L'actualité en France
Le débat avorté
La rapidité avec laquelle le gouvernement de Lionel Jospin a inscrit une nouvelle proposition de loi pour donner un statut aux couples non mariés montre combien il cherche à faire oublier la bourde du 9 octobre, quand le projet de Jean-Pierre Michel et Patrick Bloche a été rejeté au cours de sa première lecture.
Les membres de l'opposition ont joué du règlement et tiré parti de leur supériorité numérique en séance pour adopter une motion d'irrecevabilité défendue par le professeur Mattéi. Dans son intervention, le député marseillais a indiqué que son parti préférait aménager la législation actuelle plutôt que reconnaitre les couples en dehors du mariage."Face à un choix privé individuel, qui relève de la liberté individuelle, l'Etat doit rester neutre" a justifié M. Mattéi.
L'intervention de Jean-François Mattéi a subi le même sort que les autres. Elle a été entrecoupée de nombreuses manifestations sonores des députés, témoignant de l'intensité du débat, en dépit du petit nombre de présents dans l'hémicycle.
La motion a été mise aux voix en début d'après-midi, après une interruption de séance que les socialistes ont vainement exploitée pour faire venir leurs députés absents. Compte tenu de la supériorité numérique de l'opposition, elle a été adoptée, à la plus grande joie de l'opposition.
Christine Boutin,
la passionaria de la droite ultra conservatrice, qui n'avait pas manqué
d'agiter à plusieurs reprises sa bible, était euphorique.
"Le bon sens existe encore dans notre pays. Les français
peuvent être fiers de l'opposition" déclarait-elle
à qui voulait partager sa joie.
Plus nuancé, Patrick Devedjian, philosophait : "En politique, tout peut arriver. En 1997, nous ne nous attendions pas à être battus aux législatives. Aujourd'hui, eux ne s'attendaient pas à être battus sur ce texte".
Du côté des défenseurs du projet, l'amertume et la déception se lisaient nettement sur les visages. Jean-Pierre Michel, l'un des pères du pacte civil de solidarité, était effondré. "Je suis déçu à la fois par la légèreté des élus et par leur refus de s'engager".
Catherine Tasca, reconnaissait aussi qu'elle n'était pas heureuse de ce résultat surprenant, mais, combative, elle affirmait "Nous allons déposer une nouvelle proposition dès ce soir".
Les titres de la presse du 10 octobre
Les quotidiens du jour n'ont pas maché leurs mots pour raconter le coup de théâtre qui s'est produit lors de la première lecture du projet de PaCS.
C'est "La honte" , estime France-soir. "Très attendu, le débat sur le PaCS a tourné court. La droite a voté l'irrecevabilité du texte devant des rangs vides à gauche".
"Le PS en fuite" titre Libération.
"Les députés PS ont eu honte du PaCS" précise Le Monde qui explique que "l'absence de nombreux élus socialistes au débat parlementaire traduit leur gêne et leur hostilité".
Seul le Figaro se félicite de ce qui s'est passé et évoque "le camouflet des élus socialistes à Jospin", dont la défection entraine l'annulation du texte.
Manifestations homosexuelles le 17 octobre
La réaction des associations gaies face à l'avortement de ce texte dans lequel elles mettaient beaucoup d'espoir n'a pas tardé. Dès le lendemain, une vingtaine d'entre-elles appelaient à une grande manifestation de protestation et de soutien au PaCS. Un cortège partira samedi 17 octobre à 15 heures de l'Odéeon en direction de la Bastille. En région, les associations de province ont également signé le texte. Un formulaire électronique recueille l'adhésion des sympathisants individuels.
De multiples communiqués ont été publiés, dans lesquels leurs auteurs n'ont pas de mots assez durs pour qualifier la déconfiture. La Lesbian and Gay Pride, le CRSH, l'ARDHIS, sont "en colère", Act Up proclame "nous sommes folles de rage", et Ex Aequo, groupe de Reims, menace même d'appeler ses adhérents à déchirer leurs cartes d'électeurs.
13/10/98 © Gais et Lesbiennes Branchés