[Documents]

Parlement Européen

Rapport annuel
sur le respect des droits de l'homme
dans l'Union européenne (1996)

Commission des libertés publiques et des affaires intérieures

Rapporteur: Mme Aline Pailler

Source : Parlement Européen

28 Janvier 1998

    S O M M A I R E

  1. A. PROPOSITION DE RÉSOLUTION
  2. B. EXPOSÉ DES MOTIFS
  3. Annexe: Proposition de résolution B4-0267/97
  4. Avis de la commission de l'emploi et des affaires sociales
  5. Avis de la commission des droits de la femme

           Au cours de sa réunion du 14 novembre 1996, la Conférence des présidents a autorisé la commission des libertés publiques et des affaires intérieures à présenter annuellement un rapport sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne.

           Au cours des séances des 24 octobre 1997 et 21 novembre 1997, le Président du Parlement a annoncé que la commission des droits de la femme et la commission de l'emploi et des affaires sociales ont été autorisées à présenter un avis à ce rapport annuel.

           Au cours de sa réunion du 29 mai 1996, la commission des libertés publiques et des affaires intérieures avait nommé Mme Aline Pailler rapporteur.

           Au cours de sa réunion du 22 avril 1997, elle a décidé d'inclure dans son rapport la proposition de résolution suivante:

           - B4-0267/97, de M. Cushnahan sur les atteintes aux droits de l'homme en Grande-Bretagne et en Irlande, qui lui avait été renvoyée le 8 avril 1997 pour examen au fond.

           Au cours de ses réunions des 30 septembre et 8 décembre 1997 et des 19 et 26 janvier 1998 , elle a examiné le projet de rapport.

           Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté la proposition de résolution par 13 voix contre 12.

           Etaient présents au moment du vote les députés d'Ancona, président; Vinci, vice-président; Pailler, rapporteur; Bontempi, Buffetaut, Cederschiöld, Chanterie (suppléant Mme Colombo Svevo), Crowley (suppléant Mme Schaffner, conformément à l'article 138, paragraphe 2 du règlement), De Esteban Martin, Deprez, B. Donnelly (suppléant M. Lucas Pires), Elliott, Goerens, Gomolka (suppléant M. Posselt), Hernandez (suppléant Mme Reding), Lambraki (suppléant Mme Crawley), Lindeperg, Nassauer, Pirker, Pradier, Roth, G. Schmid, Schulz, Stewart-Clark, Terron i Cusi, Van Lancker (suppléant M. Ford) et Zimmermann

           Les avis de la commission de l'emploi et des affaires sociales et de la commission des droits de la femme sont joints au présent rapport.

           Le rapport a été déposé le 28 janvier 1998.

           Le délai de dépôt des amendements sera indiqué dans le projet d'ordre du jour de la période de session au cours de laquelle le rapport sera examiné.


A.


PROPOSITION DE RESOLUTION

Résolution sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1996)

Le Parlement européen ,

- vu la Déclaration universelle des droits de l'homme,

- vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, du 19 décembre 1966, ainsi que les protocoles s'y référant,

- vu la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

- vu la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes,

- vu la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant,

- vu la Convention de Genève de 1951 et ses protocoles, ainsi que les recommandations du HCNUR,

- vu la Convention sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l'égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants (Genève, 1975)

- vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que ses protocoles,

- vu la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants de 1987,

- vu l'avis (2/94) de la Cour de Justice des Communautés européennes du 28 mars 1996 sur l'adhésion de la Communauté européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- vu la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux,

- vu les principes du droit international et européen en matière de droits de l'homme,

- vu la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,

- vu les traités instituant la Communauté européenne,

- vu le traité sur l'Union européenne,

- vu sa résolution du 12 avril 1989 portant adoption de la Déclaration des droits et libertés fondamentaux 1 ,

- vu sa résolution du 9 juillet 1991 sur les droits de l'homme 2 ,

- vu sa résolution du 12 mars 1992 sur la peine de mort 3 ,

- vu sa résolution du 18 juillet 1992 sur la Charte européenne des droits de l'enfant 4 ,

- vu sa résolution du 11 mars 1993 sur les droits de l'homme dans la Communauté européenne 5 ,

- vu sa résolution du 19 janvier 1994 sur l'objection de conscience dans les États membres de la Communauté 6 ,

- vu sa résolution du 8 février 1994 sur l'égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté européenne 7 ,

- vu sa résolution du 27 avril 1995 sur le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme 8 ,

- vu sa résolution du 18 janvier 1996 sur la traite des êtres humains 9 ,

- vu sa résolution du 18 janvier 1996 sur les mauvaises conditions de détention dans les prisons de l'Union européenne 10 ,

- vu sa résolution du 9 mai 1996 sur la communication de la Commission sur le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme 11 ,

- vu sa résolution du 9 mai 1996 sur la proposition de décision du Conseil proclamant "1997 Année européenne contre le racisme" 12 ,

- vu sa résolution du 17 septembre 1996 sur les droits de l'homme dans l'Union (1994) 13 ,

- vu sa résolution du 12 décembre 1996 sur la protection des mineurs dans l'Union européenne 14 ,

- vu sa résolution du 29 février 1996 sur les sectes en Europe 15 ,

- vu sa résolution du 8 avril 1997 sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1995) 16 ,

- vu sa résolution du 16 septembre 1997 sur la nécessité d'une campagne européenne de tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes 17 ,

- vu sa résolution du 6 novembre 1997 sur le tourisme sexuel impliquant des enfants et le renforcement de la lutte contre l'abus et l'exploitation sexuels des enfants 18 ,

- vu les pétitions:

a) 10/96 de Mme Loretta Grego-Burkhardt, de nationalité allemande, au nom de M. Garruba (de nationalité italienne), sur une menace d'expulsion hors de République fédérale d'Allemagne,

b) 11/96 de M. Karl-Werner Siebler, de nationalité allemande, sur les problèmes rencontrés pour obtenir un permis de séjour en France,

c) 176/96 de M. Herber Perdigon, de nationalité française, sur une discrimination sexuelle,

d) 233/96 de M. Beyler Yilmaz, de nationalité turque, sur l'attitude hostile de nombreux Européens à l'égard des Turcs,

e) 264/96 de M. Yassine Khlifi, de nationalité tunisienne, sur sa demande de statut de réfugié politique,

f) 328/96 de Mme Rhoda Bull, de nationalité britannique, sur le principe à travail égal/salaire égal,

g) 342/96 de M. Mario Presa, de nationalité italienne, sur la libération d'objecteurs de conscience grecs,

h) 393/96 de Mme Rosemarie Kositzki , de nationalité allemande, au nom du "ChristlichDemokratischer Arbeitskreis (Groupe de travail chrétien-démocrate), sur une menace d'expulsion d'une famille "roma" d'Allemagne,

- vu la proposition de résolution déposée par M. Cushnahan sur les atteintes aux droits de l'homme en Grande Bretagne et en Irlande (B4-0267/97),

- vu l'article 148 de son règlement,

- vu le rapport de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures et les avis de la commission de l'emploi et des affaires sociales et de la commission des droits de la femme (A4-0034/98),

A. considérant que le respect des droits de l'homme constitue un principe fondamental auquel il ne saurait être dérogé dans les États membres, dès lors qu'il est garanti par des systèmes politiques démocratiques et pluralistes effectivement dotés d'institutions parlementaires et d'appareils judiciaires indépendants,

B. considérant que les droits de l"homme sont indivisibles et interdépendants et que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l"homme reconnaît les droits économiques et sociaux comme droits fondamentaux en application de la Convention européenne des droits de l"homme,

C. prenant en compte les résolutions pertinentes du Conseil de l'Europe et les propositions des organisations non gouvernementales en matière de protection et de respect des droits de l'homme,

D. préoccupé par le fait qu'en 1996 sont apparues, dans certains États membres, des situations particulières qui pouvaient être jugées, à des degrés divers, comme étant en contravention avec les principes inhérents au respect des droits de l'homme,

E. considérant que, pour toute personne résidant sur le territoire de l'Union européenne, le respect et la protection de ses droits est une obligation pour les États membres quels que soient la "race", le sexe, la nationalité, la religion, l'orientation sexuelle, l'âge ou le handicap,

1. insiste sur la nécessité d'assurer le respect total des droits de l'homme dans tous les États membres, ce qui permettra également de renforcer la crédibilité de l'Union européenne lorsqu'elle exige le respect des droits de l'homme dans ses accords de coopération avec les pays tiers;

2. fait observer que les droits de l'homme sont les droits naturels de chaque individu et qu'ils ne sauraient, partant, être subordonnés à aucune obligation ni à aucun préalable;

3. estime qu'il lui appartient, en tant qu'institution communautaire élue démocratiquement, de veiller à la défense et à la promotion des droits et libertés fondamentaux dans l'Union européenne;

4. réaffirme le souhait que l"Union européenne puisse adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l"homme et des libertés fondamentales ;

5. propose l'inscription systématique d'un point "Droits de l'homme dans l'UE" au débat d'urgence de la session plénière selon la même procédure que pour les droits de l'homme en dehors de l'UE, la sélection des thèmes à retenir étant effectuée sous la responsabilité de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures;

6. invite les gouvernements des États membres à mettre en place dans chaque pays une commission consultative des droits de l'homme avec la participation des organisations humanitaires qui serait chargée de faire un rapport annuel sur l'évolution de la situation des droits de l'homme;

7. affirme de nouveau que la liberté de pensée, de conscience et de religion ainsi que la liberté d'association constituent des droits fondamentaux des citoyens de l'Union;

IMMIGRATION ET DROIT D'ASILE

8. déplore le caractère exclusivement répressif de nombreuses recommandations, déclarations, résolutions adoptées ou en cours d'élaboration sur le plan communautaire, notamment en ce qui concerne l'immigration, le droit d'asile, le regroupement familial, la notion de réfugié;

9. déplore qu'aucun État membre n'ait ratifié la Convention internationale pour la protection des droits des travailleurs migrants et de leurs familles approuvée par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1990; presse les États membres d'engager les procédures de signature et de ratification;

10. prend acte du processus de régularisation des "sans papiers" engagé en Grèce, en Espagne, en Italie et au Portugal; engage tous les États membres à suivre cet exemple et à procéder à la régularisation des "sans papiers", dans le respect des droits humains et des conventions internationales;

11. demande que les immigrés extracommunautaires bénéficient de l'égalité de traitement en matière de droits économiques et sociaux, de la reconnaissance des droits civiques, culturels et politiques, notamment le droit de vote aux élections locales, pour ceux qui résident depuis plus de cinq ans dans un État membre conformément à la Convention du Conseil de l'Europe; fait observer que la dignité humaine est intangible et que, par conséquent, des droits de l'homme inviolables et inaliénables constituent la base de toute communauté humaine, de la paix et de la justice dans le monde, et que, partant, ces droits doivent être reconnus sans restriction aucune à toutes les personnes sur le territoire de l'Union européenne;

12. demande que le droit de vivre en famille soit pleinement reconnu, ce qui implique que toutes les personnes qui résident ou travaillent dans un État membre puissent bénéficier du droit au regroupement familial;

13. demande de nouveau aux États membres d'examiner les raisons pour lesquelles des demandeurs d'asile mineurs ont fui leur pays selon une procédure spéciale, adaptée à leur âge, de leur accorder un statut de résidence sûr, de garantir leur entretien et de les faire bénéficier, indépendamment de la reconnaissance du statut de demandeur d'asile, de mesures de regroupement familial;

14. invite tous les États membres à reconnaître le "droit du sol" intégral dès la naissance pour l'acquisition de la nationalité et à accepter la double nationalité;

15. estime que l'expulsion pratiquée par certains États membres de résidents non communautaires condamnés au pénal et qui ont purgé leur peine relève de la "double peine"; invite les États membres à éliminer toute possibilité de "double peine";

16. déplore que les raisons justifiant l'emprisonnement de demandeurs d'asile ne soient pas, souvent, conformes aux normes convenues internationalement; dénonce les conditions déplorables que subissent les demandeurs d'asile dans les zones d'attente et les centres de rétention; invite sa commission des libertés publiques et des affaires intérieures à élaborer un rapport spécifique sur cette question avec des visites sur place; exige des États membres des améliorations immédiates, que ce soit en matière d'hygiène, d'alimentation et de respect de la personne humaine;

17. demande que les demandeuses d'asile et les femmes migrantes puissent bénéficier de droits propres indépendamment de leur état matrimonial; condamne les discriminations dont sont victimes les femmes et les hommes célibataires quant à la reconnaissance de leurs droits;

18. demande qu'aucune mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière ne soit prise à l'encontre d'un étranger médicalement reconnu comme atteint d'une pathologie grave ou de ses parents ou tuteurs s'il est mineur ou dépendant;

19. dénonce la violation persistante par le Conseil de l"article 7A du TUE, qui prévoyait l"instauration de la libre circulation des personnes et l"abolition des frontières intérieures au 31 décembre 1992;

20. invite les États membres à ne pas imposer de nouvelles restrictions à l'entrée et au séjour des étrangers, à mettre en oeuvre des garanties respectueuses des droits humains pour le traitement équitable des demandes d'asile;

21. demande le plein respect par les États membres de leurs obligations en vertu de la Convention de Genève de 1951 et de son protocole de 1967; demande aux États membres de se conformer scrupuleusement aux principes élaborés par le Comité exécutif du Haut Commissariat aux réfugiés;

22. déplore que la notion de "pays tiers sûrs" ne garantisse pas toujours une véritable protection pour le demandeur d'asile qui peut être renvoyé vers un pays où il a été victime de violation des droits de l'homme ou dans lequel il est menacé; demande aux États de garantir l'effet suspensif de l'appel;

23. demande au Conseil et aux États membres de reconnaître le droit d"accès à la procédure d"asile des victimes de persécutions perpétrées dans des situations de violence interne généralisée;

24. estime que les sanctions infligées aux transporteurs et l'exigence de visas pour les demandeurs d'asile constituent des obstacles inacceptables pour l'accès à la procédure d'asile;

25. condamne les reconduites collectives aux frontières interdites par la Convention européenne des droits de l'homme;

26. considère qu'il faut mettre un terme aux rapatriements forcés et aux expulsions effectués à grande échelle et clandestinement après administration de produits stupéfiants aux personnes concernées, que celles-ci soient renvoyées dans leur pays d'origine, alors qu'y règne une situation de guerre, ou envoyées dans d'autres pays, sans que cela soit justifié par l'existence d'un quelconque conflit;

27. s'inquiète de la tendance des États à substituer une protection précaire et temporaire, celle de l'asile territorial, à la reconnaissance d'un véritable statut de réfugié en vertu de la convention de Genève; se prononce pour une extension de la définition de réfugié aux personnes victimes de violences sexuelles et à celles persécutées dans leur pays même si la persécution n'émane pas des autorités étatiques;

