esprit du Gouvernement en ce qui concerne les améliorations à apporter au dispositif du PACS équivalait-elle à un engagement de votre part de rouvrir ce chantier ?

Par ailleurs, je ne suis pas certaine que l’argument selon lequel ce qui est proposé par l’amendement n° 253 rectifié entraînerait des dépenses supplémentaires soit recevable. En effet, soit on est marié, soit on ne l’est pas. On ne peut bénéficier deux fois d’une pension de réversion !

On ne peut pas non plus mettre en place un régime qui se solderait par deux poids, deux mesures : contester l’accès à des dispositifs de solidarité au nom des ressources du couple pacsé et, en cas de coup dur, en cas de décès, contester l’accès à un dispositif de solidarité, à savoir la pension de réversion, qui est liée, justement, à l’existence de ce couple.

L’argumentation de M. le rapporteur me semble être un peu bancale et ne pas aller au bout du raisonnement : soit on est dans l’égalité des droits, soit on ne l’est pas.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 253 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)


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