Accueil > Evénements > 2005 > La ratification du projet de constitution européenne > Tu dis OUI ou tu dis NON ?

Tu dis OUI ou tu dis NON ?

date de redaction mercredi 4 mai 2005


Vous vous rappelez ?
"parce que si c’est OUI c’est OUI, mais si c’est NON, c’est NON...
Si c’est NON c’est pas OUI, mais si c’est OUI, c’est pas NON..."


Il y a des anti-européens qui votent NON. Logique.
Il y a des pro-européens qui votent NON. Illogique ?
Pas si sûr. On savait qu’à droite on penche pour une Europe des nations, et qu’à gauche on penche pour une Europe fédéraliste. Comme le débat n’a jamais eu lieu, la majorité des électeurs pro-européens ne comprennent pas la différence, et chacun suivait jusqu’à présent les mots d’ordre de son courant.

Mais l’actuel débat sur la constitution européenne sème le désordre ; à l’intérieur même de la gauche et de la droite, il y a des courants opposés.
Les tentatives pour maintenir l’unité, assises sur la mode nouvelle à l’américaine des votes préalables de militants encartés, proclamés comme représentatif de l’électorat des partis, ont fait long feu.
L’opportunisme politique de cette pseudo-démocratie censitaire n’a trompé personne, chacun sait qu’un référendum demande l’avis de chaque français. Si on avait voulu un vote représentatif, celui du Congrès aurait fait l’affaire. Ces votes préalables des partis ne visent qu’à maintenir à leur tête des dirigeants en quête de légitimité, avec l’après-scrutin comme ligne d’horizon de carrière. Comme au cirque, il leur faut se maintenir debout sur un tonneau qui roule, piper l’acrobatie est tentant.

Si le parti socialiste est écartelé selon la une des média, la droite ne se porte guère mieux. Il est clair que l’électorat n’a pas sur ce scrutin de discipline des partis, lesquels sont bien en peine de discours unitaires, quand ils ne font pas des alliances inattendues : François Hollande, directeur de campagne de Jacques Chirac, même madame Soleil n’aurait pas osé ça. Au secours, Tonton !

Cependant, à quelques semaines du scrutin, la vraie ligne de partage entre OUI et NON au sein des électeurs pro-européens est peut-être plus lisible.
Il y a ceux qui aquiescent à la fois au principe et au contenu du texte, y compris dans sa dimension de "concurrence non faussée", de services publics privatisés, de possibilités de dumping social, de relents de morale bourgeoise judéo-chrétienne. Ils votent OUI.
Il y a ceux qui sont d’accord sur le principe d’un texte, sur les évolutions des institutions européennes qu’il contient, comme une diplomatie commune, des représentations et des majorités différentes du traité de Nice, mais qui regrettent le modèle de société bourgeoise libérale et concurrentielle évoqué, et souhaitent le modifier. C’est là le grief central du divorce.
Certains pensent qu’il faut voter OUI, quitte à travailler à modifier le texte par la suite pour le rendre plus social. On trouve là les ténors historiques du PS les plus carriéristes, De Hollande à Strauss-Kahn en passant par Lang, une brochette d’anciens ministres, dont des Verts. Pour ceux-là, "OUI mais" égale OUI.
D’autres pensent que des modifications sont illusoires avant longtemps, et qu’il convient d’arrêter la machine avant que l’Europe ait sombré dans la concurrence économique et le dumping social ; pour eux, le texte est à reprendre, il faut voter NON. On y trouve Fabius et Emmanuelli au PS, dans une posture politique risquée, le Parti Communiste Français, unitaire sur le NON, et des formations transversales comme Attac, dont beaucoup de minorités, et quelques jeunes tirailleurs politiques.

C’est peut-être là que se trouve la vraie ligne de partage de l’opinion : quels sont les électeurs menacés par le risque d’appliquer ce texte, même transitoirement, dans son interprétation libérale, bourgeoise et concurrentielle ?
Certes pas les nantis de droite, ni non plus les nantis de gauche, le couple balzacien Hollande-Royal n’étant pas très différent du couple Chirac, au mariage près, cité même pour le remplacer à l’Elysée ; même paraitre étriqué, même conformisme politique hésitant, ça sent le chou. Il faut bien reconnaitre que la plupart des ténors socialistes du "OUI mais = OUI" sont à l’abri, et leur électorat "bobo" aussi. Un nouveau Munich leur serait supportable. Après tout, sous Hitler, les maladies de pléthore ont disparu.
Mais au fil d’un débat laborieux, on constate dans les sondages la fuite massive des électeurs les plus populaires vers le NON, ceux de la "France d’en bas", voire d’encore plus bas. Ceux-là (dont 600 000 chomeurs en fin de droits), survivants sur des minima sociaux dont l’indexation est à 1,5% alors que l’inflation reconnue est à 2,1%, économie risible et insupportable après l’affaire Gaymard et les retraites complémentaires de grands patrons, ont bien compris qu’encore une fois leur sort n’intéresse personne.
Avoir les moyens de ses idées, voilà bien le débat qu’aucun homme politique n’imagine.

