Le 29 mars dernier, en collaboration avec Commune Vision
et la librairie Planète IO, Maman organisait une journée daction contre
lhomophobie. En plus des lectures dans le grand hall de luniversité de Rennes
2 et dune rencontre avec lécrivain Didier Eribon, un débat clôtura la
journée. Plusieurs intervenants étaient présents : Michela Frigiolini, responsable
au PCF, Emmanuel Martin et Pierric Levaux, du CLGN et Didier Eribon, que nous avions
rencontré laprès midi.
Michela Frigiolini nous a présenté laction menée par son parti
en faveur des homosexuels. Si lattitude du PCF vis à vis des homosexuels était
assez méfiante il y a quelques années, son investissement dans la promotion du PaCS
la conduit à mener une réflexion plus large sur la question homosexuelle, en
particulier la discrimination. Une proposition de loi (stade préparatoire à un projet de
loi) a donc été déposée, visant à pénaliser les injures homophobes « pour
aller plus loin dans légalité des droits ». Ce projet ferait donc tomber les
insultes homophobes sous le coup de la loi Gayssot qui rend déjà passible de poursuites
les injures à caractère raciste. Elle devrait également permettre à nos associations
de se porter partie civile et favoriser le droit dasile pour les homos subissant des
discriminations dues à leur orientation sexuelle. Bien sûr, une telle loi
néradiquera pas linjure et un volet prévention / éducation reste
nécessaire, mais il est clair que si le PaCS est un élément fondamental de
reconnaissance des homos, « il faut ouvrir dautres champs juridiques »
en particulier vers la pénalisation de la discrimination et de linjure, qui a trop
longtemps été un élément douloureux de construction de notre identité
dhomosexuel(le)s.
Emmanuel Martin et Pierric Levaux, quant à eux, nous ont fait part des
actions sur le terrain menées en Loire Atlantique par le CLGN sur la question de la
discrimination. Le Comité Vigilance Homophobie sest notamment intéressé, en 1999,
à la « pétition des maires de France pour le mariage républicain », belle
antiphrase pour dire « pas de mariage pour les pédés ». 145 lettres ont donc
été envoyées aux maires qui avaient signé ce texte pour connaître leur position
après le vote de la loi. Manque dintérêt pour la question, gêne de la réponse
ou congé maladie de leur secrétaire, 3 dentre eux seulement ont adressé une
réponse qui tient plus du bouquet dinsultes que du raisonnement réfléchi. Notons
en particulier (à la rubrique « lhomophobe du mois »), M. le maire de
Joué-sur-Erdre qui déclare que parmi les couples homos « nombreux sont ceux qui
relèvent de cas pathologiques » ou M. le maire de Frossay, compatissant pour les
pauvres malades que nous sommes, qui ne nous « condamne pas », mais nous
« plaint ».
Enfin, Didier Eribon a analysé lhomophobie discursive,
lhomophobie latente dans le discours des intellectuels et son prolongement dans
lunivers juridique. Il constate en effet, au quotidien, un dénigrement de
lhomosexualité dans le discours des scientifiques, des psychanalystes ou des
sociologues qui construisent un « système dénonciation qui institue un ordre
social rigide parlant de lhomosexualité ». Lacan en particulier, le plus
grand psychanalyste Français du XXème siècle, na pas hésité à qualifier Le
Banquet de Platon d« assemblée de vieilles tantes ». Un tel
discours tient plus du verbiage de comptoir que dune réflexion intellectuelle
saine. Or personne na relevé cette phrase. Elle nest pourtant que la partie
émergée de liceberg qui révèle lhomophobie latente du grand psychanalyste.
Et comment ne pas relire lensemble de son uvre à la lumière de cette
nouvelle donnée ? De là, ses héritiers répercutent forcément ce modèle, comme
André Gendre qui croit fermement que « lhomosexualisme veut casser les
montages anthropologiques majeurs ». Et se servant de ce discours pour justifier une
politique de la famille, certains scientifiques (dont certains psychanalystes) usurpent
leur rôle qui ne devrait être en rien celui de donneur de leçons. Ils ne font
quessayer de faire accepter comme naturel quelque chose de culturel, dinérent
à notre civilisation judéo-chrétienne : la mise « à part » des
homosexuels. Dans cet ordre didées, lhomoparentalité est ce qui fait le plus
horreur aux intellectuels. Ainsi Mme Agacinski affirmant la « supériorité éthique
(!) du couple hétérosexuel sur le couple homosexuel » ou Françoise Héritier qui
va jusquà dire de lhomoparentalité que cest « la limite de la
pensée ». Rappeler à ces personnes le nombre annuel des divorces ainsi que celui
des couples de gays et de lesbiennes qui élèvent déjà des enfants ne serait pas chose
inutile
La réalité est là : de nombreux couples homos ont des enfants
et des couples hétéros instables peuvent très bien détruire psychologiquement leur
progéniture. Il suffit donc de dire que le couple homo est moins stable, voire inférieur
en valeur, au couple hétéro pour lexclure du droit. Les grandes
« théories » du fonctionnement de notre société sont donc en complet
décalage avec la réalité et Didier Eribon nous invite à réfléchir sur ces fondements
pour en trouver de nouveaux plus adaptés au monde contemporain.
Gaël C.