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Le suicide

date de redaction mercredi 23 février 2005     auteur Jean-Benoît RICHARD


Dans une indifférence quasi générale, des milliers d’homosexuels, de personnes en interrogation sur leur orientation sexuelle ou sur leur identité de genre se suicident chaque année.


Du 1er au 12 février 2005, les neuvièmes Journées nationales pour la prévention du suicide, organisées par l’UNPS [1], se sont tenues un peu partout en France, à Toulouse, Lyon, Béziers, Dijon, Paris, Clermont-Ferrand, Tours, Marseille, Le Mans... Selon le ministère de la santé, la France se situe parmi les dix pays les plus concernés au monde par le suicide. Synonyme d’échec, de faiblesse et de honte, le suicide (deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 24 ans et première cause de mortalité chez les jeunes de 25 à 34 ans) reste un tabou dans notre pays.

L’homosexualité, facteur agravant

Tabou dans le tabou, le suicide des personnes lesbiennes, gaies, bi ou trans et des personnes en interrogation sur leur orientation sexuelle ou identité de genre ne fait l’objet d’aucune mention sur le site Internet de l’UNPS. Or, il représenterait chaque année une part plus que significative des 12.000 suicides et 160.000 tentatives de suicide en France.

Le 7 mars dernier, la Fédération française des Centres gais & lesbiens et de leurs Membres associés (qui regroupent 138 organisations et 2.546 militant/es lesbiennes, gaies, bi ou trans) avait cru pouvoir estimer cette part de 40 à 60% (alors que ces personnes ne représenteraient que 10% de la population). Cette estimation reste à valider mais n’a pas été contestée par l’État et s’est même vue évoquée devant le Parlement, le 21 décembre, par le sénateur du Nord Jean-René Lecerf qui s’exprimait sur le suicide des jeunes.

Chaque jour en France, quelque trente personnes se suicident et 400 environ tentent de le faire. Combien sont lesbiennes, gaies, bi ou trans ? Combien sont en interrogation sur leur orientation sexuelle ou identité de genre ? Dans chacune des associations membres de la Fédération des CGL, chaque bénévole connaît une personne qui a mis fin à ses jours ou tenté de le faire (restant parfois lourdement handicapée).

Dans d’autres associations n’appartenant pas au mouvement LGBT, des bénévoles témoignent de la sursuicidalité des personnes LGBT et des personnes en interrogation sur leur orientation sexuelle ou identité de genre : SOS Suicide Phénix Paris indique que « les associations spécialisées dans la prévention du suicide et l’écoute téléphonique en direction des personnes suicidaires sont confrontées chaque jour à ce problème », ajoutant qu’une « forte proportion des appels émanent de gays et lesbiennes ne trouvant plus que le refuge d’une ligne téléphonique anonyme (non spécialisée dans l’écoute de la population LGBT) pour exprimer leur désespoir comme alternative au geste suicidaire » [2].

Sida Info Service fait état du mal-être évoqué par les personnes qui appellent sa Ligne Azur (service d’écoute téléphonique anonyme et confidentiel destiné aux personnes qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle ou identité de genre), 7,2% parlant de pulsions suicidaires, 3,3% évoquant une tentative de suicide [3].

L’homophobie est le facteur clef de la sursuicidalité des personnes LGBT et des personnes en interrogation sur leur orientation sexuelle ou identité de genre. Comme le souligne en substance le sociologue Jean-Marie Firdion dans le Dictionnaire de l’homophobie, « notre société laisse proliférer des attitudes négatives ou agressives » à leur encontre, « autant de facteurs favorisant la désespérance, la dépression, la tentative de suicide et le suicide ».

L’Etat ne fait pas beaucoup

Que fait l’État contre la sursuicidalité des personnes LGBT et des personnes en interrogation sur leur orientation sexuelle ou identité de genre ?

Le ministère de la santé n’en dit rien dans le dossier consacré au suicide sur son site Internet... Pourtant, Christine Boutin elle-même en parlait dans son rapport sur l’isolement et le suicide adressé au Premier ministre le 15 septembre 2003. Las, le gouvernement n’a toujours pas lancé l’étude épidémiologique qu’elle demandait alors (page 152 de son rapport) sur le lien entre suicide et homophobie. Il est vrai que la députée des Yvelines n’a guère insisté... Bien au contraire, le 7 décembre dernier, elle s’est opposée à la pénalisation des propos homophobes qu’elle demandait aussi le 15 septembre 2003 (page 150 de son rapport).

De nombreuses associations, et plus particulièrement le CGL Lille, la Fédération des CGL, Ligne Azur - Sida Info Service, Aides, Act Up-Paris, et Warning, déplorent l’inaction de l’État face à la sursuicidalité des personnes LGBT et des personnes en interrogation sur leur orientation sexuelle ou identité de genre. Des témoignages extérieurs au mouvement LGBT, comme celui de SOS Suicide Phénix Paris, attestent pourtant de l’ampleur de cette sursuicidalité. Elles appellent l’État à assumer sa mission d’acteur de santé publique en commençant par mener, enfin, une étude épidémiologique en concertation avec les acteurs concernés

L’État doit assumer sa mission d’acteur de santé publique, et mettre un terme à son apathie face à l’ampleur du suicide des personnes LGBT et des personnes en interrogation sur leur orientation sexuelle ou identité de genre - sauf à laisser penser qu’il s’en accommode.

Notes :

[1Union nationale pour la prévention du suicide

[2communication du 13 février

[3rapport d’activité 2003


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