Le 3TC est un antirétroviral (anti-VIH) de la même famille que l'AZT, la ddI, la ddC, le D4T. Les laboratoires Glaxo, qui fabriquent ce médicament, le mettent à disposition des patients, au moyen d'un essai clinique ouvert («compassionnel»). Il est destiné aux personnes qui ont moins de 300 T4/mm3 et présentent une intolérance ou une résistance à l'AZT, la ddI et la ddC. Le 3TC est généralement très bien toléré. Mais, donné seul, son efficacité est souvent limitée à quelques mois, en raison de l'apparition de résistance.
Les résultats de l'association AZT + 3TC ont été présentés aux congrès de Glasgow (novembre 1994) et de Washington (janvier 1995). Précisons que ces études ne donnent pas d'information sur les critères cliniques (on ne sait pas si ce traitement diminue le risque d'infections opportunistes, s'il augmente ou non l'espérence de vie), et qu'elles ne portent que sur des personnes ayant plus de 100 T4/mm3. Voici les principales données :
- AZT + 3TC provoque une hausse des T4 et une baisse de la charge virale (quantité de VIH présente dans le sang) nettement plus importantes et plus durables que l'AZT seul.
Cette hausse de T4 est plus marquée chez les personnes qui n'ont jamais pris d'AZT (ou n'en ont pris que pendant quelques semaines) que chez celles qui en ont pris pendant longtemps (deux ans en moyenne) : + 80 T4, contre + 30 T4, après 6 mois de traitement. Dans les deux cas, après un an sous AZT + 3TC, le nombre de T4 reste supérieur à ce qu'il était avant le traitement (alors qu'avec l'AZT seul, la hausse de T4 ne dure en moyenne que 6 mois).
- L'association AZT + ddC a été comparée à AZT + 3TC, chez les personnes ayant pris de l'AZT pendant deux ans en moyenne. Leurs effets sur la charge virale sont comparables. Cependant, chez ces personnes, AZT + ddC n'entraîne pas de hausse de T4 (contrairement à AZT + 3TC).
- La tolérance d'AZT + 3TC est bonne et semble comparable à celle de l'AZT seul.
- En association avec l'AZT, il est désormais recommandé d'utiliser la dose de 300 mg/jour de 3TC : elle donne de meilleurs résultats que celle de 600 mg/jour (en raison d'une moindre toxicité). Glaxo a diffusé cette information aux médecins et a également autorisé l'association AZT + 3TC, dans le cadre de son « compassionnel ».
- L'efficacité d'AZT + 3TC s'explique probablement ainsi : le VIH devient résistant au 3TC en quelques mois. Mais cette résistance le rend sensible à l'AZT. Il garde (ou retrouve) donc cette sensibilité à l'AZT beaucoup plus longtemps que lors d'un traitement par AZT seul.
- Cependant, il semblerait que la résistance au 3TC entraine aussi à une résistance à la ddI et à la ddC. C'est pour cela que certains spécialistes estiment préférable de proposer la ddI ou la ddC, seules ou en association avec l'AZT, avant de passer à AZT + 3TC (conformément aux critères du « compassionnel »).
Glaxo ferme le robinet
En début d'année, Glaxo est devenu le premier laboratoire pharmaceutique mondial, en rachetant Wellcome (le producteur de l'AZT), pour la somme de 74 milliards de francs. Parallèlement, les demandes de 3TC sont montées en flèche, suite aux bons résultats des études concernant AZT + 3TC. Brutalement, en mars, contrairement à ses engagements, Glaxo a annoncé qu'il restreignait l'accès au « compassionnel » (1). Les personnes qui recevaient déjà le médicament ont continué à l'obtenir, mais celles à qui il est prescrit pour la première fois ont dû souvent attendre plus de deux mois pour le recevoir : les entrées dans le « compassionnel » ont été limitées à 460/semaine dans le monde, dont 350 aux États-Unis.
Afin de faire évoluer cette situation, les associations de lutte contre le sida ont rencontré Glaxo à plusieurs reprises, aux niveaux français (groupe TRT-5 : Actions-Traitements, Act-up Paris, AIDES, Arcat-sida, VLS) et européen (EATG : European Aids Treatments Group). De son côté, Act up Paris a mené une campagne d'actions vigoureuses, vis à vis de Glaxo.
En mai, on a appris que ce laboratoire déposait une demande d'homologation pour le 3TC aux États-Unis, en association avec l'AZT, pour les personnes qui commencent le traitement anti-VIH. L'agrément pourrait intervenir à l'automne. Il autorisera Glaxo à vendre ce médicament, au lieu de le donner, comme il le fait actuellement (à la mi-mai, 22 000 patients recevaient du 3TC, dans le monde). Prévoyant un important marché, le laboratoire ne constituait-il pas un stock de médicament, au détriment du « compassionnel » ?
La mobilisation associative semble finalement porter ses fruits : au cours de la réunion du 21 juin, avec l'EATG, Glaxo paraissait disposé à mettre fin à la limitation arbitraire du nombre d'entrées dans le « compassionnel ». Le laboratoire prévoyait aussi d'informer régulièrement les médecins sur les délais d'obtention du 3TC (qui ne devraient plus dépasser 5 semaines). Espérons que ces bonnes nouvelles se concrétiseront rapidement !
T.P.
(1) Signalons que les trois interviews des Drs Katlama, Kirstetter et Pialoux ont été réalisées avant l'entrée en vigueur des restrictions sur le 3TC.
Nous écrire