28. estime nécessaire de renforcer la lutte contre l'immigration clandestine, ses réseaux et ses trafiquants, et de combattre le travail clandestin, la menace de sanctions pénales dont ce délit est passible devant être telle qu'elle ait un effet dissuasif;

29. attire l'attention des États signataires de l'accord de Schengen sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en ce qui concerne l'article 3 de la CEDH, et leur demande instamment de ne pas expulser les immigrants et réfugiés, même entrés illégalement sur leur territoire, vers des pays où ils pourraient être victimes de tortures ou d'autres traitements inhumains ou dégradants voire où l'on est fondé de penser que les personnes expulsées pourraient être exposées à de tels traitements, et de ne pas conclure d'accord de rapatriement avec ces pays;

30. invite le Conseil, la Commission et les États membres à mettre en oeuvre les recommandations du Sommet social de Copenhague et à renforcer les politiques de coopération avec les pays en développement afin d'agir sur les causes structurelles et conjoncturelles des mouvements migratoires;

LUTTE CONTRE LE RACISME ET LA XÉNOPHOBIE

31. renouvelle sa condamnation de toutes les formes de racisme, de xénophobie et d'antisémitisme, des actes de violence raciste et des discriminations à caractère raciste en matière d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle, de logement, de scolarisation, de santé et d'accès aux prestations sociales;

32. s'inquiète de la montée des thèses racistes et xénophobes dans les milieux politiques, dans l'opinion publique, dans la cité et au sein des entreprises;

33. se félicite de l'inclusion de clauses antidiscriminatoires dans les instruments communautaires et de la décision du 23 juillet 1996 de faire de 1997 l'"Année européenne contre le racisme" mais estime qu'il reste encore beaucoup à faire, sur les plans national et communautaire, pour prévenir et combattre le racisme;

34. invite les États membres à adopter ou renforcer les lois antiracistes en les fondant sur le principe "le racisme est un délit" que ce soit pour des actes, des déclarations ou la diffusion de messages; lois contenant des mesures à la fois pénales, civiles, administratives comme l'ont déjà fait l'Espagne, l'Autriche, la Belgique, la France, les Pays-bas, la Suède et le RoyaumeUni;

35. recommande aux États la mise en place d'un organe indépendant chargé de la lutte contre le racisme, notamment dans la mise en oeuvre de la législation, à l'exemple de la Belgique, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suède, car la situation sur le terrain est trop souvent insatisfaisante même dans le cas où le cadre législatif est bon;

36. invite les États membres à prendre les mesures pour lutter contre les propos et comportements racistes de toute autorité et à mettre en place des programmes de formation des personnels de la police et de la justice et, plus spécialement, des services qui s'occupent des immigrants aux frontières (connaissance et compréhension des cultures étrangères, prévention des comportements racistes, éducation à la tolérance);

37. insiste pour que des campagnes d'information et d'éducation soient menées en permanence, notamment dans l'enseignement et les médias, pour lutter contre le racisme, promouvoir la tolérance et faire connaître la contribution positive des étrangers à l'économie et à la culture européennes;

38. estime que les autorités devraient s'employer par priorité à lutter contre le racisme et les causes de celui-ci en soutenant les initiatives des organisations sociales - y compris celles qui appartiennent au milieu même des groupes discriminés - en sorte de concevoir selon différentes perspectives et dans différentes sphères de responsabilité l'action visant à accroître la résistance au racisme et à la xénophobie et à endiguer ces phénomènes;

39. propose de faire du 21 mars une journée européenne de lutte contre le racisme avec des initiatives concrètes dans tous les États membres et sur le plan communautaire avec la participation des organisations antiracistes;

40. invite la Commission à lancer un prix des médias contre le racisme qui serait remis chaque année le 21 mars;

41. condamne les dirigeants politiques qui attisent le racisme et la xénophobie et exige des partis politiques qu'ils suppriment toute propagande raciste de leurs programmes électoraux;

42. invite sa commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités à proposer une modification du règlement permettant au Président d'intervenir pour rappeler à l'ordre les parlementaires européens qui tiendraient des propos racistes au cours de ses réunions officielles;

DROITS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

43. invite les États membres à éviter les violations de la Convention européenne des droits de l'homme y compris dans le domaine social et, lorsque la Cour européenne des droits de l'homme constate des violations, à mettre fin à ces dernières en procédant à l'adaptation des dispositions nationales en vigueur; rappelle la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui reconnaît les droits sociaux et économiques en tant que droits de l'homme fondamentaux;

44. estime nécessaire de respecter les droits économiques, sociaux, syndicaux et culturels et de les reconnaître au rang des droits fondamentaux, notamment le droit au travail, au logement, à l'éducation, à la protection sociale et à la culture;

45. invite le Conseil, la Commission et la Cour de justice des Communautés européennes à porter une attention particulière, dans l'élaboration de leurs propres décisions, à la déclaration des droits et libertés fondamentaux adoptée en 1989 par le Parlement européen (JO C 120/51, 16.5.1989), eu égard notamment à la garantie des droits sociaux et économiques en matière de protection des individus, et au caractère juridique des obligations fixées aux États membres relativement aux droits sociaux et économiques, dans le cadre de la législation nationale spécifique, tout en tenant compte des dispositions des accords internationaux sur les droits de l'homme;

46. déplore l'étendue de la pauvreté en Europe en liaison avec la mise en oeuvre de politiques d'austérité qui contribuent à l'aggravation du chômage, de la précarisation et des inégalités malgré les actions de lutte contre la pauvreté mises en oeuvre aux niveaux national et communautaire;

47. estime que le processus de paupérisation et de précarisation qui touche de plus en plus les jeunes, a des causes structurelles directement liées au fonctionnement de l'économie, à l'absence d'une fiscalité équitable de nature à promouvoir une redistribution des moyens disponibles ainsi qu'au manque de protection sociale;

48. estime que la pauvreté et l'exclusion ne sont pas dignes d'une société démocratique et riche, et juge inacceptable que plus de 52 millions de personnes vivent dans la pauvreté dans l'Union européenne; invite le Conseil, la Commission et les États membres à faire de la lutte contre l'exclusion sociale et contre la pauvreté une priorité politique, et, avec la participation des ONG concernées, à développer des politiques holistiques cohérentes visant à combattre ces phénomènes; invite le Conseil à adopter sans délai le quatrième programme de lutte contre la pauvreté; estime qu'une part plus importante du budget de l'UE devrait être consacrée à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à la promotion de l'insertion, notamment par le soutien de projets pilotes dans le secteur tertiaire;

49. estime que les politiques économiques et sociales mises en oeuvre sur les plans national et communautaire devraient s'attacher en priorité à la satisfaction des besoins fondamentaux des citoyens avant de répondre aux intérêts des marchés financiers et à la compétitivité des entreprises;

50. exhorte les États membres à agir résolument afin de garantir l'exercice effectif du droit au travail, du droit à la sécurité sociale, du droit à la protection contre la pauvreté et contre l'exclusion sociale, du droit au logement et d'autres droits sociaux;

51. défend l'élaboration, au niveau communautaire, d'instruments fixant des garanties minimales en matière de revenus, de protection sociale, et de droit à des soins médicaux et au logement en tant que condition préalable majeure en vue d'assurer une qualité de vie compatible avec la dignité humaine;

52. demande aux États membres de se conformer sur-le-champ aux recommandations du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, en particulier en ce qui concerne l'interdiction du travail forcé, la liberté d'association et le droit de grève, toutes questions visées dans la charte sociale européenne;

53. réitère l'importance des conclusions du Comité des Sages présidé par Maria de Lourdes Pintasilgo, de son analyse approfondie ainsi que de ses propositions concernant la portée des droits fondamentaux;

54. invite les États membres à adopter et à mettre en oeuvre, en étroite concertation avec les associations humanitaires, des lois de prévention et de lutte contre l'exclusion qui concerneraient notamment l'accès au travail, à la santé, aux prestations sociales, au logement, à l'éducation, à la justice;

55. déplore la non-adoption du programme de lutte contre la pauvreté et réitère sa demande au Conseil en vue d'une adoption rapide;

56. condamne les municipalités qui interdisent la mendicité sur leur territoire;

57. s'indigne des conditions de quasi-esclavage dans lesquelles sont maintenues des domestiques, souvent d'origine étrangère, par des employeurs profitant de leur dépendance économique et de leur vulnérabilité sociale, pour leur refuser la reconnaissance de leurs droits et exercer sur elles, séquestration et violence;

58. invite les États membres à mettre en oeuvre un cadre juridique européen pour garantir l'accès à l'emploi des personnes handicapées.

59. invite les États membres à respecter toutes les recommandations et conventions de l'OIT, en particulier la convention nº 111 sur la non-discrimination en matière d'emploi, la convention nº 138 sur le travail des enfants et la convention 87 sur la liberté syndicale, et à appliquer toutes les dispositions de la charte sociale rénovée du Conseil de l'Europe;

60. déplore les nombreuses atteintes aux libertés syndicales et aux droits des délégués syndicaux dans de nombreux États membres et demande qu'il y soit mis un terme en reconnaissant la liberté syndicale comme un droit fondamental dans tous les États membres;

61. invite notamment le gouvernement britannique à prendre des initiatives pour trouver une solution au licenciement des dockers de Liverpool, dont il faut saluer la détermination, et plus généralement, pour revenir sur les restrictions au droit de grève;

ÉGALITÉ DES DROITS ET NON-DISCRIMINATION

62. se félicite de l'inclusion de clauses de non-discrimination dans les instruments communautaires qui prévoient l'interdiction des discriminations fondées sur la "race", le sexe, la couleur, l'âge, la religion, l'origine nationale et l'orientation sexuelle;

63. estime que sa résolution susmentionnée du 8 février 1994 sur les homosexuels a contribué à des améliorations dans de nombreux États membres et sur le plan communautaire;

64. invite tous les États membres à reconnaître l"égalité des droits des homosexuel(le)s, notamment par l"instauration, là où ce n"est pas encore le cas, de contrats d"union civile visant à supprimer toute forme de discrimination dont sont encore victimes les homosexuel(le)s, notamment en matière de droit fiscal, de régimes patrimoniaux, de droits sociaux etc., et à contribuer par l'information et l'éducation, à lutter contre les préjugés dont ils sont l'objet dans la société;

65. demande que le statut des agents des Communautés européennes soit modifié sans tarder de façon à garantir au partenaire non marié les mêmes droits reconnus à tout époux/se d"un agent des CE;

66. demande à nouveau au gouvernement autrichien d'abroger ses lois anti-homosexuels, notamment la disposition discriminatoire quant à l'âge minimum légal pour les rapports sexuels;

67. déplore que quasiment tous les États membres n'aient pas encore ratifié le droit des groupes ethniques et des minorités tel qu'il est défini par le Conseil de l'Europe (convention cadre et charte des langues minoritaires), et que le Conseil, la Conférence intergouvernementale et les États membres n'aient pas fait leur jusqu'ici le souhait du Parlement européen (rapport MaijWeggen/Dury), à savoir la promotion active des minorités linguistiques de l'Union européenne, les droits des minorités nationales et linguistiques existant dans de nombreux États membres n'étant dès lors pas protégés ou ne l'étant que sur une base régionale ou nationale;

68. souligne que nul ne peut être victime d'un préjudice du fait de son appartenance à une minorité nationale ou linguistique, et que l'octroi d'une aide spécifique aux minorités pour leur permettre de résister aux pressions assimilatrices exercées par une majorité ne constitue pas une atteinte au principe d'égalité, mais au contraire une contribution à sa concrétisation;

69. invite les États membres à reconnaître la situation spécifique des minorités (Sinti et Roms), à respecter leur culture, à assurer leur protection, à s'abstenir de toute discrimination, à lutter contre les préjugés dont elles sont l'objet; demande que soit respectée l'obligation légale faite à toute commune de prévoir des lieux d'accueil adaptés et aménagés à destination des populations nomades et demande aux États membres de faire respecter ou de prévoir dans leur législation de telles obligations;

70. constate que les handicapés continuent à subir des discriminations dans la cité et dans le travail; invite les États membres à adopter des mesures législatives afin d'améliorer la vie quotidienne des handicapés et de privilégier leur emploi et leur insertion professionnelle;

71. rappelle que la conférence de l'ONU sur les droits de l'homme, de Vienne en 1993, a établi que les droits de la femme constituent une partie inaliénable, intégrale et indivisible des droits de l'homme universels;

72. invite les États membres à s'acquitter pleinement des obligations qui sont les leurs aux termes de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et à lever toutes les réserves subsistantes incompatibles avec l'objet de la Convention; demande aux États membres d'adopter et de ratifier le protocole optionnel proposé à la Convention CEDAW, qui donnerait aux individus et aux groupes le droit d'engager des poursuites conformément à la Convention;

73. invite l'Union européenne à adhérer à la CEDH et à soutenir la résolution adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pour l'adoption d'un protocole additionnel à la CEDH sur les droits des femmes;

74. regrette que, dans leurs rapports sur la mise en oeuvre de la plate-forme d'action de Pékin et dans leurs rapports périodiques à la commission CEDAW, les États membres considèrent essentiellement les droits de l'homme comme un problème relevant de la politique de coopération au développement, accordant ainsi une faible priorité aux violations des droits de la femme à l'intérieur de l'UE;

75. constate que, malgré certaines améliorations, les femmes sont toujours victimes de discriminations et ne bénéficient toujours pas d'une véritable égalité de traitement notamment en matière salariale;

76. invite les États membres à prendre les mesures adéquates afin d'améliorer l'égalité de traitement et des chances pour les femmes et d'assurer leur participation effective et égale à la vie publique et au processus décisionnel dans tous les domaines;

77. invite les États membres à promouvoir le principe de démocratie paritaire en considérant que les droits de la personne humaine seront mieux garantis avec une égale participation des femmes et des hommes au pouvoir de décision;

78. rappelle sa conviction que des actions positives sont essentielles pour mettre fin aux discriminations et permettront aux femmes d'accéder au plein exercice de leurs droits économiques et sociaux;

79. prie instamment les États membres d'inclure la persécution fondée sur le sexe dans les critères d'admission des demandeurs d'asile originaires de certains pays dans l'UE; demande en outre instamment aux États membres d'accorder un permis de séjour temporaire aux femmes qui ont été victimes de la traite dans un pays tiers, avant de décider en dernier ressort si elles sont autorisées à séjourner dans l'État membre concerné;

80. déplore qu'en Irlande, la loi interdise toute information ou position favorable à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et s'inquiète de l'activisme des commandos anti-IVG en France; demande que l'accès à l'information sur l'IVG soit assuré dans tous les États membres et le rôle des associations reconnu;

81. invite les États membres à lutter contre tout sexisme dans les médias, dans la publicité et dans les manuels scolaires en supprimant l'inégalité de traitement entre hommes et femmes et en donnant de la femme des modèles positifs d'identification;

82. est préoccupé par le dévelopement de la traite des femmes dans l'Union européenne, surtout à partir des PECOS, et souhaite un renforcement des accords conclus au niveau européen pour une lutte plus efficace contre cette pratique;

83. demande à la Commission et aux États membres de soutenir la proposition de désigner l'année 1999 comme "Année européenne contre la violence à l'égard des femmes", afin de mettre en lumière la prédominance de cette violation la plus fondamentale des droits de la femme à travers toutes les couches de la société et qui représente des coûts immensurables, non seulement pour les victimes, mais également pour la société dans son ensemble;

84. condamne catégoriquement la pratique de la mutilation sexuelle des femmes et invite les États membres à soutenir, si possible en collaboration avec les pays concernés, des campagnes d'information ad hoc, à mieux propager l'éducation en la matière auprès des membres de ces groupes de population afin de démanteler les traditions existantes et à prendre toutes les mesures nécessaires à la fois pour châtier et poursuivre les responsables et pour protéger les jeunes filles et les femmes concernées, qu'elles soient forcées à subir l'opération dans un État membre ou dans un pays tiers;

85. invite instamment les États membres à réviser toute réglementation existante autorisant la stérilisation forcée, sauf pour des raisons purement médicales, et demande l"adoption d"un moratoire sur la stérilisation forcée en attendant que cette révision soit achevée;.

