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La reconnaissance de la déportation homosexuelle doit franchir le périphérique

date de redaction mercredi 16 mars 2005


Dix associations et formations
politiques appellent État, élu/es et associations de déporté/es à
faciliter la commémoration de cette part de l’histoire de France. Une
rencontre avec le ministère délégué aux anciens combattants leur laisse
espérer que la prochaine Journée du souvenir, le 24 avril, se déroulera
mieux que celle d’avril 2004. Ils attendent maintenant que le dialogue
entamé se poursuive et s’élargisse à l’ensemble de la nation.


communiqué - 16/3/2005

Suite à l’appel lancé le 7 janvier par la Fédération française des Centres
gais & lesbiens et de leurs Membres associés (qui regroupent 138
organisations et 2.546 militant/es lesbiennes, gaies, bi et trans), les
signataires demandent à l’État, aux élu/es et aux associations de déporté/es
de laisser une place au souvenir de la déportation homosexuelle dans les
commémorations de la déportation.

Lors de la cinquantième Journée nationale du souvenir des victimes et des
héros de la déportation
, le dimanche 25 avril 2004, la nation n’a pas
montré en tous lieux le même visage aux associations qui portent le souvenir
de la déportation homosexuelle. À Paris, Marseille, Biarritz, Le Mans, Lyon
ou Bordeaux, les autorités préfectorales et municipales et les associations
de déporté/es les ont officiellement invitées, les autorisant parfois à
participer au dépôt de la gerbe unique (Marseille) ou à déposer une gerbe
distincte au milieu de la cérémonie officielle (Le Mans). En revanche, à
Grenoble, Lille, Montpellier, Nîmes, Orléans ou Reims, elles les ont peu ou
prou mises à l’écart : fanfare militaire lancée en pleine minute de silence
(Lille), menace de garde à vue (Montpellier), interdiction de tout dépôt de
gerbe (Grenoble)... Les autorités préfectorales qui ont pris part à ces
manifestations d’homophobie ont pu s’y sentir encouragées par la circulaire
du 8 avril 2004, qui observe un silence sibyllin sur la déportation
homosexuelle, alors que les recommandations gouvernementales des 9 avril
2001, 27 février 2002 et 23 avril 2003 mentionnaient explicitement que les
associations qui portent le souvenir de cette déportation "peuvent se
joindre à l’hommage que la France rend chaque année aux victimes du nazisme"

et "déposer une gerbe".

Le 11 mars, les signataires ont rencontré le ministère délégué aux anciens
combattants afin de signaler ces dérapages et de préparer au mieux la
prochaine Journée du souvenir, le dimanche 24 avril prochain. Ils ont évoqué

  • la préparation des cérémonies,
  • la participation à ces cérémonies,
  • le message lu puis
  • la gerbe déposée au cours de ces cérémonies,
  • le site Internet de la Mission du soixantième anniversaire de la
    libération des camps,
  • les recherches sur la déportation homosexuelle et
    enfin
  • le concours national de la résistance et de la déportation.

Les signataires ont souhaité que les préfet/es et les directeurs
départementaux de l’ONAC (Office national des anciens combattants et
victimes de guerre) informent les associations qui portent le souvenir de la
déportation homosexuelle des décisions prises lors des réunions de
préparation des cérémonies, puis relaient leurs éventuelles propositions au
cours des réunions suivantes. Le ministère délégué s’est engagé à étudier ce
souhait et a invité ces associations à se rapprocher des directeurs
départementaux de l’ONAC.

Les signataires ont expressément demandé que le ministre délégué,
Monsieur Hamlaoui Mékachéra, adresse aux préfet/es une circulaire qui
mentionne explicitement que les associations qui portent le souvenir de la
déportation homosexuelle peuvent se joindre à l’hommage que la France rend
chaque année aux victimes du nazisme. Le ministère délégué s’est engagé à
étudier cette demande. Les signataires ont également souhaité que les
directeurs départementaux de l’ONAC invitent officiellement ces associations
aux cérémonies. Le ministère délégué s’est engagé à étudier ce souhait mais
a invité ces associations à vérifier que leur objet social évoquait le
souvenir de la déportation homosexuelle.

Les signataires ont rappelé que les noms des camps étaient souvent
énoncés un par un au cours des cérémonies. Ils ont donc estimé qu’il n’était
pas hors de proportion d’énoncer également les motifs de déportation dans le
message lu au cours de ces cérémonies, afin de faire acte de mémoire et de
pédagogie (aux termes de la loi du 14 avril 1954 qui institue la Journée du
souvenir en disposant que les "cérémonies officielles évoqueront le souvenir
des souffrances et des tortures subies par les déportés dans les camps de
concentration"
). Le ministère délégué a exprimé sa compréhension mais a
invité les signataires à évoquer ce souhait avec les associations de
déporté/es.

