Au lendemain dune année électorale difficile, le Parti Socialiste est à nouveau entré dans une période danalyse et de réflexion profondes.
Sur les questions homosexuelles, le Gouvernement de Lionel Jospin et les parlementaires socialistes ont permis des avancées fondamentales, jusque dans des domaines qui navaient jamais été abordés et qui nécessitent pour certaines un accompagnement dans leur application.
Il reste que, malgré les avancées majeures qui ont été accomplies au cours de cette mandature, certains champs sont encore à explorer alors que de nouveaux sont apparus.
Pour avancer encore et faire évoluer les mentalités et reculer lhomophobie, il nous semble quun acte politique et symbolique fondamental simpose: nous souhaitons une réforme constitutionnelle visant à inscrire de manière forte dans la Loi fondamentale le respect des personnes et le refus de toute discrimination.
Chaque période où le Parti Socialiste a été en responsabilité est marquée par des avancées en faveur de légalité pour les personnes homosexuelles.
En ce qui concerne les mesures législatives:
En ce qui concerne les autres initiatives gouvernementales:
Après avoir sorti lhomosexualité du Code Pénal en 1981, nous lavons fait entrer dans le Code Civil avec le pacs, et dans de nombreux domaines (éducation, mémoire, travail ), témoignant du sérieux du travail parlementaire et gouvernemental.
La condition homosexuelle préexistante rend insuffisant lensemble de ces progrès et nous conduit à constater le besoin de poursuivre dans cette voie de réforme.
Force est de constater que la résolution de certains problèmes, tels que la reconnaissance du couple homosexuel, a fait apparaître de façon saillante des problèmes plus fondamentaux car liés aux libertés individuelles et quotidiennes, lhomophobie subie chaque jour par les personnes homosexuelles restant lélément le plus préoccupant.
Comment accepter que la France de 2002 vive encore lassassinat de ce jeune de Reims battu à mort le 14 septembre? Comment accepter les agressions physiques qui touchent indifféremment les personnalités et les citoyens lambda? Comment même accepter les insultes qui agressent les personnes au simple motif de leur homosexualité?
Nous ne lacceptons pas.
Les propos coupables tenus par lopposition lors des débats qui ont accompagné le pacs ont banalisé et légitimé un discours et un comportement homophobes encore présents dans notre pays.
Il est important de reconnaître malgré cela que cette loi comme les débats qui ont traversé la société à cette occasion ont permis aux Françaises et aux Français de mieux appréhender lhomosexualité.
Ce constat démontre la nécessité damplifier les réformes engagées en inscrivant dans le contrat social de manière forte et sans équivoque le refus de la discrimination.
Cest pourquoi il est aujourdhui nécessaire de ne plus faire de différence entre les discriminations, quelles soient liées au sexe, à lorientation sexuelle ou à tout autre motif prévu par le Code Pénal. Étant donné les spécificités du droit français, et notamment la prééminence de la Constitution de la République sur les autres textes législatifs et réglementaires, nous demandons une réforme de larticle premier de la Constitution qui garantisse avec force légalité entre les citoyens:
Article premier de la Constitution de la République Française
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure légalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction dorigine, de race, de sexe, dorientation sexuelle ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
Une telle réforme permettrait de rassembler nos concitoyens autour de principes fondateurs défendus par le Parti Socialiste et raviverait la dimension humaniste de la Constitution.
Cet engagement symbolique fort ne manquerait pas de souligner la vacuité de laction de la droite sur ce sujet, qui se réduit à ce jour à des incantations présidentielles opportunistes et à lajournement permanent de mesures concrètes par le Gouvernement Raffarin.
Dans le souci de poursuivre la mise en uvre de réformes certes moins symboliques mais contribuant à améliorer le quotidien des personnes homosexuelles, nous ne négligerons pas tout ce qui relève des dispositifs législatifs, réglementaires et daccompagnement.
Ainsi, un certain nombre de points doivent participer à la lutte contre lhomophobie:
Même de manière indirecte, la discrimination est sous-jacente à un certain nombre de problèmes que rencontrent les personnes homosexuelles au cours de leur vie; ainsi en est-il du jeune homosexuel qui na pour référence dans sa construction identitaire que linjure; un autre exemple pourrait être celui de linstitution scolaire qui se refuse toujours à prendre en compte les instructions, données par Ségolène Royal et Jack Lang, visant à apprendre le rejet de lhomophobie et à intégrer lhomosexualité. Ainsi, nous présentons un certain nombre de mesures complémentaires qui nen demeurent pas moins préoccupantes.
