LGP

Conseil de la Lesbian & Gay Pride
Paris
Déclaration politique



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« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »
Les droits de l'Homme : un combat permanent ...

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme devrait s'arrêter à l'énoncé de son premier article. Il n'y aurait ni sexisme, ni racisme, ni esclavagisme, ni totalitarisme, ... ni homophobie.

50eme anniversaire

1998. Il y a 50 ans, à l'issue d'une guerre où les droits les plus fondamentaux de la personne furent niés, où juifs, tziganes, handicapés et homosexuels furent voués à l'extermination, l'Assemblée Générale de l'ONU proclamait ce texte fondamental, sous l'impulsion de René Cassin. Un jalon dans l'histoire de l'Humanité. Il y a 150 ans, Victor Schoelcher obtenait que l'abolition de l'esclavage dans les colonies fût décrétée par la nouvelle République. Il y a 400 ans, Henri IV signait l'Édit de Nantes accordant aux protestants la liberté de leur culte.

Peut-être l'année 1998 verra-t-elle l'adoption par l'Assemblée Nationale française d'une loi accordant aux couples homosexuels la reconnaissance civile qu'ils réclament avec détermination.

... pour défendre la dignité de chacun. Y compris des homosexuels ?

Il aura fallu trente articles pour dire les droits de l'Homme, parce que le premier ne suffisait pas : pour proclamer le refus des atrocités et bâtir un monde meilleur où tous seraient libres et égaux en dignité et en droits. En 1998, les homosexuels peuvent-ils affirmer qu'ils le sont, libres et égaux ? Sûrement pas dans la plupart des pays. Mais en France, en Europe, dans ces pays qui se targuent d'être des démocraties, sont-ils justement des citoyens à part entière ?

Déjà en 1997, l'EuroPride défendait la "pleine citoyenneté" des gais et des lesbiennes en Europe.

L'an dernier, à Paris, les participants à l'EuroPride réclamaient « une pleine citoyenneté » européenne pour tous, quelle que soit la préférence sexuelle. Onze jours auparavant, les Quinze avaient conclu à Amsterdam un traité dont une clause permettra à l'Union Européenne de lutter contre les discriminations pour préférence sexuelle. Les associations françaises participent dès maintenant aux travaux du Parlement Européen pour la mise en oeuvre de cette clause.

1998 :
Gais et lesbiennes ont des droits : les droits de l'Homme

Le thème adopté par les associations organisatrices des événements qui célébreront la Lesbian & Gay Pride en France, en mai et en juin 1998, n'est pas une revendication ; c'est un constat qui prend la forme d'une soustraction :

[ droits de l'Homme ]
- [ droits des lesbiennes et des gais ]

=[ homophobie ]

  • Parce que l'application effective des droits de l'Homme aux gais et aux lesbiennes se heurte à des résistances qui sont fondées sur l'homophobie,
  • parce que leur non-application engendre à son tour l'homophobie et l'amplifie,
  • et parce que les lesbiennes et les gais refusent d'être les objets, voire les victimes, de cette soustraction.

Homophobie et racisme : deux visages d'un même mal

L'homophobie exprime la peur de l'homosexualité par le rejet, la haine, ou même la violence à l'égard des personnes perçues comme homosexuelles. Elle est comparable à d'autres comportements qui minent cet esprit de fraternité que la Déclaration Universelle plaçait en tête de ses prescriptions : le sexisme, la xénophobie, le racisme, l'antisémitisme. En choisissant ce thème, les membres du Conseil de la Lesbian & Gay Pride, expriment leur solidarité avec les victimes de tous ces comportements, oubliées des droits de l'Homme, partout dans le Monde ; ils savent aussi que les marques d'étrangeté se cumulent et accumulent les injustices ; ils n'ignorent pas, notamment, celles qui sont subies par les personnes transexuelles.

ILGA

Par ce thème, les membres du Conseil de la Lesbian & Gay Pride s'associent entièrement à l'ILGA (International Lesbian and Gay Association), qui proclame dans son Manifeste célébrant le 50ème anniversaire de la Déclaration Universelle :

Gais et lesbiennes ont des droits :
les droits de l'Homme.

