Le Bactrim® (ou ses équivalents, le Bactékod® et l'Eusaprim®) est très utile pour la prévention de la toxoplasmose et de la pneumocystose, ainsi que pour le traitement de cette dernière. Mais les problèmes d'intolérance sont fréquents, chez les personnes séropositives. Ils peuvent souvent être résolus grâce à la désensibilisation, qui consiste à prendre des doses très faibles, puis croissantes, de Bactrim®. Elle impose un bref séjour (généralement 48 h) à l'hôpital.
Qu'est-ce que le Bactrim® ?
Le Bactrim® est le nom commercial le plus connu du triméthoprime-sulfaméthoxazole (ou TMP/SMX, en abrégé). Il s'agit d'une association de deux molécules dont l'une, le sulfaméthoxazole, fait partie de la famille des sulfamides. C'est surtout lui qui, chez certaines personnes, peut entraîner des réactions allergiques. Aussi appelé cotrimoxazole, le TMP/SMX est largement utilisé, depuis 1970, comme antibiotique. Il est également efÞcace sur les parasites responsables de la pneumocystose et de la toxoplasmose, d'où son intérêt au cours de l'infection à VIH. Ce médicament est commercialisé sous le nom de Bactrim® par les laboratoires Roche, sous celui de Bactékod® par Biogalénique et sous celui d'Eusaprim® par Wellcome. (Le ® indique qu'il s'agit de marques déposées). Ces médicaments sont disponibles en pharmacie de ville, sur ordonnance (sauf les formes destinées aux perfusions, qui sont réservées aux pharmacies hospitalières).
Prévention de la pneumocystose
La prévention de la pneumocystose est indispensable au dessous de 200 T4/mm3, ou d'un taux de T4 inférieur à 15 % (et dans quelques autres circonstances, comme la chimiothérapie anticancéreuse, même avec des T4 plus élevés). Plusieurs études ont démontré que le TMP/SMX (Bactrim® ou équivalents) était le médicament le plus efÞcace pour cette prévention. Qu'elle soit primaire (personne qui n'a jamais eu une pneumocystose) ou secondaire (après une pneumocystose), elle peut se faire soit avec un comprimé de Bactrim® tous les jours, soit avec un comprimé de Bactrim® forte (double dose) trois fois par semaine. Lorsqu'on ne peut pas prendre de Bactrim®, on utilisera les aérosols de pentamidine (ou les comprimés de dapsone (Disulone® 100)).
Traitement de la pneumocystose
Lorsqu'une pneumocystose s'est déclarée, on la traite d'abord par TMP/SMX (Bactrim® ou équivalents). On emploie alors des doses nettement plus élevées qu'en prévention. Selon les cas, il sera donné en comprimés (à répartir sur 3 ou 4 prises par jour) ou en perfusions. Lorsque le Bactrim® provoque des effets secondaires trop importants, ou (beaucoup plus rarement) lorsqu'il n'est pas efÞcace, d'autres médicaments peuvent être employés : Pentacarinat® (= pentamidine) (aérosols ou perfusions, selon la gravité de la pneumocystose) ; Wellcoprim® (= triméthoprime seul) et Disulone® (= dapsone) ; Dalacine® (= clindamycine) et primaquine ; Wellvone® (= atovaquone) (actuellement en compassionnel).
Prévention de la Toxoplasmose
En dessous de 100 T4/mm3, lorsqu'on a des anticorps anti-toxoplasme (signe que ce parasite est présent dans l'organisme, même s'il est inactif à ce moment-là), il est nécessaire d'effectuer une prévention de la toxoplasmose. Là aussi, c'est le Bactrim® (ou équivalent) qui est utilisé en premier lieu : avec ce médicament, on a à la fois une prévention contre la pneumocystose et la toxoplasmose. La dose généralement recommandée est d'un comprimé de Bactrim® forte par jour (mais les doses d'un comprimé de Bactrim® (faible) par jour ou d'un comprimé de Bactrim® forte trois fois par semaine sont parfois prescrites).
La prévention pneumo + toxo peut aussi être effectuée par : Malocide® (= pyriméthamine) + Disulone® (= dapsone) ou Malocide® + Adiazine® (= sulfadiazine).
Par ailleurs, le Bactrim® n'est pas utilisé en traitement curatif de la toxoplasmose, ni en prévention secondaire (après une toxoplasmose, pour éviter les récidives).
Avaler le Bactrim®
Ces gros comprimés peuvent être coupés en deux ou écrasés (et, si on le souhaite, mélangés à un aliment). Il existe aussi une forme liquide de Bactrim® (suspension buvable pour nourrisson et enfant). Il faut l'agiter avant emploi. Deux cuillers-dose équivalent à un comprimé de Bactrim® (quatre cuillers-dose pour un comprimé de Bactrim® forte). Le Bactrim® sera pris de préférence pendant les repas (il passe mieux dans le sang ainsi). Lorsqu'on prend des médicaments de la famille des sulfamides (Bactrim® ou équivalents, Adiazine®ä), il est important de boire beaucoup de liquides pendant la journée. Sinon, des cristaux (calculs) risquent de se former dans les reins. Les eaux alcalines, bicarbonatées (comme Vichy, Contrex, La Roche Posay, Vals-les- Bainsä) sont particulièrement conseillées.
