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Le Centre gai et lesbien s’indigne de l’amalgame récurrent entre homosexualité et pédophilie dans certains média

date de redaction lundi 25 mars 2002


communiqué du CGL de Paris - 25/3/2002

Avec la récente affaire d’un père qui aurait prostitué ses enfants lors de « soirées homosexuelles », nous constatons que certains média insistent
systématiquement sur l’homosexualité prétendue ou avérée des agresseurs dans
les affaires de mœurs.

Le Centre Gai et Lesbien rappelle que l’homosexualité est l’attirance sexuelle et/ou amoureuse envers une personne du même sexe. Elle ne peut être
pénalisée car elle respecte le consentement du partenaire.
L’homosexualité ne peut donc expliquer en aucun cas les comportements
délictueux ou criminels qui ont récemment fait l’actualité.

Pourtant, il est utile de comparer le traitement des affaires de mœurs où la
personne entendue est un homme, selon que la victime est un homme ou une
femme.

Ainsi dans l’affaire concernant un père soupçonné d’avoir prostitué ses
enfants, on mentionne des « soirées homosexuelles ». Par contre, quand un
réseau pédophile est découvert entre le Nord de la France et la Belgique,
parle-t-on des circonstances de la prostitution des enfants en parlant de
« soirées hétérosexuelles » ? Point, il est alors seulement question de
soirées/rencontres pédophiles. De même, dans des affaires d’inceste comme
celle concernant le pasteur Andras Pandi, il n’est pas fait question de son
hétérosexualité comme justification de ses actes. Cette omission est
compréhensible mais devrait concerner toutes les affaires d’agressions
sexuelles sur mineurs. Force est de constater que ce n’est pas le cas.
Certains média cherchent en effet à faire de l’homosexualité prétendue ou
avérée des supposés agresseurs une cause explicative de leurs agissements
coupables.

Ainsi jeudi 7 mars, dans Libération page 11, une journaliste reprend une
affaire de harcèlement sexuel dont l’archevêque de Poznan serait à
l’origine. La lecture de l’article nous apprend que les victimes sont des
séminaristes. La cause de ce harcèlement reste obscure : détresse sexuelle ?
chantage à la promotion hiérarchique ? Alors s’exprime toute la subjectivité
du journal Rzeczpospolita, qui a découvert le scandale : « de nombreux
membres du clergé et des laïcs étaient au courant des penchants homosexuels
de ce haut représentant de la hiérarchie et en vain avaient essayé de mettre
fin à ces pratiques ». De quelles pratiques s’agit-il ? Pratiques violentes ?
« Pratiques homosexuelles » ? En l’absence d’autres explications avancées par
le journal, le lecteur en aura vite déduit que l’archevêque a harcelé les
séminaristes car il était homosexuel.

Déception : le mérite d’un journal qui se dit indépendant comme
Rzeczpospolita, et d’un quotidien aussi renommé que Libération, qui a repris
la nouvelle, aurait été de poser des questions plus pertinentes à ce sujet :
était-ce le premier acte de harcèlement ? Si tel est le cas, on peut
examiner la situation de cet homme : l’Eglise catholique et la société
l’obligent à la négation de son orientation sexuelle et le sacerdoce à
l’hypocrisie de l’abstinence. N’est-ce-pas parce qu’il s’est cru protégé par
le titre que lui confère cette Eglise toute-puissance en Pologne, et par la
supposée respectabilité de ses 67 ans, que cet homme s’est senti libre
d’agir comme il le souhaitait, même au détriment et contre la volonté des
autres ? Ce délit aurait-il été commis si l’Eglise polonaise n’était pas
aussi statique, influente et normalisante à l’extrême ?

De plus, cet article met en lumière le dérapage intellectuel régulier de
certains média sur les sujets de mœurs : l’article annonce en titre
l’embarras du Vatican et de la Pologne à cause d’une affaire de harcèlement
sexuel d’un archevêque (répréhensible par la société civile, « pardonnable »
pour l’Eglise) et se termine sur l’idée suivante : l’embarras vient surtout
de l’orientation sexuelle de l’Archevêque (irrépréhensible dans notre
société civile, impardonnable pour l’Eglise. c.f. à ce sujet l’excellent
article concernant la mise au ban d’un prêtre homosexuel espagnol dans le
Libération du lundi qui précédait).

Autre exemple : l’affaire de l’association Cheval pour tous. Un éducateur
« impressionnant » aurait imposé des relations sexuelles à des mineurs de plus
de 15 ans sur lesquels il avait autorité. On apprend que celui-ci, F.Supéri,
est marié, et à la fin de l’article il est cité : « je ne pouvais pas
accepter mon homosexualité ».Vendredi 10 mars, Libération nous rapporte que
F.Supéri a confié à sa femme qu’il était homosexuel avant de l’épouser. La
même litanie insidieuse est reprise : il aurait abusé de ces adolescents car
il est homosexuel.

