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IB News publie le panorama de la menace Front National

date de redaction jeudi 5 février 2004


Fondé en 1989, IBnews est le 1er titre gay gratuit en régions.

A ce titre, il propose dans son numéro de février 2004 un panorama complet, région par région, de la menace Front national aux élections des 21 et 28 mars.

A l’heure qu’il est, selon les sondages, 2/3 des Français sont tentés par un vote sanction, qui devrait largement bénéficier au Front national.

IBnews publie en outre 2 cartes de France montrant la progression de l’audience du FN dans 20 régions sur 22, de 1998 à 2002.

Ce dossier revient enfin sur l’alliance droite-FN dans 5 régions, précise quel a été le bilan de cette cogestion au niveau des Conseil régionaux et, à 2 mois du scrutin, fait le point sur les chances des listes en présence.


Cet article est publié dans le prochain numéro d’IBnews, diffusé gratuitement à 25.000 exemplaires à partir du 5 février 2004. Il peut être librement reproduit en totalité ou en partie sous condition d’indication de la source (« IBnews »).

La montée du Front national n’est plus un épiphénomène mais une réalité de la vie politique française puisque ce dernier peut compter sur 5 millions d’électeurs en moyenne à chaque scrutin. La droite comme la gauche ont donc raison de redouter une nouvelle poussée du FN aux élections régionales, les 21 et 28 mars. En 4 ans, le FN a, en effet, progressé dans 20 régions sur 22 et n’a connu un tassement (relatif) qu’en PACA et Ile-de-France. Pour cette élection, le seuil requis pour se maintenir au 2e tour étant désormais de 10%, le parti d’extrême droite devrait, au cours de triangulaires, pouvoir jouer les arbitres dans 16 régions sur 22. La menace FN, réelle, reste cependant géographiquement inégale. Avec des scores de 15 à plus de 25%, l’extrême droite a confirmé son enracinement dans le Sud, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon, mais aussi en Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées et, dans une bien moindre mesure, en Aquitaine. Il a réussi sa conquête de l’Est et du Nord (où il dépasse les 20%), a augmenté son audience dans l’Ouest, mais y reste faible, comme dans le centre de la France. IBNews propose un tour d’horizon, région par région.

Provence-Alpes-Côte d’Azur

Pour Jean-Marie Le Pen, la conquête de PACA constitue la « mère des batailles » et, à 75 ans, sa dernière opportunité d’être un jour président de la région. Son échec de 1998 n’avait cependant nullement empêché les revendications du FN de devenir réalité grâce au RPR Christian Estrosi, dont les troupes bloquaient avec lepénistes et mégrétistes plusieurs projets de la gauche (budget, mesures nouvelles pour la formation professionnelle, assemblée de jeunes, actions en faveur des chômeurs, subventions aux associations d’éducation populaire et d’insertion, passage aux 35 heures pour le personnel de la Région)… Actuellement, le candidat Le Pen sillonne depuis 5 mois les 6 départements d’une région où le Front national a obtenu son meilleur score (26,52% lors des précédentes régionales de 1998). Les 3 forces en présence (PS, UMP, FN) ayant un poids électoral équivalent, le suspense reste entier sur l’issue de cette triangulaire. Pour le FN, arriver à 33,3% sera difficile, mais quand même jouable. Ce qui est sûr, c’est que celui qui arrivera 3e au soir du 1er tour sera éliminé. En toute logique, la gauche, même unie, aura du mal à conserver la présidence de la région tant elle a perdu en influence depuis 3 ans. En toute logique, le scrutin devrait se jouer entre une droite (UMP-UDF) unie et hégémonique (34 députés sur 40) et un FN on ne peut plus menaçant, le poids politique du MNR de Bruno Mégret étant insignifiant.

Languedoc-Roussillon

Théoriquement, la gauche devrait gagner une région qui, depuis des décennies, vote radical, socialiste, voire communiste. D’ailleurs, lors des précédentes régionales, elle avait obtenu une majorité (relative) contre la liste UDF-RPR de Jacques Blanc. Ce dernier conservait cependant son siège de président sortant grâce à un report des voix FN sur sa candidature. En échange, les lepénistes avaient rapidement obtenu leur « dû culturel », c’est-à-dire la suppression des subventions aux institutions culturelles proches de la gauche, mais aussi 3 vice-présidences de commissions (sports, tourisme, enseignement et recherche) ainsi que des représentants dans 35 lycées. Pourtant, en 2004, le FN a décidé de rompre cette alliance et -fort de ses 22,33% à la présidentielle- se dit en mesure de remporter tout seul l’élection. Il reviendra auparavant à Alain Jamet d’améliorer ses scores dans l’Hérault et les Pyrénées-Orientales, où le FN est en recul. En tout état de cause, la liste PS-Verts-PRG reste favorite face à Jacques Blanc contesté par ailleurs par un candidat UDF.

