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Resumé des resultats preliminaires
L'Enquête presse
gay 2000 a connu un franc succès en termes de questionnaires collectés.
- En effet, 4753 homo- et bisexuels masculins ont répondu à
un questionnaire d'une centaine de questions (sexualité, mode
de vie, prévention, santé) diffusé dans 20 revues
gays et sur 4 sites Internet.
- Leurs réponses ont été comparées à
celles des 3311 répondants de la précédente enquête
qui datait de 1997.
Par rapport à
celle menée en 1997, l'Enquête presse gay 2000 met en évidence
un net relâchement de la prévention parmi les gays (que
ce soit dans certains couples ou avec les partenaires occasionnels)
et une recrudescence des MST.
Dans les couples, notamment
sérodifférents, l'utilisation du préservatif se fait
moins fréquente
Entre 1997 et 2000, on observe une légère
diminution du taux de répondants en couple sérodifférent
ne déclarant aucun risque (de 77% à 74,5%) et de ceux qui
ont eu de " un à onze " rapports anaux non
protégés dans l'année (de 15% à 13%) mais
le phénomène notable tient à l'augmentation (de 8%
à 13%) de la part des répondants ayant eu des rapports non
protégés soit " une fois par mois ",
soit " une fois par semaine ou plus ".
La dégradation de la situation
préventive est cependant la plus nette avec les partenaires occasionnels.
- Parmi les répondants ayant eu des partenaires occasionnels,
la proportion de ceux qui ont déclaré " au moins
une pénétration non protégée dans l'année "
avec eux est passé de 17% à 23% entre 1997 et 2000.
Bien que visible sur
l'ensemble du territoire et dans de nombreux sous-groupes, l'augmentation,
entre 1997 et 2000, des prises de risque vis-à-vis du VIH avec
les partenaires occasionnels est particulièrement nette en Ile-de-France,
chez les jeunes gays, les multi-partenaires, les séropositifs.
- Entre 1997 et 2000, le taux de répondants ayant eu des partenaires
occasionnels qui déclarent des pénétrations non
protégées avec eux dans l'année est passé
de 17% à 25% en Ile-de-France et de 16% à 21% pour l'ensemble
des autres zones.
- Parmi les Franciliens, ce taux est passé en trois ans de 18%
à 31% chez les moins de 25 ans, de 15% à 25% chez les
30-34 ans et de 16 à 27% chez les 35-44 ans.
- Enfin, parmi l'ensemble des répondants ayant eu des partenaires
occasionnels dans l'année, la proportion de ceux qui ont eu " au
moins une pénétration anale non protégée"
avec eux est passée entre 1997 et 2000 de 17% à
19% pour les hommes non testés, de 15,5% à 21% pour les
hommes qui étaient séronégatifs lors de leur dernier
test et de 26% à 38% parmi les hommes séropositifs.
Des évolutions sont également intervenues
dans la nature des prises de risques : parallèlement aux
expositions accidentelles, il existe désormais des formes de
prises de risques plus régulières dont la part a considérablement
augmentée entre 1997 et 2000.
- Parmi les hommes ayant eu des partenaires occasionnels, la part des
prises de risque accidentelles ("une ou deux" pénétrations
à risque par an) a peu augmenté entre 1997 et 2000 comparée
à la hausse des prises de risque répétées
voire régulières. En trois ans, ces prises de risque répétées
ou régulières sont passées de 5% à 9% chez
les gays séronégatifs et de 15% à 25% chez les
gays séropositifs.
Le questionnaire ne comportait
pas de question directe sur la recherche intentionnée de prise
de risque ou sur "bareback" (en l'occurrence le fait d'avoir des rapports
non protégés avec un partenaire de statut sérologique
différent). Les données de l'enquête 2000 suggèrent
cependant que le nombre de gays qui auraient eu des rapports non protégés
avec des partenaires occasionnels en sachant que ceux-ci étaient
d'un statut sérologique différent du leur est assez réduit.
- Parmi les gays séronégatifs qui ont pris des risques
avec des partenaires occasionnels, 5% ne se sont pas protégés
alors qu'ils savaient que leur partenaire était séropositif.
- Parmi les gays séropositifs qui ont pris des risques avec des
partenaires occasionnels, 11% ne se sont pas protégés
alors qu'ils savaient que leur partenaire était séronégatif.
L'Enquête atteste
également d'une recrudescence des MST parmi les gays.
- Entre 1997 et 2000, le taux de répondants ayant déclaré
avoir contracté une MST dans l'année est passé
de 13% à 15,8%.