86. invite les États membres et le Conseil à prévoir des mesures pour protéger et mettre à l'abri de toute exploitation et violence les personnes adultes qui choisissent librement la prostitution comme activité professionnelle, et à considérer éventuellement une réglementation de ce phénomène;

87. affirme que les droits de l'enfant comptent au nombre des droits de l'homme, et demande aux institutions de l'Union européenne et des États membres de s'employer à concrétiser les objectifs de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant et à sensibiliser un public aussi large que possible;

88. déplore que, malgré l'adoption d'une directive spécifique, des enfants continuent à travailler dans certains États membres; demande que l'interdiction du travail des enfants soit respectée dans toute l'Union européenne sans délai;

89. demande que la liberté de circulation des élèves non européens en voyage scolaire dans un autre État membre soit pleinement assurée dans tous les États membres;

90. se félicite des mesures prises ou en préparation sur les plans national et communautaire afin de lutter contre la pornographie impliquant des enfants, la prostitution et la traite d'enfants;

91. invite tous les États membres à prendre des mesures législatives en matière d'extraterritorialité afin de poursuivre sur leur territoire les auteurs d'abus sexuels commis contre des enfants dans un pays tiers;

92. propose l'organisation le 20 novembre de chaque année d'une journée européenne des droits de l'enfant afin de sensibiliser l'opinion et de permettre aux enfants de s'exprimer et de donner leur avis sur la manière dont leurs droits sont respectés;

93. constate une nouvelle fois que le droit de l'enfant à grandir dans la sécurité peut être menacé si le droit au divorce n'existe pas ou est soumis à un ensemble de règles, notamment en matière de faute, à même de nuire à la relation entre l'enfant et l'un de ses parents;

94. invite une nouvelle fois les États membres à renforcer les mesures d'incitation dans le domaine de la prévention et de l'éradication des négligences graves sur les enfants;

95. invite tous les États membres à criminaliser le recours à la violence physique contre les enfants et à veiller à ce que, le cas échéant, les dispositions afférentes soient appliquées;

SITUATION DES DÉTENUS ET DES PERSONNES EN ÉTAT D'ARRESTATION PROVISOIRE

96. est préoccupé par la poursuite des mauvais traitements, voire de torture, infligés à des détenus et à des personnes en état d'arrestation provisoire bien que tous les États membres aient ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants;

97 s'étonne de l'abandon des poursuites ou de la faiblesse de peines contre les agents de sécurité responsables de ces mauvais traitements qui ont souvent une connotation raciste; presse les États membres d'appliquer avec la plus grande rigueur les mesures à caractère pénal et judiciaire destinées à garantir que les auteurs de tortures et de traitements inhumains ou dégradants soient dûment châtiés;

98. invite les États membres à considérer l'impunité comme une protection des auteurs des faits et les mauvais traitements comme des infractions pénales graves dont les auteurs doivent être sanctionnés sévèrement et à prendre les mesures adéquates visant à prévenir efficacement le recours à la violence en détention préventive et en prison;

99. déplore d"une manière générale la trop longue durée de la détention préventive et condamne la discrimination qui frappe les non-ressortissants des États membres soumis à des durées de détention préventive plus longues ;

100. s'inquiète de la détérioration des conditions de vie dans les prisons, notamment en raison de la surpopulation; invite les États membres à faire respecter la dignité humaine dans les prisons en matière de conditions matérielles, de soins médicaux, de congé pénitentiaire, d'accès au travail et aux activités culturelles ou sportives dans le strict respect des "règles pénitentiaires" du Conseil de l'Europe; rappelle qu'au nombre des objectifs du droit pénitentiaire figure la réhabilitation du détenu aux fins de sa réinsertion dans la société et demande donc aux États membres de prêter la plus grande attention aux conditions de vie carcérale et au respect de la dignité et des droits fondamentaux des prisonniers;

101. invite les États membres à créer dans les prisons des unités de visites familiales exemptes de surveillance afin que les familles puissent garder avec le détenu un lien dans des conditions d?centes; demande aux États membres d"améliorer l"accès aux soins et à l"enseignement dans les prisons, de développer des infrastructures sportives; demande que des régimes plus souples soient mis en oeuvre pour les mères de famille; demande que tout soit mis en oeuvre pour que les enfants qui grandissent en prison auprès d"un parent incarcéré souffrent le moins possible d?un tel r?gime;

102. demande aux États membres de recourir autant que faire se peut - et en tenant compte de la nécessité de protéger la société des criminels dangereux - à des solutions alternatives à l"emprisonnement, en développant notamment des peines administratives et/ou pécuniaires pour les délits mineurs, en promouvant des peines de substitution, telles que le travail d"intérêt public, en développant les régimes de prisons ouvertes ou semi-ouvertes, en recourant au congé conditionnel;

103. souhaite qu'une attention spéciale soit portée à certains groupes de détenus particulièrement vulnérables: femmes, immigrés, minorités ethniques, homosexuels; invite instamment les États membres à adopter, en application du principe de la réhabilitation des détenus, les mesures requises pour assurer l'octroi d'un traitement personnalisé à ceux-ci, en tenant compte de la situation particulière de chacun d'entre eux;

104. demande aux États membres de privilégier, pour les délinquants mineurs, la réintégration et l'éducation par rapport à la détention, de les adapter aux besoins des mineurs et de ne pas condamner en principe des enfants de moins de 16 ans à des peines de prison ordinaires;

105. demande instamment de prendre des mesures de tutelle pénale contre les délinquants sexuels si un risque de récidive ne peut être entièrement exclu et si tous les pronostics médicaux et psychologiques sont négatifs;

106. s'insurge contre les pratiques consistant à attacher ou à menotter les prisonniers lors d'examens gynécologiques ou après un accouchement comme cela s'est produit dans une prison anglaise;

107. demande aux États membres de fournir une formation appropriée aux forces de police et au personnel pénitentaire et, plus spécialement, une formation spécifique dans les domaines de la toxicomanie et du sida;

LIBERTÉ D'INFORMATION, D'EXPRESSION ET DE CRÉATION

108. réaffirme le droit de toute personne à la liberté d'expression dont font partie intégrante la liberté de la presse et le droit à l'information;

109. demande à la Commission de prendre en compte systématiquement les incidences des politiques communautaires sur les aspects culturels;

110. invite les États membres à reconnaître et à promouvoir les langues et cultures régionales, notamment dans l'enseignement et dans les médias, dans le respect de la Convention du Conseil de l'Europe;

111. condamne toute forme de censure culturelle et toute attaque contre la liberté d"expression et de création; cette liberté ne devant pas devenir prétexte à toute forme d"incitation à la haine;

112. demande aux États membres qui ne l'auraient pas encore fait de signer et de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires;

113. condamme les tentatives de certains dirigeants de collectivités locales qui, pour des raisons d'idéologie ou d'appartenance politique, empêchent la tenue de manifestations culturelles auxquelles participent des artistes qui ne partagent pas les mêmes visions politiques, ou retirent des bibliothèques publiques certains journaux, revues ou ouvrages jugés non conformes à leurs convictions politiques;

114. demande aux États membres et au Conseil de considérer comme délit toute incitation à la haine à caractère xénophobe, toute expression raciste ou révisionniste diffusée à travers les médias “classiques”, l"édition ou Internet;

115. invite le Conseil, la Commission et les États membres à améliorer l'accès des journalistes et du public aux informations des administrations nationales et communautaires afin de garantir la liberté d'expression et le droit à l'information;

116. demande l"adoption d"une réglementation commune à la Commission, au Conseil et au Parlement européen garantissant le droit d"accès du public et des journalistes aux documents communautaires;

117. demande à la Commission de présenter rapidement au Parlement européen une directive anticoncentration dans les médias afin de garantir le pluralisme de l'information comme le souhaite le groupe d'experts de haut niveau mis en place dans le cadre de la société de l'information;

LIBERTÉS INDIVIDUELLES

118. rappelle aux États leurs obligations en matière de respect des droits de la défense lors d'un procès ainsi que leurs obligations de respect des droits des personnes arrêtées ou détenues en vertu de la convention européenne des Droits de l'homme;

119. prend acte des mesures prises en Grèce pour libérer les objecteurs de conscience emprisonnés et adopter une législation reconnaissant le droit à l"objection de conscience et l"encourage à poursuivre dans ce sens;

120. invite par conséquent la Grèce

a) à libérer sur-le-champ les objecteurs de conscience emprisonnés et à leur appliquer les dispositions de la nouvelle loi, qui prévoit un service civil en remplacement du service militaire;

b) à exempter, totalement ou partiellement selon les cas individuels, de l'obligation d'effectuer un service civil les personnes ayant refusé d'accomplir le service militaire avant l'entrée en vigueur de cette loi, dès lors que nombre d'entre elles ont déjà été de ce fait victimes d'atteintes à leur liberté,

c) à accorder une amnistie totale à toutes les personnes ayant jusqu'ici refusé d'effectuer le service militaire,

d) à permettre à tous les objecteurs de conscience d'exercer l'ensemble de leurs droits civils, notamment en leur reconnaissant le droit d'avoir un passeport et de se déplacer librement, à l'instar de tout citoyen européen, dans l'Union européenne, et en arrêtant des dispositions acceptables pour les objecteurs de conscience grecs qui vivent à l'étranger;

121. invite donc tous les États membres à respecter la recommandation du Conseil de l'Europe ainsi que la résolution 1993/84 de la commission des Droits de l'homme des Nations unies en reconnaissant pleinement l'objection de conscience avec la possibilité d'effectuer un service civil; toutes les personnes actuellement défavorisées par la situation juridique actuelle doivent être amnistiées et rétablies dans l'intégralité de leurs droits civils;

122. renouvelle sa condamnation de la mention de la religion sur la carte d'identité car elle porte atteinte à la vie privée des personnes et peut entraîner des discriminations;

123. est préoccupé par le raccordement de systèmes informatiques qui ne respectent pas toujours les réglementations sur la protection de la vie privée et des données personnelles;

124. s'inquiète des dérives possibles du fichier SIS qui tend à criminaliser les étrangers; demande que l'utilisation des banques de données telles que le SIS soit soumise au respect du droit à la vie privée et que lesdites banques ne contiennent aucune information susceptible de porter atteinte au principe de l'égalité de traitement et de la non-discrimination;

125. invite tous les États membres à créer des centres nationaux de protection des données individuelles;

126. condamne l'utilisation des écoutes téléphoniques illégales et invite les États membres à se doter de législations qui respectent les conventions internationales et qui assurent un équilibre entre les exigences de la lutte contre la criminalité et celles de la protection des droits et libertés fondamentaux;

127. invite les États membres à prendre des mesures, dans le respect des principes de l'État de droit, pour combattre les atteintes aux droits des personnes provoquées par certaines sectes auxquelles devrait être refusé le statut d'organisation religieuse ou cultuelle qui leur assure des avantages fiscaux et une certaine protection juridique;

128. constate l'ampleur et la gravité des atteintes à l'État de droit, à la démocratie et aux droits de l'homme que provoque le crime organisé (et, plus spécialement, le terrorisme), du fait surtout de ses liens avec le monde de la politique, de l'économie et de l'administration publique mais en raison également de l'ampleur de la fraude et de l'évasion fiscales;

129. condamne par conséquent résolument et sans aucune réserve tout acte de violence terroriste et toute menace de recours à une telle violence, et demande instamment de les réprimer sévèrement, par tous les moyens compatibles avec l'État de droit, dans l'ensemble de l'Union européenne;

130. condamne les assassinats, mutilations, violences, enlèvements et extorsions perpétrés par les groupes terroristes et invite instamment les États membres à continuer à collaborer étroitement à la lutte contre le terrorisme et à renforcer, à cet effet, la coopération judiciaire et policière à l'échelle européenne;

131. demande, s'agissant de la répression des délits, de mettre davantage l'accent, parallèlement à la réinsertion sociale des délinquants, sur la réparation des faits commis et la protection du citoyen contre la récidive;

132. demande aux États membres de réviser le catalogue traditionnel des sanctions, comme les peines privatives de libertés, les amendes et le retrait du permis de conduire, afin de s'assurer s'il est possible d'y ajouter des mesures adaptées à l'époque, ayant un effet préventif d'ordre tant spécifique que général;

133. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et parlements des États membres.


B.


EXPOSE DES MOTIFS

Nous venons du Nord,

Venim del nord,

nous venons du Sud,

venim del sud,

de l'intérieur du pays,

de terra endins,

d'au-delà des mers,

de ar enllà,

et nous ne croyons pas aux frontières

i no creiem en les fronteres

si derrière il y a des camarades,

si darrera hi ha un company

les mains tendues

amb les seves mans esteses

vers un avenir libéré.

a un pervindre alliberat.

Et nous marchons pour pouvoir exister

I caminem per poder ser

et nous voulons exister pour marcher.i volem ser per caminar.

Lluis Llach

Introduction

L'action de l'Union européenne et des États membres, directement responsables du respect des droits de l'homme, doit s'inscrire dans le cadre général de la Charte des Nations unies et de la Déclaration universelle des droits de l'homme complétée par les deux Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques ainsi qu'aux droits économiques, sociaux et culturels. Cette action doit également respecter les engagements édictés par les principaux instruments internationaux de protection des droits de l'homme ainsi que les décisions de la conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne, juin 1993) et des autres conférences mondiales centrées sur des thèmes ou des groupes de population spécifiques, notamment celles de Copenhague sur le développement social (mars 1995), de Beijing sur les femmes (septembre 1995) et de Stockholm contre l'exploitation sexuelle des enfants (août 1996).

L'importance des droits de l'homme dans l'Union européenne a été reconnue par l'inclusion de l'article F dans le traité de l'Union européenne qui stipule que l'Union respecte les droits de l'homme, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux de droit communautaire.

