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PACS
les travaux d'automne

 

Sans conteste, le projet de statut des couples non mariés est l'une des grandes vedettes de la rentrée politique. Le texte élaboré par les députés Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel progresse dans le circuit parlementaire, après avoir été peaufiné par le gouvernement. Il sera examiné par les députés au cours de la séance publique du 9 octobre. En attendant le débat dans l'hémicycle, les partisans et les opposants au projet multiplient les actions et les prises de position.

L'arbitrage du gouvernement

Dès le conseil des ministres du 3 septembre, le gouvernement s'est penché sur le texte initial, rendu public par la commission des lois fin juin (voir actu 07/98). Il s'est attaché à gommer tout les traits qui permettraient de rapprocher pacte civil de solidarité et mariage.

Ainsi, Lionel Jospin a fait modifier le lieu d'enregistrement du PACS. Initialement, les partenaires devaient faire une déclaration à la mairie. Le lieu a été jugé trop symbolique, et l'enregistrement a été déplacé à la Préfecture ou la Sous-Préfecture du lieu de résidence du couple.

De même, la question du délai pour l'ouverture des droits associés au PACS, notamment en matière fiscale, recèle une part de symbole. Mais ce sont surtout ses implications financières qui semblaient poser problème au ministère des Finances. La proposition initiale prévoyait une période de deux ans. Certains demandaient un délai de cinq ans. Le débat n'est pas "totalement tranché", mais la dernière mouture prévoit une imposition commune l'année du troisième anniversaire de l'enregistrement du pacte.

 

Les rapporteurs auditionnent

Deuxième étape avant l'examen en séance publique, les rapporteurs devant les différentes commissions ont entendu toutes les personnes intéressées par le projet. Les 8 et 9 septembre, Jean-Pierre Michel, Patrick Bloche et Dominique Gillot ont reçu longuement les représentants d'associations homosexuelles, d'associations familiales, le conseil supérieur du notariat et, bien entendu, Jan-Paul Pouliquen et Gérard Bach-Ignasse, représentants le Collectif pour le Contrat d'Union civile et Sociale (CCUCS), pères et promoteurs acharnés du texte. Les parlementaires ont écouté les suggestions de chacun pour peaufiner le projet de loi.

Au cours de leur audition, les membres du CCUCS ont rappelé aux parlementaires le concept qui a prévalu lors de la rédaction de la proposition : "il est beaucoup plus proche d'un statut de cohabitation que de celui de l'institution du mariage. Le PACS est conçu pour régler des problèmes rencontrés "au quotidien" par deux personnes qui ont un projet commun de vie". Ils ont avalisé l'enregistrement à la préfecture, mais ont regretté la faiblesse des dispositions successorales.

De son côté, Sylvain Ladent, du Comité pour la Reconnaissance Sociale des Homosexuels (CRSH), est arrivé avec un texte de propositions élaboré à partir des suggestions des membres et sympathisants de l'association, consultés tout l'été sur le sujet. Le CRSH s'est prononcé pour l'enregistrement du pacte par un officier d'état-civil, pour qu'il prenne "sa place dans notre droit civil sans être un document mal reconnu et signé dans la discrétion".

Par ailleurs, les membres du CRSH ne sont pas favorables à l'instauration d'un délai avant que le PACS ne produise ses effets. Ils reviennent aussi sur les conditions et conséquences de la vie commune et de la dissolution d'un pacte. Enfin, ils suggèrent que la France reconnaisse les statuts similaires que des résidents étrangers auraient pu signer dans leur pays d'origine, et que les chancelleries entament des discussions pour que le PACS soit reconnu à l'étranger.

 

Les partis politiques prennent position

Les 23 et 30 septembre, les parlementaires réunis en commissions se sont penchés sur le texte. Au moment où nous mettons en ligne, seul le compte-rendu des débats de la commission des lois a été publié. Il montre combien la discussion a été âpre entre les représentants de la majorité et l'opposition, et combien le débat dans l'hémicycle sera animé.

