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Parlement Européen

Les droits de l'homme dans l'Union
(résolution du 17 février 1998)

Source : Parlement Européen

(Rapport PAILLER - doc. A4-34/98)

Aline Pailler

17.02 - Le rapporteur Mme Aline PAILLER (GUE/NGL, F) a ouvert le débat en affirmant que les droits de l'homme sont indivisibles et interdépendants. Par droits de l'homme, il faut entendre les droits civils et politiques mais également les droits économiques, sociaux et culturels.

Et de rappeler à ce propos la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui stipule dans son article 22 : "Toute personne en tant que membre de la société a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité".

Elle a rappelé également que le père Joseph VRESINSKI, fondateur d'ATD quart-monde soulignait que la pauvreté constituait une des principales atteintes aux droits de l'homme. En effet, l'Union compte 18 millions de chômeurs, 37 millions de pauvres et 2 millions de sans abris. Le rapporteur estime que trop d'Etats membres lient abusivement la question de l'immigration à la montée du chômage. Et de demander que soit mis fin à une telle situation.

Elle a ensuite évoqué certains arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, l'arrêt Ahmed contre l'Autriche, l'arrêt Chahal contre Royaume-Uni, l'arrêt Remli contre la France. Elle a insisté longuement pour que l'on combatte le racisme et propose que la commission du règlement de la vérification des pouvoirs et des immunités du Parlement européen prépare une modification de son règlement afin de pouvoir sanctionner les propos racistes des parlementaires européens dans l'exercice de leur fonction.

Le rapporteur a également condamné les atteintes de municipalités dirigées par le Front National en France contre la culture: fermeture de lieux de culture pluraliste, retrait dans les bibliothèques publiques de certaines publications, suppression de subventions à des associations, licenciement de responsables de centres culturels... Et de s'exclamer, nous devons garantir le respect du droit à la culture.

Elle a ensuite évoqué les atteintes aux droits des femmes, des enfants, des demandeurs d'asiles, des détenus, le non respect des orientations sexuelles, autant d'atteintes aux droits de l'homme qui doivent nous tenir en éveil. Elle a conclu par ces mots : "ayons le courage de faire vivre les droits de l'homme après les avoir proclamés".


Au nom du groupe PSE, M. Martin SCHULZ (D) a déploré que le consensus n'existe plus au Parlement européen en raison de l'attitude de certains groupes qui veulent limiter les définitions des droits de l'homme. Pour l'orateur, nous devons parler des violations, des pressions dans l'Union, certes c'est désagréable mais indispensable sinon l'Etat de droit perd sa légitimité.

Au nom du groupe PPE, Mme Laura DE ESTEBAN MARTIN (E) estime que l'on ne peut adopter un rapport qui n'a pas de base juridique. Nous revendiquons le respect du Traité et de la Convention des droits de l'homme. Il faut respecter la dignité de l'homme, l'égalité entre hommes et femmes. L'orateur est d'accord avec les paragraphes qui traitent des droits de l'homme, des libertés individuelles, des droits politiques, des droits des enfants, de la garantie des droits des personnes vulnérables des femmes et des handicapés. Elle est contre les paragraphes qui ne respectent pas le concept ou la définition des droits de l'homme.

Au nom du groupe UPE, Mme Anne-Marie SCHAFFNER (F) éprouve des sentiments partagés. Elle est impressionnée par la somme de travail qu'a effectué le rapporteur, elle est exaspérée par la litanie des 133 paragraphes. Peut-on d'une part, admettre de donner des droits sans aucune contrepartie que sont les devoirs. Elle déplore aussi la tendance du rapporteur à généraliser: tous les homosexuels sont persécutés, toutes les gens de maison sont des esclaves...

Au nom du groupe ELDR, M. Charles GOERENS (L) demande que l'Europe devienne irréprochable. Elle doit apporter la preuve de sa bonne conduite à l'intérieur de ses frontières. Elle ne sera crédible que si elle accepte de se livrer à des critiques. Elle doit adopter la même attitude à l'intérieur de ses frontières qu'à l'extérieur lorsqu'elle impose dans ses accords passés avec les pays tiers des clauses relative au respect des droits de l'homme.

Au nom du groupe GUE/NGL, M. Abdelkader MOHAMED ALI (E) a rompu une lance en faveur de la lutte contre le racisme et la xénophobie. Il demande que le Parlement européen agisse contre les députés européens qui encouragent le racisme et la xénophobie.