Pendant une trop longue période, le Parlement européen a jugé les droits de l'homme dans le monde

- notamment dans ses avis conformes sur les accords de coopération avec les pays tiers et au cours de ses débats d'urgence - tout en refusant d'examiner la situation des droits de l'homme dans les États membres. Cette anomalie, préjudiciable à l'autorité du Parlement européen, a été enfin corrigée avec la mise en place de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures et la décision d'élaborer chaque année un rapport sur le "respect des droits de l'homme dans l'Union". Cette décision a contribué à donner plus de crédibilité au Parlement européen pour juger des droits de l'homme dans le monde.

Il est arrivé que son rapport annuel sur le respect des droits de l'homme à l'intérieur de l'Union gêne des gouvernements des États membres qui invoquent la non-ingérence mais il contribue, comme les rapports des organisations humanitaires, à corriger les atteintes les plus flagrantes et à améliorer la situation. C'est ainsi que les prises de position du Parlement européen sur la situation des "sans papiers", la situation des détenus, l'objection de conscience ont permis d'obtenir des améliorations dans de nombreux États membres.

Votre rapporteur constate toutefois que, depuis l'examen du premier rapport De Gucht en 1993 jusqu'au dernier rapport Roth en 1997, le débat reste toujours aussi vif sur la conception et la définition des droits de l'homme. Certains persistent à refuser qu'on puisse y inclure les droits économiques, sociaux et culturels de peur sans doute de remettre en cause trop fondamentalement les politiques gouvernementales. J'insiste à nouveau sur la nécessité d'étudier la situation des droits de l'homme dans leur globalité, c'est-à-dire les droits civils et politiques mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels.

Les droits de l'homme sont indivisibles et interdépendants. Les droits civils et politiques sont indispensables à la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels; inversement les droits économiques, sociaux et culturels sont indispensables à l'exercice des droits civils et politiques par tous. Sans cette indivisibilité, l'universalité des droits de l'homme n'existerait pas ou ne serait qu'une illusion.

S'il y avait encore besoin de justification, il suffirait de se reporter à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui stipule dans son article 22: "Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité".

De même, en 1966, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont tous les États membres font partie, ont réaffirmé le principe d'indivisibilité comme le fondement même de la protection internationale des droits de l'homme. S'inscrivant dans cette démarche, le Parlement européen avait adopté, le 12 avril 1986, une "Déclaration sur les droits et libertés fondamentaux" avec le droit à des conditions de travail équitables, le droit à la protection sociale, le droit à l'éducation, le droit à la liberté de pensée et à la liberté d'expression. Enfin, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) elle-même tend à reconnaître les droits économiques et sociaux: c'est ainsi que l'arrêt Gaygusuz contre Autriche du 16 septembre 1996 fait référence à l'article 1er du protocole nº 1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui concerne le droit de propriété individuelle, pour englober dans celui-ci le droit aux prestations sociales.

Votre rapporteur rappelle également que le père Joseph Wresinski, le fondateur d'ATD-Quart Monde, soulignait avec force que la pauvreté constituait une des principales atteintes aux droits de l'homme: "Là où les hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré". La déclaration adoptée le 16 octobre 1997 par la Conférence des présidents du Parlement européen pour s'associer à la Journée mondiale du refus de la misère souligne que le Parlement européen a affirmé lors de nombreux rapports et résolutions que la misère est une violation des droits de l'homme et a voulu promouvoir les droits de l'homme dans leur indivisibilité, en défendant aussi bien les libertés fondamentales que les droits économiques, sociaux et culturels des plus pauvres qui sont les révélateurs des dysfonctionnements de la société.

Pour dresser le bilan de la situation des droits de l'homme dans l'Union européenne en 1996, je m'appuie sur les rapports des organisations de défense des droits de l'homme, les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, les pétitions adressées au Parlement européen mais aussi sur les résolutions adoptées par le Parlement européen et sur les analyses et propositions des organisations du mouvement social et associatif que j'ai eu l'occasion de rencontrer ou qui m'ont adressé des documents. Pour répondre aux demandes maintes fois exprimées par les parlementaires, je pars d'exemples concrets en essayant de dégager les priorités et les lignes de force pour 1996.

I. Immigration et droit d'asile

Dans de nombreux États membres, notamment en France, la situation des immigrés a été au coeur de l'actualité sociale et politique. En France, les lois sur l'immigration ont "clandestinisé" de nombreuses familles immigrées, les ont placées en état de suspicion et les ont installées dans une insécurité juridique et une précarité permanentes. Des parents d'enfants nés en France ou des conjoints de nationaux se sont vu refuser le droit de séjour et ont été, soit expulsés, soit menacés d'expulsion.

Tout au long de l'année 1996, les "sans papiers" ont mené des actions admirables et je tiens à saluer leur courage. A leur soif de reconnaissance et de justice, il leur a trop souvent été répondu par le mépris, la plus extrême violence ou l'arbitraire le plus total dans le règlement des cas individuels. Ils ont bénéficié de l'appui et de la solidarité d'associations, d'églises, de syndicats et de partis politiques. Une importante délégation des "sans papiers" a d'ailleurs pu rencontrer les parlementaires à Strasbourg à la session de septembre 1996 pour les informer et les sensibiliser.

Dans de trop nombreux États membres, comme l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, la question de l'immigration a été abusivement liée à la montée du chômage. Il faut reconnaître que cette attitude a été favorisée par certaines recommandations et résolutions du Conseil, notamment la recommandation de 1994 qui liait chômage et immigration. A l'issue d'une étude réalisée dans de nombreux pays, l'OCDE a reconnu qu'il n'y avait pas de "corrélation étroite entre des flux d'entrées d'étrangers dans un pays et l'évolution du taux de chômage".

Il faut mettre un terme à cette stratégie du bouc émissaire car il est dangereux de manipuler l'immigration comme un enjeu politique qui, en définitive, contribue à renforcer la crédibilité de tous ceux qui incitent à une politique démagogique d'exclusion et de xénophobie.

Je me félicite de ce point de vue du processus de régularisation des "sans papiers" mis en oeuvre dans certains pays comme l'Espagne, l'Italie et le Portugal tout en reconnaissant ses insuffisances. J'invite tous les gouvernements des États membres à suivre ces exemples et à procéder sans attendre à la régularisation des "sans papiers", dans le respect des droits humains et des conventions internationales.

Il faut reconnaître aux immigrés le droit à une vie familiale normale; les procédures de regroupement familial et le droit au mariage ne doivent pas être entachés de suspicion permanente. Les limitations au droit de vivre en famille et au mariage doivent être levées pour faire respecter l'égalité de droit. Pour que l'égalité devant la loi soit respectée, il convient d'éliminer toute possibilité de "double peine" existant en Autriche, France, Allemagne, Belgique, Espagne, Pays-Bas. L'Autriche a été condamnée par la CEDH à travers l'arrêt Ahmed contre Autriche du 17 décembre 1996 pour violation de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme.

J'insiste également sur la reconnaissance de l'égalité de traitement, en matière de droits économiques et sociaux mais aussi de droits civils et politiques, avec le droit de vote aux élections locales et européennes pour tous les étrangers sans discrimination, ressortissants des États membres ou des pays tiers, résidant dans le pays d'accueil depuis plus de cinq ans. Une convention du Conseil de l'Europe le demande depuis 1992 mais peu d'États membres l'appliquent.

Sur le plan communautaire comme dans de nombreux États membres, le droit d'asile a été rendu de plus en plus restrictif. Il faut malheureusement déplorer "l'innovation" de l'année 1996 avec l'utilisation de véritables "charters européens" pour les expulsions. Comme le rapport d'Amnesty International pour 1996 le souligne pour la France. Dans ce même rapport, Amnesty International fait remarquer: "Les Etats du 'Nord' se dérobent à leurs obligations à l'égard des réfugiés en rendant difficile l'accès à leur territoire. Parmi les mesures mises en oeuvre, citons le renforcement aux frontières, les sanctions infligées aux transporteurs, l'exigence de visas que les demandeurs d'asile sont dans l'impossibilité d'obtenir, l'instauration de zones internationales dans les aéroports et l'interdiction de se trouver dans certaines zones maritimes. Pour ceux des réfugiés qui parviennent à pénétrer dans un pays, le recours à la notion de 'pays tiers sûrs', aux 'listes blanches' et aux accords de réadmission signifie qu'ils peuvent être renvoyés dans des pays qu'ils ont peut-être traversés ou dans celui qu'ils ont fui".

Les demandeurs d'asile sont de moins en moins nombreux à obtenir la reconnaissance du statut de réfugié et la protection liée à la convention de Genève. En lieu et place, une protection précaire et temporaire tend à se développer, celle de l'asile territorial ou humanitaire.

La convention de Schengen, dans la mesure où elle ne fait pas du respect du droit de vivre en famille un critère contraignant dans la détermination du pays responsable pour l'examen d'une demande d'asile "conduit à des situations absurdes: des familles éparpillées, soit que leurs membres produisent des documents délivrés par différents pays Schengen, soit qu'ils ont suivi des itinéraires différents" (Rapport d'Amnesty International Section Française et France Terre d'Asile Juillet 1997).

En Grande-Bretagne, une loi sur l'asile et l'immigration est entrée en application en juillet 1996. Elle étend la procédure d'appel "accélérée" introduite par une loi antérieure à toute une série de cas de demandes d'asile, notamment celles de pays figurant sur une "liste blanche", c'est-à-dire considérés comme des pays sûrs dans lesquels les demandeurs n'encourent pas de risques graves de persécution. Le droit d'appel a été effectivement aboli pour la plupart des demandeurs d'asile provenant de "pays tiers sûrs". De plus, la loi a supprimé l'aide sociale pour la majorité des demandeurs d'asile.

Je voudrais également dénoncer le scandale des zones d'attente et des centres de rétention qui constituent de véritables zones de "non-droit", véritables "oubliettes de l'État de droit" pour l'ANAFE 19 où les demandeurs d'asile sont parqués dans des conditions déplorables. Le rapport de l'OIP (Observatoire international des prisons) fait état de la détention de migrants dans les zones de transit de certains aéroports, souvent dans des conditions d'hygiène déplorables en Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie. Le 7e rapport général d'activité du CPT (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements ihnumains ou dégradants) (1996) fait état de maintien en détention de demandeurs d'asile dans des halls d'aéroports, dans des commissariats de police pendant plusieurs mois et même dans des établissements pénitentiaires.

Je m'oppose à la conception d'une Europe forteresse pour lui substituer une Europe de la fraternité et de la solidarité. Le droit d'asile doit être pleinement reconnu. Faisons en sorte que les États membres qui sont trop souvent devenus des "terres d'écueil" pour les étrangers, redeviennent de véritables "pays d'accueil".

Comment accepter en la matière que l'Union européenne régresse au lieu d'évoluer?

Si l'on pense comme Pierre-Henri Imbert (directeur des Droits de l'homme au Conseil de l'Europe) "que l'Humanité est toujours en apprentissage et que les Droits de l'homme ne sont en fin de compte que le langage de l'humanisation de l'Homme", nous devons alors être fiers et dignes de cette responsabilité qui nous incombe en montrant notre exigence, notre rigueur et notre audace pour faire avancer nos sociétés vers plus d'humanité.

De plus, une interprétation trop restrictive de la Convention de Genève sur les réfugiés a abouti trop souvent au rejet des demandes d'asile de personnes victimes de forces terroristes non étatiques (comme en Algérie) ou de violences sexuelles. Il convient donc d'étendre la définition de réfugié à toutes les personnes réellement persécutées dans leur pays d'origine. Des demandeurs du droit d'asile ont fait l'objet de mesures d'expulsion vers les pays où ils ont été victimes de violations des droits de l'homme (expulsion vers la Guinée-Bissau par l'Espagne). Le Royaume-Uni a été condamné par la CEDH pour la même raison (expulsion vers l'Inde d'un militant sikh: arrêt Chahal contre RoyaumeUni du 15 novembre 1996).

Je voudrais plus particulièrement attirer l'attention sur le sort des étrangers atteints de pathologies graves résidant habituellement dans un Etat membre. Les associations d'aide aux étrangers en difficulté ont alerté les autorités gouvernementales sur le sort des personnes étrangères gravement malades, menacées d'éloignement du territoire européen et souvent contraintes à la clandestinité.

Des malades ou parents ou tuteurs de malades ont été conduits en rétention administrative ou judiciaire dans les centres de rétention avant d'être expulsés vers des pays du Tiers-Monde ne disposant ni des infrastructures, ni des personnels médicaux, ni des médicaments, ni des systèmes d'accès aux soins. Je propose qu'aucune mesure d'expulsion ou de reconduite à la frontière ne puisse être prise à l'encontre des étrangers médicalement reconnus comme atteints de pathologies graves.

II. Lutte contre le racisme et la xénophobie

Les sociétés européennes sont pluriculturelles et pluriethniques, leur diversité, reflétée par un large éventail de cultures et de traditions, est un facteur positif, une source d'enrichissement. La montée du racisme, de la xénophobie et de l'antisémitisme dans l'Union européenne est un défi majeur pour nos sociétés.

Si les actes de violence raciste ont sensiblement diminué en 1996, on doit malheureusement constater une montée préoccupante des thèses racistes et xénophobes dans l'opinion publique, dans la cité mais aussi dans l'entreprise. Selon le rapport de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l'homme) en 1996 (France), 61 % des personnes interrogées par sondage trouvent qu'il y a "trop d'arabes" et 58 % "trop de musulmans", 40 % se disent un peu racistes. Ce même rapport constate que les violences racistes concernent de plus en plus des personnes d'origine maghrébine et que les auteurs des violences se recrutent toujours principalement dans les mouvances d'extrême-droite, avec l'apparition en 1996 d'attaques avec des chiens pitbull.

Les discriminations à caractère raciste restent fréquentes; elles se traduisent par des atteintes à la dignité et à la mise en cause des droits fondamentaux en matière d'emploi, de logement, de scolarisation, de santé. Ainsi l'Autriche a-t-elle été condamnée par la CEDH pour avoir refusé une allocation chômage à une personne au motif qu'elle n'avait pas la nationalité autrichienne (arrêt Gaygusuz contre Autriche du 16 septembre 1996). De nombreux rapports ont fait état de discriminations à l'embauche, notamment vis-à-vis des jeunes, ce qui contribue à les marginaliser et à renforcer leur sentiment d'être rejetés par la société. Ainsi, a-t-on vu se développer en France, des demandes BBR (Bleu, Blanc, Rouge) pour refuser d'embaucher des personnes de nationalité ou d'origine étrangère comme l'attestent les rapports de la CNCDH et de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail. Dans certaines entreprises, se développent des entraves discriminatoires au déroulement de carrières, à l'accès à la formation professionnelle, les salariés sont hiérarchisés sur des critères de "race", comme le fait de ne pas mettre des employés de couleur à des postes en contact avec la clientèle. On assiste à une véritable ethnicisation des tâches, comme le démontre Philippe Bataille dans une étude faite auprès de plusieurs entreprises en France: "La légitimité acquise par le Front national dans le champ politique a libéré l'expression du racisme au travail", mais le racisme "est aussi en partie du moins fabriqué à l'intérieur des entreprises (...). Aujourd'hui, les relations et même l'organisation du travail produisent les arguments du racisme qui s'y exprime". Le racisme "procure aux employeurs une ressource supplémentaire pour mieux exploiter les travailleurs concernés" (Le racisme au travail. Ed. La découverte, Paris, 1997).

