L'actualité

La déportation des homosexuels
en bonne voie d'être reconnue

L'épineuse question de la reconnaissance de la déportation des homosexuels pendant l'Occupation nazie a commencé à trouver un début de réponse favorable auprès des autorités. Une série de mesures et de déclarations récentes ont permis que les cérémonies de la Journée Nationale du Souvenir de la Déportation se déroulent dans de bonnes conditions.

Déclaration et initiatives gouvernementales

Le Premier Ministre lui même a brisé la chape de silence qui pesait jusqu'à présent sur la question. Le 26 avril, soit quelques jours avant les cérémonies du Souvenir de la Déportation qui se déroulent dans toutes les villes de France, Lionel Jospin a déclaré dans un discours prononcé aux Invalides devant les Anciens Combattants « Je tiens à honorer le souvenir de toutes les victimes des persécutions nazies et à rendre hommage aux combattants de notre pays qui ont eu le courage de résister à l'occupant et de dire "non" à l'inacceptable. [...] Nul ne doit rester à l'écart de cette entreprise de mémoire. Il est important que notre pays reconnaisse pleinement les persécutions perpétrées durant l'Occupation contre certaines minorités - les réfugiés espagnols, les tziganes ou les homosexuels ».

La déclaration de M. Jospin est venu conclure une série d'initiatives prises par le secrétariat d'État aux Anciens Combattants. Le 6 avril, une délégation d'associations gaies et lesbiennes a été reçue par le Cabinet de M. Masseret. Les représentants du Secrétaire d'État ont annoncé la création d'une commission historique qui sera chargée d'éclairer ce point d'histoire. Une étude, menée par la Fondation de la Mémoire est en réalité déjà commencée, et des résultats préliminaires attesteraient bien de la déportation d'homosexuels français.

Le lendemain, 7 avril, un représentant du secrétariat d'État aux Anciens Combattant qui participait à la conférence sur la discrimination liée à l'orientation sexuelle organisée au Sénat, a donné de nouvelles preuves des bonnes dispositions du gouvernement. Laurent Bellini a annoncé au cours d'une table ronde qu'une circulaire allait être envoyée aux préfets pour leur demander de faciliter le dépôt d'une gerbe à la mémoire des déportés homosexuels lors de la journée nationale du Souvenir, le 29 avril.

Des cérémonies du Souvenir dans le calme

Le 29 avril à Paris, une cérémonie très émouvante a regroupé deux cents gais et lesbiennes, militants ou non, et beaucoup de badauds au mémorial de la Déportation, sur le pont de l'Archevêché. René Lalement, Michel Bujardet, Philippe Berthelot, François Vauglin, Rose Cosson, Jérôme Munnier, Philippe Ducloux , Christophe Girard, Jean Luc Roméro, et d'autres élus encore, se sont regroupés derrière Pierre Seel, - le seul déporté homosexuel officiellement reconnu à ce jour -, Jean Le Bitoux, et Geneviève Pastre. Melomem, la chorale gaie a accompagné le dépôt de la gerbe. Pierre Seel, visiblement très ému par ce geste, a encore caressé le triangle de roses qu'il venait de déposer.

Des scènes identiques se sont déroulées un peu partout en France, notamment à Lyon, au Mans et à Marseille, toujours dans le calme. Dans la cité phocéenne, rapporte Christian de Leusse, le président de la fondation Mémoire des Sexualités, « M. Dreyfus, qui a pris la parole cette année au nom des anciens combattants et déportés, a commencé son intervention par quelques phrases très fortes, dites à titre personnel. Il a notamment déclaré que c'était justice d'évoquer aussi la mémoire des déportés homosexuels, et qu'il ne voyait pas pourquoi il faudrait éternellement les ignorer. Ils ont droit au même respect ». Plusieurs élus sont restés après la cérémonie officielle pour assister au dépôt de la gerbe des associations gaies.

La seule tension a été perceptible à Montpellier. Les anciens combattants ont très mal vécu la présence des militants homosexuels et de leur fleurs. Le journal le Midi Libre rapporte qu' « un léger, mais efficace, cordon de policiers les a empêchés d'atteindre le monument du souvenir avant la fin de la cérémonie officielle ».

De même, à Lille, les Flamands Roses se sont heurtés à un barrage de policiers. « Un carton d'invitation était exigé pour tous, alors qu'il s'agit d'une cérémonie de la République, ouverte aux citoyens » déplore Isabelle Flamencourt, porte parole de l'association. « Certaines personnes ont alors refusé de participer à cette cérémonie, en solidarité avec les homosexuel-le-s exclu-e-s. Il a fallu l'intervention d'élus verts pour que certains militants puissent participer à la Cérémonie du Souvenir sans signe distinctif, mais en se donnant la main, pour être visibles, sans choquer. Comme chaque année, il a fallu que Les Flamands Roses attendent la fin de la Cérémonie Officielle pour pouvoir accéder au Mémorial et y déposer une gerbe, accompagnés de trois élus locaux et de plusieurs personnes qui sont restées pour s'associer à leur recueillement ».

En dépit de ces incidents isolés, les heurts des années précédentes ne se sont par reproduits. Sans qu'ils soient encore partie prenante des cérémonies officielles, les associations gaies et lesbiennes ont pu commémorer elles aussi le souvenir de leurs morts. Les esprits commencent à s'apaiser autour de la polémique déportation des homosexuels sous l'Occupation nazie. Le jour n'est plus très loin où, enfin, les représentants gais pourront figurer au même titre que les anciens combattants dans les rangs de ceux qui déposent une gerbe lors des cérémonies du Souvenir. Il faut attendre les conclusions de la commission historique.

Jean-Benoît RICHARD
avec Pierre LEONARD au Mémorial de Paris


plus d'infos >
lisez les témoignages de certains représentants homosexuels qui ont déposé une gerbe
consultez le volumineux dossier que nous avons constitué autour de cette question https://www.fqrd.fr/texts/deportation/

 


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