Les droits que les homosexuels revendiquent ne sont pas autres que les droits de l'Homme. Ils demandent la pleine application de ces droits, dans leur lettre et leur esprit.

Les homosexuels ont droit à la sécurité juridique, matérielle, morale et affective, ...

La première catégorie de droits concerne la sécurité, matérielle et morale, de la personne (articles 3 et suivants) :

« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » (Art. 3)

Cette sécurité n'est pas garantie quand des personnes sont agressées, physiquement ou verbalement, ou se voient refusée la protection de la Loi. Tout doit être fait, aussi bien dans la loi que dans la société, notamment par l'éducation des jeunes et l'information du public, pour que ces comportements homophobes disparaissent. L'exemple des pays (Iran, Roumanie, Arabie Saoudite, Turquie, Costa Rica, Pérou) où les homosexuels sont soumis à la violence sociale, à des brutalités policières, à des emprisonnements arbitraires, à la torture, à des châtiments cruels, voire à la peine de mort, montre qu'une attention particulière doit être accordée à tous les actes homophobes, qui sont à des degrés divers l'effet de la même haine.

La sécurité de la personne s'étend à un espace de liberté autour de chacun, sa vie privée, où s'expriment son affectivité et sa sexualité :

« Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. » (Art. 12)

Bien que les Français semblent très attachés à ce droit, des exemples montrent, notamment au Royaume-Uni, que les homosexuels sont, plus que d'autres, susceptibles d'être l'objet d'intrusions dans leur vie privée. Il convient donc d'être très vigilant sur ces manifestations d'homophobie.

... à la reconnaisance de leurs couples et de leurs familles, ...

La seconde catégorie de droits de l'Homme est celle des droits civils, caractérisant les relations entre la personne et la société.

« A partir de l'age nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. (...)

La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'Etat. » (Art. 16)

Sept pays (Danemark, Suède, Groenland, Norvège, Hongrie, Islande, Pays-Bas) considérant que le droit de s'unir ne s'applique pas seulement au couple hétérosexuel, ont institué une reconnaissance civile des couples de même sexe donnant certains des droits du mariage. En France, et même dans certains de ces pays, l'inadaptation du droit civil aux nouvelles formes de famille en ce qui concerne la parentalité, fait que les homosexuels se trouvent dans l'impossibilité de former une famille, alors que la Déclaration Universelle tient celle-ci comme l'élément fondamental de la société. Cette exclusion sociale est due largement à l'homophobie des législateurs, et plus encore à l'homophobie que les législateurs attribuent à leurs électeurs ; en retour, elle constitue, par les obstacles qu'elle oppose à des couples et à des familles qui ont toujours existé, un fort encouragement à la persistence de cette même homophobie.

... à la liberté d'opinion, ...

La liberté de pensée, d'opinion et de religion, ainsi que leur expression publique sont reconnues par l'article 18. Cependant, la société impose souvent que la préférence homosexuelle soit confinée à la sphère privée et ne fasse pas l'objet d'une expression publique. Les conservateurs accusent souvent toute manifestation publique de l'homosexualité, et singulièrement quand elle est à destination de la jeunesse, de «prosélytisme». Ceci est une forme constante d'homophobie qui contraint un grand nombre de personnes à dissimuler leur vie affective.

... à la liberté d'expression, dont les homophobes usent impunément, ...

La liberté d'expression, que garantit l'article 19, est souvent revendiquée par ceux qui profèrent des paroles attentatoires à la dignité humaine et incitent à la haine de certaines catégories de personnes, et cela en contradiction avec l'article 30. Ainsi, l'ancien archevêque de Strasbourg peut impunément comparer dans la presse l'homosexualité à une régression vers l'animalité, sans que les associations homosexuelles n'obtiennent de droit de réponse du journal. Que cette homophobie verbale publique soit tolérée est contraire à l'esprit des droits de l'Homme. Cet esprit a d'ailleurs justifié les dispositions légales condamnant le racisme et l'incitation à la haine raciale, mais seuls quelques pays (Islande, Finlande) condamnent l'incitation à l'homophobie.

