jeudi 9 juin 2011
Tribune libre de la Fondation Egalité à l’intention des députés, qui examinent le 9 juin une proposition de loi permettant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.
communiqué Association pour la Fondation Egalité - 9 juin 2011
Aujourd’hui en France, plusieurs millions de nos concitoyens n’ont pas le droit de se marier. Les
couples homosexuels vivent dans notre pays avec le sentiment que leur amour n’est pas reconnu à
l’égal de celui des autres couples puisqu’il ne leur permet pas de sceller leur union comme les autres,
à la mairie, en bénéficiant d’un mariage à la fois public, engageant et protecteur.
Comment supporter plus longtemps cette discrimination, cette injustice et cette humiliation qui en
font des citoyens de seconde zone ? Cette différence de traitement à l’encontre des couples
homosexuels les infériorise et les stigmatise tout en introduisant l’idée que l’amour d’un couple
homosexuel est moins digne de considération et de protection que celui d’un couple hétérosexuel.
Elle permet de justifier des comportements homophobes qui dégénèrent souvent en agressions
physiques, verbales ou sociales.
L’ouverture du mariage civil aux couples gays et lesbiens est devenue une réalité au Canada, en
Afrique du Sud, en Argentine et plus près de nous dans de nombreux pays européens, de l’Espagne à
la Suède en passant par la Belgique, sans que cela ne déstabilise ces sociétés et sans que cela
n’enlève quoi que ce soit aux couples hétéros mariés. Pourquoi la France, Patrie des Droits de
l’Homme, ferait-elle moins bien que ces pays ? De quoi aurions-nous peur ?
Les élus auraient-ils peur de leurs électeurs ? 58 % des Français et 74 % des moins de 35 ans sont
favorables à l’ouverture du mariage (Source : enquête TNS Sofres du 26 janvier 2011).
Des considérations religieuses pèseraient-elles sur une initiative politique ? Nous ne pouvons
imaginer que des groupes de pression religieux puissent influencer les élus de la Nation afin de les
inciter à imposer à l’ensemble de la population les dogmes qui relèvent de convictions personnelles
et qui ne peuvent être opposables à une réalité sociale. Ce serait là bien étranger à notre conception
républicaine de la laïcité qui a été réaffirmée à plusieurs reprises ces derniers temps.
Alors que l’ouverture du mariage civil était déjà dans le programme de la candidate socialiste en
2007 et que la mise en oeuvre d’une union civile pour tous, équivalente en droits et en devoirs avec
le mariage, avait été proposée par l’actuel Président de la République dans son projet présidentiel de
2007, il ne s’est depuis strictement rien passé. On voudrait nous faire croire que le débat doit encore
être reporté à de futures échéances électorales. Ce n’est pas admissible et ce n‘est pas digne. Ni le
Président de la République pourtant remarié en 2008, ni son Premier ministre qui se rend
régulièrement au Vatican depuis 2007 n’ont voulu considérer cette question comme prioritaire alors
même que le Parlement Européen ne cesse de recommander cette évolution depuis 1994.
Dans sa décision rendue le 28 janvier dernier, le Conseil Constitutionnel a estimé que la Constitution
n’imposait pas d’ouvrir le mariage à tous les couples mais qu’elle ne l’interdisait pas non plus. Les
Sages de la rue de Montpensier ont estimé que l’ouverture du mariage civil aux couples de même
sexe est une question qui relève de la compétence du législateur. Au travers de la proposition de loi
déposée par le Groupe SRC et qui sera inscrite à l’ordre du jour de la séance du 9 juin prochain, ce
sera donc à l’Assemblée Nationale de prendre ses responsabilités pour trancher un débat qui n’a plus
lieu d’être et qui consiste essentiellement à jeter l’opprobre sur une partie des citoyens français sous
prétexte de considérations déplacées sur la stabilité des couples (sic) ou sur l’intérêt des enfants.
Les couples homosexuels ne sont ni plus ni moins stables que les couples hétérosexuels. L’accès au
mariage ne fera d’ailleurs que renforcer cette stabilité.
Certains instrumentalisent l’intérêt de l’enfant pour retarder l’ouverture du mariage. Dans notre
pays, près d’un enfant sur deux naît hors mariage. Les couples hétéros ont volontiers des enfants
hors mariage et les couples homos ont de plus en plus d’enfants (près de 200 000 aujourd’hui) sans
pour autant avoir accès au mariage. Aussi, prétendre interdire l’ouverture du mariage civil au motif
que cela ouvrirait la porte de l’adoption est franchement dilatoire. Les familles homoparentales et
leurs enfants existent déjà. Ces familles ne demandent simplement qu’à être pleinement reconnues
et respectées comme toutes les autres familles.
L’amour homosexuel ne doit plus être un enjeu électoral. C’est une réalité humaine, naturelle et
sociale. Dès lors que l’on reconnaît que l’amour homosexuel n’est pas inférieur à l’amour
hétérosexuel, que tous nos concitoyens sont égaux en droits et en devoirs et que le mariage est le
cadre privilégié dans lequel il est possible de se projeter à deux dans un engagement à vie, pourquoi
ne le réserver qu’à une partie de la population ?
Mesdames et Messieurs les Députés, l’égalité en droits mais aussi en devoirs n’est pas l’unique
fondement de l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. Cette ouverture sera aussi le
symbole, tant attendu, de la dignité que vous voudrez bien reconnaître à chacun de nos concitoyens.
Mesdames et Messieurs les Députés, dès le 9 juin prochain vous avez le pouvoir d’ouvrir le mariage
civil à tous les couples. Pour cela, comme lorsqu’il s’est agi de voter la loi Veil, il vous faudra vous
affranchir des clivages partisans. Pour cela, il vous faudra vous inspirer uniquement de l’une des
valeurs fondamentales de notre République : l’Egalité.
Association pour la FONDATION EGALITE
Stéphane Dassé
Président de l’Association pour la Fondation Egalité
notre rubrique Les prémices du mariage gay