Le stade d'évolution de l'infection à VIH détermine le choix du traitement. En effet, chez les personnes peu immunodéprimées, on peut avoir recours à une chimiothérapie intensive. Depuis 4 ans, l'espérance de vie a été sensiblement améliorée, grâce notamment aux facteurs de croissance (G-CSF = Neupogen®, GM-CSF = Leucomax®). Pour les lymphomes chez des personnes très immunodéprimées, la chimiothérapie (si nécessaire à dose réduite) et la radiothérapie (traitement par rayons) permettent souvent d'améliorer la qualité de vie.
Seul un cancérologue ou un hématologue particulièrement compétent en matière de sida peut conseiller le traitement optimal au cas par cas, car les progrès sont rapides et les protocoles, lourds. Seuls des protocoles rigoureux ont permis et permettront des progrès rapides et réels dans le traitement de ces lymphomes associés au sida. Ils sont très nombreux, aux États-Unis en particulier. À Paris, l'hôpital St.Louis parait le mieux adapté pour prendre en charge ces malades ou au moins conseiller leurs médecins (Dr. Oksenhendler) (1).
Chimiothérapies
On appelle ainsi tout traitement chimique (chimiothérapie antituberculeuse par exemple). Utilisé seul, ce terme fait référence aux « chimio » anticancéreuses. Leur essor depuis 30 ans a permis des progrès majeurs dans le traitement des maladies hématologiques (maladies du sang). Un traitement par cortisone peut y être associé.
On dispose de nombreux médicaments qui empêchent la division des cellules, surtout celles à renouvellement rapide. Ils s'attaquent aux cellules cancéreuses mais aussi, hélas, aux cellules de la moelle osseuse.
Les effets secondaires des « chimio » peuvent atteindre toutes les cellules du sang : anémie (baisse du nombre de globules rouges ou de leur qualité), responsable de fatigue ou d'essoufflement (si moins de 8 g d'hémoglobine/dl) ; neutropénie (baisse du nombre de certains globules blancs, les polynucléaires neutrophiles), à l'origine d'infections bactériennes comme les septicémies (présence de bactéries dans le sang) (si moins de 500 polynucléaires/mm3) ; thrombopénie (baisse du nombre de plaquettes) pouvant provoquer des saignements (si moins de 30 000 plaquettes/mm3).
C'est cette toxicité médullaire (sur la moelle osseuse) qui, chez les malades en mauvais état général et prenant déjà des médicaments de même toxicité (AZT, ganciclovir), limite les doses de chimiothérapie. Les facteurs de croissance, GM-CSF (Leucomax®) et G-CSF (Neupogen®) en particulier, sont d'une grande utilité (ils agissent sur la moelle osseuse pour lui faire produire des globules blancs). Des transfusions de globules rouges (culots globulaires) ou de plaquettes peuvent être nécessaires.
Inutile de détailler les différents médicaments de chimiothérapie utilisés. Ils sont associés dans des protocoles aux noms barbares : CHOP, pBACOD, PRO-MACE, MOPP-ABVD, etc., chaque lettre indiquant un médicament. Les doses peuvent être réduites de moitié chez les patients très immunodéprimés afin d'améliorer la tolérance, avec des résultats encourageants.
Les autres effets secondaires varient selon les médicaments : chute des cheveux, hépatite, vomissements, diarrhée, atteinte cardiaque, neuropathieä Ils justifient une surveillance médicale étroite.
Traiter les méninges
Même en l'absence d'atteinte initiale des méninges (les membranes qui entourent la moelle épinière et le cerveau), une chimiothérapie injectée par ponction lombaire (aiguille insérée entre deux vertèbres, dans le bas du dos) est indiquée, en particulier s'il existe une atteinte de la moelle osseuse. Précisons qu'une ponction lombaire bien faite et avec une petite aiguille n'est pas plus douloureuse qu'une prise de sang.
Radiothérapie
La radiothérapie est le traitement par rayons. Elle est fréquemment utilisée contre les cancers. Lorsqu'il existe une atteinte du système nerveux central (moelle épinière ou cerveau), surtout s'il s'agit d'un lymphome primitif du système nerveux central, une irradiation cérébrale totale (radiothérapie de tout le cerveau) permet souvent une amélioration des symptômes neurologiques et donc de la qualité de la vie, même si sa durée n'est pas allongée. Certains patients se sont même réveillés de leur coma.
Une radiothérapie localisée peut également être utile lorsqu'une localisation du lymphome est douloureuse (lorsqu'il comprime un nerf ou atteint un os, par exemple) (voir le témoignage p15). Elle n'est évidemment que palliative (son but est avant tout de réduire la douleur).
Espérance de vie
Parmi les deux types de lymphomes non-hodgkiniens observés au cours du sida, le plus grave est le lymphome primitif du système nerveux central. Le lymphome disséminé est de meilleur pronostic (le pronostic est l'évolution probable d'une maladie, chez une personne). Mais l'espérance de rémission voire de guérison dépend avant tout de l'état immunitaire du patient. L'espérance de vie est nettement plus longue chez les patients peu immunodéprimés, n'ayant jamais fait d'infection opportuniste, en bon état général et n'ayant pas d'atteinte viscérale (en particulier de la moelle osseuse) : elle avoisine maintenant 40 % à deux ans lorsque le chiffre initial de T4 est supérieur à 200/mm3, alors qu'elle ne dépasse pas 2 à 3 mois lorsque le déficit immunitaire est profond, les malades décédant surtout d'infections opportunistes.
Quant à la maladie de Hodgkin, elle est traitée de façon conventionnelle (comme chez les personnes séronégatives), par radiothérapie et/ou chimiothérapie selon son extension (stades I à IV). La moitié des malades vivent plus de deux ans.
Traitements associés
Tous les cas de figure peuvent se présenter, entre ces deux formes schématiques (précoce et tardive) de lymphome. Le patient, pleinement informé de son pronostic et des possibilités thérapeutiques, peut participer à la décision.
Cependant, la prévention de la pneumocystose doit être systématique, quel que soit le nombre de T4. On a en effet observé un très fort taux de cette infection opportuniste au cours des chimiothérapies, qui sont immunosuppressives (elles abaissent les défenses immunitaires) (le chat se mord la queue !).
Un traitement antiviral associé, si possible autre que l'AZT (toxique pour la moelle osseuse), est bien évidemment souhaitable.
Une hospitalisation s'impose pour faire le bilan du lymphome et débuter le traitement. La pose d'un cathéter central (à émergence cutanée ou à chambre) simplifie considérablement la vie des patients etä des infirmier(e)s. Une asepsie obsessionnelle est de rigueur (respect très strict des règles de maniement du cathéter, afin d'éviter les infections).
Perspectives d'avenir
La compréhension récente des mécanismes d'apparition des lymphomes au cours du sida doit se poursuivre, ouvrant de nouvelles approches thérapeutiques : la recherche de médicaments moins toxiques pour la moelle osseuse et le système immunitaire - ou ce qu'il en reste - est une priorité : toxines dirigées contre les lymphocytes anarchiques, anticorps monoclonaux, antagonistes des interleukines 6 ou 10 que l'on sait jouer un rôle dans la genèse des lymphomes malins non-hodgkiniens.
Signalons enfin un protocole débuté récemment à Paris associant une expansion des lymphocytes T8 et une perfusion d'interleukine. À suivreä
René FROIDEVAUX
(1) - Hôpital Saint-Louis : Tél. : (1) 42 49 49 49.
Dr Eric Oksenhendler, service du Pr Clauvel : Tél. : (1) 42 49 96 90.
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