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Rencontre entre l’Inter-LGBT et le Premier ministre

date de redaction samedi 19 juillet 2003


Un engagement clair contre l’homophobie,
mais persistance de blocages "philosophiques"


communiqué de l’Inter-LGBT - 19 juillet 2003

Vendredi 18 juillet, une délégation de l’Inter-LGBT rencontrait le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. La délégation était composée de Alain Piriou, porte-parole de l’Inter-LGBT, Nathalie Rubel, co-présidente de la Coordination Lesbienne en France, et Armand Hotimsky, président du CARITIG (Centre d’Aide, de Recherche et d’Information sur la Transsexualité et l’Identité de Genre) et le Premier ministre était accompagné par Denis Rapone, conseiller à la justice, Richard Senghor, conseiller technique chargé de l’action sociale et de l’intégration et Carole Moinard, chargée de mission à la jeunesse.

L’Inter-LGBT se félicite de l’engagement du Premier ministre à mettre à l’ordre du jour un projet de loi permettant la pénalisation des propos à caractère discriminatoire : les associations auront enfin la possibilité de se défendre contre les injures, les diffamations et les provocations à la haine fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des personnes. Cette avancée prévue à l’horizon 2004 est le fruit du patient travail des associations lesbiennes, gaies, bi et trans. C’est une victoire en particulier pour l’Inter-LGBT, qui a travaillé depuis un an avec les ministères concernés sur des propositions de réforme législative, et qui, devant l’absence de coordination interministérielle et d’un engagement clair du gouvernement, a fait de ce projet un enjeu de rapport de force avec le gouvernement au moment de la Marche des fiertés lesbiennes, gaies, bi et trans.

Sur le pacs, l’Inter-LGBT ne cache toutefois pas sa déception. Si le Premier ministre a pris acte de l’existence du pacs, en reconnaissant qu’il concernait aujourd’hui un nombre significatif de personnes, il a préféré renvoyer tout débat sur l’ouverture éventuelle de nouveaux droits aux conclusions d’une évaluation qui reste à mettre en oeuvre. Jean-Pierre Raffarin s’est ainsi refusé à démentir ses ministres François Fillon et Nicolas Sarkozy qui n’ont pas voulu intégrer le pacs dans leurs projets de loi respectifs (retraite et immigration), en se fondant l’un et l’autre sur des contre-vérités que la délégation a dénoncées. La question de la réversion pour le/la partenaire pacsé-e survivant-e d’une part, et celle de l’obtention d’une carte de séjour par le partenaire étranger d’autre part, n’a donc fait l’objet d’aucun engagement du Premier ministre. L’Inter-LGBT a toutefois demandé que les associations soient associées à cette évaluation, ce qui a été accordé, et a demandé à rencontrer directement François Fillon et Nicolas Sarkozy eux-mêmes, ce qui n’a pas fait l’objet d’un engagement précis.

Sur l’homoparentalité, face à l’exaspération exprimée par les associations qui constate une impossibilité à dialoguer sereinement avec la majorité, Jean-Pierre Raffarin a souhaité qu’un débat ait lieu dans la société, sans toutefois préciser d’échéance ni de cadrage. Il a personnellement évoqué "des problèmes de conscience" sur cette question, bien que la délégation ait mis en avant les incohérences du droit français, y compris au niveau européen. L’Inter-LGBT demandera à la directrice de cabinet de Christian Jacob, ministre de la famille, de mettre en oeuvre le débat voulu par le Premier ministre, lors d’une rencontre prévue le 22 juillet. Un rendez-vous avec Luc Ferry, ministre de l’Éducation nationale, déjà demandé par L’inter-LGBT, sera appuyé par Jean-Pierre Raffarin.

Sur la situation des personnes transsexuelles et transgenres, le Premier ministre et son entourage ont manifesté un intérêt certain, tant sur les débats fondamentaux posés par les associations Trans que sur des solutions pratiques à mettre en oeuvre pour faciliter la vie quotidienne des personnes trans. Le Premier ministre a engagé son cabinet à travailler sur la question. C’est la première fois qu’à un si haut niveau, les pouvoirs publics prennent la décision de s’impliquer sur ce dossier, aujourd’hui dans les seules mains d’une communauté de psychiatres conservateurs. Le Premier ministre a toutefois affiché son attachement "philosophique" au maintien du sexe dans les documents administratifs attestant de l’identité des personnes (état civil, numéro de sécurité sociale). Très rapidement, les associations Trans et l’Inter-LGBT recontacteront le cabinet du Premier ministre pour mettre en place une méthode de travail.

Sur le droit d’asile, l’Inter-LGBT a manifesté son inquiétude quant au projet de loi en cours de discussion, sans susciter de réaction particulière du Premier ministre. Seuls ses conseillers ont minimisé les restrictions apportées par le projet de loi. La création d’une liste de pays sûrs, qui justifiera l’examen accéléré des dossiers de demandeurs-ses d’asile originaires de ces pays, ne serait pas du ressort du législateur français, mais celle du Haut Commissariat aux Réfugiés. L’Inter-LGBT continue à demander au gouvernement d’avoir une attitude autrement plus engagée sur le droit d’asile que celle qui consiste à appliquer le minimum en vigueur sur le plan international.

Enfin, en évoquant les baisses drastiques des subventions des associations LGBT financés par les DDASS dans le cadre de la prévention contre le sida, l’Inter-LGBT a manifesté son étonnement en entendant le Premier ministre suggérer que ces subventions n’étaient peut-être pas utilisées de façon efficace. L’Inter-LGBT a proposé que le Premier ministre examine lui-même les rapports d’activités de ces associations qui n’ont rien à cacher pour leur part.

Ce rendez-vous était donc un pas supplémentaire dans la reconnaissance du mouvement associatif LGBT par les pouvoirs publics auquel on assiste depuis cinq ans. La mise à l’ordre du jour d’une loi sur les propos discriminatoires est le premier véritable engagement de ce gouvernement depuis sa mise en place, obtenu grâce à la mobilisation constante des associations depuis plusieurs années déjà. Cette importante avancée ne doit pas masquer des difficultés réelles sur des dossiers aux implications sociétales plus fondamentales : conjugalité, homoparentalité, identité de genre. En la matière, la méthode proclamée par le Premier ministre, celle du dialogue et de la concertation, reste une réponse insuffisante à l’exigence d’avancées concrètes et urgentes à l’égard de situations individuelles, familiales et sociales trop souvent difficiles.


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