Le dossier que nous vous présentons se compose d'un témoignage et de trois articles : les bases pour comprendre ; formes cliniques ; les traitements. Ce premier article donne quelques explications sur l'immunité (non parlementaire !). Elles permettront de mieux comprendre ce qu'est un lymphome, prolifération non contrôlée (cancer) de lymphocytes.
La moelle osseuse, usine à globules
Tous les globules du sang sont produits par la moelle osseuse, à ne pas confondre avec la moelle épinière (qui, elle, est située dans la colonne vertébrale et fait partie du système nerveux central) ! Cette moelle osseuse est surtout présente dans les os plats et les extrémités des os longs (moelle au gros sel pour les gourmets). Elle fabrique en permanence les cellules sanguines : globules rouges, qui sont en fait des sacs remplis d'hémoglobine, protéine transporteuse de l'oxygène des poumons vers les tissus ; plaquettes, indispensables à la prévention et à l'arrêt des saignements ; globules blancs (polynucléaires, lymphocytes, monocytesä). Le rendement de cette usine (des milliards de globules fabriqués tous les jours) est sous le contrôle de facteurs de croissance (qui sont utilisés dans certains traitements) : interleukines ; érythropoïétine (Eprex®), qui active la production de globules rouges ; G-CSF (Neupogen®) et GM-CSF (Leucomax®), qui stimulent la production de certains globules blancs.
Parmi les globules blancs, les polynucléaires, les plus simples, s'activent à nettoyer l'organisme des bactéries qui voudraient le pénétrer. Les monocytes sont les éboueurs de l'organisme, on les nomme macrophages lorsqu'ils quittent le sang pour les tissus où ils sont omniprésents ; ils coopèrent avec les lymphocytes. En effet, ceux-ci ont pour lourde tâche d'organiser et de coordonner le système immunitaire, c'est-à-dire de reconnaître et détruire les éléments étrangers à l'organisme (bactéries, virus, parasites, champignons, cellules étrangères) et même les cellules lui appartenant mais dont le développement trop rapide devient incontrôlable : les tumeurs, bénignes (sans gravité) ou malignes (cancers). Car à tout moment une cellule peut se mettre à se multiplier trop vite, sous l'effet d'une modification même minime de son patrimoine génétique (erreur lors de la division cellulaire, mutation spontanée ou provoquée par un virus par exemple). Le système immunitaire est vigilant et détruit ces petits groupuscules de cellules anarchiques. Vous avez dit Pasqua ?
Le système immunitaire
Mais revenons sur les lymphocytes, véritables policiers chargés de vérifier l'identité de tous ceux qu'ils rencontrent et, si besoin, de les exterminer, avec l'aide des autres globules blancs. Si un des constituants (antigènes) du nouveau venu ne figure pas sur le catalogue du « soi » (c'est à dire : n'est pas reconnu comme faisant partie de l'organisme de la personne), les lymphocytes sont activés et se multiplient afin de l'éliminer.
Les lymphocytes B (de « bone marrow », la moelle osseuse) tuent en fabriquant des anticorps spécifiquement dirigés contre le contrevenant : ces anticorps ou immunoglobulines (Ig) sont des protéines qui circulent dans tout l'organisme à la recherche de l'antigène correspondant, pour le neutraliser : on parle d'immunité humorale. Lorsqu'une production de lymphocytes identiques (clone) est dirigée spécifiquement contre un unique antigène, on parle d'anticorps monoclonal.
Les lymphocytes T (de thymus) circulent par contre à sa recherche et l'exterminent eux-mêmes ; ils sont aussi spécialisés contre UN antigène (un fragment d'une bactérie, d'un virusä) précis : c'est l'immunité cellulaire. Il y a une coopération très étroite entre les lymphocytes B, les lymphocytes T et les macrophages. Il existe de nombreux sous-types de lymphocytes T, de fonctions variées.
De petites protéines, les cytokines, leur permettent de s'envoyer des informations : un véritable « fax » biologique (interférons, interleukines, tumor necrosis factor - TNF - par exemple).