Rhône-Alpes

Dans cet autre bastion, Bruno Gollnisch, délégué général du FN et professeur à l’université de Lyon, espère récupérer l’électorat de Charles Million, l’ancien président de région avec qui il a gouverné 10 mois durant, en 1998. A cette époque, il suffisait que les 35 élus lepénistes soient hostiles à un projet pour que celui-ci soit rejeté. Notamment ceux concernant les affaires culturelles (dévolues au mégrétiste Pierre Vial), la politique de la ville, le soutien aux associations artistiques ou sportives dans les quartiers difficiles. Million, symbole de la collusion de la droite avec le FN , était contraint de laisser sa place à l’UDF Anne-Marie Comparini, élue avec des voix de gauche. Pour 2004, Gollnisch dispose d’atouts, comme une bonne implantation socio-professionnelle dans le Rhône, mais l’audience du FN reste faible en Savoie, Haute-Savoie et Ardèche. La menace n’en a pas moins été jugée réelle par Anne-Marie Comparini, qui s’est alliée avec l’UMP. Avec cette fusion à droite, la liste réunie sous la houlette de Jean-Jack Queyranne (PS-PCF) aura plus de difficultés que prévu pour réussir son pari : faire basculer Rhône-Alpes à gauche. Ces 2 derniers ont affirmé qu’ils « feraient barrage » au FN, laissant entendre qu’ils pourraient se retirer, l’un au profit de l’autre.

Midi-Pyrénées

Depuis le dernier scrutin régional, le FN a progressé en Midi-Pyrénées (15,2% à la présidentielle) mais son influence y reste inégale, ne serait-ce que parce que la droite a refusé toute compromission lors des précédentes régionales. Se réclamant de la « grande famille radicale », l’UDF Marc Censi, pourtant élu, avait préféré démissionner 2 fois, faisant élire le socialiste Martin Malvy. En mars prochain, le 1er tour ne se résumera pas au match annoncé entre ce dernier, leader de la liste PS-PRG-PCF, et son challenger UMP Jacques Godfrain. Tous deux devront se garder sur leurs extrémités. A gauche, l’alliance LO-LCR se situe dans une opposition radicale, à la différence des « alternatifs » (Verts, Parti occitan). A droite, les lepénistes ont décidé de remplacer Bernard Anthony, chef de file des ultra-catholiques au FN, par Louis Aliot, un proche des Le Pen (père et fille). Dans cette région essentiellement rurale, ce jeune enseignant toulousain compte axer sa campagne sur la précarité et la défense de l’agriculture. Il aura fort à faire…

Aquitaine

En 6 ans, le parti d’extrême droite n’a guère progressé en Aquitaine, les départements des Landes et des Pyrénées-Atlantiques demeurant particulièrement hermétiques à ses thèses. Grâce à une campagne surfant sur l’euro-scepticisme, Jacques Colombier, secrétaire national du FN, espère conforter le score de Le Pen à la présidentielle (15,38%) en atteignant le seuil des 10%. Il n’est pas le seul : trotskistes de LO-LCR et chasseurs du CPNT ont la même ambition. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui ont permis au socialiste Alain Rousset de gouverner. Pour mars, il souhaite afficher l’union (PS-Verts-PRG mais sans le PCF) face à une droite déchirée entre Xavier Darcos (UMP) et François Bayrou (UDF), qui a cependant des chances de récupérer la région.

Ile-de-France : en baisse

Marine Le Pen va tenter d’enrayer la perte d’influence subie par l’extrême droite depuis 1997 (15% à la présidentielle). La vice-présidente du FN, ancienne avocate, s’est pourtant fixée comme objectif de d’atteindre 20% des suffrages. En dépit de la défection de Nicolas Sarkozy et la concurrence d’André Santini (UDF), la droite UMP menée par Jean-François Copé a bon espoir de reconquérir l’Ile-de-France, en misant sur une quadrangulaire entre Le Pen fille, Arlette Laguiller (LO-LCR) et Jean-Paul Huchon. Le président sortant a obtenu le soutien des Verts mais, du coup , a perdu celui du PCF de Marie-Georges Buffet.

Est : enracinement

Le FN a également réussi sa conquête de l’Est de la France, 4 régions détenues par l’UMP (et qu’elle devrait théoriquement conserver), mais où Jean-Marie Le Pen est arrivé en tête au 1er tour de la présidentielle. Le FN a de grands espoirs en Franche-Comté et a progressé dans le Territoire de Belfort et en Haute-Saône. Il y a 6 ans, droite et gauche y avaient obtenu le même nombre d’élus, la droite conservant la région avec les voix de la gauche. L’ascension du FN devrait ainsi se confirmer en Champagne-Ardenne (déjà 9 conseillers régionaux) et en Lorraine (notamment dans les bastions de la Meuse et des Vosges), où l’électorat d’extrême droite pèse actuellement jusqu’à un quart des votants. En Alsace, où l’enracinement du FN est historique, le parti est concurrencé par une liste dissidente d’anciens conseillers régionaux du FN et du MNR.

