LE COURRIER DU GAGE


 

La télématique est une chose merveilleuse. Grâce au courrier électronique, et au serveur minitel du Gage, nous participons à la merveilleuse aventure des grandes métropoles. L'adresse pour vos courriers : jbbouin@imaginet.fr ; Yves.Roussel@utopia.fnet.fr et bien sûr les pages publiques du 3614 NGS*GAGE

De notre correspondant à New York
From Santiago Echeverry
Date: Mon, 18 Mar 1996 14:48:54 -0500 (EST)
Subject: Printemps...

Mis queridos, je suis dans une phase très étrange... J'ai mon mec à Medellin, Jairo, je suis super amoureux de lui... Mais je ne sais pas comment ma vie va tourner. J'ai très envie de rester ici (à New York) le plus longtemps possible.

Et comme ma vie sexuelle s'est quasiment tarie... Je suis devenu un moine, pardon, une nonne, dévote devant ses ordinateurs. Je travaille comme une conne. Je reste presque tous les jours jusqu'à deux ou trois heures du matin à l'université. Ca ne m'intéresse plus de me lever des mecs : la seule chose qu'ils ont dans le ciboulot c'est un muscle, comme dans le reste de leur corps si esthétique. Les seuls types intéressants que j'ai rencontré sont HETEROS.
Au point que je les appelle My Straight Boyfriends !!!! Et ça leur fait plaisir. C'est ici que j'ai vraiment compris ce dont on débattait l'année dernière avec Yves à Bogotà.... L'idée de COMMUNAUTE Gay est super dangereuse, et présente plus d'implications commerciales - un marché de folles prêtes à acheter n'importe quoi pour se faire plus belles, minces, bronzées et séduisantes - que d'implications sociales - un point de vue critique sur la société. Ici, aux Etats-Unis l'activisme a disparu. On n'entend pratiquement plus parler d'Act Up. On rencontre seulement des braves filles qui passent trois heures au gymnase, une heure sous les U.V., qui vont dans un bar pour se trouver une verge, et qui a 35 ans se cherchent un mari aux réunions des Alcooliques Anonymes
Faut quand même dire que j'ai pu visiter des lieux super exotiques... Il y a deux semaines je suis allé dans un club sadomaso. Un endroit privé. Plutôt hard.
Des hommes superbes, des corps magnifiques, pratiquant une sexualité sans mesures et sans aucune protection... Des gens qui savent sûrement ce que c'est que le VIH et que plus rien n'intéresse vraiment dans la vie. Je me suis trouvé là, comme témoin... Jusqu'au moment où ils ont couché l'un des personnages sur un harnais de cuir suspendu, et qu'un type a commencé à le pénétrer avec le poing.
Alors j'ai cessé d'être un témoin et j'ai commencé à participer. Ils lui faisaient du mal, il souffrait, alors j'ai commencé à le caresser, à le dorloter, pendant que l'autre le baisait - évidemment sans préservatif...- Quand l'autre a fini, celui-là a voulu que je le pénètre... Mais non, j'ai enfilé un gant de latex et je l'ai penétré avec toute la main... J'AI ADORE ! Je l'ai fait avec beaucoup de douceur, en le respectant, il a eu un orgasme impressionnant. Je suis sorti de là, et il faisait déjà jour, vers 6h30. J'ai marché jusqu'à chez moi.. Ca a été comme un trip d'acide.
Cette ville n'est vraiment pas comme les autres. Elle est porteuse d'une énergie que je n'avais jamais senti ailleurs.
Bon, j'espère que la prochaine fois j'aurai quelque chose de nouveau à vous raconter... Pas la même routine.
Bises, et à la prochaine
Sister Lupus Gay.
Soeurs de la perpétuelle indulgence, Couvent de Bogotà.
https://www.itp.
tsoa.nyu.edu/~student/santiago/

De notre correspondant à Grenoble

Je voulais donc souhaiter une bonne année à votre association et vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi. Je vous avais contacté en Juillet dernier car j'étais un petit provincial débarquant de Grenoble qui ne connaissait rien dans Paris. Très gentiment, Jean-Baptiste m'a donné l'adresse du Duplex et m'a abonné à l'essai à titre gratuit à Gageure.
Peu satisfait de ce que j'avais vu de l'ambiance du Quetzal, premier bar où je suis allé, n'en connaissant aucun particulièrement,
j'ai rencontré au Duplex des gens très intéressants, m'y suis fait des amis et ai passé des moments très agréables.
Je voulais donc vous féliciter pour tout ce que faisait votre association et encourager vos actions qui tendent vers une certaine visibilité, une meilleure acceptation des autres, une confrontation de toutes les tendances d'une communauté hétéro-clite.Votre association bouge et c'est bien.
Moi, je suis maintenant revenu sur Grenoble. C'est très différent de Paris mais Grenoble bouge pas mal quand même. J'y ai de nombreux amis homos et hétéros.
Il y a même une association dont les buts sont similaires à ceux du Gage : l'association Youngay. Une partie de mes amis participent parfois à des réunions de l'assos. C'est pas mal qu'il y ait une asso sur Grenoble, mais c'est moins facile qu'à Paris.
D'une part, Grenoble est quand même une petite ville et tout le monde se connaît. Il y a des groupes de copains, plus ou moins fermés. A Grenoble, Youngay, on sait qui c'est. Le Gage au contraire du fait de son âge et du nombre d'adhérents m'a semblé plus impersonnel, comme doit être une association. Cela tient au fait qu'à Paris on se noit facilement dans la foule et pas à Grenoble. Ca oblige de mieux s'assumer vu qu'on est connu. A titre personnel c'est pas mal mais ça rend les choses plus difficiles pour une asso.
D'autre part, à Grenoble, la plupart des étudiants ne font que passer pour un an, deux, voire trois. Le temps qu'ils apprennent l'existence de l'association, qu'ils fassent la démarche de la contacter, il ne leur reste que peu de temps pour s'investir. C'est dommage mais c'est comme ça.
Bon. Enfin ce n'était pas le propos de mon message. Je voulais juste vous remercier pour la réponse que vous avez apporté à ma demande et vous encourager pour tout ce que vous faisiez. Grosses bises.
Bruno Letourneur

Gageure n°65 - mai/septembre 96