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Michel Teychenné écrit à Christine Boutin

date de redaction jeudi 29 décembre 2011


L’élu de Pamiers, dans l’Ariège, écrit à la candidate à l’élection présidentielle, à propos du soutien qu’elle a apporté à l’association Le Refuge.


Pamiers, le 25 décembre 2011

Madame Christine BOUTIN
Ancien ministre
Candidate à l’élection présidentielle

Chère Madame,

Je voulais très sincèrement vous féliciter pour le soutien épistolaire que vous avez apporté à l’association « Le Refuge », qui accueille de jeunes homosexuel(le)s en détresse, souvent jetés à la rue par leur famille, victimes de préjugés et de discriminations pour leur orientation affective. J’écris affective volontairement, car la sexualité n’est en somme que l’expression de l’affectivité, et l’amour est la chose la plus belle qui ait été donnée aux femmes et aux hommes. Sur ce point, Madame, nous pourrions être d’accord.

Je n’imagine pas que ce soutien désintéressé puisse d’une façon ou d’une autre être lié à votre candidature à l’élection présidentielle. Peut-être est-il lié à une prise de conscience de votre part que tous les êtres humains méritent une égale dignité, un même respect et des droits identiques. C’est, Madame, un bon début, dans le cheminement que vous pourriez avoir envie de faire, si votre soutien est sincère...

En effet, depuis des années, vos discours, vos prises de position, vos anathèmes, vous rangeaient dans les élus les plus rétrogrades et réactionnaires, au sens étymologique du terme, dont le combat permanent visait à maintenir les homosexuel(le)s dans une discrimination législative et sociétale. Une discrimination qui en fait toujours aujourd’hui, en France, des citoyens et citoyennes de seconde zone, incapables d’accéder aux mêmes droits que les autres, et cela au nom de préceptes « religieux » que vous souhaitez voir appliquer à tous et toutes au nom de vos croyances, respectables certes... mais que tout le monde ne souhaite pas partager.

Vos fulminences et votre opposition au PACS ont marqué l’inconscient populaire en banalisant des propos extrêmement discriminants. Vous avez fait école, Madame, dans votre famille politique où certains professent une « homophobie bon chic bon genre », presque « normale », qui fait malheureusement florès chez beaucoup à droite et au gouvernement. Et ce, bien que vous refusiez le qualificatif d’homophobe, peu glorieux je le concède pour une candidate à l’élection présidentielle.

Ce n’est pas parce que vous ne proposez plus le bûcher ou le pilori pour les gays et lesbiennes – ces temps-là sont heureusement révolus... du moins en France –, ni non plus parce que vous tenez un discours de « charité » et de « compassion » comme si les homosexuels étaient des disgraciés de la vie ou des infirmes affectifs, que vous pouvez penser que vos « bons sentiments » vous dédouanent : non Madame ! La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen n’est pas encore appliquée aux citoyens LGBT. Leurs droits à l’Égalité, vous les refusez. Leur Liberté, vous la bridez. Quant à la Fraternité républicaine, elle n’est pas soeur de votre charité, chère Madame.

Si, aujourd’hui, des bénévoles comme ceux du Refuge se trouvent confrontés avec peu de moyens, mais avec toute leur détermination, leur coeur et leur disponibilité, à la détresse de jeunes, au suicide et à la déshérence, c’est grâce à tous ceux qui refusent que la société évolue, à tous ceux qui s’accrochent à des tabous et des préjugés d’un autre âge, à tous ceux qui banalisent la discrimination et qui font peser sur les jeunes, à l’école, dans la vie et en famille, une chape de plomb qui les culpabilise et qui fait que le taux de suicide est aujourd’hui de 7 à 10 fois plus élevé chez les jeunes gays que chez les autres jeunes. Les mots ont un sens, Madame, et parfois ils peuvent tuer...

J’espère donc que votre soutien au Refuge procède d’une vraie conversion à la Liberté, à l’Égalité et à la Fraternité... pour tous les LGBT. J’espère que vous avez fait votre acte de contrition. Je n’ai pas le pouvoir de vous absoudre, ni l’envie d’ailleurs, mais après votre soutien au Refuge, et quelques pénitences, il ne vous restera plus qu’à soutenir l’égalité des droits au mariage, à l’adoption et à tous les autres droits pour démontrer que votre acte était sincère et que vous avez enfin changé.

Je vous prie d’agréer, Madame, mes sentiments les plus sceptiques.

Post-scriptum : Pensez à supprimer de votre site de campagne la pétition contre le mariage homosexuel...

Michel Teychenné
Élu local
Ancien député européen


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