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La Cour de Justice

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La Cour de justice a pour mission d'assurer le respect du droit communautaire (traités et dispositions arrêtées par les institutions communautaires).

L'Union Européenne n'est pas seulement une création du droit, mais elle poursuit ses objectifs en utilisant exclusivement un droit nouveau, appelé le droit communautaire, qui a pour caractéristique d'être un droit autonome, uniforme pour tous les pays membres de la Communauté, distinct du droit national tout en lui étant supérieur et dont une partie importante des dispositions est directement applicable dans tous les États membres.

Comme tout ordre juridique véritable, l'ordre juridique de la Communauté dispose d'un système efficace de protection juridictionnelle lorsque le droit communautaire est contesté ou qu'il s'agit de le faire appliquer.

La Cour de justice, en sa qualité d'institution juridictionnelle de la Communauté, constitue l'axe de ce dispositif de protection. Aux juges incombe la tâche d'éviter que chacun n'interprète et n'applique ce droit à sa manière propre, de garantir que la loi commune garde son caractère et sa nature communautaires, d'assurer qu'elle reste identique pour tous et en toutes circonstances.

A cette fin, la Cour de justice est compétente pour connaître de litiges auxquels peuvent être parties les États membres, les institutions communautaires, les entreprises et les particuliers.

Il lui a été adjoint un Tribunal de première instance en 1989, afin d'améliorer la protection juridictionnelle des justiciables en instaurant un double degré de juridiction et de permettre à la Cour de se concentrer sur sa tâche essentielle, l'interprétation uniforme du droit communautaire.

Ce n'est que depuis 1996 que des questions de discrimination liée à la préférence ou à l'identité sexuelle ont été présentées à la Cour de Justice, alors que la Cour Européenne des Droits de l'Homme a eu à traiter de ces questions depuis 1955.

  • Affaire P. c/ S. et Cornwall County Council, Arrêt de la Cour du 30 avril 1996
  • Affaire The Queen ex parte : Terence Perkins c/ Secretary of State for Defence
  • Affaire Lisa Jacqueline Grant c/ South-West Trains Ltd : «Égalité de traitement entre hommes et femmes / Refus d'une réduction sur le prix des transports à des concubins de même sexe», Arrêt de la Cour du 17 février 1998
  • Affaire D. c/ Conseil : Fonctionnaires / «Refus d'octroi au requérant de l'allocation de foyer du chef de son partenaire», Arrêt du Tribunal du 28 janvier 1999 et arrêt de la Cour du 31 mai 2001.

Dans l'arrêt P., la Cour a jugé que le licenciement d'une femme transsexuelle constituait une discrimination fondée sur le sexe, en violation de la directive 76/207/CEE, qui stipule que « Le principe de l'égalité de traitement (...) implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial» en particulier en ce qui concerne «les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement».

Comme aucune disposition du droit communautaire ne faisait référence, jusqu'en 1998, aux discriminations fondées sur l'orientation sexuelle, les requérants des affaires concernant ces discriminations ont tenté de prouver qu'il s'agissait de discriminations fondées sur le sexe. Celles-ci sont interdites par le droit communautaire, notamment par l'article 119 du traité de Rome qui énonce le « principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail». L'argument, utilisé dans l'affaire Grant, est de faire apparaître une discrimination fondée sur le sexe en comparant les situations de la victime et d'une personne hétérosexuelle de l'autre sexe. Le contre-argument de la défense a été de comparer la victime à une personne homosexuelle de l'autre sexe, pour en déduire qu'un homme homosexuel serait traité de la même façon qu'une femme homosexuelle, et qu'il n'y avait donc pas discrimination fondée sur le sexe. C'est ce contre-argument qui a été retenu par la Cour dans l'arrêt Grant et qui a été repris dans l'arrêt D.

La directive 76/207/CEE a aussi été invoquée dans l'affaire Perkins, qui concerne un employé homosexuel de la Marine Royale, licencié en raison de son homosexualité en novembre 1995. La requête (en renvoi préjudiciel) a cependant été retirée le 13 août 1998, à la suite de l'arrêt Grant.

La Cour de Justice s'est donc jusqu'à présent refusée à reconnaître aux couples de même sexe les droits accordés aux couples hétérosexuels concubins ou mariés. Cependant, il se peut qu'avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, sa clause de non-discrimination soit désormais prise en considération par la Cour dans l'interprétation du droit communautaire.

Les diverses formes de recours

  • Le renvoi préjudiciel

    Dans les affaires mettant en cause le droit communautaire, les juges nationaux, en cas de doute sur l'interprétation ou la validité de ce droit, peuvent, et parfois doivent, se tourner vers la Cour pour lui poser des questions dans le cadre d'un renvoi préjudiciel.

    Si la Cour est, par sa nature, la gardienne suprême de la légalité communautaire, elle n'est pas pour autant la seule juridiction habilitée à appliquer le droit communautaire. Les tribunaux de chacun des États membres sont, eux aussi, des juridictions communautaires dans la mesure où:

    • reste soumise à leur contrôle l'exécution administrative du droit communautaire, qui est confiée pour l'essentiel aux organes de l'administration des États membres;
    • un grand nombre de dispositions des traités et du droit dérivé (réglements, directives, décisions) créent directement des droits individuels au bénéfice des ressortissants des États membres, qu'ils ont l'obligation de sauvegarder.