La France connaît un taux de suicide particulièrement élevé. Lexpérience issue de laccueil des jeunes en difficulté, et les études menées dans des pays étrangers montre la prévalence de lorientation homosexuelle dans les cas de suicides chez les jeunes. Lhomophobie tue aussi par le suicide et il est urgent de diligenter en France des études sociologiques sur le sujet sans lesquelles aucune prévention ne saurait être efficace.
Parallèlement, un soutien résolu aux associations de jeunes homosexuels permettra une reconnaissance de leur rôle social. Elles sont à la fois un refuge et un lieu de construction identitaire pour le jeune homosexuel qui peut ainsi rencontrer des semblables et développer une image positive de lui-même. La pérennisation de leur action par des subventions leur ouvrira la possibilité de mieux se faire connaître.
Le refus de son homosexualité par ses parents peut conduire à une fugue ou à une éviction du cadre familial. Les grands centres urbains, dont Paris, attirent ces jeunes en déshérence sous couvert danonymat et de présupposée liberté. En leur offrant un refuge, les municipalités concernées peuvent leur éviter la prostitution ou la délinquance. De tels lieux, développés sur le modèle de celui de Berlin, ne se conçoivent que sur un mode transitoire, organisé par des professionnels, un des objectifs étant éventuellement de rétablir le lien familial.
À ce jour, la Ville de Paris a entamé le processus de mise en place de tels dispositifs, ce dont nous nous félicitons.
La lutte contre les discriminations permettra à terme une meilleure intégration des personnes homosexuelles dans la société. Leur représentation sera dès lors plus fréquente dans les institutions, lentreprise, les médias, les fictions Ainsi des images référentielles seront disponibles pour les personnes homosexuelles, ce qui permettra de briser un isolement (que ce soit dans les milieux ruraux ou urbains).
Sur le plan international, lEurope représente un espoir dharmonisation « par le haut » des différentes législations de luttes contre la discrimination. Nous demandons la signature et la ratification dun protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de lHomme et des Libertés Fondamentales afin den étendre la protection aux discriminations homophobes, notamment. Par ailleurs, nous proposons que la Charte des Droits fondamentaux, adoptée à Nice en décembre 2000, soit incorporée à la future Constitution européenne.
Quelques éléments doivent encore évoluer pour parfaire le pacs, tels que les auteurs du pacs lont eux-mêmes souligné lors de leur mission dévaluation parlementaire cette demande ne remettant pas en cause ladhésion massive au principe du pacs.
Ces quelques éléments sont la suppression du délai de carence dun an imposé aux ressortissants étrangers pour obtenir un titre de séjour et des délais fiscaux de trois ans, lharmonisation des droits de mutation avec les couples mariés, et la possibilité de donation ou legs au dernier survivant dans des conditions au moins aussi favorables que dans le mariage. Enfin, la signature du pacs doit entraîner modification de létat civil, afin que les personnes ayant signé un pacs ne soient plus officiellement considérées comme « célibataires ».
Au sujet de ladoption, quelle soit simple ou plénière, nous demandons avec insistance que lorientation sexuelle des adoptants ne soit un obstacle ni dans les textes, ni dans leur application.
Tout en confortant le droit dune personne seule à ladoption, nous réclamons louverture de ladoption aux couples homosexuels vivant en concubinage ou ayant contracté un pacs.
La loi autorise aujourdhui ladoption par une personne de plus de 28 ans sans que sa sexualité intervienne dans les critères légaux. Pourtant, en absence de directive claire, certaines DASS refuseront systématiquement lagrément à une personne homosexuelle, quand dautres accepteront dexaminer plus avant la situation sociale du demandeur. Il est important que la règle soit la même pour tous, et que lorientation sexuelle ne fasse pas partie des critères dappréciation. La jurisprudence qui est en train de sinstaller (Cour dappel de Nancy, par exemple) doit être renversée, ce qui peut éventuellement requérir une modification législative.
Dans les champs de ladoption, lorsque lenfant a une filiation établie ou sil est dune origine ethnique différente de celle de ladoptant, la fiction de filiation que prévoit ladoption plénière ne nous paraît pas défendable. Nous préférons donc dans ces cas lesprit de ladoption simple (éventuellement adaptée) à celui de ladoption plénière.
Il conviendrait également que dans tous les cas dadoption, létat civil porte mention des parents adoptants en premier lieu, et des géniteurs quand ils sont connus en second lieu.
