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France 2 mise en cause dans son traitement de l’attentat contre Bertrand Delanoë

date de redaction dimanche 13 octobre 2002


Un de nos lecteurs a écrit au médiateur de France 2 pour se plaindre de la manière dont la rédaction a rendu compte de l’agression subie par le maire de Paris.


Voici la lettre adressée, dès dimanche soir, par l’un de nos lecteurs au médiateur de l’information de France 2, Michel ALLARIC :

"Monsieur le Médiateur,

Les journaux de France 2 - comme ceux de France 3 d’ailleurs - ont relaté
l’attentat dont Bertrand Delanoë a été victime ce récent samedi.Tous les
présentateurs ont évoqué les motifs qui, a priori, auraient incité l’auteur à
commettre ces actes : son ressentiment à l’égard des hommes politiques et sa
haine encore plus prononcée à l’égard des homosexuels.

Dans les développements qui ont immédiatement suivi la relation de ces mobiles,
seul le premier a fait l’objet d’un traitement. Sur France 2, l’homophobie
revendiquée par ce criminel est manifestement tombée dans les oubliettes de
l’information.

Or comment la rédaction de France 2 peut-elle ignorer que le maire de Paris est
un des premiers hommes politiques à avoir fait son « coming out » ? Comment
ignorer aussi que dans une certaine presse ou de la part de certains hommes
politiques ou élus parisiens, Bertrand Delanoë est l’objet de sous-entendus et
de quolibets malsains relatifs à son choix de vie et de sexualité ?

Mais la rédaction de France 2 centre son propos sur la sécurité des hommes
politiques, sur ceux de la France d’en haut. Elle néglige volontairement de
traiter de l’homophobie qui elle s’exerce chaque jour sur des gens d’en haut
comme Bertrand Delanoë mais plus encore sur des gens d’en bas, depuis les
injures quotidiennes à caractère homophobe jusqu’aux agressions physiques,
parfois mortelles, qui font les choux gras de la rubrique des faits divers.
Pourquoi ?

Dans ces circonstances, on doit bien sûr s’interroger sur l’influence délétère
exercée par les propos irresponsables teintés de raillerie de certains
journalistes de la presse écrite ou d’hommes politiques parisiens qui, depuis
l’élection du maire de Paris, n’ont eu de cesse, quelles que soient les
décisions prises par ce magistrat, de mettre en relation celles-ci avec les
fantasmes que ces personnes nourrissent elles-mêmes à propos de la sexualité
des gays, et notamment de Bertrand Delanoë. Entre les propos et les actes, le
fossé est-il aussi infranchissable ?

On peut également se demander si, en omettant d’expliquer ce qu’est
l’homophobie et les conséquences qui peuvent en découler et, par conséquent, en
minimisant ce mobile dans l’attentat contre Bertrand Delanoë, France 2 ne
contribue pas elle-même à préparer le terrain à de nouveaux actes de ce type.

Professeur de Lettres, j’enseigne dans un établissement REP (Réseau d’Éducation
Prioritaire) de Lille, classé zone de violence, à forte majorité maghrébine.

Les propos sexistes hostiles aux femmes comme les propos homophobes constituent
une règle de fonctionnement basique des discours de la majorité des élèves.

Un de mes efforts majeurs consiste à lutter constamment, par la pédagogie,
contre ces atteintes aux personnes aussi inacceptables qu’archaïques.

France 2 souhaite se démarquer d’autres chaînes - racoleuses - en affirmant sa
dimension culturelle et pédagogique. Dans les circonstances présentes, cette
chaîne a pourtant failli à sa tâche.

Mes sentiments les meilleurs."

Suite à ce courriel, notre lecteur a été contacté par Michel ALLARIC. Sur son invitation, il est intervienu en direct, le samedi 12 octobre, après le journal de France 2, dans le cadre de l’émission du médiateur, à 13 heures 15. Voici la transcription de son intervention

Jean-Claude ALLANIC : Fabrice, vous êtes au téléphone à Lille. Bonjour. Vous, il y autre chose qui vous a interpellé dans le traitement de ces sujets. Vous auriez souhaité qu’on insiste davantage sur le caractère homophobe de l’agression contre Bertrand Delanoë

Fabrice : Oui, bonjour. Tout à fait. Je suis un fidèle de France Télévisions. Or France 2
mais aussi France 3 et France 5 ont simplement signalé mais jamais vraiment
traité la revendication homophobe de l’agresseur. Même des journaux qui ne me
sont pas proches ont pourtant traité cette information. D’ailleurs, dès le 7
octobre le Figaro titrait : Delanoë poignardé par un homophobe. Et en effet,
l’agresseur a déclaré lui-même que l’homophobie était la raison « principale »
de son acte.

JCA : C’est ce qu’on avait dit dans nos reportages… Dans les lancements du sujet.*

F : Oui mais France 2 a minimisé, banalisé cette homophobie de l’agresseur en ne l’expliquant pas comme si cela n’avait aucun intérêt, ne nécessitait aucune
explication… Or il me semble que l’homophobie comme l’antisémitisme ou le
racisme sont des phénomènes complexes qui nécessitent d’être expliqués,
analysés pour être combattus.

Et ce travail d’explication, malheureusement à peine entamé pour l’homophobie,
doit être constamment recommencé et France 2 ne l’a pas fait. J’invite donc
France 2, chaîne de service public, à s’engager sur cette voie si elle souhaite
vraiment accomplir sa mission éducative comme elle l’affirme dans sa Charte !

JCA : Voilà. Comme vous avez été plusieurs à écrire dans ce sens-là, je voulais vous donner la parole. Vous avez exprimé votre point de vue, Fabrice. Merci de votre témoignage."


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