Bruits de couloir : la PREP à l’étude en France

communiqué The Warning - 10/7/2009

C’est le branle bas de combat dans le milieu associatif. A
l’initiative du collectif de plusieurs associations sida, le TRT-5 a
invité plusieurs associations à participer à un groupe de travail sur
le futur essai PREP qui devrait être mis en place en France dans les
prochains mois. Revenons sur cette affaire.

Le professeur Jean-Michel Molina, des hôpitaux de Paris, a déposé
cette année, auprès de l’ANRS un projet visant à étudier l’intérêt
d’une prophylaxie antirétrovirale (basée sur le Truvada,
antirétroviral du laboratoire pharmaceutique Gilead) visant à protéger
les personnes séronégatives contre le VIH lors des relations sexuelles
sans latex. Même si le protocole n’a pas encore été accepté par l’ANRS
(pour son volet financement, car il faudra ensuite l’accord du Comité
de protection des personnes), le Pr. Molina a présenté lors de la
journée thématique du TRT-5 en avril dernier son projet. Il s’agit de
l’i-PREP, une prophylaxie antirétrovirale intermittente. Différents
scénarios pourraient être étudiés, mais en gros, il faudrait recruter
1500 gays à haut niveau de prise de risques et d’observer l’évolution
du nombre de nouvelles infections VIH dans le temps chez ces personnes
à qui l’on proposerait de prendre avant et après l’acte sexuel une
prévention chimique basée sur le Truvada, de telle manière à être
suffisamment dosé en produit dans le sang au moment où le VIH
risquerait d’entrer dans le corps. Sauf qu’il y a quelques os.

Tout d’abord, ces 1500 personnes seraient divisées en deux groupes,
l’un, le groupe placebo, ne prendrait que des comprimés sans aucune
action préventive, afin de pouvoir établir un groupe de comparaison
(groupe témoin). De sérieuses questions éthiques se posent donc. Il
faudrait aussi trouver un moyen sérieux de prévenir l’apparition de
résistances chez les personnes pour lesquelles la PREP n’aurait pas
empêché leur séroconversion (en effet, en continuant à prendre une
PREP intermittente alors même que ces personnes seraient devenues
séropositives sans le savoir, il y a peut-être un risque d’apparition
de virus résistants). Par ailleurs, il existe déjà d’autres études
menées à l’étranger, que ce soit chez les hétérosexuels ou chez les
gays. Certes elles proposent de prendre une prévention chimique en
continue (et non pas avant/après l’acte sexuel). La i-PREP aurait
l’avantage d’être plus économique. Mais on peut se demander s’il ne
faudrait pas d’abord attendre le résultat des études étrangères avant
de se lancer sur l’i-PREP, car si alors les résultats sont négatifs,
il serait logique que l’i-PREP ne soit pas non plus efficace. Dans le
cas contraire, on pourrait s’éviter ce groupe placebo et comparer
plutôt un groupe en PREP continue et un en i-PREP.

Le TRT-5 et ses associations amies ont déjà commencé leurs travaux de
réflexion afin d’établir un cadre éthique et préparer la mobilisation
pour le recrutement de ces 1500 gays. Le professeur Molina doit à
nouveau rencontrer le groupe mis en place par le TRT-5, qui établira
ensuite un rapport à la fin de l’été. La procédure n’est pas
complètement étrange, puisque le TRT-5, qui est censé représenter les
malades, est habituellement consulté par les chercheurs pour le
versant éthique des recherches impliquant des séropositifs. Mais il
est loin d’avoir démontré sa capacité sur les questions de prévention.
La journée d’avril qu’il a organisée sur la transmission sexuelle du
VIH a clairement servi à enfumer la réflexion autour de l’intérêt du
traitement en prévention, puisque les interventions ne permettaient
pas de faire avancer le débat sur les recommandations suisses (on
était à l’époque avant la publication de celles du Conseil national du
sida). Ce qui pose question. Par ailleurs, nous ne parlons pas ici
d’études impliquant des questions thérapeutiques, mais de prévention
qui concernent en premier lieu les gays séronégatifs. Quelles
implications réelle de la communauté gaie ? Des associations
représentantes de cette communauté ? Des associations de prévention ?

Des bruits circulent autour de cette future recherche et de cette
précipitation. Il semblerait que le Pr Molina s’agite grandement afin
d’éviter que d’autres protocoles de recherche ne soient déposés en
France sur le même sujet. Il y aurait concurrence. Le directeur de
l’ANRS, Jean-François Delfraissy est très favorable à ce projet. Ce
qui suppose donc que le cabinet de la Ministre de la Santé et des
Sports est lui aussi favorable.

Nous avons souvent déclaré à Warning que nous étions très intéressés
par les alternatives de prévention, notamment les PREP. Nous tenions
donc à vous informer du projet français et des développements en
cours. Toutefois il faut bien remarquer que le projet français se
prépare dans un contexte passablement confus. La politique de
dépistage en France marque le pas depuis plusieurs années. Les tests
de dépistage rapide ne sont toujours pas implantés de manière
routinière contrairement à ce qui se fait à l’étranger, les autotests
sont toujours refusés (même s’il semble y avoir une évolution chez
certains hospitaliers à leur égard et qu’une étude va bientôt montrer
que 50% des gays y sont favorables). De plus l’avis du Conseil
National du sida sur le traitement comme prévention semble être
volontairement enterré par l’Etat. Pourtant la prévention ne peut
fonctionner qu’en faisant agir plusieurs leviers. L’ANRS a de son côté
besoin de nouvelles recherches, étant donné les échecs autour du
vaccin. Le laboratoire Gilead souhaite lui développer un nouveau
marché pour certaines de ses molécules anti-rétrovirales. Certains
associatifs veulent se positionner. Ne faudrait-il pas réfléchir à
tout cela, et notamment à la PREP, indépendamment d’un quelconque
projet en cours ?

(Warning n’est pas membre du TRT-5)