FQRD Le Contrat d'Union Sociale
l'argumentaire de AIDES

[avant-projet CCUCS-AIDES (1995)] [communiqué de presse (1995)] [proposition de loi socialiste (1997)]

30 septembre 1995

Au début des années 90, le projet du CUC (contrat d'union civile) initié par Jan-Paul POULIQUEN et soutenu par le Mouvement des Citoyens a suscité un important mouvement de soutien associatif et de différentes personnalités (notamment Elisabeth BADINTER, Henri CAILLAVET, Yvette ROUDY, Willy ROZENBAUM, Dominique FERNANDEZ...) qui a abouti à l'adoption en 1993 d'une mesure ouvrant droit, sous réserve de certaines conditions, à la Sécurité Sociale au profit du concubin homosexuel.

La démobilisation d'un débat autour du projet présenté par le collectif CUC, au début de l'année 1995, a amené l'association AIDES à prendre l'initiative de relancer le débat sur la reconnaissance d'un statut du couple non marié et à réflechir sur un nouveau projet, largement nourri de la réflexion suscitée par le CUC; ce travail a abouti dans un premier temps à l'élaboration d'un texte, le Contrat de Vie Sociale, synthèse d'une large consultation inter-associative. Dans l'interêt général, l'association AIDES et le collectif pour le CUC se sont ensuite rapprochés afin de fusionner leurs projets. Il en est résulté un texte commun , le Contrat d'Union Sociale, présenté publiquement le 30 septembre dernier symboliquement au Centre Gai et Lesbien de Paris, qui devrait bénéficier d'un large soutien.

L'association AIDES défend pour la promotion du Contrat d'Union Sociale des arguments liés d'une part à la défense de la dignité et des droits des personnes, et d'autre part à des préoccupations de santé publique dans le contexte de l'épidémie à VIH.

Reconnaître les couples homosexuels et garantir leurs droits correspond en effet aux objectifs mondiaux de la lutte contre le sida définis par l'OMS, notamment pour la journée mondiale du sida le premier décembre 1995 dont le thème est "droits et devoirs : partageons". Selon cette organisation, la promotion de la santé publique est indissociable du respect des droits des personnes et "les groupes vulnérables ne doivent pas être victimes de pratiques discriminatoires dans le contexte du VIH/SIDA" (Dr PIOT, directeur du programme sida des Nations Unies).

L'apparition du sida et les situations dramatiques qu'il génère, notamment pour les couples gays privés de tout droits, rend urgente la reconnaissance juridique et sociale des couples gays et lesbiens, ainsi que des couples hétérosexuels non mariés.

La contamination par le VIH, après avoir eu tendance à se stabiliser chez les homosexuels masculins, semble à nouveau en progression, mettant en évidence la nécessité de développer une prévention du sida fondée sur l'estime de soi et la difficulté de maintenir des pratiques de sexe à moindre risque sur le long terme.

Cette maladie a mis en évidence la fragilité sociale et juridique des homo-sexuels et leur vulnérabilité au VIH : les spécialistes mondiaux du sida et de la prévention s'accordent pour reconnaître que la discrimination sociale compro-met l'efficacité des programmes d'action préventive (voir notamment J. MANN, le Courrier de l'UNESCO, juin 1995), et que le succès de la prévention passe par l'adoption de mécanismes d'intégration sociale. La reconnaissance du fait homosexuel est donc devenue un élément essentiel de la prévention en milieu gay.

De nombreux observateurs s'accordent pour constater que, sur le terrain de la prévention en milieu gay, "la séropositivité exerce une certaine séduction" (H. LISANDRE, JDS ndeg.72) ; à l'écoute des personnes ayant des pratiques homosexuelles, il apparaît que le danger fait partie de l'attirance, la prise de risques étant un facteur excitant dans la relation amoureuse ; dans le même sens, "'être séropositif recrée un sens de la communauté" (R. ELOVITCH, JDS ndeg.72), et l'identité homosexuelle peut alors être revendiquée sur le registre de la maladie. Il est dramatique de constater ainsi que certains homosexuels trouvent la reconnaissance sociale à laquelle ils aspirent par le biais du sida, en raison d'un manque d'estime de soi et de l'absence de projets d'avenir. Selon P. KNEIP, ancien directeur de Sida Info Service, "tout ce qui contribue à renforcer la confiance dans son avenir personnel et l'estime de soi, c'est à dire la fin du traitement d'exception des homosexuels, favorise les comportements de protection sociale".