Ce racisme ordinaire, entretenu, exacerbé par certains responsables politiques, est particulièrement inquiétant car il mine la société par les divisions et les violences dont il est porteur même s'il est difficile de quantifier les dégâts produits par la violence symbolique. Comme le souligne l'écrivain Louis Calaferte: "Haïssez celui qui n'est pas de votre race. Haïssez celui qui n'est pas de votre rang social. Haïssez, haïssez, vous serez haï. De la haine, on passera à la croisade. Vous tuerez et vous serez tué (...). La loi est ainsi: si l'autre n'est pas heureux, vous ne le serez pas non plus. Si l'autre n'a pas d'avenir, vous n'en avez pas non plus".

Certains services de santé ne respectent pas l'égalité de traitement. C'est notamment le cas à l'égard des malades atteints du sida. L'accès au logement souffre trop souvent de pratiques discriminatoires que ce soit dans le privé, avec le refus de familles immigrées par des propriétaires, ou dans le secteur du logement social.

Le pouvoir judiciaire et les forces de sécurité, directement concernés par la lutte contre le racisme, sont eux-mêmes traversés par de fortes tendances racistes: difficultés de la justice à reconnaître les affaires de racisme et à les traiter. Ainsi, la CEDH a-t-elle condamné la France (arrêt Remli contre France du 23 avril 1996) suite au refus d'une cour d'assises de donner acte à un accusé français d'origine algérienne de propos racistes tenus par l'un des jurés en dehors de la salle d'audience. Des discriminations raciales dans l'action de la police allant jusqu'à la violence pouvant causer la mort sont aussi constatées: Amnesty International fait état de propos racistes tenus par les forces de l'ordre en Allemagne, Danemark, France, Autriche. Des mauvais traitements infligés par la police à des étrangers sont constatés en Italie, Espagne, Grèce, Allemagne, Autriche, Danemark, France.

Sans minimiser aucunement le racisme constaté chez des agents de l'État, il ne nous faut pas pour autant ignorer les causes liées aux mauvaises conditions de travail, aux effectifs insuffisants dans la police, l'appareil judiciaire, l'enseignement et les services sociaux, qui entraînent souvent ce que Pierre Bourdieu appelle une "souffrance de position" rendant difficile pour ces personnes leur rapport aux victimes de la "souffrance de condition".

Certains dirigeants politiques, notamment à l'extrême-droite mais pas seulement, s'appuient sur un discours raciste pour des raisons électorales. Mais certains gouvernements contribuent également à favoriser la montée de l'intolérance et du racisme en adoptant ou en préparant certaines législations, en particulier sur l'immigration. C'était le cas en France avec les lois sur l'immigration, en Allemagne avec l'obligation de visa, introduite par règlement, pour les membres mineurs des familles d'immigrés originaires de Turquie, de Tunisie, du Maroc et des Etats de l'ex-Yougoslavie. En Allemagne, de nombreux dirigeants politiques, notamment ceux de la CSU, ont réclamé une réduction de l'immigration en faisant directement le rapprochement avec le chômage.

Il faut condamner avec force les dirigeants qui attisent le racisme et la xénophobie et exiger des partis politiques la suppression de toute propagande raciste et discriminatoire. En ce qui concerne notre propre institution, je propose que la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités prépare une modification du règlement afin de pouvoir sanctionner les propos racistes des parlementaires européens dans l'exercice de leur fonction. En ne sanctionnant pas de tels propos, nous serions tous complices de ceux dont les mots arment les bras et qui ont "du sang dans la voix".

La mobilisation des démocrates et des antiracistes a permis d'obtenir des résultats dans la lutte contre le racisme, sur les plans national et européen. Certaines législations nationales ont renforcé les moyens de lutte contre le racisme. Sur le plan européen, des clauses anti-discrimination ont été incluses dans les instruments communautaires. Nous nous félicitons de la décision prise le 23 juillet 1996 de faire de 1997 l'"Année européenne contre le racisme". Mais il reste beaucoup à faire au niveau des États membres et sur le plan communautaire pour faire reculer le racisme et la xénophobie. Comme le souligne l'économiste Sami Naïr: "On ne pactise pas avec le racisme, la xénophobie, la haine car c'est pactiser avec l'instinct de mort de la société". Pour reconstruire une société plus juste et plus humaine, restructurer le lien social, il faut prioritairement s'attaquer aux causes économiques et sociales qui nourrissent le racisme, ce racisme qui prolifère sur le terreau des politiques d'austérité menées dans les États membres générant précarité, chômage et pauvreté.

La bataille pour faire aboutir une autre logique économique dégagée de la stricte rentabilité financière et fondée sur la satisfaction des besoins des populations doit être complétée par l'application et le renforcement des moyens législatifs nationaux et communautaires de prévention et de répression des actes racistes. Le racisme ne relève pas de la liberté d'expression, c'est un délit qui doit être puni. De ce point de vue, le racisme qui sévit dans les structures administratives - notamment dans la police - doit être réprimé et sanctionné avec plus de vigueur.

Des campagnes d'information et d'éducation doivent être menées en permanence, notamment dans l'enseignement et les médias, pour lutter contre le racisme, promouvoir la tolérance et faire connaître la contribution positive des étrangers à l'économie et à la culture européennes. Dans le prolongement de l'Année européenne contre le racisme, je propose de faire chaque année du 21 mars une journée européenne de lutte contre le racisme.

III. Droits économiques, sociaux et culturels

Les politiques économiques des États membres, liées à l'application des critères de convergence en préparation de l'UEM, n'ont pas enrayé le chômage et ont de graves conséquences sociales: affaiblissement de la protection sociale, démantèlement des services publics, précarité du travail, détérioration des conditions de vie et de travail.

L'Europe compte près de 20 millions de chômeurs. Depuis des années, l'emploi est considéré essentiellement sous l'angle du coût du travail à réduire au nom de la compétitivité des entreprises, avec comme conséquences, le développement du temps partiel et de la flexibilité, la remise en cause des droits sociaux.

Le rapport du CSERC (Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts) montre bien pour la France le lien entre flexibilité et aggravation du chômage notamment chez les jeunes, ce qui induit une montée de la pauvreté chez ces derniers. La pauvreté en début de cycle de vie est un phénomène nouveau: près d'un million de sans-logis ont moins de 21 ans dans l'Union européenne.

La politique sociale européenne obéit surtout aux impératifs de la mise en oeuvre du marché unique: elle vise essentiellement à résorber les déséquilibres économiques et sociaux existants susceptibles d'entraver la réalisation du grand marché. La Charte des droits sociaux fondamentaux de 1989, qui s'inspire de la Charte sociale du Conseil de l'Europe, fixe un certain nombre de droits sociaux devant être garantis. C'est en fait une déclaration d'intention sans effets contraignants.

Je regrette de ce point de vue que de nombreux États membres ne respectent pas certaines dispositions de la Charte sociale du Conseil de l'Europe. En effet, le Comité des experts indépendants, chargé de constater l'application de la Charte, a constaté que de nombreux États membres ne respectaient pas les heures et les conditions de travail, les droits syndicaux et le droit de grève, l'égalité entre hommes et femmes, la protection sociale et la protection de la santé. Il s'agit de l'Autriche, du Danemark, de l'Espagne, de la France, de l'Irlande, de l'Italie, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suède.

Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté en avril 1996 une nouvelle Charte sociale européenne, ouverte à la signature le 3 mai 1996. Cette nouvelle Charte sociale constitue un vaste traité international réunissant en un seul instrument tous les droits garantis par la Charte de 1961 et par ses protocoles additionnels de 1988 et de 1995, les nouveaux droits adoptés par les Etats (droits à la protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale, au logement, à la protection contre le harcèlement sexuel, droits des travailleurs ayant des responsabilités familiales à l'égalité des chances et de traitement, droits des représentants des travailleurs) ainsi que les amendements suivants: renforcement du principe de non-discrimination, amélioration de l'égalité femmes-hommes dans tous les domaines couverts par le Traité, meilleure protection de la maternité et protection sociale des mères, meilleure protection sociale, juridique et économique des jeunes au travail et en dehors du travail, meilleure protection des personnes handicapées.

J'espère que tous les États membres signeront et appliqueront cette nouvelle Charte dans l'intégralité de ses dispositions dans les plus brefs délais.

Tous les États membres doivent par ailleurs ratifier les conventions de l'OIT. Pourtant la convention nº 111 sur l'égalité des chances et de traitement, la non-discrimination en matière d'emploi, n'est toujours pas ratifiée par le Luxembourg, l'Irlande, le Royaume-Uni. Quant à la convention nº 138 sur le travail des enfants, elle n'est toujours pas ratifiée par le Danemark, l'Autriche, le Royaume-Uni.

Je voudrais attirer l'attention sur le cas spécifique des domestiques d'origine étrangère qui vivent dans certains États membres dans des conditions de quasi-esclavage. Sans papiers, maîtrisant mal la langue du pays, elles travaillent sans percevoir de salaires dans des conditions indignes, le plus souvent séquestrées et violentées. Après les avoir réduites à la condition d'esclaves, leurs employeurs, qui bénéficient souvent de l'immunité diplomatique, exercent à leur encontre un véritable droit de propriété. Le 4 mars 1996, une jeune domestique érythréenne de vingt ans était délivrée dans des conditions rocambolesques au domicile d'une diplomate libanaise en poste à Paris. Depuis plusieurs mois, cette jeune fille travaillait sans horaire, ni salaire. Ses papiers avaient été confisqués et elle était séquestrée dans l'appartement. C'est à l'initiative du Comité "France contre l'esclavage" qu'elle a pu être libérée et indemnisée et que l'employeur indélicat a été renvoyé au Liban.

3.1 La pauvreté

Il y a environ 16 % de pauvres (soit plus de 57 millions) dans l'Union européenne si l'on se réfère à la définition de la pauvreté correspondant à un revenu inférieur de moitié au revenu moyen des citoyens de ses pays. Le rapport du Secours catholique pour la France en 1996 fait état de 751 000 situations traitées, chiffre jamais atteint et représentant plus de 10 % par rapport à 1994. Mais la pauvreté n'est pas seulement un problème de revenu, elle doit être élargie au concept d'exclusion sociale qui est lié également au chômage, à la précarité, à l'instabilité ou à la rupture des structures familiales, à la maladie, à l'absence de logement. Les "sans abri" qui sont 2,5 millions en Europe d'après l'Observatoire européen sur les "sans abri", sont particulièrement désavantagés. N'ayant pas de logement, ils se voient souvent refuser d'autres droits fondamentaux, sociaux, civils et humains, ce qui les marginalise encore plus.

Geneviève de Gaulle-Anthonioz, qui a succédé au père Wresinski à la présidence d'ATD-Quart Monde, a fait remarquer: "L'écart est devenu encore plus grand entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas, entre les riches et les pauvres pour parler clair. Nous sommes là en face d'une évolution inquiétante des sociétés, de l'utilisation des progrès techniques, de la productivité dont beaucoup d'hommes et de femmes ne bénéficient pas. Avant, pour prendre une image, quelques wagons se faisaient toujours décrocher de la locomotive porteuse de progrès. Aujourd'hui, davantage de wagons se font décrocher depuis que la locomotive est devenue un TGV".

Dans ces conditions, il est particulièrement intolérable que le Conseil refuse depuis 1994 - à cause du refus de l'Allemagne au nom du principe de subsidiarité - la mise en oeuvre du 4e programme d'action sur la pauvreté (prévu pour la période 1994-1999) qui prolongeait et renforçait les 2e et 3e programmes qui avaient fait la preuve de leur utilité et étaient très appréciés par les organisations humanitaires.

De même, il est inacceptable que des communes édictent des arrêtés anti-mendicité comme cela s'est produit en France et en Allemagne.

Les États membres doivent faire de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale une priorité politique et se donner les moyens législatifs, matériels et financiers nécessaires car "refuser la misère, c'est bâtir l'avenir de tous". Pour que plus personne ne puisse vivre dans l'angoisse du lendemain, des mesures spécifiques devraient être mises en oeuvre: la relance du pouvoir d'achat et de l'emploi, le relèvement des minima sociaux, l'interdiction des saisies et des expulsions. Dans cette optique, il serait utile que chaque Etat membre adopte une loi sur la prévention et la lutte contre les exclusions en concertation avec les organisations humanitaires.

3.2 Droits syndicaux

Le droit d'association est reconnu dans les législations des États membres mais il est quelquefois assorti de restrictions. C'est ainsi qu'en Allemagne, les employés des services publics sont privés du droit de grève en violation de la Convention nº 87 de l'OIT concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

Il arrive également dans certains États membres que le droit syndical ne soit pas respecté. Des délégués syndicaux ou des délégués du personnel sont licenciés malgré les protections dont ils disposent, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Par exemple, pour la France, on enregistre 14 066 licenciements de personnels protégés soit plus de 4 % par rapport à 1995 (Ministère de l'emploi). Des cas d'infraction au droit de grève ont également été constatés. C'est par exemple l'affaire des dockers de Liverpool toujours pas réglée et qui dure depuis plus de deux ans. Pour avoir fait une grève de soutien à cinq travailleurs licenciés pour avoir refusé d'effectuer des heures supplémentaires non payées, 329 dockers ont été abusivement licenciés par la firme "Mersey Docks Harbour Company" (MDHC) dont l'État est actionnaire (14 % des parts). Il est urgent que le gouvernement britannique mette ses actes en accord avec ses paroles en prenant des initiatives pour faire reconnaître le droit des dockers de Liverpool licenciés pour fait de grève et, plus généralement, revenir sur les restrictions au droit de grève.

En France, des atteintes aux libertés syndicales ont été signalées, notamment dans certains grands magasins qui n'hésitent pas à accuser faussement les salariés pour empêcher la création ou le développement de sections syndicales, voire même pour empêcher la tenue d'élections professionnelles (comme chez "Leader price" à Lyon). Dans certaines entreprises, comme chez Peugeot à Sochaux, la direction a empêché le déroulement de carrière ou bloqué l'accès à la formation professionnelle de responsables syndicaux. Le Conseil des Prud'hommes de Paris a rendu le 4 juin 1996 une ordonnance condamnant la direction de Peugeot pour discrimination pour activité syndicale. Les mêmes manoeuvres discriminatoires vis-à-vis de responsables syndicaux ont été observées dans d'autres entreprises aussi diverses que Citroën à Rennes, Motorola à Toulouse, RVI à Vénissieux, Aérospatiale à St. Nazaire et Toulouse et des procédures ont été engagées devant le Conseil des Prud'hommes. Même dans des entreprises publiques, comme EDF, une procédure a été engagée contre des syndicalistes du Var pour fait de grève lors du mouvement de 1995. Un agent d'EDF qui avait refusé d'effectuer une coupure d'électricité chez des "sans-papiers" a été sanctionné par sa direction. Certains tribunaux sont même allés jusqu'à "assimiler les revendications salariales à une extorsion de fonds" pour pouvoir poursuivre des syndicalistes de l'aéroport d'Orly.