Le système lymphatique
Les lymphocytes et les macrophages parcourent les vaisseaux sanguins, mais aussi les vaisseaux lymphatiques. La lymphe que ces derniers contiennent est un liquide qui circule très lentement des tissus (peau et muqueuses notamment) vers le thorax et finit par se jeter dans une veine du cou. Lorsqu'un vaisseau lymphatique est coupé ou comprimé, la lymphe s'accumule en amont. Ainsi, le sarcome de Kaposi, lorsqu'il est très étendu, peut entraîner un lymph¶dème des extrémités (les mains ou les pieds sont alors gonflés de lymphe).
Le système lymphatique comporte des vaisseaux et des relais que sont les ganglions. Ayant rencontré un antigène nouveau, le lymphocyte est activé et se multiplie dans le premier ganglion rencontré : c'est la réaction lymphoïde, responsable des gros ganglions (appelés adénopathies) que l'on peut palper s'ils sont périphériques (aine, aisselle, couä) ou visualiser s'ils sont profonds (par radio, scanner, échographieä).
Les adénopathies
Les causes de gros ganglions peuvent être infectieuses ou tumorales, bénignes (sans gravité) ou malignes (cancéreuses). Parfois la cause est évidente : abcès dans le territoire correspondant, tuberculose, angine, cancer (sein, prostate, colon par exemple). Sinon la clé du diagnostic repose sur l'examen au microscope d'un fragment de ganglion prélevé par ponction ou biopsie.
Qu'est-ce qu'un lymphome (enfin !) ?
Il s'agit d'un cancer développé à partir des lymphocytes eux-mêmes. Toutes les situations où le système immunitaire est affaibli (immunodépression) favorisent l'émergence de cancers : les lymphomes étaient connus bien avant l'apparition de l'infection à VIH. Mais, au cours de celle-ci, ils sont nettement plus fréquents.
Il existe environ 15 types de lymphomes. Leur classification très complexe repose sur deux éléments essentiels. En premier lieu le type de la cellule qui se cancérise : lymphocyte B ou T, grade de malignité plus ou moins élevé (degré d'anormalité des cellules du lymphome), rapidité d'évolutionä Et l'extension du cancer : ganglions seulement, palpables ou profonds (thorax, abdomen, petit bassin), atteinte viscérale associée (foie, rate, poumons, c¶ur, moelle osseuse, système nerveux central, etc), signes généraux associés (fièvre, amaigrissementä).
De tous ces critères se dégagent deux grands types de lymphomes : la maladie de Hodgkin et les lymphomes malins non-hodgkiniens (malins, car ce sont des cancers ; non hodgkiniens, car il ne s'agit pas de maladie de Hodgkin). Les modalités thérapeutiques dépendent de tous ces facteurs et suivent, comme pour les leucémies, des protocoles d'associations complexes de chimiothérapie (médicaments anti-cancéreux) et de radiothérapie (traitement par les rayons) qui permettent bon nombre de guérisons à l'heure actuelle.
René FROIDEVAUX
Le lymphome est un type de cancer, dû à la prolifération anarchique de certains lymphocytes. Il survient chez 5 à 10 % des personnes malades du sida. Le traitement repose essentiellement sur la chimiothérapie (perfusions de médicaments anticancéreux) et la radiothérapie (traitement par les rayons). Lorsque le lymphome survient chez des personnes avec un système immunitaire en bon état (plus de 200 T4/mm3, pas d'infection opportuniste), les chances de rémission sont supérieures à 60 %. Cela signifie qu'avec un traitement intensif, dans plus de 60 % des cas, la personne sera « guérie » du lymphome. Cette rémission est souvent durable (pas de rechute). En revanche, lorsque le lymphome survient chez une personne avec moins de 100 T4/mm3, ayant déjà eu des infections opportunistes, la situation est beaucoup plus sombre : les rémissions sont plus rares (moins de 20 % des cas). Cependant, le traitement permet souvent d'améliorer la qualité de vie, en réduisant la taille des tumeurs.
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