FQRD Le Contrat d'Union Civile

Ce texte n'est plus d'actualité (1997). Consultez l'avant-projet du CCUCS et de AIDeS (1995) ou la proposition déposée par le groupe socialiste en 1997.

Assemblée Nationale

Première session ordinaire de 1992 - 1993

Une proposition tendant à créer un contrat d'union civile a été enregistrée à la Présidence de l'Assemblée Nationale le 25 Novembre 1992.
Elle fut renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.

Présentation

Cette proposition fut présentée par les députés suivants :

Exposé des motifs

En une quinzaine d'années, le nombre de mariages célébrés annuellement en France a baissé de 30% et le nombre de naissances hors mariage a plus que doublé.

Aujourd'hui, plus d'un enfant sur quatre naît hors mariage. Ces évolutions témoignent d'un changement profond des attitudes et des comportements. Entre 1962 et 1985, le nombre de couples non mariés où l'homme est agé de moins de trente-cinq ans a décuplé ; il a doublé pour ceux où l'homme est agé de trente-cinq à soixante ans.

Les démographes de l'Institut Nationnal d'Études Démographiques admettent, en 1991, l'existence en France de deux millions de couples non mariés, et de plus d'un million de familles monoparentales.

Lorsqu'une réalité sociale est en plein changement, les mots employés pour la décrire peuvent comporter bien des incertitudes. Les démographes des grands organismes d'Etat tels l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et l'Institut National d'Etudes Démographiques avouent aujourd'hui les difficultés qu'ils rencontrent pour cerner la réalité, à travers les termes de cohabitation, concubinage, union libre, ou couple non marié, souvent utilisés indifféremment malgré les diverses réalités qu'ils recouvrent.

Il est frappant de constater qu'en 1991, à la question "qu'est ce qu'un couple ?", les démographes chargés de fournir les informations nécessaires aux décideurs ou aux planificateurs nationaux ne peuvent répondre précisément, confrontés qu'ils sont à une diversification accélérée des modes de vie concernés.

S'ajoutent à ces incertitudes des évolutions concernant les modes de vie homosexuels, qui, spécialement dans les villes, tendent à prendre des formes de vie commune, sans qu'aucun cadre juridique adapté n'ait été même esquissé. Les rares études sociologiques disponibles soulignent une aspiration accrue des homosexuels à une vie de couple, réalité qui échappe aux enquêtes de population générale, et ne peut à l'évidence s'inscrire dans le cadre défini par le mariage.

Face à cette inventivité de la société française quant à ses modes de vie, manifestant d'ailleurs un réel dynamisme, force nous est de constater un retard relatif dans l'élaboration législative. Le mariage demeure le seul cadre juridique, qu'il s'agisse du droit civil (droit de la succession ou du patrimoine), des divers régimes d'assurance sociale, du droit du travail, du droit commercial, du droit administratif, ou des diverses mesures prises pour garantir la situation des enfants en cas de rupture du couple parental.

Une jurisprudence étendue montre la fréquence des litiges concernant des couples non mariés, cherchant à obtenir pour leur compte l'application de dispositions prévues en faveur des époux. La Cour de Cassation a toujours souligné qu'il appartenait au législateur de préciser son intention en ce domaine.

La carence actuelle est source de multiples difficultés. Est-il normal qu'au décès d'un conjoint non marié, le survivant puisse être spolié des biens acquis en commun par le couple ? Est-il normal qu'il puisse être expulsé du logement commun, au motif qu'il n'était pas nominalement cosignataire du bail d'habitation ? Est-il normal qu'en l'absence de dispositions adaptées, les propriétaires-bailleurs exercent un pouvoir discrétionnaire quant aux signatures conjointes de baux par des personnes non mariées ? Est-il normal qu'en cas de procédure judiciaire relative au droit de garde des enfants d'un couple non marié, les décisions des juges ne puissent se fonder sur des règles établies?

Nous ne le pensons pas. Nous estimons que l'écart entre les modes de vie de plusieurs millions de Françaises et de Français, et l'état du droit positif doit être comblé.

Il s'agit de promouvoir une loi d'égalité, applicable à un grand nombre de situations diverses, et non d'édicter des mesures spécifiques aux seuls couples homosexuels. L'inégalité juridique que connaissent ces derniers doit trouver son terme par le bénéfice de dispositions valables pour tous.

Nous pensons que le temps est venu de cette élaboration, dans les divers domaines évoqués ci-dessus. Ce faisant, la France montrera qu'elle reste le pays des droits de l'homme et du citoyen, manifestant une capacité d'innovation juridique à la mesure de l'évolution sociale.

Aussi soumettons-nous à votre examen la présente proposition de loi.