Il y a en France des pauvres, malgré les effets d’annonce des raffarinades sur l’abonnement social à EDF, qui ne s’applique en réalité qu’aux ultra-pauvres et ne fonctionne toujours pas, car la Sécu est en retard. C’est la classe sociale qui compte le plus de nouveaux dans ses rangs.
Il n’y a pas que des pauvres d’argent, il y a aussi des pauvres de vie, dont les rangs enflent aussi. Des minorités sont en difficulté, sous le nez de tout le monde et dans l’indifférence presque générale. Des sans-papiers, des sans-logis, mais aussi des transsexuels auxquels on dénie le respect le plus élémentaire, des homosexuels prolétarisés, victimes d’agressions intégristes, le lobby gay ne représentant qu’une infime minorité de ces cinq millions de français, au mieux quelques dizaines de mille, réfugiés dans le ghetto du Marais ou dans des cercles protégés.
Il parait qu’une fédération "LGBT" (?) parisienne, qui se croit représentative, s’interroge sur l’opportunité de débattre pour donner une consigne de vote à la "communauté" ! Quelle blague !
Descendez de vos estrades, cessez de pérorer, venez voir au fond de la province : Samedi 30 Avril encore, "La Provence" indiquait enfin dans ses faits divers, l’agression commise le 19 Avril d’un homosexuel ordinaire, vieux et pauvre, survivant dans un quartier populaire de Marseille, ignorant tout des lumières des nuits gays marseillaises, mort noyé dans un canal faute de secours, sans que quiconque s’en émeuve.
Messieurs les tribuns parisiens, on comprend qu’Homosexualité et Socialisme puisse donner des consignes de vote, c’est dans son rôle comme Gaylib, chacun la voix de son maître, mais vous seriez plus inspirés de voir la réalité en face, vous ne représentez que vous-mêmes. Nul doute qu’en conclave vous puissiez nous pondre une consigne de vote, destinée à la "communauté". Laquelle ? La vôtre certainement, celle de bobos qui ont les moyens de faire carrière dans le militantisme, de passer d’une réunion syndicale à un bar branché du Marais où vous avez encore les moyens de consommer.
Mais la vraie "communauté", si elle existe, ne peut être que celle de ceux qui souffrent, des patrons, des nantis, du manque d’argent, de la misère sexuelle et sociale, des vexations policières, simplement de l’opprobre générale que vous avez oubliée, dans vos salons dorés, entourés de courtisans politiques qui s’indignent avec vous qu’on discute votre légitimité, vous accordent des lois soit-disant anti-discriminatoires, qui n’ont évidemment pas empêché le macabre fait divers dont je vous informe.
S’empailler en montant en épingle, d’un bord ou de l’autre, les trois mots qui concerne "la communauté" au sein de cette constitution illisible et contradictoire, ne changera pas l’avenir de l’Europe. Malgré les sourires de Jack Lang, nous savons bien que le PS nous a tourné le dos, comme les autres : mariage, adoption, circulez c’est pas le moment. Seul un Vert jamais ministré fait de la résistance.
Comme le reste des français d’en bas, ceux de cette "communauté" voteront avec ou sans analyse politique, à partir du quotidien qu’ils vivent ou qu’on leur promet. Ils sont à la fois homosexuels et citoyens, à la fois dans l’isoloir et au lit, car contrairement à la posture d’un initiateur du PACS, ils ne sont pas schizophrènes.
Et ceux-là n’ont pas envie, dans leur précarité matérielle ou sociale, d’être broyés dans les grands desseins politiques des ténors en vue ou des aboyeurs de service. Laissez-les penser par eux-mêmes, ne leur refaites pas le coup d’Act-Up avec la capote. Laissez "la communauté" voter en paix, OUI ou NON selon la conscience de chacun, et la ligne de partage social qu’il vit.

Enfin, quand on entend dire que la France se mettra au ban des nations si elle est la seule à voter NON, commençons par dire merci de l’existence de ce référendum ; et soulignons par la même occasion qu’en réalité fort peu de nations sont invitées à un vote référendaire. La plupart des OUI déjà connus ou promis d’avance relèvent du choix des élus en congrès (ceux qui font carrière), seuls les espagnols ont effectivement voté. Au point que certains autres, spoliés de leur avis, comptent sur la France pour arrêter la machine... Ca me rappelle l’Irak, où notre opposition ne nous a pas si mal réussi.
Et puis il y a les faux-culs. En Grande Bretagne, Blair a annoncé que si la France vote NON le référendum britannique sera annulé..., Ca lui évitera de péter NON devant la reine d’Angleterre.
Ca me rappelle une blague de Tony Duvert dans "Le bon Sexe illustré" : personne n’est pédé, tout le monde serre les fesses. Le premier qui relache a perdu...
Ils sont combien, à compter sur le voisin, pour dire NON à leur place ?

La politique en a vu d’autres, l’Europe aussi. Si c’est OUI, il y aura probablement de la casse sociale pour les plus fragiles, en attendant une hypothétique modification, qui s’appuyera sur ces dégâts nécessaires pour se justifier.
Si c’est NON, on s’en remettra, peut-être même grandis. En politique, on s’en remet toujours. La preuve, l’Irak. Evidemment, ça sera peut-être plus les mêmes sur le tonneau à faire les pitres, que ce soit au PS, à l’UMP, ou dans ces cercles gays du Marais, dont les membres pensent que tous les pédés de France rêvent comme d’un 26eme état exemplaire...

Le Canard Déchaîné


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | Infos éditeur