Au nom du groupe Verts, Mme Claudia ROTH (D) a évoqué l'absence de droit dont souffre bon nombre d'exclus et de citer comme exemple le droit de vote qui est enlevé aux SDF.

Au nom du groupe ARE, M. Pierre PRADIER (F) a souligné l'importance primordiale des droits économiques et sociaux. Aujourd'hui, tous le monde reconnaît aux couples d'avoir des enfants ou non. Il faut également garantir le droit à la santé, à l'éducation de ces enfants et prendre les mesures nécessaires. Le droit de vivre dans la dignité est un strict minimum..

Au nom du groupe I-EDN, M. Stéphane BUFFETAUT (F) se demande si le rapport de Mme PAILLIER est un "texte sur le respect des droits de l'homme ou un manifeste politique d'un compagnon, membre du parti communiste".

Il est d'accord sur les articles du rapport qui traitent du droit des enfants, de la liberté d'expression, de la liberté individuelle mais est contre les affirmations idéologiques teintées de marxisme léninisme. Il s'est montré d'accord avec les amendements UPE et PPE.

M. Jean-Yves LE GALLOU (NI, F) estime qu'avoir pris un rapporteur du parti communiste est "un symbole fort et scandaleux, ce parti honorant un des plus grands criminels qu'est Lénine, créateur de la tchéka, praticien de la famine pour réduire les classes réputées hostiles". Ce débat est digne d'Orwell ou la vérité est mensonge. Le rapporteur veut priver ses adversaires politiques de la liberté d'expression; sous couvert des droits de l'homme, il s'agit en réalité d'empêcher les peuples à disposer d'eux-mêmes (et de citer le cas de la politique d'immigration).

Mme Seillier

Mme Françoise SEILLIER (I-EDN, F) aurait aimé que le rapport face preuve d'une approche moins sélective et plus cohérente. Elle estime que les homosexuels ne peuvent prétendre à une reconnaissance sociale génératrice de droit. Elle défend également le droit de naître et de se développer.

Le commissaire, M. Hans VAN DEN BROEK, estime qu'il est souhaitable d'arriver au sein du Parlement à un consensus plus grand, tant sur la définition des droits de l'homme que sur les différents sujets traités dans le rapport. Il estime que les recommandations qui s'adressent aux Etats membres dans le rapport s'expliquent parce que le Traité de l'Union ne donne pas de compétences en matière de droits de l'homme.

Le commissaire a rappelé que l'Union européenne souhaitait un respect universel des droits de l'homme. Elle fait prévaloir ce point de vue dans tous les accords de coopération et d'association qu'elle signe avec les pays tiers. Elle ne peut agir de la sorte que si un débat serein est d'abord mené au sein de l'Union sur ce problème.

Vote

En adoptant le rapport de Mme PAILLIER par 260 voix contre 188 et 32 abstentions, le Parlement européen réaffirme la nécessité d'assurer le respect total des droits de l'homme dans tous les Etats membres. Les droits de l'homme sont les droits naturels de chaque individu et qu'ils ne sauraient être subordonnés à aucune obligation ni aucun préalable. Et d'inviter les gouvernements des Etats membres à mettre en place dans chaque pays une commission consultative des droits de l'homme avec la participation des organisations humanitaires qui serait chargée de faire un rapport annuel sur l'évolution de la situation des droits de l'homme. Il invite les Etats membres à abolir complètement la peine de mort même pour les crimes exceptionnels (amendement ARE).

Immigration et droit d'asile

Le Parlement invite les Etats membres à signer et ratifier la Convention internationale pour la protection des droits des travailleurs migrants et de leurs familles. Il les engage à suivre le processus de régularisation des sans papiers entrepris dans certains Etats membres. Il demande que les immigrés "extra communautaires" (provenant des pays autres que les Quinze membres de l'Union) bénéficient de l'égalité de traitement en matière de droits économiques et sociaux, de la reconnaissance des droits civiques, culturels et politiques et notamment le droit de votre aux élections locales pour ceux qui résident depuis plus de cinq ans dans un Etat membre (270/198/3).

Il invite les Etats membres à reconnaître le droit au regroupement familial et à accorder au demandeur d'asile mineur un statut de résidence sûre. Il reconnaît que les règles de la nationalité relèvent des Etats membres et peuvent reposer à la fois sur le principe du droit du sang et sur celui du droit du sol. Il réaffirme que l'exercice des droits civiques devrait être lié à l'acquisition de la nationalité (amendement PPE- 243/241/7).

