Nous nous souvenons de l'entretien que nous avait accordé Hervé Koenig lors de l'Eurosalon,
président de l'association Egales à Strasbourg, concernant
son différent avec Monseigneur Elchinger.
Le 10 décembre 1997, il fondait de grands espoirs sur le délibéré
de son pourvoi en appel. Celui-ci est tombé le 28 janvier 1998,
et hélas a confirmé la thèse qui fait loi en Alsace
: "les homosexuels n'ont pas le rang de personnes humaines".
Aujourd'hui, les amendes pleuvent, les jours de prison étendent
leurs spectres, et pour plagier une célèbre émission
de France Inter : "C'est en Alsace, c'est en France, c'est en Europe
!"
Mais
avant toute chose, le rappel des faits :
Le 20 Octobre 1996, Monseigneur Elchinger, coutumier du fait, associe
homosexualité et animalité dans une tribune libre des Dernières
Nouvelles d'Alsace. Hervé Koenig, Président de l'association
strasbourgeoise Egales, demande à avoir un entretien avec le Prélat,
mais celui-ci refuse, prétextant qu'il représente la déstructuration
des esprits et des consciences.
Egales, Act-Up Alsace, Aide-Alsace, et Ras le Front
se voient aussi refuser un droit de réponse dans le même journal,
Les Dernières Nouvelles d'Alsace.
C'est ainsi, que retranchés dans une situation non désirée,
d'exclus de l'humanité, la nécessité d'une réaction
forte, vitale, est apparue. Le dimanche 27 octobre 1996, avant le début
de la messe de 11 heures, un groupe de militants proteste contre ces propos
homophobes.
Quelques
mois plus tard, sur la base de l'article 167 du code pénal allemand,
rédigé en gothique, Hervé Koenig, le président
d'Act-Up Alsace et trois autres personnes sont poursuivies en justice pour
trouble d'un lieu de culte. L'Alsace-Moselle fait partie de ces régions
françaises ou le particularisme, l'exception culturelle, s'inscrit
jusque dans la loi pour faire de certains de ses habitants des non citoyens
français, européens.
Lors du procès le 29 janvier 1997, le juge, madame Aimée
Roehrig, n'avait pas eu de mots assez durs, blessants, pour remettre en
cause la dignité humaine d'Hervé Koenig, de ses amis et des
personnes homosexuelles en général. Citons entre autre "Lorsqu'un
homme couche avec un homme ou une femme avec une femme, c'est une abomination.
L'église a le droit et le devoir de condamner l'homosexualité".
Madame le juge du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg appelait ainsi
à la condamnation d'Hervé Koenig et déclarait que
cette manifestation était assimilable a une profanation
de cimetière. La sanction est tombée un mois plus tard :
40 jours amende de 100 Fr ou, à défaut, 20 jours de prison
ferme.
Mais
pour son appel, le 10 décembre 1997, Hervé Koenig a bénéficié
d'un nouveau Procureur, plus mitigé pour reprendre les propres termes
de l'appelant. Un Procureur qui a fait appel à l'apaisement des
consciences : "personne n'a le droit d'enlever le statut d'être
humain à une minorité qu'elle soit étrangère,
juive ou homosexuelle".
Malgré cela, le délibéré du 28 janvier 1998
a confirmé le premier jugement : 40 jours amende de 100 Fr, 10.000
Fr de frais d'actes judiciaires, et 38.000 Fr de dépends, représentant
les frais de défense de l'évêché.
Aujourd'hui, les gais et le lesbiennes on perdu leur statuts d'êtres
humains en Alsace-Moselle.
La cassation
étant une remise en cause de la forme du procès, par exemple
la recherche d'une erreur de procédure, Hervé Koenig va plaider
que des citoyens français ont été condamnés
sur la base d'un texte en langue étrangère, dont la calligraphie
n'est plus usitée. Ce texte en allemand gothique n'est pas accessible
au justiciable et contredit ainsi l'égalité de l'accès
à la Justice sur le territoire français.
Bien
peu d'espoirs sont fondés sur cette cassation, car elle remettrait
en cause l'union de l'Eglise et de l'Etat en Alsace-Moselle.
Mais l'épuisement des recours, une fois atteint en France, Hervé
Koenig pourra alors faire appel à la cour européenne des
droits de l'homme.
Il leur reste désormais une semaine pour s'acquitter des 20.000
Fr de jours amende, un mois pour les dépends et réparation
à l'évêché soit 38.000 Fr, puis viendront les
10.000 Fr de frais d'acte.
Un
appel à don a été lancé. Au 24 février
1998, 8.000 Fr ont été rassemblés. Cela signifie,
qu'à moins d'un miracle, Hervé Koenig et ses amis iront mis
en prison. L'amertume est grande de constater qu'il est plus facile de
mobiliser dans le cadre d'un "mini Stonewall" (TETU n°18
- octobre 1997- page 38) pour la réouverture de cinq établissements
gais, que d'empêcher cinq personnes d'aller en prison parce qu'elles
proclament leur dignité humaine.
Dans
un deuxième temps, c'est une partie du mouvement associatif, Egales,
Act-Up Alsace qui risque de disparaître.
Il
se pourrait que le séjour en prison de Hervé Koenig soit
le ressort d'un mouvement de prise de conscience sur la vraie place des
homosexuels dans la République et sur l'égalité de
traitement du citoyen par sa Justice. Arrivée trop tard pour cette
condamnation, elle pourrait permettre de porter leurs efforts de dignité
à la cour Européenne des droits de l'homme.
Des
voix s'élèvent contre les erreurs commises au début
de l'affaire. Mais d'après Hervé Koenig c'était un
devoir de citoyen que de prendre la parole contre les mots déshonorants,
trop souvent répétés, de Monseigneur Elchinger.