Les allergies
Comme de nombreux autres médicaments, le Bactrim® peut, chez certaines personnes, provoquer des réactions allergiques. Il en existe de deux types : Le premier, c'est l'hypersensibilité immédiate. Elle est rare. Elle survient dès la première fois où l'on prend le médicament, dans les minutes ou les heures qui suivent. La personne a des frissons, de la Þèvre, des rougeurs ou des démangeaisons. Elle se sent mal. Elle a parfois des difÞcultés à respirer. Il faut appeler un médecin de toute urgence (par exemple, en composant le 15 sur le clavier du téléphone). En effet, cette réaction d'hypersensibilité immédiate (ou choc anaphylactique) peut être grave, et parfois mortelle, si elle n'est pas traitée.
La personne ne pourra plus jamais reprendre de Bactrim® (ou équivalent). Elle évitera les autres sulfamides (comme l'Adiazine®). Si elle est obligée d'en prendre (pour le traitement de la toxoplasmose), cela devra se faire à l'hôpital, sous surveillance médicale. En effet, les allergies « croisées » (allergie à la fois au Bactrim® et à d'autres sulfamides) sont fréquentes. Mais pas systématiques.
L'autre forme d'allergie au Bactrim®, c'est l'hypersensibilité retardée. Elle survient généralement pendant la 2è ou 3è semaine de traitement. Certains symptômes sont signes de gravité et doivent conduire à arrêter immédiatement la prise de Bactrim® : bulles sur la peau, boutons évoquant ceux de l'herpès, peau qui se décolle, peau très rouge sur tout le corps, boutons ou aphtes sur les lèvres ou sur le sexeä
Mais, dans la plupart des cas, les symptômes (rougeurs, boutons, démangeaisons, Þèvre modéréeä) n'ont aucune gravité, même s'ils peuvent être fort gênants. Bien souvent, ils s'estompent spontanément au bout de quelques jours. (voir encadré). L'hypersensibilité retardée est fréquente chez les personnes séropositives. AÞn de l'éviter ou de la diminuer, certains médecins prescrivent des anti-histaminiques (médicaments destinés à diminuer les réactions allergiques). Dans tous les cas, il est conseillé d'avoir un contact très suivi avec son médecin lorsqu'on débute le Bactrim®.
Les autres effets secondaires
Quand on prend du Bactrim® (ou équivalent), il faut éviter de s'exposer au soleil de manière prolongée (la peau risque de ne pas apprécier !). Lorsque celui-ci est vif (mer, montagneä), port de vêtements, crème « écran total » et lunettes de soleil sont conseillés.
Le Bactrim® (ou ses équivalents) peut parfois, chez certaines personnes, se montrer toxique pour la moelle osseuse (qui produit les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes). En prévention, où les doses sont faibles, il est conseillé d'effectuer une N.F.S (numération formule sanguine, qui se fait sur une simple prise de sang) un à deux mois après le début du traitement. Ensuite, cette surveillance coïncidera avec le suivi habituel des personnes ayant moins de 200 T4/mm3. En traitement curatif, où les doses sont élevées, le suivi doit être plus rapproché (tous les 15 jours environ, voire toutes les semaines pour les personnes ayant peu de globules blancs ou de plaquettes).
AÞn de réduire cette toxicité, certains médecins prescrivent de l'acide folinique (Osfolate®, Léderfoline®, Folinoral®). Ce médicament est disponible auprès des pharmacies hospitalières. En pharmacie de ville, il coûte cherä et n'est pas remboursé par la Sécurité sociale.
Chez les femmes enceintes, le Bactrim® (ou équivalent) peut être utilisé jusqu'au 7è mois, mais il est déconseillé au-delà, ainsi que les autres sulfamides (Adiazine®ä). Il faut discuter de cette question avec son médecin : il est préférable, tant pour la mère que pour l'enfant, de prendre un traitement préventif, même s'il présente un risque potentiel, que de ne pas en prendre et de développer une pneumocystose ou une toxoplasmose.
EnÞn, chez l'enfant, le Bactrim® est généralement très bien toléré. Il peut être utilisé à partir de l'âge de deux mois.
Thierry PRESTEL
À partir du livre Médicaments et sida (1)
(1) - Médicaments et sida. A. Certain et S. Guessant-Flambard. Éditions Arnette.
Tél. : (1) 43 26 09 60. Prix : 175 F (plus port : 15 F).
Les intolérances (modérées) au Bactrim® disparaissent parfois toutes seules, au bout de quelques jours. C'est pour cela que, lorsqu'elles surviennent (pendant la 2è ou 3è semaine de traitement) , il est généralement conseillé de continuer le Bactrim®. Il faut bien sûr le faire en étroite relation avec son médecin, pour éviter les risques de réactions allergiques graves. Certains médecins prescrivent des médicaments anti-allergiques (anti-histaminiques et parfois corticoïdes), pour aider à passer cette période désagréable.
Cependant, de nombreuses personnes ayant éprouvé une intolérance considérée comme « modérée » par les médecins ont arrêté le Bactrim® et se sont orientées vers les aérosols. Mais certaines de ces personnes ont réessayé le Bactrim®, à dose entière, sans effectuer de désensibilisation, quelques mois plus tard. Et, parfois, cela se passe très bien, sans effet secondaire. Cependant, lorsqu'on a déjà eu une intolérance au Bactrim®, il est vivement conseillé de n'en reprendre que sous surveillance médicale, en raison des risques allergique.
Voir aussi l'article sur la désensibilisation.
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