Il demande aux Etats membres de permettre aux ressortissants de pays tiers qui ont obtenu un permis de séjour de longue durée et qui ont l'intention de continuer à séjourner dans l'Union d'acquérir la nationalité (amendement PPE- 287/200/10).

Le Parlement réclame des améliorations en matière d'hygiène, d'alimentation et de respect de la personne humaine pour les demandeurs d'asile dans les zones d'attente et les centres de rétention. Il demande qu'aucune mesure d'expulsion et de reconduite à la frontière ne soit prise à l'encontre d'un étranger médicalement reconnu comme atteint d'une pathologie grave.

Il souhaite que les femmes migrantes et demandeurs d'asile bénéficient de droits propres indépendamment de leur état matrimonial. Le Parlement considère qu'il faut mettre un terme au rapatriement forcé et aux expulsions effectués à grande échelle et clandestinement.

Il demande aux Etats signataires de l'accord de Schengen de ne pas expulser les immigrants et réfugiés même entrés illégalement sur leur territoire (283/203/4) vers des pays où ils pourraient être victimes de tortures ou de traitements inhumains. Enfin, il invite les Etats membres à éliminer toute possibilité de "double peine", c'est-à- dire expulsion de résidant non communautaire condamné au pénal et ayant purgé sa peine.

Racisme et xénophobie

Le racisme devrait être un délit. Le Parlement réclame la mise en place d'un organe indépendant chargé de la lutte contre le racisme. Il propose de faire du 21 mars une journée européenne de lutte contre le racisme et de remettre ce jour là un prix des médias contre le racisme. Il invite les Etats membres à adopter des programmes spécifiques pour les femmes migrantes et demandeurs d'asile et des programmes scolaires adéquats. Il condamne les dirigeants politiques qui attisent le racisme et la xénophobie et exige des partis politiques qu'ils suppriment toute propagande raciste de leurs programmes électoraux.

Il invite sa commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités à proposer une modification du règlement permettant au Président d'intervenir pour rappeler à l'ordre les parlementaires européens qui tiendraient des propos racistes au cours de ses réunions officielles (280/206/9).

Droits économiques et sociaux

Le Parlement invite le Conseil à adopter le quatrième programme de lutte contre la pauvreté et demande aux Etats membres de garantir l'exercice effectif du droit au travail, à la sécurité sociale, à la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale, du droit au logement et d'autres droits sociaux. Il réclame l'élaboration au niveau communautaire d'instruments fixant des garanties minimales en matière de revenus, de protection sociale, de droits à des soins médicaux et au logement (259/239/6).

Il demande que les politiques économiques et sociales tendent à une compétitivité accrue des entreprises et à une plus grande flexibilité du marché du travail qui permettent de faire face aux nécessités découlant de la globalisation des marchés et à l'aggravation du chomage en Europe (amendement UPE - 257/228/8). Il demande aux Quinze de se conformer aux recommandations du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe en ce qui concerne l'interdiction du travail forcé, la liberté d'association et le droit de grève; la liberté syndicale devrait être reconnue comme un droit fondamental dans tous les Etats membres.

Le Parlement invite également les Etats membres à mettre en oeuvre un cadre juridique européen pour garantir l'accès à l'emploi des personnes handicapées et les invite à respecter les recommandations et conventions de l'OIT (Organisation Internationale du Travail) sur la non discrimination en matière d'emploi, sur le travail des enfants et sur la liberté syndicale.

Egalité des droits et non-discrimination

Le Parlement invite les Etats membres à reconnaître la situation spécifique des minorités (SINTI et ROMS). Il invite tous les Etats membres à reconnaître l'égalité des droits des homosexuels par l'instauration de contrats d'union civile visant à supprimer toute discrimination en matière de droit fiscal, de régimes patrimoniaux, de droits sociaux et à contribuer par l'information et l'éducation à lutter contre les préjugés dont ils sont l'objet dans la société (289/202/9). Il demande à nouveau au gouvernement autrichien d'abroger ses lois antihomosexuels et notamment la disposition discriminatoire quant à l'âge minimum légal pour les rapports sexuels.

En ce qui concerne les femmes, il invite les Etats membres à prendre des mesures afin d'améliorer l'égalité de traitement et de chance et de leur assurer une participation effective et égale à la vie publique et au processus décisionnel dans tous les domaines. Pour ce faire, des actions positives sont nécessaires. Il exhorte les Etats membres à lutter contre tout sexisme dans les médias, la publicité, les manuels scolaires en supprimant l'inégalité de traitement entre hommes et femmes et en donnant de la femme des modèles positifs d'identification.