Il est aujourdhui possible de recourir à la PMA dans certains pays communautaires, à condition den avoir les moyens financiers. En conséquence, il conviendrait douvrir cette pratique en France à des demandes qui se placent en dehors de considérations médicales, mais bien en fonction de la demande sociale, en garantissant une égalité de traitement. Cest en particulier le cas des demandes émanant de couples de lesbiennes.
Enfin, lors du divorce, lorientation sexuelle dun parent ne doit pas être prétexte à systématiquement confier la garde dun enfant à lautre parent. Dans tous les cas, le droit de visite de lun comme de lautre parent doit être protégé.
Le désir sexuel chez la femme est encore un tabou dans notre société, quant à la sexualité lesbienne elle reste dans le déni le plus complet. Cela se traduit par une occultation des risques sanitaires spécifiques dont elles pourraient être victimes.
La très fréquente absence de prise de contraception et de grossesse chez les lesbiennes induit un suivi gynécologique insuffisant, voire une totale absence de suivi. Pourtant les lesbiennes sont soumises aux mêmes problématiques de santé que la population féminine en général, notamment risques de cancer du sein, de lutérus, de MST, et problèmes liés à la ménopause.
Cest pourquoi létude de la diversité des pratiques sexuelles doit être intégrée dans la formation des médecins. En outre, des enquêtes épidémiologiques concernant la santé des lesbiennes doivent être conduites en France.
Il est important de poursuivre leffort de prévention à destination des personnes homosexuelles, et il est urgent de prendre en compte les spécificités ethniques et sociales des nouveaux groupes atteints. Ces nouvelles contaminations touchent des populations stigmatisées, ce qui nest pas un hasard.
Il est indispensable de communiquer sur toutes les pratiques à risques, la vie des malades, les polythérapies et leurs effets secondaires, les échecs thérapeutiques, et dinsister, quaujourdhui encore, des malades meurent du sida. Les polythérapies représentent un réel progrès, mais elles ne guérissent pas le sida. Nous attendons un discours ferme, continu, élaboré en collaboration avec les associations de lutte contre le sida, ciblé sur les comportements à risques et leurs conséquences.
Au-delà dun certain âge, les homosexuels sont confrontés, comme les hétérosexuels, à un plus grand isolement social, quand ils ne sont plus entourés par leur famille, quelle soit leur famille dorigine ou leur famille de choix.
Dans les maisons de retraite, ils sont souvent exposés à lostracisme des autres pensionnaires et du personnel ce qui crée un isolement psychologique encore plus douloureux que la solitude physique. La formation adaptée des personnels soignants et dencadrement dans les maisons de retraite ou au sein des services daide à domicile apparaît donc comme particulièrement nécessaire.
Considérant que laffectivité et la sexualité sont des besoins vitaux, nous souhaitons quils soient respectés. Or lunivers carcéral isole les individus par genre sexuel créant une problématique complexe au regard de laffectivité et de la sexualité. Afin dhumaniser lincarcération, nous proposons donc que les détenus qui souhaitent être protégés le soient et que ceux qui souhaitent « vivre » avec la personne de leur choix ne soient pas séparés.
Enfin, il faut insister sur les besoins dune prévention contre les MST, et notamment le sida, en milieu carcéral. La mise à disposition des outils de protection est indispensable.
Nous souhaitons par ailleurs que soient institués des parloirs sexuels qui ne créent pas de discriminations entre les sexualités.
La France, condamnée par la Cour européenne des droits de lhomme, doit désormais reconnaître aux personnes ayant changé de sexe le droit de voir modifier leur État Civil et leur numéro INSEE. Par ailleurs, nous demandons que soit abrogée la loi « Pasqua » qui a instauré lobligation de la référence au sexe sur les cartes nationales didentité.
Il faut aller au bout de cette logique et retirer de la liste des maladies mentales le transsexualisme, classification humiliante et inutile.
En 1951 la convention relative aux réfugiés définit laccès à ce statut. La personne doit prouver quelle craint « avec raison, dêtre persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime de manière générale que « les individus victimes dagressions physiques, de traitement inhumain ou de discrimination grave en raison de leur homosexualité doivent être considérés comme des réfugiés si leur pays ne peut pas ou ne veut pas les protéger ».
Pourquoi nier quil existe encore aujourdhui des pays dans lesquels les homosexuels sont soumis à une répression de lÉtat? Lasile politique doit donc être mieux garanti à ces ressortissants qui en font la demande.
Pour le cas des pays dans lesquels la persécution est exercée en dehors de lappareil dÉtat (milices, bandes organisées ), le droit à lasile territorial doit sappliquer pleinement au lieu dêtre supprimé, comme la annoncé le Gouvernement Raffarin.