3.3 Droits culturels

Les droits dans les domaines de la culture, de l'éducation et des médias font partie intégrante des droits de l'homme. Comment concevoir les droits culturels sans réaffirmer la liberté de la création artistique, la nécessaire confrontation des sensibilités et des intelligences? Il faut défendre une conception de la culture démocratique ouverte à la pluralité de la culture des individus et des peuples du monde qui s'oppose à la ghettoïsation et aux intégrismes, qui soit fondée sur les droits universels, l'intégrité de la personne et la laïcité. Cette conception de la culture comprend la reconnaissance de la liberté d'expression et de création, le respect des langues et cultures minoritaires, le droit à l'éducation ainsi que l'accès à une information pluraliste. Je rappelle la position du Parlement européen sur les risques que la concentration des médias fait courir à la liberté d'information et je renouvelle la demande d'une directive anti-concentration, comme le souhaite le groupe d'experts de haut niveau dans son rapport final "Construire la société européenne de l'information pour tous"

Nous devons être vigilants quant à la menace que fait peser une toujours plus grande "marchandisation" de la culture sur la liberté de création, l'audace créative, l'accès aux oeuvres. Un sursaut éthique paraît urgent et nécessaire pour protéger la culture d'un asservissement (donc d'une mort lente mais sûre) aux impératifs mercantiles, véritables censures économiques. Les nouvelles formes de production des industries culturelles, liées aux grandes manoeuvres de concentration financière, notamment dans les secteurs de l'édition, du multimédia, de la télévision numérique, mettent gravement en danger la liberté d'expression et de création en amont même de celle-ci, en réduisant pour le créateur les possibilités de rencontrer l'homme ou l'entreprise susceptibles d'avoir le désir de porter et de réaliser son projet. Une étape nouvelle risque de compromettre de manière inédite dans l'histoire des civilisations, l'indépendance culturelle des peuples, celle des accords internationaux du type AMI (Accord Multilatéral sur les Investissements) actuellement en cours de négociation au sein de l'OCDE. Pour garantir ces droits, il faut donc exclure de ces accords la culture, ce que l'on a appelé au moment du GATT: "l'exception culturelle".

Je voudrais lancer un cri d'alarme au sujet de l'offensive des municipalités dirigées en France par le Front National contre la culture et la démocratie: fermeture de lieux de culture pluraliste, retrait dans les bibliothèques publiques de certaines publications et ouvrages jugés dangereux (ouvrages de pédagogie et de philosophie), suppression des subventions à des associations d'insertion et d'initiative culturelle, censure de films, licenciement de responsables de centres culturels (comme à Chateauvallon), destruction d'oeuvres d'arts plastiques (comme la sculpture de René Guiffrey à Toulon). Ces actes constituent des violations des droits les plus fondamentaux de la démocratie, notamment la liberté de création, d'expression et de réunion. Des mesures doivent être prises pour garantir le respect du droit à la culture et faire échec aux manoeuvres des "ennemis de la liberté" qui prétendent faire régner leur "ordre culturel".

La liberté d'expression, comme toute liberté, n'est pas sans bornes. En la matière on ne peut accepter la diffusion de la propagante raciste et révisionniste comme une simple opinion. Il s'agit là d'une atteinte à la dignité humaine, d'un encouragement à la haine et de complicité au crime contre l'humanité. C'est donc un délit qui doit être sanctionné car la tolérance exige de fixer les limites de l'intolérable. Il faut donc se doter de moyens législatifs et juridiques pour empêcher qu'au nom de la liberté d'expression, on revendique le droit de diffuser une propagande raciste et révisionniste.

IV. Egalité des droits et non-discrimination

La Cour européenne des droits de l'homme a de nombreuses fois condamné les États pour violation de l'article 6 de la CEDH (mise en cause des droits de la défense): le Danemark, la France, et l'Italie (cinq fois) sont condamnés pour une durée excessive des procédures, le Portugal et la Belgique pour l'absence d'une procédure contradictoire, la France pour absence de jugement impartial, l'Autriche pour inéquité d'une procédure pénale, le Royaume-Uni pour atteinte au droit de ne pas s'incriminer soi-même, assistance judiciaire insuffisante (deux fois). Enfin, des États ont été condamnés pour violation de l'article 5 (mise en cause des droits d'une personne détenue): l'Espagne, pour détention préventive trop longue et le Royaume-Uni (2 fois) pour violation d'une possibilité de recours devant un tribunal pour statuer sur le maintien ou non en détention.

Je m'inquiète de certaines pratiques discriminatoires envers les prisonniers ressortissants de l'Union européenne qui purgent leur peine dans un autre État membre que le leur, comme la limitation des droits à une réduction de peine pour bonne conduite ou la limitation du droit au congé pénitentiaire.

La protection des droits fondamentaux repose sur l'égalité en droits et en dignité. Il faut donc porter une grande attention aux groupes particulièrement vulnérables de la société (minorités, femmes, enfants, prisonniers, homosexuels etc...) et contribuer à assurer l'épanouissement de la personne et le respect de ces droits.

Certaines minorités ethniques continuent à subir l'intolérance et différentes formes de discriminations. Les Roms continuent à subir un ostracisme dans de nombreux États: absence de zones d'accueil aménagées et refoulement, discrimination dans le travail (Irlande) jusqu'aux mauvais traitements infligés par la police (Grèce, Italie).

Des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle subsistent. Des lois anti-homosexuels existent en Autriche, des courants intégristes combattent la reconnaissance des couples de même sexe demandée par le Parlement européen dans sa résolution du 8 février 1994. Cependant, des améliorations notables ont été enregistrées dans de nombreux États membres et sur le plan communautaire. C'est ainsi que la Commission propose des clauses de non-discrimination dans les instruments communautaires qui prévoient l'interdiction des discriminations fondées sur la "race", le sexe, la couleur, la religion, l'origine nationale mais également sur l'orientation sexuelle. Dans certains États membres, existent des contrats d'union civile qui reconnaissent des droits aux homosexuels.

Il convient tout à la fois de défendre les droits des individus et d'assurer leur protection mais aussi de lutter contre les préjugés dont ils sont l'objet.

4.1 Droits des femmes

Les femmes sont toujours victimes de discriminations et ne bénéficient toujours pas d'une véritable égalité de traitement. Les droits fondamentaux des femmes ont été réaffirmés à la Conférence mondiale de Vienne comme partie intégrante, inaliénable et indivisible des droits universels de l'être humain. La Conférence mondiale de Pékin a insisté sur la nécessité d'une participation pleine et égale des femmes à la vie civile, politique, économique, sociale et culturelle ainsi que le renforcement de leur participation au processus décisionnel dans tous les domaines.

Des améliorations sont perceptibles dans les États membres mais on est encore loin du compte, aussi bien en ce qui concerne l'égalité des chances et des droits que le statut de la femme dans la société. Des discriminations à l'embauche subsistent, l'écart de rémunération entre hommes et femmes à travail égal persiste autour de près de 30 % en moyenne, les femmes représentent plus de 80 % des salariés à temps partiel (pour une forte proportion, il s'agit d'un temps partiel contraint) ce qui crée une discrimination pour les promotions et l'avancement. Enfin, le chômage frappe davantage les femmes que les hommes.

Les femmes sont victimes de violences sexuelles: violences domestiques, viols, harcèlement sexuel au travail. La traite des femmes se développe en particulier à partir des pays du Tiers-Monde, plus récemment à partir des PECOS où les filières du crime organisé font passer plusieurs dizaines de milliers de femmes parfois très jeunes, pour alimenter des réseaux de prostitution ou du travail domestique.

L'Irlande continue à porter atteinte à la liberté d'expression et empêche les femmes d'être informées sur leurs droits, en interdisant la diffusion de toute publication, film ou message publicitaire en faveur de l'avortement. Quant au droit à l'avortement, il est mis en cause par l'action violente de commandos qui investissent les locaux hospitaliers et menacent le personnel médical, en particulier en France.

Dans de nombreux États membres, le sexisme persiste dans les manuels scolaires, dans les médias et dans la publicité avec une inégalité de traitement entre hommes et femmes. C'est ainsi qu'un rapport officiel réalisé en France conclut: "L'image donnée de la femme dans les manuels scolaires ne permet pas aux jeunes filles de trouver des modèles positifs d'identification. Elles n'y trouvent la plupart du temps que des modèles de mère, d'épouse et de ménagère. Pas ou peu valorisée pour ses qualités, la femme n'est invitée à participer ni à la vie économique ni à l'histoire de son pays". Afin de faire évoluer la société vers une réelle parité, il serait souhaitable que les Etats encadrent davantage le système d'édition des manuels.

4.2 Droits des enfants

Les enfants nécessitent une protection particulière. C'est pourquoi, les dispositions internationales en faveur de la protection des droits de l'homme ont été complétées par un instrument spécifique relatif aux droits de l'enfant et à son bien-être: la Convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant entrée en vigueur le 2 septembre 1990. Celle-ci concerne les droits civils et les libertés individuelles des enfants, leurs droits économiques, sociaux et culturels ainsi que leur droit à une protection particulière contre toutes les formes de violence, y compris la violence quotidienne et feutrée que les choix économiques et politiques de nos sociétés font peser sur eux.

Malgré l'adoption d'une directive sur le travail des enfants, la situation est loin d'être réglée dans de nombreux États membres où les enfants continuent de travailler: Grande-Bretagne, Portugal, Allemagne, Italie.

En 1996, on note dans plusieurs États de nombreux cas de rapts et d'assassinats d'enfants par des pédophiles. Une plus grande prise de conscience de l'opinion publique sur les violences à l'égard des enfants, notamment sexuelles, a permis d'aboutir à l'amélioration des législations nationales et à des propositions sur le plan communautaire afin de lutter contre la pornographie impliquant des enfants, la prostitution et la traite d'enfants.

A l'instar de l'Allemagne, de la Belgique et la France, tous les États membres devraient prendre des mesures législatives en matière d'extraterritorialité afin de pouvoir poursuivre sur leur territoire les auteurs d'abus sexuels commis contre des enfants dans un pays tiers et de leur infliger les mêmes peines que s'ils les avaient commis dans leur propre pays.

Afin de mettre l'accent de façon plus solennelle sur les droits de l'enfant, je propose que soit organisée chaque année le 20 novembre une journée européenne des droits de l'enfant (depuis 1996, la France organise chaque année le 20 novembre un journée nationale des droits de l'enfant). Cette journée européenne permettrait de sensibiliser l'opinion publique au respect des droits des enfants mais donnerait également aux enfants la possibilité de s'exprimer et de donner leur avis sur la manière dont leurs droits doivent être respectés. Ce jour-là, comme nous y invite le poète Nazim Hikmet:

"Offrons le globe aux enfants

Offrons le globe aux enfants, au moins pour une journée

Donnons-leur afin qu'ils en jouent comme d'un ballon multicolore,Pour qu'ils jouent en chantant parmi les étoiles,

Offrons le globe aux enfants.

Donnons-leur comme une pomme énorme

Comme une boule de pain toute chaude.

Offrons le globe aux enfants, ils y planteront des arbres immortels".

4.3 Droits des handicapés

Les handicapés continuent à subir des discriminations dans la vie quotidienne et dans le travail. Dans certains pays, ils ont obtenu des lois qui favorisent leur insertion dans la cité et qui privilégient leur insertion professionnelle.

Mais trop souvent, les entreprises préfèrent payer des taxes que d'embaucher des handicapés. C'est par exemple le cas en France où les entreprises de plus de 20 salariés doivent engager 6 % de salariés handicapés ou à défaut payer une taxe qui sert à financer les établissements de formation et d'insertion professionnelle.

Il serait souhaitable que les États membres améliorent les lois existantes en renforçant les garanties pour les handicapés ou promulguent des lois permettant de favoriser leur emploi.

V. La situation des détenus

Tous les États membres ont ratifié la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants et signé la Convention des Nations-Unies ayant les mêmes objectifs.

Ces conventions stipulent que nul ne doit être soumis à la torture ou à toute forme de peine ou traitement inhumain ou dégradant. Les rapports d'Amnesty International et de l'Observatoire international des prisons, qui constituent des références dans ce domaine, font toutefois état de mauvais traitements, voire de torture en détention préventive, dans certains États membres.

Les mauvais traitements se produisent souvent durant la période qui suit l'arrestation. Ce sont surtout les demandeurs d'asile et les immigrés qui en sont le plus souvent victimes. Plusieurs affaires ont éclaté notamment en Allemagne, en Espagne, en France et au Royaume-Uni impliquant des forces de police.

Les mauvais traitements doivent être considérés comme des infractions pénales graves dont les auteurs doivent être sanctionnés sévèrement. Les États membres doivent prendre les mesures adéquates afin de prévenir le recours à la violence en détention préventive et en prison, notamment en mettant en place une formation adéquate du personnel policier et pénitentiaire.

Rejoignant les conclusions d'Amnesty International, une étude commandée par les ministres de l'intérieur des Länder d'Allemagne a conclu que le problème des violences policières à l'égard des étrangers ne concernait pas seulement "quelques cas isolés". Des accusations de mauvais traitements ont également été portées contre des policiers au Danemark. Le Comité européen pour la prévention de la torture s'est déclaré préoccupé par la persistance de mauvais traitements infligés aux détenus allant jusqu'à la torture dans les prisons espagnoles, notamment vis-à-vis des personnes soupçonnées d'actes de terrorisme. En France, des informations ont fait état de la part d'agents de la force publique, de coups de feu, d'homicides et de mauvais traitements souvent accompagnés d'insultes racistes. Les agents de l'État, en particulier les policiers et les gardiens de prison, dépositaires d'une parcelle de ce que Pierre Bourdieu appelle "le monopole de la violence physique et symbolique légitime", se doivent plus que tout autre de respecter les lois. Toute atteinte aux droits des personnes par les agents de la force publique, doit donc être réprimée sans défaillance.

Malheureusement, trop souvent, les condamnations des agents de la sécurité qui se livrent à ces mauvais traitements sont très faibles ou inexistantes comme en Espagne, France, Autriche, Allemagne. C'est ainsi qu'à Berlin des policiers, accusés d'avoir frappé à coups de poing et de matraque des étrangers qu'ils avaient interpellés, n'ont été condamnés qu'à des peines légères.