Le ministère a confirmé qu’à partir du moment où elles ne troublent pas
l’ordre public, les associations qui portent le souvenir de la déportation
homosexuelle peuvent comme tout/e citoyen/ne, à Grenoble, Montpellier ou
ailleurs, déposer une gerbe après les cérémonies officielles (c’est-à-dire
après le départ des militaires à l’issue de ces cérémonies). Les signataires
ont pris note de cette confirmation mais ont précisé qu’ils considéraient le
dépôt d’une gerbe distincte comme un pis-aller et qu’ils souhaitaient que
ces associations puissent participer au financement et au dépôt de la gerbe
unique, au cours de la cérémonie officielle, conformément aux
recommandations gouvernementales du 23 avril 2003. Le ministère a renouvelé
cet accord de principe mais a invité les signataires à évoquer ce souhait
avec les associations de déporté/es.

Les signataires ont regretté que la mémoire de l’ensemble des déporté/es
ne soit toujours pas un acquis, comme ils ont pu le constater à l’occasion
du dernier anniversaire de la libération d’Auschwitz. Le 27 janvier, la
France commençait à célébrer la mémoire de la déportation, mais le site
Internet de la "Mission du soixantième anniversaire de la libération des
camps et de la fin de la Deuxième Guerre mondiale" ne mentionnait aucune
occurrence des termes "homosexuel/le/s", "noir/e/s" ou "rom/s" (alors
notamment qu’un rapport du colonel Claude Mercier publié le 15 novembre 2001
par la Fondation pour la mémoire de la déportation établit qu’au moins 210
personnes parties de France ont été déportées pour homosexualité durant la
Seconde Guerre mondiale, dont 206 parties d’Alsace et de Moselle). Les
signataires ont demandé que ce site intègre des références au rapport
Mercier et au discours du Premier ministre du 26 avril 2001 (par lequel
l’État reconnaissait, pour la première fois, la déportation homosexuelle).
Le secrétaire général de la Mission a indiqué que son site avait vocation à
rendre compte des cérémonies effectuées en 2005, mais s’est engagé à étudier
cette demande d’ici le 24 avril.

Les signataires ont rappelé les difficultés signalées par le colonel
Mercier dans ses tentatives d’accès à "toutes les archives du monde
combattant comme des Archives de France"
. Ils ont demandé que l’État ouvre
toutes ses archives afin de faire entière lumière sur les persécutions dont
les homosexuel/les ont été victimes, durant la Seconde Guerre mondiale, sur
l’ensemble du territoire national. Ils ont demandé au ministère délégué de
commander une étude en ce sens qui exploite notamment ces archives et,
suivant le souhait du colonel Mercier, "les archives départementales des
trois départements annexés, comme les archives allemandes situées à
Coblence". Le ministère délégué a pris note de ces demandes et invité les
signataires à les évoquer, pour ce qui concerne la déportation, avec la
Fondation pour la mémoire de la déportation.

Les signataires ont enfin souhaité que le thème retenu pour le concours
national de la résistance et de la déportation, qui joue un rôle central
dans la perpétuation de la mémoire auprès de la jeunesse, puisse porter en
2006-2007 sur la résistance et sur la déportation des personnes
homosexuelles. Le ministère délégué a pris note de ce souhait et invité les
signataires à l’évoquer avec les fondations organisatrices du concours, la
Fondation de la résistance et la Fondation pour la mémoire de la
déportation.

Après trois heures d’une discussion franche et cordiale, la délégation des
signataires (deux secrétaires nationaux de la Fédération des CGL, Matthieu
Chaimbault et David Auerbach, et le président du Collectif contre
l’homophobie, Hussein Bourgi), ainsi que les représentant/es du ministère
délégué (notamment le secrétaire général de la Mission du soixantième
anniversaire de la libération des camps et de la fin de la Deuxième Guerre
mondiale, conseiller du ministre, et la conseillère technique chargée des
questions de mémoire), sont convenus de se retrouver d’ici fin mars.

INTER CENTRES LGBT Collectif contre l’homophobie et pour l’égalité des droits
Les "Oublié(e)s" de la mémoire Coordination InterPride France
Les Flamands roses Mélo’Men
Gais et lesbiennes branchés Aujourd’hui, autrement
"On est là !" Commission nationale LGBT des Verts

Plus d'informations :

notre dossier : La Déportation des homosexuels


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