Tribune
lundi 7 avril 2014
Une tribune pour alerter le nouveau gouvernement sur l’interdiction des soins de conversation (communément appelé funéraires) aux personnes séropositives au VIH/Sida ou à une hépatite virale.
Tribune co-signée par Act Up-Paris, AIDES, Elus Locaux Contre le Sida, Flag !, Inter-LGBT et SIS Association
Dire que le VIH/sida est une maladie stigmatisante relève de l’évidence. Une évidence très largement documentée, une évidence qui va impacter très négativement la vie des personnes séropositives tout autant que l’efficacité globale de toute politique de prévention et de promotion du dépistage. Une évidence malheureusement acceptée et légitimée. Un exemple : 73% des Franciliens estiment que pour éviter des discriminations, une personne séropositive au VIH a raison de garder son diagnostic secret…
Une évidence que nous, associations, acteurs engagés, militants, nous combattons au quotidien. Tout simplement, parce que nous croyons en une société plus juste et plus solidaire, plus ouverte et plus humaine.
Si nous défendons les vivants, nous devons également défendre les morts, leur mémoire mais aussi, à cause d’une réglementation très et trop longue à modifier, leur dignité. Jugez plutôt : aujourd’hui, en France, plus de 30 ans après le début de l’épidémie, il est toujours interdit d’effectuer des soins de conservation pour les personnes décédées touchées par le VIH/sida ou une hépatite virale. Concrètement, qu’est-ce cela signifie ? Que les proches, les amis, la famille d’une personne décédée séropositive ne pourront lui rendre un dernier hommage, ils ne pourront lui faire un baiser d’adieu … Rajouter de la souffrance à un moment de choc aussi dur que l’annonce d’un décès, empêcher le deuil, discriminer les malades même après leur mort … est-ce vraiment une solution dont la France puisse s’honorer ?
Alors que nous nous battons depuis plusieurs années pour demander la levée de cette interdiction, pourquoi l’Etat français s’obstine-t-il à maintenir cette réglementation tout aussi inhumaine que dangereuse ?
Certains pourraient penser que l’inhumanité de cette interdiction serait justifiée par la protection de la santé des thanatopracteurs. Mais au-delà de la discussion de savoir si la dignité doit être à géométrie variable, maintenir cette interdiction constitue non pas une protection mais bel et bien un non-sens en termes de protection de la santé aussi bien sur le plan individuel que collectif.
Comment imaginer que le simple fait de cocher une case sur un papier permettrait au thanatopracteur d’être protégé ? Cette case englobe-t-elle les 30.000 personnes qui sont séropositives au VIH en France et qui ne connaissent pas leur statut sérologique ? Décidemment, cette réglementation crée un sentiment de sécurité bien illusoire… Sur le plan collectif cette interdiction constitue également une aberration : nous nous battons au quotidien pour casser les préjugés et les fausses idées entourant le VIH/sida, bien conscients que nous sommes que lutter contre les discriminations touchant les personnes séropositives, c’est permettre la mise en place d’une politique de prévention et de promotion du dépistage efficace. Or, comment faire si les discriminations sont justifiées par l’Etat ? C’est simple : promouvoir l’idée que le VIH/sida est une maladie honteuse, comme c’est le cas via cette interdiction, c’est tout simplement s’opposer à 30 ans de lutte.
Nous avons assez attendu la levée de cette interdiction ! Au-delà des 91.000 personnes qui ont signé la pétition sur change.org, le Défenseur des droits, le Conseil national du sida, le Haut Conseil à la santé publique, l’Inspection générale des affaires sociales ont tous demandé la levée de l’interdiction, jugeant de manière concordante que la sécurité des thanatopracteurs doit passer par le respect des précautions universelles et un travail dans un environnement conforme, c’est-à-dire en chambres funéraires. Aujourd’hui, ce n’est objectivement pas le cas : les thanatopracteurs n’œuvrent pas dans des conditions correctes, voilà le vrai souci et le cœur du problème !
Malgré tout cela, tous les avis des institutions de santé, toute la mobilisation citoyenne, l’inhumanité et la dangerosité de cette réglementation, les soins de conservations restent interdits aux personnes touchées par le VIH/sida ou une hépatite virale.
La conclusion à tirer est simple : Séropos, non la France ne vous préfère pas morts. La France ne vous préfère ni morts, ni vivants. Juste invisibles.
Pétition : www.change.org/SidaSoinsFuneraires
Publication : http://www.elcs.fr/Seropos-la-Franc...