Dans son rapport annuel, l'Observatoire international des prisons met l'accent sur l'accroissement de la population carcérale (très nette en Allemagne, Belgique, France, Grèce, Italie, Pays-Bas) et les conditions de détention qui portent atteinte à la dignité des prisonniers. La surpopulation carcérale est en quelque sorte le symptôme d'un dysfonctionnement de la société. "Montrez-moi vos prisons et je vous dirai quel genre de gouvernement vous avez", a dit Winston Churchill. La prison ne doit pas être un lieu de non-droit. La surpopulation, les conditions de détention (comme l'isolement du prisonnier) et les réglementations en vigueur génèrent des situations qui portent atteinte à l'intégrité psychologique et morale du détenu, elles limitent ou empêchent le maintien des liens affectifs et sexuels des personnes incarcérées avec leurs proches. Des détenues enceintes ou malades ont été enchaînées lors de leur hospitalisation ou menottées lors d'examens gynécologiques. Une femme a même été menottée à l'hopital, après avoir accouché à la prison de Holloway à Londres.

Les États doivent agir pour mieux garantir les soins aux détenus toxicomanes, en Belgique, en France, en Italie, au Luxembourg, au Portugal et ne plus se dissimuler la réalité de la propagation du sida par échanges de seringues en prison, comme le confirme le rapport de l'OIP pour l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, l'Irlande, l'Italie et les Pays-Bas.

Les États membres doivent prendre les dispositions nécessaires pour faire respecter la dignité humaine dans les prisons en matière de conditions matérielles, de soins médicaux, de congé pénitentiaire, d'accès au travail, aux activités culturelles et sportives dans le respect des "règles pénitentiaires" du Conseil de l'Europe et en portant une attention particulière aux groupes les plus vulnérables (femmes, immigrés, minorités ethniques, homosexuels).

VI. Soutien aux organisations humanitaires

Je ne peux conclure ce rapport sans rendre hommage au travail efficace des organisations humanitaires. Grâce à la pertinence de leurs analyses, la justesse de leurs propositions, la mobilisation de leurs adhérents, elles jouent un rôle primordial pour dénoncer les atteintes aux droits de l'homme et contribuer à l'amélioration de la situation. J'insiste donc pour que les gouvernements des États membres et l'Union européenne augmentent leur aide budgétaire et tiennent mieux compte de leurs analyses et propositions.

VII. Droits de l'homme dans l'UE dans le débat d'urgence du Parlement européen

A chaque session plénière à Strasbourg, le Parlement européen tient un débat d'urgence avec adoption de résolutions. Le thème des droits de l'homme est régulièrement retenu mais il ne concerne que les droits de l'homme dans le monde d'après une sélection proposée par la sous-commission des droits de l'homme de la commission des affaires étrangères, de la sécurité et de la politique de défense. Pour pouvoir introduire la question du respect des droits de l'homme dans un Etat membre, il n'y a que la possibilité du recours en plénière.

Pour aller jusqu'au bout de la démarche du rapport annuel qui traite du respect des droits de l'homme dans l'Union européenne, je propose qu'un point "Droits de l'homme dans l'UE" soit retenu systématiquement à chaque débat d'urgence. La sélection des thèmes serait effectuée sous la responsabilité de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures, par exemple par une commission représentative de tous les groupes politiques présidée par le président de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures.


ANNEXE

PROPOSITION DE RESOLUTION

(B4-0267/96)

déposé conformément à l'article 45 du règlement

par M.Cushnahan

sur les atteintes aux droits de l'homme en Grande-Bretagne et en Irlande

Le Parlement européen,

A. vu la Convention européenne des droits de l'homme,

B. vu les cas de Roisin Mc Aliskey, en détention préventive à la prison de Holloway (GrandeBretagne) et du soldat de première classe Stephen Restorick, qui a été assassiné il y a peu à Bessbrook, Co.Armagh,

C. considérant que les autorités allemandes cherchent à obtenir l'extradition de Mme Mc Aliskey de Grande-Bretagne dans le cadre de l'instruction sur l'attentat à la bombe contre les baraquements de l'armée britannique à Osnabruck en juin 1996 et considérant que Mme Mc Aliskey, qui est enceinte de six mois, est dans un état de santé précaire, comme en témoignent les médecins indépendants qui l'ont auscultée,

D. considérant que le meurtre brutal du soldat Stephen Restorick est une nouvelle étape dans l'escalade de la violence provoquée par l'IRA et qu'il porte de ce fait un coup fatal aux espoirs de paix durable en Irlande du Nord,

1. considère que tous les prisonniers, qu'ils soient en détention préventive ou aient été condamnés à une peine, doivent pouvoir jouir de leurs droits fondamentaux, y compris du droit à un régime de détention qui soit humain; et demande, en conséquence, aux autorités britanniques de prendre immédiatement les dispositions permettant à Mme Mc Aliskey d'être hospitalisée, fût-ce en régime d'incarcération si elle peut obtenir la liberté sous caution,

2. estime, en outre, que le meurtre du soldat première classe Stephen Restorick est une violation délibérée du droit le plus fondamental de l'homme, à savoir la vie elle-même, et considère qu'en manquant au cessez-le-feu l'IRA s'oppose délibérément aux voeux des gouvernements britanniques et irlandais et aux aspirations de la grande majorité des citoyens des deux pays.


AVIS

(article 147 du règlement)

à l'intention de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures

sur le rapport annuel sur le respect des droits de l'homme dans l'Union européenne (1996) (Rapport Pailler)

Commission de l'emploi et des affaires sociales

Rapporteur pour avis: M. Hubert Pirker

PROCÉDURE

Au cours de sa réunion du 4 novembre 1997, la commission de l'emploi et des affaires sociales a nommé M. Hubert Pirker rapporteur pour avis.

Au cours de ses réunions des 9 décembre 1997 et 22 janvier 1998, elle a examiné le projet d'avis.

Au cours de la dernière de ces réunions, elle a adopté les conclusions ci-après par 25 voix contre 10.

Ont participé au vote les députés Hughes, président; Menrad et Ojala, vice-présidents; Pirker, rapporteur pour avis; Andersson, Boogerd-Quaak, Cabezón Alonso, Carniti, Castagnetti, Correia, Brendan Patrick Donnelly, Eriksson, Ettl, Fayot (suppléant M. Morris), Glase, González Triviño (suppléant M. Vandemeulebroucke), Jöns, Lindqvist, Mann, McMahon, Megahy (suppléant M. Ruffolo), Mendonça, Oomen-Ruijten, Peter, Pronk, Schiedermeier, Schörling, Skinner, Sornosa Martínez, Theonas, Van Lancker, van Velzen, Waddington, Weiler et Wolf.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES

L'Union européenne souscrit pleinement au respect des droits de l'homme. Selon la jurisprudence de la Cour de justice européenne, les principes juridiques généraux qui s'inscrivent dans les systèmes juridiques des États membres doivent être transposés par analogie dans le droit communautaire. Il peut s'agir tant des droits fondamentaux primaires des États membres que des droits résultant de la Convention européenne des droits de l'homme. Grâce à l'insertion de l'article F dans le traité sur l'Union, cette jurisprudence de la CJCE se reflète désormais dans le traité sur l'Union. En ce qui concerne les droits fondamentaux sociaux, une référence spéciale existe déjà à présent à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux de 1989 dans le préambule du protocole social mais celle-ci n'a qu'un caractère déclaratoire. Dans le traité d'Amsterdam la référence aux droits fondamentaux dans le domaine social est complétée par une référence à la Charte sociale dans le préambule.

Le rapporteur entend évoquer ci-dessous les atteintes aux droits de l'homme constatées par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) ainsi que le Comité d'experts du Conseil de l'Europe en ce qui concerne l'application de la Charte sociale européenne. Il convient d'observer à cet égard que les droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme peuvent faire l'objet de recours individuels directs tandis que dans le cadre de la Charte sociale européenne le Comité des ministres du Conseil de l'Europe ne peut émettre que des recommandations sur la base des rapports présentés par les États signataires.

Convention européenne des droits de l'homme

La Convention européenne des droits de l'homme couvre, entre autres, les domaines suivants: interdiction du travail forcé ou obligatoire (article 4), liberté de réunion et liberté d'association (article 11), ainsi que la non discrimination (article 14). Tous les États membres ont adhéré à la Convention des droits de l'homme et sont donc liés par ses dispositions.

Au cours de la période prise en considération, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a constaté une seule atteinte aux droits de l'homme dans le domaine des droits sociaux: dans l'affaire Gaygusuz contre Autriche 20 la Cour a constaté que l'Autriche viole le principe de la non discrimination dans la mesure où dans son ordre juridique l'octroi d'une aide d'urgence à des étrangers est lié à l'exigence de la citoyenneté autrichienne: l'octroi des aides d'urgence aux étrangers suppose, au préalable, selon la législation autrichienne, le versement de cotisations au fonds d'assurance contre le chômage. Étant donné que le plaignant a cotisé à ce fonds pendant la période où il exerçait son activité professionnelle dans les mêmes conditions que les travailleurs autrichiens, la CEDH n'a pas estimé qu'un traitement différent fondé sur la nationalité était objectivement justifié.

L'Autriche a déjà entrepris d'éliminer la discrimination signalée par la Cour européenne des droits de l'homme en modifiant sa loi relative à l'assurance chômage 21 .

Charte sociale européenne

Dans la Charte sociale du Conseil de l'Europe, les catégories des droits de l'homme déjà citées en relation avec la Convention européenne des droits de l'homme sont formulées de manière encore plus précise: l'interdiction du travail forcé (article 1 paragraphe 2), le droit de réunion (article 5) ainsi que les droits syndicaux (article 6). Il convient d'observer néanmoins que, contrairement à la Convention des droits de l'homme, tous les États membres ne sont pas liés par toutes les dispositions de la Charte sociale.

En ce qui concerne l'application de la Charte sociale, le Comité d'experts du Conseil de l'Europe a constaté entre autres la violation des dispositions suivantes 22 :

Liberté de réunion

Il a été constaté que dans certains pays, notamment au Danemark, en France et en Suède, des accords de "closed shop" étaient en vigueur. Il s'agit de pratiques conformément auxquelles les travailleurs sont contraints de facto d'adhérer à un syndicat déterminé afin de pouvoir trouver un emploi dans certains secteurs économiques. L'exercice d'un pouvoir de type monopolistique par un syndicat est contraire aux droits des travailleurs de choisir librement leur représentation ou d'adhérer ou non à un syndicat.

Selon le Comité d'experts, l' Irlande ne respecte pas la liberté syndicale étant donné que dans ce pays les syndicats doivent obtenir une autorisation pour leur permettre de participer aux négociations.

Est particulièrement critiquée la situation au Royaume-Uni et en Irlande du Nord . Le Comité d'experts a constaté que les dispositions législatives en vue de la protection des syndicats sont à plusieurs égards insuffisantes, notamment en ce qui concerne:

- l'interdiction de pratiques des employeurs visant à empêcher les travailleurs d'adhérer aux syndicats;

- le droit à l''auto-organisation des syndicats (y compris le droit d'exclure certains membres);

Droit de grève

Un avis négatif a été formulé à l'encontre de l' Allemagne étant donné que selon le droit allemand les grèves sont uniquement autorisées dans le cadre des négociations collectives et doivent être soit initiées par un syndicat soit endossées par celui-ci. Selon le droit allemand, sont illicites les grèves en dehors des négociations collectives ainsi que les grèves de catégories de travailleurs. Ceci constitue de facto une limitation du droit de grève. En France, les retenues de salaire excessives opérées pour les périodes de grève dans le secteur public ont été déclarées inadmissibles. Le Comité d'experts a constaté qu'aussi bien en Irlande qu'au Royaume-Uni et en Irlande du Nord les travailleurs étaient insuffamment protégés contre le licenciement pour avoir participé à des grèves. En outre, des critiques ont été formulées à l'encontre de la disposition en vigueur au Royaume-Uni et en Irlande du Nord conformément à laquelle des tiers peuvent intenter une action contre les syndicats en vue d'obtenir réparation des préjudices causés pour arrêt du travail. Le risque financier qui en résulte constitue de facto un obstacle à l'exercice du droit de grève. L'interdiction générale du droit de grève pour les fonctionnaires au Danemark a également été déclarée inadmissible. Au Portugal, le Comité d'experts a considéré que le droit de grève était également limité par les dispositions en vigueur concernant l'appartenance à un syndicat de la part des travailleurs en grève.

Interdiction du travail forcé

Selon le Comité d'experts, le Danemark va à l'encontre de l'interdiction du travail forcé étant donné que dans le droit danois l'"inactivité" constitue un délit.

En Belgique, au Danemark, en France, en Grèce, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas ainsi qu'au Royaume-Uni et en Irlande du Nord, les dispositions concernant l'application de mesures disciplinaires dans le secteur de la navigation maritime ont été considérées comme non conformes à la Charte sociale. Il s'agit de dispositions qui prévoient des poursuites pénales pour arrêt du travail d'une manière générale. Cependant, les poursuites pénales ne sont conformes aux dispositions de la Charte sociale que lorsque les grèves comportent un risque pour la sécurité du navire ou pour la vie ou la santé des personnes. Une violation analogue a été constatée en Espagne dans le domaine de la navigation aérienne.

CONCLUSIONS

La commission de l'emploi et des affaires sociales invite par conséquent la commission des libertés publiques et des affaires intérieures, compétente au fond, à insérer dans son rapport les conclusions suivantes:

1. invite les États membres à éviter les violations de la Convention européenne des droits de l'homme y compris dans le domaine social et, lorsque la Cour européenne des droits de l'homme constate des violations, à mettre fin à ces dernières en procédant à l'adaptation des dispositions nationales en vigueur; rappelle la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui reconnaît les droits sociaux et économiques en tant que droits de l'homme fondamentaux;

2. invite les États membres à se conformer sans délai aux recommandations du Comité des ministres du Conseil de l'Europe en ce qui concerne l'interdiction du travail forcé, la liberté de réunion et le droit de grève énoncés dans la Charte sociale européenne.

