EVENEMENTS

Inscrire le Gage dans la vie des étudiants

Un débat à la Sorbonne pour la Lesbian & Gay Pride 1996.

Cette année l'événement Gay Pride du Gage s'est déroulé dans les murs de la Sorbonne. Le débat officiel organisé par notre association dans le cadre de la semaine de la Lesbian & Gay Pride s'intitulait : Les acteurs officiels de la vie étudiante et la «visibilité homosexuelle». Occasion de rappeler la vocation du Gage de se préoccuper de la vie des étudiants, y compris celle de tous les jours, dans toutes les facs.
Nous avions invité les principaux acteurs de la vie étudiante, rectorat, éducation nationale, syndicats et autres élus étudiants, presse étudiante... à discuter de l'opportunité de leur contribution à une démarche de «visibilité homosexuelle». Etaient finalement présents les représentants des principaux syndicats étudiants (avec une forte coloration de gauche, il faut bien le dire). Les lycéens étaient aussi représentés, grâce à la FIDL. L'assistance a su résister aux tentations d'une semaine au programme bien chargé, et a participé avec attention et sérieux aux débats très concrets : comment rendre possible des démarches de visibilité dans nos facs et pourquoi... Des aînés nous ont fait l'honneur de leur présence, signalant l'intérêt que la Lesbian & Gay Pride, Homosexualité et Socialisme, le Collectif pour le CUS, prenaient à nos débats.

Mais comme toute l'équipe rédactionnelle de Gageure est parti aussitôt après le débat pour préparer son maquillage de manif, faute de reportage, voici un écho des réflexions qui ont été proposées aux participants du débat.

Opinion
Par Philippe Broucque*

La position qui détermine mes engagements est la suivante.

En dehors de la reconnaissance légale du couple homosexuel, il n'existe plus de discrimination de droit fondée sur le sexe des individus.
Le principal rouage de la norme ici considérée appartient au quotidien et prend la forme du cercle vicieux suivant :
les évocations de l'homosexualité sur la scène sociale se réduisent essentiellement à une parole sur l'homosexualité, "parole hétérosexuelle" résidant dans la vie de tous les jours surtout dans des blagues et des injures. En parallèle, la sexualité hétérosexuelle déborde de la sphère privée comme le lait d'une casserole. Dans un tel contexte, faire référence à son propre désir homosexuel revient à signifier une différence désignée comme honteuse ; il existe par conséquent une assignation à discrétion qui a pour résultat de maintenir l'invisibilité du vécu homosexuel.

La démarche dite "de visibilité homosexuelle" a parfois des effets qui peuvent nous y faire renoncer. Cependant, on ne peut prendre position sur l'opportunité d'une action visant à casser ce cercle vicieux, sans mener d'emblée une réflexion concrète sur les formes qu'une telle action peut revêtir et ce qu'elles impliquent.

Quant au rôle des acteurs officiels de la vie étudiante, il me semble indispensable. Aujourd'hui, pour disposer d'une tribune dans l'univers étudiant, il faut apartenir à l'institution ou être un représentant élu. Si l'on soutenait que la question homosexuelle était du seul ressort des "homosexuels", cela signifierait qu'une action concernant l'homosexualité passe nécessairement par la constitution de liste étudiantes homosexuelles. Or, un tel regroupement identitaire va à l'encontre des buts que je me fixe. Je veux combattre une source de mal-être identifiée à la perception de l'homosexualité, en ce qu'elle concerne des individus ; je trouverai regrettable de constituer ceux-ci en catégorie à part. Mon idéal : l'établissement d'une égalité de tous les citoyens quant aux chances de s'épanouir dans leur vie sexuelle et sentimentale. Cet objectif, me semble-t-il, peut-être partagé par tous et j'aimerai qu'une discussion ait lieu sur les moyens de l'atteindre ensemble.

*président du Gage

Gageure n°65 - mai/septembre 96