Le succès des politiques de santé publique est subordonné à la protection des personnes atteintes et de leurs proches. Or, nous ne pouvons que constater les difficultés, voire les drames, que rencontrent la majorité des couples gays lorsque l'un des partenaires est touché par le VIH :

Notre droit du couple, qui accuse un retard par rapport aux lois édictées dans certains pays européens, doit évoluer pour tenir compte de ces mutations sociales.

Dans le cadre de l'Union Européenne, un mouvement se dessine en faveur des gays et des lesbiennes afin d'inviter les Etats membres à instaurer une législation visant "à reconnaître des droits aux couples homosexuels, au même titre qu'aux couples mariés" (voir en ce sens la proposition de résolution présentée au parlement Européen par M. LOMAS en 1993, le rapport ROTH de 1994 sur l'égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté Européenne, ou encore le procès-verbal de la séance du Parlement Européen du 8 février 1994 invitant la Commission à présenter un projet de recommandation sur l'égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes).

Certains états européens ont déjà adopté des lois répondant à cet objectif. La voie ouverte en 1988 par la loi suédoise de "cohabitation" a été poursuivie par le Danemark en 1989 (loi consacrant les unions de partenaires), puis la Norvège avec l'instauration du " contrat d'union de partenaires " en 1993 ; un projet similaire est en discussion en Finlande ; une pétition a été déposée fin 1994 au parlement suisse demandant que les couples homosexuels puissent bénéficier des droits acquis par le mariage.

L'institution du mariage retenue par le code civil comme seul cadre légal du couple et de la famille, ne correspond plus aux réalités sociales actuelles ; de nouvelles formes d'union, hors du champ juridique du mariage, se développent: multiplication des "unions libres" et des naissances d'enfants naturels, baisse du nombre de mariages, revendications des couples de même sexe... La réalité du couple est aujourd'hui polymorphe, et l'état du droit ne correspond plus aux modes de vie d'un nombre croissant de personnes.

L'adoption du contrat d'union sociale par le parlement permettrait de dépasser une jurisprudence obsolète de la Cour de Cassation, qui, en calquant le concubinage sur le mariage, crée une discrimination selon les préférences sexuelles, les concubins hétérosexuels bénéficiant seuls de certains droits ou privilèges (maintien du bail, avantages tirés des conventions collectives, réductions dans les transports publics...).

Le mode de vie homosexuel bénéficie d'une acceptation sociale grandissante. L'Assemblée Nationale s'y est déjà intéressée en consacrant un colloque en 1993 au thème "Homosexualité, droit et libertés". Un sondage récent montre que 79% des personnes interrogées sont favorables à ce que les couples homosexuels puissent hériter l'un de l'autre, et 63% estiment normal qu'ils bénéficient des mêmes avantages que les couples vivant en concubinage notoire (sondage IFOP pour L'Express et Canal Plus, 24 mai 1995).

L'initiative actuelle de plusieurs municipalités de délivrer des certificats de concubinage aux personnes de même sexe doit être considérée comme un pas en avant vers la reconnaissance du couple homosexuel. Néanmoins, nous devons être conscient de la limite de la portée juridique de la délivrance de certificats de concubinage, lesquels ne sont pas constitutifs de droits ; le concubinage n'est pas un statut et aujourd'hui encore la jurisprudence de la Cour de Cassation ci-dessus exposée reste valide.

Cependant, nous pouvons espérer de la multiplication des initiatives des mairies à délivrer des certificats de vie commune, que nous devons largement encourager, un mouvement de réforme plus conséquent au niveau gouver-nemental ou législatif, afin de répondre de manière cohérente à une aspiration de l'opinion publique.

Le projet d'union sociale permet d'apporter une telle réponse:

Copyright Gais et Lesbiennes Branchés, (C) 1995
Copyright AIDES, (C) 1995

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