3. souligne que le traité d'Amsterdam affirme que la Communauté et les États membres doivent agir en ayant à l'esprit les droits sociaux fondamentaux tels qu'ils sont définis dans la Charte sociale européenne de 1961 et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989;

4. invite le Conseil, la Commission et la Cour de justice des Communautés européennes à porter une attention particulière, dans l'élaboration de leurs propres décisions, à la déclaration des droits et libertés fondamentaux adoptée en 1989 par le Parlement européen (JO C 120/51, 16.5.1989), eu égard notamment à la garantie des droits sociaux et économiques en matière de protection des individus, et au caractère juridique des obligations fixées aux États membres relativement aux droits sociaux et économiques, dans le cadre de la législation nationale spécifique, tout en tenant compte des dispositions des accords internationaux sur les droits de l'homme;

5. réitère l'importance des conclusions du Comité des Sages présidé par Maria de Lourdes Pintasilgo, de son analyse approfondie ainsi que de ses propositions concernant la portée des droits fondamentaux;

6. exhorte les États membres à agir résolument afin de garantir l'exercice effectif du droit au travail, du droit à la sécurité sociale, du droit à la protection contre la pauvreté et contre l'exclusion sociale, du droit au logement et d'autres droits sociaux;

7. défend l'élaboration, au niveau communautaire, d'instruments fixant des garanties minimales en matière de revenus, de protection sociale, et de droit à des soins médicaux et au logement en tant que condition préalable majeure en vue d'assurer une qualité de vie compatible avec la dignité humaine;

8. estime que la pauvreté et l'exclusion ne sont pas dignes d'une société démocratique et riche, et juge inacceptable que plus de 52 millions de personnes vivent dans la pauvreté dans l'Union européenne; invite le Conseil, la Commission et les États membres à faire de la lutte contre l'exclusion sociale et contre la pauvreté une priorité politique, et, avec la participation des ONG concernées, à développer des politiques holistiques cohérentes visant à combattre ces phénomènes; invite le Conseil à adopter sans délai le quatrième programme de lutte contre la pauvreté; estime qu'une part plus importante du budget de l'UE devrait être consacrée à la lutte contre l'exclusion sociale ainsi qu'à la promotion de l'insertion, notamment par le soutien de projets pilotes dans le secteur tertiaire;

9. estime que les chômeurs devraient avoir accès à l'éducation et à la formation pour accroître leurs possibilités de s'insérer pleinement dans la société au sens large;

10. demande aux partenaires sociaux de développer des conventions sociales qui permettent aux travailleurs d'avoir le droit d'accéder à la formation pour renforcer la sécurité de l'emploi;

11. invite les États membres à mettre en oeuvre un cadre juridique européen pour garantir l'accès à l'emploi des personnes handicapées.


AVIS

(Article 147 du règlement)

à l'intention de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures

sur les droits de l'homme dans l'Union européenne en 1996 (rapport Pailler)

Commission des droits de la femme

Lettre du président de la commission à Mme Hedy d'Ancona, présidente de la commission des libertés publiques et des affaires intérieures

Bruxelles, le 22 janvier 1998

Madame la Présidente,

Au cours de sa réunion du 22 janvier 1998, la commission des droits de la femme a examiné la situation des droits de l'homme dans l'UE en 1996 et adopté le texte et les conclusions ci-après à l'unanimité 23 :

Les droits de la femme ont été reconnus comme une partie inaliénable, intégrale et indivisible des droits de l'homme universels, lors de la conférence de l'ONU sur les droits de l'homme,qui a eu lieu à Vienne, en 1993.Les droits de la femme ont par conséquent été inclus dans la plate-forme d'action adoptée à Pékin lors de la conférence de l'ONU sur les femmes en 1995 comme l'un de ses douze objectifs et actions stratégiques, et à l'issue de cette conférence, la majorité des ministres qui ont participé au Conseil des affaires sociales pour débattre de la conférence de Pékin en septembre 1995, ont décidé que les droits de l'homme constitueraient l'une des priorités essentielles du suivi de la plate-forme d'action.

Malheureusement, des rapports fournis par les États membres depuis lors montrent que peu d'attention est consacrée au suivi du chapitre des droits de l'homme de la plate-forme de Pékin ou que si les droits de l'homme sont mentionnés, ils le sont en général dans le cadre des relations des États membres avec les pays en voie de développement. Il est néanmoins important de ne pas ignorer le problème des droits de l'homme à l'intérieur des frontières de l'UE et, dans ce cadre, de porter une attention particulière aux violations des droits de l'homme qui sont spécifiques aux femmes.

Le premier rapport annuel de la Commission sur l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans l'UE en 1996 a été critiqué par le Parlement au début de l'année pour avoir ignoré dans une large mesure les problèmes des droits de la femme, en particulier la violence contre les femmes. Pourtant, ce rapport a fait une référence aux droits de l'homme dans l'UE qui démontre pourquoi il importe d'examiner cette question du point de vue du sexe: "les droits de l'homme pour la Communauté s'étendent à la promotion de l'égalité et à la lutte contre la violence et la discrimination basées sur le sexe, et à la lutte contre l'exploitation sexuelle ..." 24 . Le respect des droits de la femme constitue le fondement de l'égalité des chances, surtout dans la mesure où une part importante des violations des droits de la femme reflètent les discriminations rencontrées par les femmes dans la société en général et même constituent un obstacle au progrès visant à remédier à l'inégalité.

Le rapport Eriksson sur une campagne de tolérance zéro à l'égard de la violence contre les femmes a révélé le degré auquel la violence contre les femmes est répandue dans tous les États membres et dans toutes les couches de la société. Ce problème est indiscutablement lié au déséquilibre du pouvoir entre les sexes dans les domaines social, économique et politique. Des statistiques émanant de tous les États membres montrent que la violence à l'égard des femmes est extrêmement répandue et que les coûts pour la société en termes financiers et structurels sont énormes. De nombreux États membres ont reconnu dans leurs rapports sur le suivi de Pékin l'importance qu'il y a à lutter contre la violence à l'égard des femmes, et cela doit comprendre non seulement la prévention, mais également la protection et l'assistance aux femmes qui ont été confrontées à la violence. On pourrait même aller plus loin en qualifiant l'année 1999 d'"Année européenne contre la violence à l'égard des femmes", comme l'a déjà proposé le Parlement dans sa résolution qui a suivi le rapport Eriksson 25 .

On a été de plus en plus conscient en 1996 du nombre croissant de femmes impliquées dans la traite à des fins d'exploitation sexuelle. La conférence organisée par la Commission et par l'Organisation Internationale des Migrations qui a eu lieu à Vienne en 1996 ainsi que deux rapports du Parlement européen 26 ont mis en lumière l'ampleur du problème si bien que l'on reconnaît actuellement qu'il touche tous les États membres et qu'il requiert une coopération internationale tant entre les autorités qu'entre les ONG pour le combattre. Au niveau européen, les programmes STOP 27 et DAPHNE nécessitent un financement adéquat pour pouvoir contribuer favorablement à la lutte contre la traite des femmes, et la commission des droits de la femme regrette que les crédits du programme DAPHNE n'aient pas été augmentés dans le budget 1998.

En ce qui concerne les réfugiés et les demandeurs d'asile, la commission des droits de la femme n'a cessé par le passé d'inviter instamment les États membres à autoriser, conformément aux recommandations du HCR, que la persécution fondée sur le sexe soit intégrée aux critères d'admission des réfugiés dans l'UE. La commission estime en outre que la mutilation sexuelle des femmes constitue une violation inacceptable des droits de la femme et, bien que la législation de certains États membres interdise cette pratique, des rapports émanant de certains États membres indiquent que des réfugiées et des migrantes résidant dans l'UE sont envoyées à l'étranger pour subir cette excision, tandis que des rapports récents montrent que des milliers de femmes sont exposées au risque de mutilations sexuelles pratiquées clandestinement en violation des législations nationales.

La prévention de la violence contre les femmes, de la traite et de la mutilation sexuelle des femmes repose essentiellement sur l'application de la législation existante et sur la répression sévère des contrevenants. En ce qui concerne la stérilisation forcée, c'est la législation elle-même qui autorise dans certains États membres cet abus épouvantable des droits de la femme. Il est intéressant de constater ici que les États membres souhaitaient adopter le règlement concernant les aides aux politiques et programmes démographiques dans les pays en développement 28 , qui cite les politiques de soutien qui contribuent à une meilleure santé génésique des femmes et des jeunes filles et dénonce spécifiquement "toute violation des droits de l'homme sous forme d'avortement obligatoire, de stérilisation forcée ..." (considérant 9); pourtant, au même moment, certains États membres, en ne modifiant pas leur législation sur ce point, portent atteinte à ces mêmes droits de procréation des femmes sur leur propre territoire.

Le chapitre de la plate-forme de Pékin sur les droits de l'homme prévoyait trois lignes d'action: la promotion et la protection des droits de la femme; la garantie de l'égalité et de la non-discrimination dans la législation; l'alphabétisation ou l'éveil de la conscience juridiques. La plate-forme d'action insiste fortement sur la pleine application de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW). Cela est d'autant plus important que la Convention CEDAW, contrairement aux engagements conclus lors des conférences de l'ONU, a force obligatoire entre les États signataires. Depuis la conférence de Pékin, certains États membres ont levé les réserves qu'ils avaient émises sur la Convention CEDAW, mais la commission souhaiterait voir ce processus achevé par la levée de la totalité des réserves qui vont à l'encontre des intentions de la Convention. La commission est également préoccupée par les objections exprimées dans certains États membres sur la proposition d'ajouter un protocole optionnel à la Convention CEDAW qui instaurerait une procédure de plainte à laquelle les individus estimant avoir fait l'objet d'une discrimination pourraient recourir.

Au plan juridique, le nouvel article 6a du projet de traité d'Amsterdam portant sur la nondiscrimination peut contribuer à éliminer les violations des droits de la femme fondées sur la discrimination sexuelle. Au plan pratique, davantage d'attention doit être consacrée maintenant à l'éveil, tant auprès des autorités que des services publics qui s'occupent des femmes concernées, de la conscience des besoins spécifiques des femmes, et à l'amélioration de la formation dans le domaine des violations des droits spécifiques de la femme.

La commission des droits de la femme demande par conséquent à la commission des libertés publiques et des affaires intérieures, compétente au fond, d'inclure les paragraphes suivants dans sa résolution:

La commission des droits de la femme:

1. rappelle que la conférence de l'ONU sur les droits de l'homme, de Vienne en 1993, a établi que les droits de la femme constituent une partie inaliénable, intégrale et indivisible des droits de l'homme universels;

2. invite les États membres à s'acquitter pleinement des obligations qui sont les leurs aux termes de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et à lever toutes les réserves subsistantes incompatibles avec l'objet de la Convention; demande aux États membres d'adopter et de ratifier le protocole optionnel proposé à la Convention CEDAW, qui donnerait aux individus et aux groupes le droit d'engager des poursuites conformément à la Convention;

3. invite l'UE à adhérer à la CEDH et à soutenir la résolution de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe pour l'adoption d'un protocole additionnel à la CEDH sur les droits des femmes;

4. regrette que, dans leurs rapports sur la mise en oeuvre de la plate-forme d'action de Pékin et dans leurs rapports périodiques à la commission CEDAW, les États membres considèrent essentiellement les droits de l'homme comme un problème relevant de la politique de coopération au développement, accordant ainsi une faible priorité aux violations des droits de la femme à l'intérieur de l'UE;

5. invite les États membres à promouvoir le principe de démocratie paritaire en considérant que les droits de la personne humaine seront mieux garantis avec une égale participation des femmes et des hommes au pouvoir de décision;

6. rappelle sa conviction que des actions positives sont essentielles pour mettre fin aux discriminations et permettront aux femmes d'accéder au plein exercice de leurs droits économiques et sociaux;

7. demande à la Commission et aux États membres de soutenir la proposition de désigner l'année 1999 comme "Année européenne contre la violence à l'égard des femmes", afin de mettre en lumière la prédominance de cette violation la plus fondamentale des droits de la femme à travers toutes les couches de la société et qui représente des coûts immensurables, non seulement pour les victimes, mais également pour la société dans son ensemble;

8. prie instamment les États membres d'inclure la persécution fondée sur le sexe dans les critères d'admission des demandeurs d'asile originaires de certains pays dans l'UE; demande en outre instamment aux États membres d'accorder un permis de séjour temporaire aux femmes qui ont été victimes de la traite dans un pays tiers, avant de décider en dernier ressort si elles sont autorisées à séjourner dans l'État membre concerné;

9. condamne catégoriquement la pratique de la mutilation sexuelle des femmes et invite les États membres à soutenir, si possible en collaboration avec les pays concernés, des campagnes d'information ad hoc, à mieux propager l'éducation en la matière auprès des membres de ces groupes de population afin de démanteler les traditions existantes et à prendre toutes les mesures nécessaires à la fois pour châtier et poursuivre les responsables et pour protéger les jeunes filles et les femmes concernées, qu'elles soient forcées à subir l'opération dans un État membre ou dans un pays tiers;

10. invite instamment les États membres à réviser toute réglementation existante autorisant la stérilisation forcée, sauf pour des raisons purement médicales, et demande l'adoption 'un moratoire sur la stérilisation forcée en attendant que cette révision soit achevée.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l'expression de mes sentiments distingués.

(s.) Nel van DIJKINTS



PV de la séance du 16.9.1997.
PV de la séance du 6.11.1997.
() JO C 120 du 16.5.1989, p. 32.
Arrêt du 16 septembre 1996.
ANAFE: Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, rapport 1996-1997.
() JO C 240 du 16.9.1991, p. 45.
Modification de la "Arbeitslosenversicherungsgesetz 1977", BGBl.I nº 78 du 14.7.1997.
() JO C 94 du 13.4.1992, p. 277.
Étant donné que les États parties ne présentent pas un rapport annuel et que le Comité d'experts ne se prononce pas non plus chaque année sur toutes les dispositions du traité, il existe une certaine confusion en ce qui concerne la période considérée; toutes les données citées ici se réfèrent aux rapports du Comité d'experts du Conseil de l'Europe sur la Charte sociale XIII-3, 4 et 5 des années 1996 et 1997. C'est pourquoi il est possible que certaines des violations constatées soient déjà à ce jour dépassées.
() JO C 241 du 21.9.1992, p. 67.
Étaient présents au moment du vote les députés Bennasar Tous, deuxième vice-président; d'Ancona (suppléant Mme Ahlqvist), Breyer (suppléant Mme Hautala), Daskalaki, Eriksson, Gröner, Hawlicek, Kerr (suppléant Mme van Dijk, conformément à l'article 138, paragraphe 2 du règlement), Kokkola, Lulling, Maij-Weggen, Mohamed Ali (suppléant M. Ribeiro), Nordmann (suppléant Mme Kestelijn-Sierens) et Sornosa Martínez.
() JO C 115 du 26.4.1993, p. 178.
COM(96)0050.
() JO C 44 du 14.2.1994, p. 103.
COM(97)0650.
() JO C 61 du 28.2.1994, p 40.
A4-0250/97, PV 16.9.1997, pp. 35-40.
() JO C 126 du 22.5.1995, p. 75.
JO L 322, 12.12.1996, pp. 7-10.
() JO C 32 du 5.2.1996, p. 88.
() JO C 32 du 5.2.1996, p. 102.
JO L 202, 30.7.1997, pp. 1-5.
JO C 152 du 27.5.1996, p. 57.
JO C 152 du 27.5.1996, p. 62.
JO C 320 du 28.10.1996, p. 36.
JO C 20 du 20.1.1997, p. 170.
JO C 78 du 18.3.1996, p. 31.
JO C 132 du 28.4.1997, p. 31.

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