Proposition de loi

Article premier
Il est créé au livre premier du code civil relatif aux personnes un titre XII intitulé : Du contrat d'union civile.
Art. 2.
L'article 515 du code civil est ainsi rédigé :
Toute personne physique capable au sens des articles 1123 et 1124 du code civil peut passer avec une autre personne physique quel que soit son sexe un contrat d'union civile.
Art. 3.
L'article 515-1 du code civil est ainsi rédigé :
Toute personne déjà engagée dans un contrat d'union civile ou dans le mariage ne peut passer un contrat d'union civile. De même, l'union civile ne peut être réalisée entre ascendant et descendant.
Art. 4.
L'article 515-2 du code civil est ainsi rédigé :
Le contrat d'union civile est passé devant un officier d'état civil du domicile ou de la résidence d'un des contractants.
Art. 5.
L'article 515-3 du code civil est ainsi rédigé :
Les contractants de l'union civile se doivent mutuellement secours et assistance.
Art. 6.
L'article 515-4 du code civil est ainsi rédigé :
Le régime des biens de l'union civile est celui de la communauté réduite aux acquêts à moins d'en avoir disposé autrement par acte authentique. Dans ce cas. l'ensemble des régimes prévus par le titre V du livre III du code civil sont applicables.
Art. 7.
L'article 515-5 du code civil est ainsi rédigé :
Les contrats passés par l'un des contractants de l'union civile pour des besoins communs obligent l'autre. Un contractant de l'union civile est substitué à l'autre pour ces contrats en cas de décès de son partenaire. Si les contractants de l'union civile occupaient un logement commun, le contractant survivant a droit au maintien dans les lieux.
Art. 8.
L'article 515-6 du code civil est ainsi rédigé :
Le contrat d'union civile est résolu à la demande d'un des contractants effectuée devant un officier d'état civil. La rupture est signifiée par l'officier d'état civil à l'autre contractant. En cas de contestation sur les conséquences de la rupture du contrat d'union civile, le juge civil du tribunal de grande instance du lieu où a été enregistrée la rupture de l'union civile est compétent. Le contrat d'union civile ne peut être rompu dans les six premiers mois qui suivent sa conclusion.
Art. 9.
Il est ajouté au titre II du livre premier du code civil relatif aux actes de l'état civil un chapitre VIII intitulé : des actes d'union civile, ainsi rédigé :
Art. 101.1. - Les officiers d'état civil tiendront des registres relatifs aux contrats d'union civile et feront figurer la mention de l'union civile en marge de l'acte de naissance des partenaires de l'union civile. De même, la rupture de l'union civile sera inscrite sur un registre d'union civile ; mention en sera faite sur le registre de conclusion de l'union civile et en marge de l'acte de naissance des contractants. Les officiers d'état civil délivreront des copies et extraits des registres d'union civile.
Art. 10.
L'article 374 du code civil est ainsi complété :
L'autorité parentale est exercée de manière conjointe par les père et mère si tous deux ont reconnu l'enfant et vivent en union civile.
Art. 11.
L'article 767-1 du code civil est ainsi rédigé :
Les dispositions des articles 765, 766, 767 du code civil relatifs aux droits du conjoint survivant en matière de succession est applicable aux contractants de l'union civile.
Art. 12.
Pour les successions concernant les exploitations agricoles, l'article 832-5 du code civil est ainsi rédigé :
Les dispositions des articles 832, 832-1, 832-2, 832-3 et 832-4 du code civil relatifs au droit du conjoint sont applicables aux contractants de l'union civile.
Art. 13.
L'article 1100-1 du code civil est ainsi rédigé :
Les dispositions des articles 1091 à 1100 du code civil relatives aux donations et legs entre époux sont applicables aux contractants de l'union civile.
Art. 14.
L'article 6, alinéa 13, du code général des impots est ainsi complété :
7) Les contractants de l'union civile sont soumis à une déclaration et une imposition commune des revenus perçus par chacun d'eux.
Art. 15.
L'article L. 161-14 du code de la sécurité sociale est ainsi complété :
La personne liée par un contrat d'union civile ou qui vit maritalement avec un assuré social a la qualité d'ayant droit.
Art. 16.
Pour l'application des articles L. 161-23 relatif à la réversion, L. 142-8 relatif à l'assistance devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale et L. 361-1 et L. 361-4 du code de la sécurité sociale, est considérée comme conjoint la personne ayant conclu un contrat d'union civile.
Art. 17.
Pour l'application des articles L. 212-5-1, paragraphe 10, relatif au repos compensateur et L.223-14, paragraphes 1 et 4, relatif à l'indemnité de congé payé du code du travail, est considéré comme ayant-droit la personne ayant conclu un contrat d'union civile.
Art. 18.
Pour l'application des articles L. 223-7 relatif à l'ordre de départ en congés payés, L. 226-1 relatif aux événements familiaux du code du travail et pour l'application de l'ordonnance 86-1134 du 24 Octobre 1986 modifiée par la loi 90-1002 du 7 Novembre 1990 relative à l'exception d'indisponibilité en matière d'intéressement, participation et actionnariat, le contractant de l'union civile est considéré comme conjoint.
Art. 19.
Un décret en Conseil d'État précisera en tant que de besoin les modalités d'application de la présente loi.
Art. 20.
L'accroissement des charges résultant de l'application de la présente loi est compensé par la majoration à dûe concurrence des droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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