L'actualité en France

 

PIC et CUS et Colégram

Le mois d'Avril aura été un mois très agité pour les promoteurs du Contrat d'Union Sociale. Au moment où les rapporteurs de la commission des lois de l'assemblée nationale déposaient leur rapport de synthèse sur les différentes propositions, les opposants au projet lancaient une pétiton auprès des maires de France, et le ministre de la Justice tenait des propos très en retrait des promesses de l'an dernier. Il n'en fallait pas plus pour provoquer une grogne très sensible dans la communauté homosexuelle.

Déclarations ministérielles
Le Garde des Sceaux a en quelque sorte mis le feu aux poudres. Au cours d'une interview accordée à France Inter le 21 Avril, Elizabeth Guigou a confirmé que le CUS "est un engagement du gouvernement et il le tiendra", mais elle a limité la porté du projet de loi que ses services préparent. "Il faut que nous ayons un texte ou il n'y ait pas d'ambiguïté. On ne peut pas laisser planer l'ambiguïté sur un possible mariage d'homosexuels ou sur la possibilité pour des couples d'homosexuels d'adopter des enfants".

Madame Guigou a précisé dans quelle direction elle s'orientait : "le gouvernement a pris l'engagement de faire en sorte de régler, de donner la possibilité a ces couples, homosexuels ou non d'ailleurs, de pouvoir régler des problèmes fiscaux, successoraux et sociaux et ceci sera fait mais il faut faire très attention dans l'élaboration de ces textes qui touchent à l'ordre symbolique des choses, pour ne pas qu'ils touchent à l'ordre symbolique des choses, en matière de filiation notamment et en matière de mariage".

Des réactions très fermes
Cette interview a provoqué de nombreuses réactions très vives, à travers toute la France. En voici quelques-unes qui illustrent l'espèce d'électrochoc qui a réveillé la mobilisation autour du projet :

  • de Boulogne-sur-Mer, l'association d'expression lesbienne et gay a écrit à Elisabeth Guigou pour lui rappeler les promesses du gouvernement, les recommandations du Conseil Européen, et pour regretter l'amalgame qu'elle fait entre le CUS et le mariage "qui ne fait que nourrir le terreau des partis politiques et autres associations rétrogrades et xénophobes".
  • à Toulouse, dans une lettre ouverte au Garde des Sceaux, les dirigeants du Centre Gai et Lesbien et de la Lesbian & Gay Pride n'ont pas maché leurs mots non plus. Ils ont qualifié d'"homophobes" les propos de la Ministre. "Vos arguments sont maladroits, vos convictions suspectes, vos affirmations stupéfiantes" écrivent-ils. "Vous rendez-vous compte qu'on pourrait trouver les mêmes par la voix d'un électeur du Front National ?" Les militants du sud-ouest sont remontés. Dans un courrier aux Gais et Lesbiennes Branchés, Didier Tournon, président de la LGP Toulouse annonce une Gay Pride très dure. "Nous croyons qu'il faut aujourd'hui exercer une pression extrême et sans concession sur le gouvernement" explique-t-il.
  • l'initiative la plus spectaculaire vient sans doute de l'Internet. L'équipe du site Média-G a mis en place une page pour envoyer automatiquement des emails de protestation au Premier Ministre et au Garde des Sceaux. "Le lobby homophobe est puissant, organisé, et détermine. Si nous n'agissons pas, il aura le champ libre. Sans riposte, gouvernement et parlementaires risquent de se laisser influencer". Une dizaine de jours après, Média-G annonçait qu'une bonne centaine de courriers avaient été expédiés par leur intermédiaire. Matignon a répondu aux premiers mails sans dire grand chose, mais en assurant "nous tiendrons nos engagements".

Contre offensive
Parallèlement à ces protestations, les opposants au projet ont fait lancé quelques actions très médiatiques pour faire entendre leur voix. Un "collectif des maires de France pour le mariage républicain" mené par Michel Pinton, maire de Felletin et ancien secrétaire général de l'UDF, a soumis a ses homologues une déclaration contre "la mise en place d'un contrat d'union pour les personnes du même sexe". Il annonce avoir recueilli la signature de 12.000 élus, soit un peu moins du tiers des maires de France.

Ce chiffre a immédiatement été contesté par les membres du Collectif pour le Contrat d'Union Civile, qui ont demandé l'intervention d'un huissier pour vérifier les réponses. Il semblerait qu'elles n'émaneraient pas toutes que des maires.

Dans un communiqué, Homosexualité et Socialisme et la Fédération Nationale des Élus Socialistes et Républicains (FNESR) ont également signalé les contradictions portées par certains maires socialistes qui délivrent des certificats de vie commune à tous les couples qui leur en font la demande, mais qui ont signé la pétition. François Vauglin cite ainsi le cas de Jacques Carat, maire de Cachan "il nous a dit refuser de légaliser les couples homosexuels, car ça ouvrirait la porte à tous les abus, notamment en matière de pensions de réversion, mais a reconnu ne pas avoir pris connaissance du texte des propositions de loi sur le CUS". Le Président d'H&S conclut "plus que jamais, l'information est nécessaire pour stopper les fantasmes".

D'autres organisations, comme le Parti socialiste, le Parti radical de gauche (PRG), l'Union des familles laïques (UFAL) ou les Verts, ont dénoncé l'origine "confessionnelle" de cette initiative, ainsi qu'une "manipulation" ou une "récupération" du terme de "mariage républicain".

Ce tapage médiatique n'a pas interrompu les travaux de réflexion autour de la notion de reconnaissance de l'union de personnes en dehors de toute question de mariage. Au Ministère comme dans les assemblées, on auditionne beaucoup.

Le Ministère de la Justice a pris livraison des travaux de la mission de recherche "Droit et Justice" menée par le professeur Jean Hauser. Libération en avait dévoilé quelques extraits en février, le rapport Hauser est désormais complet et a été rendu public. Les chercheurs proposent un Pacte d'Intérêt Commun, très limité. Le PIC offrirait "le minimum requis pour pouvoir passer convention entraînant les droits que le législateur voudra bien accorder. Pour le reste, statut des biens, vie patrimoniale en général... il appartiendra à la pratique (notariale notamment) de construire, sur la base minimum fournie par le législateur, des Pactes dont le contenu sera forcément variable en fonction des projets, des biens, des âges, des fortunes..."

Enfin, à l'assemblée nationale, les députés Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche ont réalisé pour la commission des lois une synthèse des différents projets déposés. Ils ont élaboré un texte qui décrit un Pacte Civil de Solidarité. Le projet sera rendu public à la fin du mois de mai. Ce PACS servira de base au débat parlementaire qui pourrait se tenir à la rentrée . La loi "aboutira en tout état de cause avant fin 98" assure Catherine Tasca, qui préside la commission des lois de l'assemblée nationale.

 

[sommaire] [l'actualité française (2)]

15/5/98 © Gais et Lesbiennes Branchés