Pratiquement tous les partis politiques ont pris position à propos du PACS. Seule exception notoire, l'UDF, qui réserve sa position pour la tribune, mais François Bayrou a déjà fait savoir "nous voterons contre le PACS tel qu'on nous le propose". A titre personnel, les parlementaires du groupe sont divisés. Quelques ténors, comme Philippe Douste Blazy, se sont déclarés ouverts à un débat. Christine Boutin, passionaria de la famille et du Vatican, est farouchement contre et l'a rappelé dans un entretien publié par Libération le 30 septembre.

Le RPR non plus n'est pas favorable au projet de PACS. Dans un communiqué publié au début du mois, le groupe politique exprime "ses plus vives préoccupations" devant un texte qualifié d'"ersatz de mariage", de "parodie de la famille". Jean-Louis Debré a fait savoir que son groupe mènerait une opposition "claire, précise et déterminée" au cours du débat public.

Evidement, les membres de la majorité plurielle soutiennent le projet de PACS. Le Parti communiste, qui avait déposé un texte voisin en 1997, y voit "une avancée positive dans la prise en compte des réalités de la société et des droits individuels", mais souhaite encore apporter des améliorations. Les Verts, autres auteurs d'un projet de loi, partagent la vision progressiste des communistes et regrettent certains arbitrages du Premier Ministre.

Les députés socialistes apporteront leur soutien à la proposition de loi rédigée par l'un des leurs. Le groupe Homosexualité et Socialisme a beaucoup contribué à expliquer et vaincre les réticences. Cependant, certains élus PS voteront un peu en traînant des pieds. Ils craignent la réaction de leurs électeurs, surtout à la campagne, et se verraient mal célébrer des mariages homosexuels.

 

De multiples initiatives pour soutenir ou repousser le projet

L'imminence de l'examen du texte par le Parlement n'a pas manqué de provoquer de nouvelles réactions - favorables ou non - dans la société civile.

Les représentants religieux ont quasi unanimement condamné le projet de statut des couples non mariés. La Conférence des Evêques de France - catholique - a publié un long communiqué pour juger le PACS "inutile et dangereux". "Le droit offre suffisamment de possibilités pour régler des problèmes sociaux ou économiques rencontrés par certaines personnes "qui ne peuvent ou ne veulent se marier". Il n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi un nouveau statut relationnel qui risque de déstructurer davantage le sens du couple et de la famille" estiment les évêques français.

Les autorités juives et musulmanes se sont montrées tout aussi négatives. Seule, la Fédération Protestante de France, tout en rejetant le projet de PACS sous sa forme actuelle, se prononce en faveur d'un "encadrement juridique et fiscal des diverses formes du "vivre ensemble"".

Toutes les méthodes sont bonnes pour faire entendre son opinion. Dans le courant de l'été, l'association traditionaliste catholique "Avenir de la Culture" - proche d'une secte brésilienne d'extrême-droite révèle Libération - a noyé le service du courrier du Premier Ministre d'un flot de cartes postales sommant Lionel Jospin de renoncer "à ce projet infâme qui détruira les restes de civilisation nous séparant encore de la barbarie". Homosexualité et Socialisme a dénoncé plus récement une autre campagne de courrier lancée par l'Association pour la Promotion de la Famille en direction des maires.

Les associations homosexuelles se sont enfin mobilisées véritablement pour répondre à ces actions. Le Centre Gai et Lesbien de Montpellier a déclenché une contre-campagne de cartes postales à Lionel Jospin (voir la page régions). Sur l'internet, on ne compte plus les messages sur le sujet dans le groupe de discusion fr.soc.homosexualite. De nombreux sites web (adventice, media-g, ooups, ...) ont relayé un courrier expédié à tous les députés titulaires d'une adresse électronique. Le journal Têtu a pour sa part diffusé dans son numéro de septembre une pétition initiée par le Front pour les Unions Républicaines Inventives et Egalitaires (FURIE) qui incite le Premier Ministre à ne pas céder sur le PACS.

Ces campagnes d'idées ont été largement reprises et diffusées par les média. Le PACS a été le grand sujet de la rentrée. Il n'est pas d'hebdomadaire qui ne lui ait consacré un dossier. En ligne, outre celui de notre équipe, on pourra consulter notament ceux, très bien faits du journal Le Monde, et du moteur de recherches Yahoo.

Jean-Benoît RICHARD

 

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30/9/98 © Gais et Lesbiennes Branchés