En revanche, dans d’autres affaires d’abus d’autorité, celle concernant des
responsables humanitaires, ou celle concernant les tournantes régulières de
trois policiers pendant plusieurs années sur une marginale mineur de plus de
15 ans, les média ne se focalisent que sur l’autorité des personnes, sans
évoquer leur orientation sexuelle. Et en effet, le cœur du sujet dans des
affaires aussi graves doit rester la dénonciation, la sensibilisation et la
prévention de ces actes, quel que soit le sexe ou l’orientation sexuelle des
protagonistes. Mais pourquoi des traitements différents dans des affaires
similaires d’abus sexuels ?

Ce type de narration des affaires judiciaires prive le lecteur du bénéfice
de la réflexion quant aux facteurs qui conduisent à d’aussi graves
comportements. Comme certains expliquent les crimes de Patrice Alègre par
l’évocation de son enfance, il serait bon de s’interroger sur les raisons
qui conduisent des personnes supposées homosexuelles à déraper vers la
violence sexuelle. Considérons F.Supéri de Cheval pour tous, et l’Archevêque
de Poznan : aucun des deux n’auraient eu de telles responsabilités
professionnelles ou sacerdotales s’ils avaient été ouvertement homosexuels .
La société civile et /ou l’Eglise les ont enfermés dans des tours d’ivoire
où ils pouvaient agir comme des rois, mais en se reniant. Encore une fois il
semble que l’exclusion soit un des facteurs à l’origine du mal. Cette
opinion n’est pourtant pas partagée : c’est ce type de tromperie et
d’exclusion qu’encourage La CEDH dans son dernier arrêt concernant
l’homoparentalité.

Quant à F. Supéri, la cour d’assises du Haut-Rhin a estimé qu’il n’était pas
un homosexuel criminel mais un pédophile, puisqu’elle l’enjoint de se
soigner et lui interdit définitivement d’exercer des activités
professionnelles ou bénévoles au contact des mineurs. Ce jugement pourrait
nous satisfaire, puisqu’il distingue pédophilie et homosexualité. Mais il
nous interroge aussi : si les victimes avaient été de jeunes filles,
aurait-il été condamné au même type de peines ? Peu sûr, si l’on garde à
l’esprit le jugement concernant les trois policiers, qui les condamne
uniquement à de la prison. Pourtant, si les victimes de F.Supéri avaient été
des jeunes filles, la pédophilie aurait été avérée, car celui-ci pouvait
avoir des relations sexuelles avec son épouse, et c’est donc l’attirance
vers de jeunes personnes qui aurait uniquement motivé ses crimes. Il aurait
donc pu aisément être qualifié de pédophile. Mais si l’on considère F.
Supéri comme un homosexuel, alors ses crimes ne peuvent se justifier que par
le fait qu’il n’ait pu, à cause de la société dans lequel il a vécu, vivre
harmonieusement sa sexualité, c’est-à-dire à découvert avec des personnes
majeures et consentantes. La justice a-t-elle condamné un homosexuel frustré
qui n’aurait plus supporté la vie d’hétérosexuel auquel il a été contraint
de se conformer ? Et dont la frustration était telle qu’elle l’aurait poussé
à commettre l’impardonnable ? Force est de constater que, puisqu’il est
homosexuel et que ses victimes sont de jeunes hommes mineurs, il est puni
comme un pédophile, donc plus sévèrement que trois policiers hétérosexuels,
pourtant libres de choisir leur sexualité, mais dont la victime était une
jeune fille mineure.

Ces affaires font aussi apparaître les différences lexicales pour traiter de
l’homosexualité : un pédophile agressant des garçons est un homosexuel ; un
homosexuel sympathique et branché est un gai.
Ce type de dérapage médiatique a montré la nécessité et la légitimité de
Média G et de l’association S.O.S. Homophobie, qui, en plus d’accueillir les
témoignages de victimes de l’homophobie, décortique dans son rapport annuel
le traitement de l’homosexualité dans la presse écrite. Ses constats sont
parfois édifiants.

Quant à ce type d’affaires, le Centre gai et lesbien garde un oeil attentif
 : dans moins d’un mois, Patrick Dils sera rejugé. Entendrons-nous encore
(Europe1) qu’il aurait tué Cyril et Alexandre alors/parce qu’il traînait sur
un lieu fréquenté par des homosexuels ?

Pour le Centre Gai et Lesbien

Jenny Legris, vice-présidente. Jérôme Kirch président


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