Nord : en force

Le FN se retrouve également en force dans le nord du pays. En région Nord-Pas de Calais, Carl Lang, secrétaire général du FN, fait feu de tout bois pour améliorer les 14% des législatives de 2002 : délinquance, plans sociaux et même légionellose ! Le FN joue en outre sur une autre calamité (pour le président sortant socialiste Daniel Percheron) : la qualification au 1er tour de la liste LO-LCR. Face à une gauche dispersée sur 3 listes (PS, PCF et Verts), l’UMP Jean-Paul Delevoye dispose de bonnes chances d’emporter la région. En Picardie, Michel Guiniot, tête de liste FN, peut également bénéficier d’un bon score de l’extrême gauche trotskiste, mais, en revanche, ne peut plus compter sur ses bonnes relations avec le président (UMP) de région, Charles Baur, celui-ci ne se représentant pas. Face au tandem Gilles de Robien (UDF)-Jérôme Bignon (UMP), la gauche désunie devra redoubler d’efforts pour ravir la région.

Centre : en progrès

Les scores du FN sont en progrès dans ces 4 régions où la gauche devrait faire une razzia. Le lepéniste Pierre Jaboulet-Vercherre, qui avait fait élire Jean-Pierre Soisson (UMP) au poste de président du Conseil régional de Bourgogne il y a 6 ans, ne lui fera pas de cadeau cette fois-ci. Concurrencé en outre par l’UDF, Soisson devrait laisser sa place à la gauche, en progrès dans la région. Cette dernière a de fortes probabilités de conserver la région Centre où le FN, mené par Jean Verdon, n’a jamais dépassé les 17,22%, obtenus par Le Pen à la présidentielle. Avec seulement 14% à la même élection, Louis de Condé espère participer à une triangulaire en Auvergne. On assistera beaucoup plus vraisemblablement à la dernière bataille de l’immortel Giscard (pas favori malgré l’union avec l’UDF) contre le socialiste Pierre-Joël Bonté, qui peut l’emporter. Dans le Limousin, Patricia Gibeau, l’une des rares femmes candidates pour le FN, aura du mal à atteindre les 10% fatidiques et Robert Savy (PS) devrait conserver la région.

Ouest : faible

Bien qu’il y ait progressé, le parti lepéniste reste faible dans l’Ouest. Le « Menhir » a beau mettre en avant le fait que, « depuis bien avant la Révolution », sa lignée est composée « sans exceptions de laboureurs Bretons du Morbihan », la région Bretagne lui a mal rendu. Brigitte Neveux devra batailler pour atteindre les 10% nécessaires au maintien au 2e tour. Tout comme Samuel Maréchal, gendre du chef du FN, dans les Pays de la Loire. Pas plus de chances pour Jean-Romée Charbonneau, ancien villiériste, en Poitou-Charentes : l’attention se focalise en effet sur le duel entre Elisabeth Morin (UDF), qui a succédé à Raffarin dans le fauteuil du président de région, et Ségolène Royal (PS), en mesure d’arracher la seule région de l’Ouest à la droite.

Dossier réalisé par Patrick Rogel - © IBnews, février 2004. Tous droits réservés.

Plus d'informations :

Les compétences de la région

En matière culturelle, les Conseil régionaux financent la culture (théâtre, danse, musiques, cinéma, multimédia…). Le sport et la jeunesse sont une autre attribution. Au-delà de la construction et la rénovation des lycées, la Région doit également assurer l’entretien, l’équipement et leur fonctionnement. Elle a en charge l’apprentissage et la formation continue. La Région décide des ouvertures de lignes TER, des horaires, des tarifs, achète les trains et rénove les gares. Elle participe également à l’amélioration du réseau routier régional. Dans le domaine économique, elle subventionne la création des PME et PMI et aide leur installation. La Région a enfin pour but le développement équilibré de son territoire, tant au niveau économique que des moyens de communication, tout en protégeant l’environnement et le cadre de vie.

Droite-FN, les liaisons dangereuses

Au printemps 1998, après leur défaite aux élections législatives, certains, à l’UDF et au RPR, préfèrent une alliance discrète avec le FN à un second échec face à la gauche. Du côté de l’extrême droite, on comprend également les avantages d’accords ponctuels au sein des Conseils régionaux, notamment en terme de légitimité. « Nous avons choisi cette politique de la main tendue », déclare Bruno Gollnisch, délégué général du FN. « Nous vous proposons [à la droite, ndlr] de vous sauver vous-mêmes à des conditions très raisonnables ». A savoir : refus de toute hausse d’impôts, sécurité, défense de l’identité culturelle et régionale, développement de l’apprentissage et de la formation professionnelle, proportionnelle. Le 20 mars 1998, 5 présidents de région acceptent ainsi les voix de l’extrême droite. Trois d’entre eux, Jean-Pierre Soisson en Bourgogne, Charles Baur en Picardie et Jacques Blanc en Languedoc-Roussillon sont toujours en place actuellement.


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