- En 2000, le taux de répondants ayant contracté une MST
dans l'année est plus important à Paris qu'en province
(respectivement 21% et 14%). Il croît régulièrement
avec le nombre de partenaires sexuels dans l'année (de 9%
chez les hommes qui n'ont eu qu'un partenaire à 31% chez ceux
qui ont eu plus de 50 partenaires) et varie selon le statut sérologique
(6% chez les hommes non testés, 15% chez les testés séronégatifs
et 30% chez les gays séropositifs).
L'enquête montre
que l'optimisme face à ces traitements existe et peut apporter
sa contribution à la prise de risque. La plupart des répondants
restent cependant prudents face aux possibilités offertes par les
nouveaux traitements anti-rétroviraux en termes de réduction
du risque de transmission du VIH.
- La plupart des répondants (92%) s'accordent pour dire que
"tant que l'on ne peut pas guérir complètement du sida,
le safer sex reste la meilleure pratique". Les répondants
qui pensent qu'"avec les nouveaux traitements, on va pouvoir avoir
des rapports sexuels sans crainte", sont quasi inexistants (<2%).
Pour autant, près d'un homme sur dix (11%) n'est pas d'accord
avec l'idée selon laquelle "quelle que soit la charge virale,
il est toujours risqué de pratiquer la pénétration
anale sans préservatif" et 7% des répondants pensent
que la possibilité de recevoir un traitement d'urgence après
une prise de risque rend le " safer sex " moins
important.
- La proportion des répondants " tout à fait
d'accord " ou " plutôt d'accord "
pour dire " qu'en raison de l'existence des nouveaux traitements,
les homosexuels, se protègent moins qu'avant " est
passée de 45% en 1997 à 70% en 2000. La proportion des
répondants " tout à fait d'accord "
ou " plutôt d'accord " pour dire " qu'en
raison de l'existence des nouveaux traitements, ils se protègent
moins qu'avant " a progressé plus modérément
de 8% en 1997 à 12% en 2000. Chez les séropositifs, l'évolution
est cependant beaucoup plus importante puisque ce taux est passé
de 17% à 25% entre les deux dates.
Une pluralité de facteurs ou de situations
semblent expliquer ces diverses formes d'exposition au risque (accidentelles
ou régulières) et contribuer au relâchement de la
prévention.
Pour certains multi-partenaires, l'efficacité
à 100% du préservatif s'avère une notion toute
théorique si bien que des incidents de prévention surviennent.
Pour les moins de 25 ans, la vulnérabilité
propre à l'état de jeunesse (mal-être, difficulté
technique à gérer la protection ou à la négocier
avec les partenaires) et le fait d'être dans une génération
qui semble se sentir moins concernée par le sida peut contribuer
à la prise de risques.
Aux difficultés liées à l'expérience
de la séropositivité s'ajoute, dans les couples sérodifférents,
la complexité des dynamiques relationnelles et le besoin d'intimité
sexuelle qui peuvent introduire des failles dans les comportements de
protection.
Enfin, qu'ils soient séronégatifs ou séropositifs,
les multi-partenaires, notamment Franciliens, subissent l'influence d'au
moins quatre autres facteurs dont l'influence se conjugue :
- certains se sont réengagés dans le multi-partenariat
au cours des dernières années et pratiquent désormais
la pénétration de façon plus systématique
;
- les nouveaux traitements ont modifié les perceptions du risque
des gays et ils ont permis à certains hommes séropositifs
traités de se réengager dans la sexualité du fait
d'une amélioration de leur état de santé ;
- les discours sur le risque et le "bareback" pourraient avoir influencé
les perceptions de la population gay même si, en terme de pratiques
effectives, le "bareback" concerne peu de gens ;
- enfin, la situation de mal-être (voire de détresse) psychologique
de certains gays (un quart déclarent avoir souffert d'une dépression
dans l'année) pourrait également contribuer à expliquer
pourquoi certains s'exposent aujourd'hui au risque de façon répétée
ou régulière.
Des pistes pour
la prévention
Les données offrent
des pistes pour mieux adapter la politique de prévention, qu'elle
soit publique ou associative, au changement de contexte sexuel et préventif.
Dans la mesure où
le relâchement préventif est visible dans de nombreux segments
de la population gay, la prévention devra s'appuyer sur une communication
très large et mener, par ailleurs, des actions plus ciblées
en direction des jeunes, des multi-partenaires, des couples ouverts,
des couples sérodifférents, des gays séropositifs
et des hommes qui ont contracté une MST dans l'année.
Le contenu des messages
et des actions de prévention mérite d'être mieux
adapté à la diversité des formes d'exposition au
risque. Il s'agit notamment de prendre en compte le fait que, pour certains
gays, la prise de risque n'est pas accidentelle mais désormais
fréquente (voire régulière) et qu'il existe par
ailleurs une pluralité de facteurs à l'origine du relâchement
actuel des comportements. Ceci suppose également des actions
de counselling et de soutien auprès des personnes les plus fragilisées.
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