Mieux reconnus socialement aujourdhui, les homosexuels et les lesbiennes réussissent à (re) constituer une mémoire de leur passé, de la clandestinité à lintégration sociale, en passant par les luttes de libération. Ils deviennent aussi sujets détude dans toutes les disciplines des sciences humaines, sans que les chercheurs disposent dun outil de travail adéquat. Enfin, toute personne désireuse de disposer dinformations sur les minorités sexuelles, à quelque titre que ce soit (journaliste, juriste, enseignant, parent ) devrait bientôt disposer dun centre de ressources documentaires, Centre darchives et de documentation.
Nous nous félicitons de lengagement de la Mairie de Paris qui soutient une telle initiative. Il appartient désormais à la Région et lÉtat daccompagner ce projet de mémoire commune.
Sur les plans législatifs, réglementaires, et dapplication effective, nous souhaitons que soient mises en uvre ou approfondies un certain nombre de réformes, et plus particulièrement la pénalisation des propos homophobes, lamélioration de certaines dispositions qui constituent le pacs, et lamélioration des conditions dexercice de la parentalité.
Ces revendications particulières viennent conforter les réformes réalisées depuis 1981 et notamment par le gouvernement de Lionel Jospin; mais nous estimons que même cet ensemble ne résoudrait pas la question majeure de lhomophobie en France.
Au niveau européen, nous demandons la signature et la ratification dun protocole additionnel à la Convention de Sauvegarde des Droits de lHomme et des Libertés Fondamentales afin den étendre la protection aux discriminations homophobes, notamment. Par ailleurs, la Charte des Droits Fondamentaux devra être incorporée à la future Constitution Européenne.
Avant tout, nous demandons une réforme constitutionnelle, qui soulèvera un vaste débat dans la société et au sein même de notre Parti.
Lexpérience du pacs a prouvé lutilité dun tel débat dans lévolution des mentalités, ses limites nous conduisent aujourdhui à aller plus loin en demandant aux socialistes que nous sommes un acte symbolique fort qui affirme clairement légalité des citoyens et donc le refus de toute discrimination.
Véronique Avril (38) ; Élise Balas, Section de Clichy (92) ; Tony Ben Lahoucine, Section de Saint-Jean de la Ruelle (45) ; Patrick Bloche, Membre du Conseil National ; Julien Bobot, Secrétaire National du MJS ; André Boissonnet, Section du 5e arrondissement (75) ; Robert Bonnet, Section de St-Sylvestre-Pragoulin (63) ; Hussein Bourgi, Membre du Conseil Fédéral (34) ; Ludovic Bouteiller, Section du 11e arrondissement (75) ; Charlotte Brun, Présidente du MJS ; Alexandre Carelle, Président d'Homosexualités et Socialisme ; Frédérique Calandra (75) ; Christian Coudevylle, Section Les Ulis (91) ; François Dagnaud, premier Secrétaire Fédéral adjoint (75) ; Manuela Delahaye, Section Pierre Bérégovoy, 14e arrondissement (75) ; Christian Deleusse (13) ; Kevin de Maeyer, Section du 11e arrondissement (75) ; Philippe Ducloux, Délégué Fédéral (75) ; Jean-Marie Firdion, Section de Clichy (92), Christine Frey, Délégué Fédéral (75) ; Nicolas Gontier (36) ; Marie-Pierre de la Gontrie, Membre du Conseil National ; Raymond Guillaneuf, Section de Manzat (63) ; Catherine Heurtebise, Section de Clichy (92) ; Anne Hidalgo, Membre du Bureau National, Porte-parole ; Danièle Hoffman-Rispal, Membre du Conseil National ; Pascal Joseph, Membre du Conseil National ; Mathieu Klein, Membre du Conseil Fédéral, Secrétaire de Section (54) ; Philippe Lasnier, Section du 4e arrondissement (75) ; Dominique Le Guen, Section de Brest (29) ; Roger Madec, Délégué Fédéral (75) ; Stéphane Martinet, Délégué Fédéral (75) ; Michael Moglia, Délégué Fédéral, Secrétaire de Section Avesnes (59) ; Alexandre Pardo, Section de Saint Genest Champanelles (63) ; Aurélien Selle, Section du 18e arrondissement Chapelle-Goutte d'Or (75) ; Ludovic Sellier, Secrétaire Fédéral (29) ; François Vauglin, Secrétaire de Section 11e arrondissement (75)