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A la rubrique « les homosexuels célèbres mais ignorés », on a pu constater récemment l’édition de différents dictionnaires épinglant les folles historiques. Les homosexuels, écrivit Pierre Bergé, « chaque fois qu’ils pouvaient citer un nom célèbre […] étaient confortés et rassurés. » Je propose dans cette rubrique de s'en rappeler quelques-uns un, qui font défaut au dictionnaire.

Alcuin fut moine puis abbé à l’époque de Charlemagne. Deux bonnes raisons pour n’être surtout pas homosexuel diront certains. Mais bon, il était aussi Anglais. Il naît vers 730dans le Yorkshire où il devient écolâtre, c’est à dire maître de l’école de la cathédrale. Vers 782, il arrive à la cour de Charlemagne où il occupe en quelques sortes les fonctions de ministre de la culture et continue à écrire énormément. De ces écrits, quelques-uns un ont été préservés en raison de la célébrité même de l’auteur, de sa sagesse. Ses poèmes et ses lettres, notamment, ont des références claires à son homosexualité. Ainsi écrit-il à un ami « J’ai de si doux souvenirs de votre amour et de votre amitié […] que j’aspire à l’instant heureux où les doigts de mes désirs étreindront la nuque de votre douceur ». Et ailleurs « Combien je sombrerais dans tes bras […] combien je couvrirais de mes lèvres fermes non seulement tes yeux, tes oreilles et ta bouche, mais encore chacun de tes doigts et orteils, pas une, mais de nombreuses fois ». Et nous sommes en plein Moyen Âge… Qui ne rêverait pas de recevoir pareil poème de nos jours ! Or cette attitude semble normale, au sein de l’Eglise, en ces siècles qu’on appelle pourtant « sombres ». La condamnation, elle, est venue plus tard, mais les poèmes ont été conservés. Un personnage comme l’abbé Alcuin nous oblige donc à revoir notre jugement sur une époque et sur des hommes…

Bibliographie

• Pierre Riché, Les Carolingiens, une famille qui fit l’Europe, Paris, Hachette, 1983

• Colin Spencer, Histoire de l’homosexualité de l’antiquité à nos jours, Paris, Le pré aux clercs, 1998

• Michel Larivière, Homosexuels et bisexuels célèbres, Paris, Delétraz, 1997

• Jacques Rossiaud & Séverine Nickel, « Comment l’Eglise a mis les sodomites hors la loi », in L’Histoire, n° 221, pp38-45

Gaël C.