SCENE DE MENAGE


Il n'est pas honnête de prétendre qu'élever un enfant dans une famille monoparentale ne pose pas de problème particulier. Pour preuve les taux nettement supérieurs d'échecs scolaires et de délinquance chez ces enfants. Le conservatisme consiste à utiliser ces éléments d'information pour promouvoir le mariage. Plus que de réaction dans cette attitude, c'est d'illusion qu'il nous faut parler en la matière. Ce comportement fait penser à la mère qui «informe» son fils que celle dont il est éperdument amoureux est une catin. Quelle perte de temps ! En revanche, il est indispensable d'observer cette évolution des modes de vie pour faire front à ces nouvelles difficultés (salaire parental, augmentation du nombre de crèches mais aussi réflexion sur le tutorat - L'Eglise n'a-t-elle pas institué le parrainage ?).
En «reconnaissant» le couple homosexuel, il y a beaucoup à craindre qu'on rejette l'homosexuel célibataire; que celui-ci soit rapidement considéré «anormal», y compris par les homosexuel/les eux-mêmes. Créer «l'homosexuellement correct», c'est prendre le risque de reproduire la notion de «mal baisé(e)». Pour celles et ceux qui cherchent l'«âme soeur», c'est renforcer leur solitude, pour les autres, c'est les condamner à la réprobation.

«Reconnaître le couple homosexuel», c'est aussi affirmer un droit à la différence puisque c'est dire qu'il n'y a pas une sorte de couple, mais deux. Ainsi perdurera à l'infini la question de savoir s'il faut ou non les mêmes droits pour le couple homosexuel que pour le couple hétérosexuel.

Du choix de l'universalisme

C'est aussi exclure du champ des multiples solidarités les frères et soeurs ou les personnes âgées qui cohabitent. C'est refuser de croire que des liens peuvent exister entre des hébergeants et des hébergés. C'est aussi prétendre qu'aucun projet commun ne vaut en dehors d'une relation sexuelle. Cela frise l'indécence. Pourtant de merveilleuse amitiés ne valent-elles pas parfois de tristes amours ?

N'arrive-t-il donc jamais que la relation d'un petit-fils et de sa grand-mère ne soit pas plus épanouissante pour l'un comme pour l'autre que celle d'un père alcoolique avec son fils battu par sa mère ? N'est-il pas plus humain que deux veuves cohabitent dans le Paris qu'elles n'ont jamais quitté que seules au milieu de centaines d'autres seules, à cent kilomètres de la Capitale, dans ce qu'il y a lieu d'appeler mouroir ?

Des limites à l'égalité

Certains, assez peu nombreux, souhaiteraient, au nom de l'égalité, que le mariage soit autorisé aux personnes de même sexe. Etonnante revendication que celle-ci, au moment où les hétérosexuels se marient de moins en moins et divorcent de plus en plus. Cependant, on pourrait accepter la demande car, après tout, nul n'est obligé de se marier. Mais, une fois encore, celles et ceux qui ne le souhaitent pas n'aurait pas le choix. Ce serait le mariage ou rien. Par ailleurs, on ne peut pas parler d'égalité car, nous l'avons vu plus haut, le mariage est conçu, globalement, pour créer une famille et donc avoir des enfants. Or, jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas simple pour deux personnes de même sexe.

Des certificats de vie commune

Le collectif pour le contrat d'union civile a oeuvré en faveur de la délivrance de «certificats de vie commune». Cette demande concerne les cohabitant/es et se situe donc dans la perspective de l'adoption d'un contrat d'union civile par le Parlement. La Fédération Aides, quant à elle, réclame des «certificats de concubinage pour les homosexuels». Outre que cette demande est irréaliste car un élu ne peut guère s'assurer de l'homosexualité des requérants, elle est actuellement de fait dans une impasse.

Il faut aller plus loin que de se contenter de donner une valeur juridique au concubinage ou vouloir étendre le champ d'application du mariage. Il est nécessaire de faire preuve d'imagination, d'observer attentivement l'évolution des modes de vie et d'instituer un cadre juridique nouveau qui englobe la diversité de ces modes de vie.
D'autre part, c'est nier l'homophobie comme l'auto-homophobie que de penser que dans un petit village deux homosexuels ou deux lesbiennes iront à la mairie pour qu'on leur délivre un tel document. Présenter une telle demande, c'est aussi donner prise à ceux qui, comme Act-Up Paris, condamnent les hétérosexuels qui «ne font rien». En effet, lorsqu'un individu lit le titre d'un article comme «concubins homos : 243 maires certifient», il a, de toute évidence, de bonnes raisons de ne pas se sentir très concerné. Lorsqu'un homosexuel lit un autre titre indiquant «cancer du sein, encore trop de décès», il ne s'attarde généralement pas... Malheureusement, certes, mais c'est ainsi.

Du contrat d'union civile, du contrat d'union sociale et du but recherché.

L'une des grandes différences entre le C.U.C. et le C.U.S., réside en ce que le second projet qui n'a pas été déposé au Parlement, à la différence du premier, exclue les frères et soeurs. En réalité, il semble de plus en plus clair que la référence sexuelle n'a pas disparu des têtes de ceux qui veulent l'établissement d'un nouveau type de contrat. Cette peur est donc confortée par la demande de Aides en ce qui concerne les certificats de concubinage. On peut alors légitimement se demander si certains, parmi ceux qui soutiennent le C.U.S. n'ont pas choisi la stratégie de l'hypocrisie pour faire adopter une loi qui ne vise, en réalité, que les homosexuels. Les hétérosexuels seraient simplement utilisés. Les initiateurs de la proposition de loi sur le contrat d'union civile n'ont pas la même vision : ils désirent sincèrement que l'on cesse de vouloir valider juridiquement des choix sexuels.

J-P. P.

Gageure n°65 - mai/septembre 96