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Introduction

Introduction

Depuis l'apparition des premiers cas de sida en France au tournant des années 1980, l'adaptation de la population homo- et bisexuelle masculine à l'épidémie de sida a connu plusieurs phases successives. Chez les gays, les années 1980 ont été marquées par une intégration rapide du test de dépistage du VIH et du préservatif. A partir de 1990, les comportements se sont stabilisés à un niveau élevé de prévention. Dans certains sous-groupes de la population, le VIH/Sida était devenu moins présent, ce qui semblait parfois permettre des stratégies de " non protection négociée " dans des réseaux protégés, notamment celui du couple. Pour désigner cette nouvelle phase de l'histoire de l'épidémie, les sociologues Australiens Dowsett et McInnes (1996) n'avaient d'ailleurs pas hésité à utiliser le terme de " post-sida ".

Pour plusieurs raisons, la donne semble avoir été renouvelée dans la période la plus récente. A partir de 1996, l'introduction des nouveaux traitements a suscité un climat d'optimisme pouvant faire redouter un relâchement des comportements préventifs chez les gays. L'année 2000 a connu d'importants débats sur le thème du relâchement de la prévention en milieu homosexuel. Au discours sur le "relapse" est venu s'ajouter celui du "bareback"1 qui exprime la revendication par certains gays du droit d'avoir des rapports non protégés. En France, ces débats – largement repris dans la presse – étaient alimentés par les impressions formulées par des observateurs de terrain et par des associations comme Act Up, mais aucune donnée chiffrée ne permettait jusqu'à présent d'évaluer l'ampleur réelle de ce relâchement de la prévention.

La dernière Enquête Presse Gay – qui permet d'étudier et de suivre depuis quinze ans les comportements sexuels et préventifs de la population homo- et bisexuelle masculine – datait en effet de 1997. Au second semestre 1997, aucun relâchement des pratiques préventives n'avait pu être observé en population gay (Adam et al., 1998 (a, b, c) et 1999 (c, d)) – ni d'ailleurs en population générale (Grémy, Beltzer et Echevin, 1999) – mais les perceptions du sida et les attitudes face au risque et à la prévention semblaient connaître une réelle évolution. Certains sous-groupes de la population gay semblaient ne plus percevoir le sida comme une menace aussi présente qu'auparavant. A l'époque, nous avions interprété ce phénomène comme " un signe avant coureur " d'un relâchement possible des comportements préventifs.

Depuis l'Enquête presse gay 1997 et avant que l'enquête 2000 ne puisse être menée, d'autres sources sont venues conforter l'hypothèse pessimiste que nous avions précédemment formulée. Les premières concernent les maladies sexuellement transmissibles. Alors qu'au cours de la dernière décennie, celles-ci avaient fortement régressé, une recrudescence a pu être observée au cours de la période récente dans de nombreux pays. En France, le réseau RENAGO (Goulet et al., 1999) a montré une hausse importante des gonococcies depuis 1998. Si la hausse est généralisée, elle prend des formes importantes chez des hommes de la région parisienne. Etant donné l'augmentation de la proportion des localisations anales des gonococcies observées chez eux, il en a été déduit qu'une épidémie existait au sein de la population homosexuelle. Aucune étude ne permettait cependant d'estimer plus directement et précisément l'incidence des diverses MST au sein de la population homosexuelle masculine.

Parallèlement à cette alerte généralisée autour des MST, des enquêtes menées à l'étranger ont établi un relâchement des comportements préventifs : alors que le phénomène datait de plusieurs années aux Etats-Unis et en Australie, deux pays européens, l'Allemagne et le Royaume-Uni, ont observé ce relâchement préventif pour la première fois en 1999/2000.

Il restait donc à étudier, à partir des données collectées dans le cadre de la vague 2000 de l'Enquête presse gay, si la France allait également s'inscrire dans ce contexte général de dégradation de la prévention en milieu homosexuel. L'objectif premier de ce rapport est dès lors d'analyser les évolutions intervenues entre 1997 et 2000 en termes de pratiques préventives et de MST au sein de la population homo- et bisexuelle masculine. Nous tenterons également de comprendre les causes qui pourraient être à l'origine du relâchement de la prévention parmi les gays. Pour ce faire, nous analyserons le profil socio-démographique, socio-sexuel et psychologique des répondants qui déclarent des prises de risque mais nous tenterons également de comprendre la situation en prenant en compte les modifications qui sont intervenues dans la période récente dans le contexte de la sexualité et celles liées à l'introduction des nouveaux traitements anti-rétroviraux.


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