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Des manifestants homosexuels reçus à l’ambassade de Russie

date de redaction lundi 6 mars 2006


Compte-rendu de la rencontre avec l’attaché de presse de l’ambassade de Russie, interpellé à propos des menaces qui pèsent sur l’organisation d’une Gay Pride à Moscou.


Le 2 mars, une cinquantaine de personnes ont manifesté devant l’ambassade de Russie à Paris, pour protester contre les menaces qui pèsent sur l’organisation d’une Lesbian & Gay Pride fin mai à Moscou.

Après cette manifestation devant l’ambassade, Louis-Georges Tin et Pauline Londeix, représentants des associations, ont été reçus par M. Parinov, attaché de presse de l’ambassadeur, qui n’était pas présent à Paris le jour de la manifestion. Voici le compte-rendu de leur rencontre :

1/ Nous avons trouvé M. Parinov relativement ignorant

Selon lui, "les comportements homosexuels doivent rester dans la sphère privée", comme si une marche des fiertés LGBT était un gang bang public dans les rues de la ville. "Il y a des choses qu’on ne peut pas faire dans la rue", a-t-il ajouté. Nous avons tenté de lui expliquer qu’il s’agissait d’une manifestation en faveur des droits humains pour tous, il n’a pas semblé comprendre ce que nous voulions dire. Il ne sait sans doute pas grand chose au sujet des marches des fiertés.

2/ Nous avons trouvé M. Parinov peu intéressés par les questions LGBT et VIH

Nous lui avons parlé du sida en Russie à plusieurs reprises. Nous lui avons expliqué que la communauté gaie russe était particulièrement touchée par le VIH, que l’homophobie rend particulièrement difficile l’accès aux soins et la mise en oeuvre de campagnes de prévention spécifiques, mais il nous a expliqué qu’il n’était pas lui-même spécialiste de ces questions (ce qui n’est pas problématique), et que personne à l’ambassade (qui est fort grande) n’était en mesure de traiter ces questions (ce qui est plus problématiqu). Il n’a pris aucune note de notre conversation, nous le lui avons fait remarquer. Mais il a affirmé qu’il avait une très bonne mémoire, ce qui est une bonne nouvelle.

3/ Nous avons trouvé M. Parinov presque cynique par moments

"Il ne faut pas oublier dans quelle situation se trouvait la Russie il y a quinze ans", a-t-il expliqué, comme s’il fallait attendre encore quinze ans pour que les droits humains en général, et les droits LGBT en particulier soient enfin reconnus. Il nous a expliqué que les opinions des leaders religieux devaient être prises en considération, comme si les opinions de certains religieux devaient l’emporter sur le respect des droits de l’Homme en général.

4 / Nous avons trouvé M. Parinov presque ridicule parfois

Selon lui, le maire de Moscou n’agit pas de manière discriminatoire car "toute manifestation hétérosexuelle serait également bannie". Nous avons apprécié son sens de l’égalité. Mais faut-il vraiment répondre à un argument si inepte ?

5 / Nous avons trouvé M. Parinov presque injurieux parfois

Comme il parlait du concept de liberté, il a posé la question suivante : "si un homme qui sent très mauvais monte dans le bus, est-ce que vous ne croyez pas que sa liberté s’oppose à celle des autres ?" Nous n’avons pas très bien vu le rapport avec le sujet de notre discussion. Nous lui avons demandé si, selon lui, les personnes LGBT puaient en général. Nous lui avons promis que les personnes dans les rues de Moscou seraient tout à fait propres.

6/ Nous avons trouvé M. Parinov presque effrayant à la fin

Manifestement, M. Parinov a une conception tout à fait personnelle de la liberté d’expression. Comme il le dit lui-même, "la liberté d’expression peut être interprétée de plusieurs façons. Par exemple, si vous n’aimez pas la tête de quelqu’un, et que vous voulez lui donner une claque, n’est-ce pas une forme de liberté d’expression ?" Nous avons déclaré qu’il confondait à nos yeux liberté et violence. Mais il réalisa ce que son attitude pouvait avoir de choquant, et nous demanda de ne pas diffuser ces mots...

Quoi qu’il en soit, être reçu par lui nous a semblé une bonne chose. Un policier français qui travaille en relation avec l’ambassade russe depuis huit ans nous a dit que c’était vraiment la première fois qu’il les voyait recevoir des militants travaillant dans le domaine des droits de l’Homme. C’est selon lui tout à fait inattendu, et positif en soi.

Nous avons trouvé M. Parinov très compréhensif à l’égard des personnes homophobes, mais le rencontrer nous a semblé positif. Notre but n’était pas de le convaincre, mais de lui demander d’informer M. Poutine de notre préoccupation. Comme nous le lui avons dit, il ne serait pas dans l’intérêt de M. Poutine de causer un scandale international sur la question des droits de l’homme au moment même où la Russie assurera la présidence du Conseil de l’Europe et du G8.

Dans la mesure où tant de militants, d’artistes, de VIPS, de députés nationaux ou européens du monde entier vont se rendre à Moscou de toutes façons pour la conférence IDAHO, dans la mesure où tant de journalistes du monde entier vont braquer leurs projecteurs sur lui, ce serait une faute majeure que d’interdire la marche des fiertés LGBT de Moscou.


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