    Ce système, dont les avantages sont largement démontrés par le grand nombre de renvois introduits depuis la création de la Cour, garantit au droit communautaire une interprétation uniforme et une application homogène dans l'ensemble de la Communauté. En assurant une coopération permanente entre les juridictions nationales et la Cour de justice, cette procédure fait ressortir de manière précise que les juridictions nationales sont également des garants du droit communautaire.

    C'est aussi dans le cadre des renvois préjudiciels que tout citoyen européen peut faire préciser les règles communautaires qui le concernent. En effet, bien que ce renvoi ne puisse être formé que par une juridiction nationale, seule habilitée à se prononcer sur son opportunité, toutes les parties concernées peuvent participer à la procédure engagée devant la Cour de justice.

    Quels sont les effets d'un arrêt rendu par la Cour de justice à la suite d'une demande de décision préjudicielle?

    La Cour de justice statue en droit, ce qui veut dire qu'elle précise quelle est la situation en droit communautaire. La juridiction nationale destinataire de la réponse devra appliquer au litige dont elle a à connaître le droit tel qu'il a été interprété par la Cour, sans le modifier ni le déformer. De même, l'arrêt en interprétation de la Cour est susceptible de guider d'autres juridictions qui seraient saisies d'un problème matériellement identique à une question ayant déjà fait l'objet d'une décision à titre préjudiciel.

  • Le recours en manquement

    Il permet à la Cour de contrôler le respect par les États membres des obligations qui leur incombent en vertu du droit communautaire. Cette procédure peut être engagée soit par la Commission - c'est, en pratique, le cas le plus fréquent -, soit par un État membre. Si la Cour constate le manquement, l'État est tenu d'y mettre fin sans délai. Si, après une nouvelle saisine par la Commission, la Cour reconnaît que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

  • Le recours en annulation

    Il permet aux États membres, au Conseil, à la Commission et, sous certaines conditions, au Parlement, de demander l'annulation de l'ensemble ou d'une partie des dispositions communautaires et aux particuliers de demander l'annulation des actes juridiques qui les affectent directement et individuellement. Il donne ainsi à la Cour la possibilité de contrôler la légalité des actes des institutions communautaires. Si le recours est fondé, l'acte contesté est déclaré nul et non avenu.

  • Le recours en carence

    Il permet à la Cour de contrôler la légalité de l'inactivité des institutions communautaires et de sanctionner leur silence ou leur inaction.

  • L'action en réparation

    Cette action, fondée sur la responsabilité non contractuelle, permet à la Cour de déterminer la responsabilité de la Communauté pour les dommages causés par les institutions ou les agents dans l'exercice de leurs fonctions.

  • Les pourvois

    La Cour de justice peut être saisie des pourvois limités aux questions de droit contre les arrêts prononcés par le Tribunal de première instance dans les affaires de sa compétence :

    • tous les recours en annulation, en carence, en réparation formés par des personnes physiques ou morales contre la Communauté;
    • les recours formés contre la Commission, en vertu du traité CECA, par les entreprises ou associations d'entreprises;
    • en matière de litige entre la Communauté et ses fonctionnaires et agents.

Les gouvernements des États membres nomment d'un commun accord les 15 juges et les 9 avocats généraux pour 6 ans.


Plusieurs grands principes du droit communautaire ont été fixés sur la base de questions préjudicielles, parfois posées par des juridictions dont les décisions étaient encore susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne.

La contribution la plus importante de la Cour est constituée par sa jurisprudence définissant les deux règles essentielles sur lesquelles repose la Communauté de droit qu'est la Communauté européenne:

  • l'applicabilité directe du droit communautaire dans les États membres,
  • la primauté de la règle commune sur la règle nationale.

Grâce à cette jurisprudence, dont les arrêts Van Gend en Loos (prononcé en 1962), Costa/ENEL (1964) et Simmenthal (1978) constituent les principaux jalons, les citoyens européens peuvent désormais invoquer devant leurs juges les dispositions des traités, règlements, et des directives communautaires et demander qu'une loi nationale ne leur soit pas appliquée si elle est contraire à la législation communautaire.

Parfois victime de discriminations directes ou indirectes, le travailleur européen qui décide de s'installer dans un autre pays de la Communauté, bénéficie désormais, pour toutes conditions d'emploi et de travail, des mêmes droits et avantages que ceux accordés aux travailleurs nationaux.

Un autre problème a été examiné par la Cour dans le cadre de nombreuses affaires préjudicielles: celui de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes. En effet, puisque le traité de Rome contient une disposition précise sur cette question, la Cour a estimé, lors de l'affaire Defrenne (1971), qu'aucune mesure communautaire ou nationale n'était nécessaire à l'application directe de cette disposition et qu'il revenait aux juridictions nationales de faire bénéficier tout citoyen européen de ce principe.

R. Lalement

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