... et la liberté d'association, encore limitée par l'ostracisme dont ils sont l'objet.

L'article 20 concerne la liberté d'association, droit qui n'est toujours pas reconnu aux homosexuels en Roumanie et dans bien d'autres pays. Bien que garantie en France, cette liberté est limitée par la difficulté à faire reconnaître les associations gaies et lesbiennes par les pouvoirs publics. Il aura fallu des années pour qu'une association de jeunes gais et lesbiennes comme le MAG obtienne l'«agrément Jeunesse et Sports» ou que son inscription à la Maison des Associations de la Ville de Paris soit acceptée. Bien que de nombreuses associations familiales, religieuses, ou ethniques bénéficient d'une reconnaissance sociale voire institutionnelle, les associations gaies et lesbiennes sont toujours en butte à un ostracisme manifeste.

La dynamique des droits de l'Homme, ...

Certes, on peut constater que la Déclaration Universelle, et notamment son article 2, relatif aux motifs de discrimination, ne reconnaît pas explicitement de droits concernant la préférence sexuelle. Cependant, le Comité des Nations Unies pour les droits de l'Homme considérait en 1994, dans sa décision dans Toonen c/ Australie, que la référence au « sexe » dans l'article 2 (et dans l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) doit être comprise comme incluant l'orientation sexuelle. Il en est de même de la Convention européenne des droits de l'Homme : la Cour de Strasbourg condamnait le Royaume-Uni, dès 1981, la pénalisation des relations homosexuelles entre adultes consentants étant une ingérence de la loi dans la vie privée, inacceptable dans une société démocratique, en vertu de son article 8. Il ne faut donc pas sous-estimer la dynamique des droits de l'Homme, dont l'esprit, plus que la lettre, a imprégné cette seconde moitié du siècle.

... leur évolution et l'action des ONG influencent positivement la vie des gais et des lesbiennes, ...

En effet, le travail sur les droits de l'Homme n'est jamais clos. Depuis 1948, des conventions et des pactes internationaux se sont succédés pour compléter et mettre en oeuvre la Déclaration Universelle dans deux directions : la prise en considération de catégories spécifiques de population (femmes, enfants, minorités ethniques, etc) et la reconnaissance de nouvelles catégories de droits de l'Homme, les droits sociaux et les droits culturels. Cette évolution est en partie motivée par la persistence de graves violations des droits de l'Homme dans de nombreuses parties du monde. Le travail des organisations non-gouvernementales qui enregistrent et révèlent ces violations, par exemple Amnesty International et son réseau gai et lesbien, l'IGLHRC, et l'ILGA, mérite d'être souligné. Le Parlement Européen a exprimé dans plusieurs de ses résolutions son engagement en faveur d'une politique active en matière de droits de l'Homme, notamment en ce qui concerne les homosexuels.

... qui ont inscrit résolument leurs initiatives des dernières années dans la perpective des Droits de l'Homme.

En 1997, les participants à l'EuroPride ont pu signer une pétition demandant l'adoption d'un protocole additionnel à la Convention Européenne, garantissant la liberté de la préférence sexuelle et de son expression, le droit à la reconnaissance civile du couple, et l'interdiction des discriminations fondées sur la préférence sexuelle. Cette pétition, reprise par l'EuroPride 1998, à Stockholm, sera ensuite remise au Conseil de l'Europe. Des additions analogues devraient être apportées à nombre d'instruments du droit français et du droit international.

En 1996, invité à la tribune de la Lesbian & Gay Pride, le futur premier secrétaire du parti socialiste s'engageait à soutenir le Contrat d'Union Sociale, au nom de son parti, si celui-ci revenait au pouvoir. Cette année, les homosexuels français attendent ainsi du Parlement l'adoption de ce Contrat, qui sera une étape sur le chemin des droits de l'Homme et de la lutte contre l'homophobie.

La Déclaration Universelle et l'esprit qui l'anime resteront vivants dans les futures revendications des gais et des lesbiennes.


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Last modified: Wed Jun 10 14:43:38 MET DST 1998
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