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Cercle Vicieux
Hier soir, j'ai regardé la télévision. Bien mal m'en a pris ! L'émission de Laure Adler sur le thème de l'homosexualité était un fiasco. Un militant d'Act Up imaginait d'une façon très émouvante le jeune adolescent de 15 ans qui attendait que ses parents se couchent pour regarder en cachette cette émission, comme lui il y a quelques années, qui traquait les quelques informations qui pouvaient traiter de l'homosexualité, et qu'il regardait à l'abri des regards de son entourage.
J'espère que cet adolescent imaginaire est resté couché et qu'il s'est fait une bonne branlette. Sinon, quelle image de l'homosexualité a-t-il eu ce soir-là ! Quelques intellectuels branchés - toujours les mêmes - qui prétendent parler de ce monde homosexuel brimé, et qu'eux, enfin libérés du goulag hétérosexuel qu'est notre infâme société, défendent corps et âmes. Quelle défense ! Je préfère me défendre tout seul plutôt que supporter ces avocats de pacotille
Cette vieille garde a la prétention de parler au nom des homosexuels. De tous les homosexuels ! Et eux seuls ont le droit de parler au nom de tous. Je voudrais dire à M. Eribon qu'il n'a pas de monopoles.
Il n'a pas le monopole des homosexuels. Ce "nous" qu'il utilise constamment pour s'exprimer est insupportable. Qu'il emploie donc la première personne du singulier, et son discours sera aussitôt teinté d'un militantisme déplacé qu'il n'osera plus tenir. Il me semble que je ne suis pas spécialement une honteuse, mais je ne me reconnais pas dans ses propos et ne tiens pas du tout à être intégré à ce "nous". Je ne supporte pas cette espèce "d'internationale" homosexuelle.
De plus je ne vois pas le rapport entre ma vie et les Juifs déportés pendant la guerre. La métaphore est une figure de style qu'il faut employer avec précaution ou l'on arrive à des aberrations. (Encore que : un certain Olivier n'a pas voulu enter au Duplex qui fait trop "camp de concentration" ! )
M. Eribon n'a pas le monopole de Foucault. Ce n'est pas parce qu'il est l'auteur d'une de ses biographies que lui seul sait ce que Foucault a dit ou n'a pas dit, ou pire, ce qu'il aurait voulu dire. Encore une fois, si M. Eribon a quelque chose à dire, qu'il emploie la première personne du singulier. Je sais lire, merci. Et Alain Finkielkraut aussi.
M. Eribon n'a pas le monopole de la parole. Lorsqu'on est invité à un débat, c'est pour débattre, y compris avec les hétérosexuels! Je ne vois pas pourquoi il faudrait porter le triangle rose pour avoir le droit de parler de l'homosexualité. Je ne vois pas pourquoi A. Finkielkraut n'aurait pas le droit d'émettre son opinion sur ce débat. Il est là, le véritable ghetto : lorsqu'on n'autorise que les homosexuels affranchis à parler d'homosexualité. Les autres, non, vous n'avez pas le droit, il faut la carte du parti.
Benoît Godefroid
Le Cercle de Minuit, du 6 mai 1996 - France 2
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