Il propose de désigner l'année 1999 comme "l'année européenne contre la violence à l'égard des femmes". Il demande aux Etats membres de faire en sorte que toute femme en détresse se voie effectivement proposer une aide matérielle, psychologique et morale lui permettant de faire le choix de la vie (amendement I-EDN- 373/77/34). Il réclame des mesures pour châtier et poursuivre les responsables de mutilation sexuelle à l'encontre de jeunes filles et de femmes. Il demande aux Quinze de réviser toute réglementation existante autorisant la stérilisation forcée.

Il invite les Etats membres et le Conseil à prévoir des mesures pour protéger et mettre à l'abri de toute exploitation et violence les prostitué(e)s et vous favoriser leur réinsertion civile et professionnelle (amendement GUE/NGL- 248/218/14). En ce qui concerne les enfants, les Etats membres devraient prendre des mesures législatives afin de poursuivre sur leur territoire les auteurs d'abus sexuels commis contre des enfants dans un pays tiers. Le recours à la violence physique contre les enfants devrait être considéré comme un crime. Il propose l'organisation le 20 novembre de chaque année d'une journée européenne des droits de l'enfant.

Situation des détenus

Le Parlement demande que toute forme de traitements inhumains, dégradants ou de torture soient interdits et punis. Il reste préoccupé par le fait que la détention est encore considérée exclusivement comme une sanction et non pas comme un moyen de réadapter et de réhabiliter le prisonnier en vue de sa réinsertion sociale ultérieure, comme les conventions internationales sur les droits de l'homme et pratiquement toutes les constitutions des Etats membres le prévoient (amendement UPE- 385/109/1). Il réclame une amélioration des conditions de vie en prison et rappelle qu'au nombre des objectifs du droit pénitentiaire figure la réhabilitation du détenu aux fins de sa réinsertion dans la société. Il demande que l'on crée dans les prisons des unités de visites familiales exemptes de surveillance. Il faut également améliorer l'accès aux soins et à l'enseignement, et développer des infrastructures sportives.

Il demande aux Etats membres de recourir autant que faire se peut à des solutions alternatives à l'emprisonnement. Comment ? Par exemple en recourant à des peines administratives et/ou pécuniaires pour les délits mineurs en appliquant des peines de substitution telles que le travail d'intérêt public, en développant les régimes de prisons ouvertes ou semi-ouvertes, en recourant aux congés conditionnels. Il demande que les Etats membres adoptent des mesures pour assurer l'octroi d'un traitement personnalisé aux détenus particulièrement vulnérables (femmes, immigrés, minorités ethniques, homosexuels).

Il incite les Etats membres à privilégier, pour les délinquants mineurs, la réintégration et l'éducation plutôt que la détention et de ne pas condamner en principe des enfants de moins de 16 ans à des peines de prison ordinaires. Il réclame des mesures de tutelle pénale contre les délinquants sexuels si un risque de récidive ne peut être exclu.

Liberté d'information, d'expression et de création

Le Parlement invite les Etats membres à reconnaître et à promouvoir les langues et cultures régionales notamment dans l'enseignement et dans les médias. Ils doivent signer et ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Il demande l'adoption d'une réglementation garantissant le droit d'accès du public et des journalistes aux documents communautaires et une directive anticoncentration dans les médias afin de garantir le pluralisme de l'information.

Libertés individuelles

Le Parlement invite tous les Etats membres à reconnaître l'objection de conscience avec la possibilité d'effectuer un service civil. Il renouvelle sa condamnation de la mention de la religion sur la carte d'identité. Il s'inquiète des dérives possibles du fichier SIS (.....) qui tend à criminaliser les étrangers et demande que l'utilisation des banques de données soit soumise au respect du droit à la vie privée et ne contienne aucune information susceptible de porter atteinte au principe de l'égalité de traitement et de la non discrimination. Il condamne l'utilisation des écoutes téléphoniques illégales et invite les Etats à se doter de législations qui assurent un équilibre entre les exigences de la lutte contre la criminalité et celle de la protection des droits et libertés fondamentaux.

Il réclame des mesures pour combattre les atteintes aux droits des personnes provoquées par certaines sectes auxquelles devraient être refusés le statut d'organisation religieuse ou culturelle qui leur assurent des avantages fiscaux et une certaine protection juridique. S'agissant de la répression des délits, le Parlement demande que l'on mette d'avantage l'accent, parallèlement à la réinsertion sociale des délinquants, sur la réparation des faits commis et la protection du citoyen contre la récidive.

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