LGP Conseil de la Lesbian & Gay Pride
Paris
Déclaration politique



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Le thème adopté par les associations organisatrices des événements qui célébreront la Lesbian & Gay Pride en France, en mai et en juin 1998, n'est pas une revendication ; c'est d'abord un constat qui prend la forme d'une soustraction :

[ droits de l'Homme ]
- [ droits des lesbiennes et des gais ]

=[ homophobie ]

  • Parce que l'application effective des droits de l'Homme aux gais et aux lesbiennes se heurte à des résistances fondées sur l'homophobie,
  • parce que leur non-application engendre à son tour l'homophobie et l'amplifie,
  • et parce que les lesbiennes et les gais refusent d'être les objets de cette soustraction.

Il y a 50 ans, à l'issue d'une guerre où les droits les plus fondamentaux de la personne furent niés, où juifs, tziganes, handicapés et homosexuels furent voués à l'extermination, l'Assemblée Générale de l'ONU proclamait la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Il y a 150 ans, la République décrétait l'abolition de l'esclavage dans ses colonies. Il y a 400 ans, Henri IV signait l'édit de Nantes. Signé en octobre 1997, le Traité d'Amsterdam permettra enfin à l'Union Européenne de lutter contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle. C'est un outil sur le chemin de cette « pleine citoyenneté » que les participants à l'EuroPride réclamaient en 1997 -- parce que tous ne bénéficient pas de droits fondamentaux, pourtant garantis par la Déclaration Universelle.

1998 doit être l'année de la reconnaissance civile des couples homosexuels. Faut-il rappeler que c'était le thème de la Lesbian & Gay Pride en 1996, et qu'à sa tribune, le porte-parole du parti socialiste s'engageait à soutenir le Contrat d'Union Sociale ?

Le Conseil de la Lesbian & Gay Pride est solidaire de l'ILGA (International Lesbian and Gay Association), qui proclame dans son Manifeste célébrant le 50ème anniversaire de la Déclaration Universelle :

Gais et lesbiennes ont des droits :
les droits de l'Homme

Les droits que les homosexuels revendiquent ne sont pas autres que les droits de l'Homme. Ils demandent la pleine application de ces droits, dans leur lettre et leur esprit.

La cause et l'effet de leur non-application est l'homophobie. Cette peur de l'homosexualité s'exprime par le rejet, la haine, ou même la violence à l'égard des personnes perçues comme homosexuelles. Elle est comparable à d'autres comportements contraires à la Déclaration Universelle et contre lesquels il faut pareillement s'élever : le sexisme, la xénophobie, le racisme, l'antisémitisme.

Le premier des droits est la sécurité de la personne ; il n'est pas garanti quand des personnes sont agressées, physiquement ou verbalement, ou se voient refusée la protection de la Loi. Tout doit être fait, dans la loi et dans la société, par l'éducation des jeunes et l'information du public, pour que ces comportements homophobes disparaissent. L'exemple des pays où les homosexuels sont soumis à la violence sociale, à des brutalités policières, à des emprisonnements arbitraires, à la torture, à des châtiments cruels, voire à la peine de mort, montre qu'une attention particulière doit être accordée à tous les actes homophobes, qui sont à des degrés divers l'effet de la même haine.

Parmi les droits civils, le droit de s'unir et celui de former une famille sont fondamentaux. Le premier de ces droits est désormais reconnu par sept pays qui ont institué une reconnaissance civile des couples de même sexe. Le second est limité, même dans certains de ces pays, par l'inadaptation du droit civil aux nouvelles formes de famille, en ce qui concerne la parentalité. Ainsi, en France comme dans la plupart des pays, les homosexuels se voient refuser le droit de s'unir et de former une famille, alors que la Déclaration Universelle tient celle-ci comme l'élément fondamental de la société. Cette exclusion sociale conforte l'homophobie et s'en nourrit.

Bien que la liberté de pensée, d'opinion et de religion, ainsi que leur expression publique soient garanties, la société exige que la préférence homosexuelle soit confinée à la sphère privée et ne fasse pas l'objet d'une expression publique, qualifiant celle-ci de «prosélytisme». Ceci est une forme constante d'homophobie qui contraint un grand nombre de personnes à dissimuler leur vie affective.

La liberté d'expression est détournée par ceux qui incitent à la haine de certaines catégories de personnes. Que l'homophobie verbale publique soit tolérée est contraire à l'esprit des droits de l'Homme. Cet esprit a justifié les dispositions légales condamnant le racisme et l'incitation à la haine raciale, mais seuls quelques pays condamnent l'incitation à l'homophobie.

La liberté d'association, dont les homosexuels ne jouissent pas dans certains pays, reste limitée en France, par la difficulté à faire reconnaître les associations gaies et lesbiennes par les pouvoirs publics, alors que de nombreuses associations familiales, religieuses ou ethniques bénéficient d'une reconnaissance sociale ou institutionnelle. Malgré de notables progrès récents, les associations gaies et lesbiennes sont toujours en butte à un ostracisme.

Bien que la Déclaration Universelle ne reconnaisse pas explicitement de droits relatifs à la préférence sexuelle, son esprit et sa dynamique ont imprégné cette seconde moitié du siècle, notamment dans les jugements de la Cour européenne des droits de l'Homme.

Le travail sur les droits de l'Homme n'est jamais clos. En 1997, une pétition demandait l'adoption d'un protocole additionnel à la Convention Européenne, prescrivant la liberté de la préférence sexuelle de l'individu et de son expression, le droit à la reconnaissance civile du couple, et l'interdiction des discriminations fondées sur la préférence sexuelle. Reprise par l'EuroPride 1998, à Stockholm, cette pétition sera remise au Conseil de l'Europe. Des additions analogues devraient être apportées à nombre d'instruments du droit français et du droit international.

La Déclaration Universelle des droits de l'Homme et l'esprit qui l'anime resteront vivants dans les futures revendications des gais et des lesbiennes.

Gais et lesbiennes ont des droits :
les droits de l'Homme