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Déportation des homosexuels
Argumentaire en dix questions

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Ce texte n'est pas une synthèse historique. C'est simplement un argumentaire sur l'essentiel, authentifié par des sources historiques, des livres, des déclarations. Il chronique également l'actualité comme celle du Parlement allemand le 7 novembre 2000 demandant pardon pour le sort infligé aux homosexuels entre 1933 et 1969.

1. Quel a été le sort des homosexuels allemands lors de l'élection d'Adolf Hitler à la chancellerie du Reich le 30 janvier 1933 ?

Ils ont été immédiatement raflés avec les antifascistes, torturés et internés. Le premier camp de déportation à ouvrir fut celui de Sachsenhausen à trente kilomètres de Berlin, huit jours avant celui de Dachau, à quinze kilomètres de Munich, le 8 mars 1933. Ces arrestations se sont généralisées sur tout le territoire conquérant du IIIème Reich, et ce jusqu'en 1944.

Cette mémoire fragile qui nous vient de nos aînés témoigne que même à une apogée de la visibilité homosexuelle comme elle existait en Europe dans les années vingt, nous avons pu être victimes des pires traitements.

2. Quels chiffres peut-on raisonnablement avancer concernant ces arrestations, ces incarcérations et ces déportations d'homosexuels ?

On a longtemps avancé des chiffres multiples, faute de témoignages, faute d'archives. Après mai 1968, quelques témoignages anonymes ont fusé, en Allemagne, en Autriche, en France. Dans les années 70, dans le mouvement homosexuel, on parlait de centaines de milliers de déportés. Dans les années 80, on parlait d'un million, un chiffre gênant alors que l'holocauste juif venait à peine d'être reconnu. Ce chiffre hasardeux était alors authentifié par des historiens comme Pierre Miquel par TF1.

Les chiffres se sont récemment précisés, au milieu des années 90, de par une coordination entre des historiens allemands, britanniques et américains, puis par le Schwules Museum de Berlin et le Musée de l'Holocauste de Washington, où une salle est consacrée à la déportation homosexuelle par les nazis : entre 100.000 et 150.000 homosexuels ont été arrêtés par les nazis entre 1933 et 1944. Entre 10.000 et 15.000 se sont retrouvés en camp de concentration. Les deux-tiers sont morts entre les barbelés avant la victoire des Alliés. À côté de ces déportés raflés sans jugement, il y a de plus environ 50.000 condamnations en application du paragraphe 175 du code pénal (qui date de 1871, et qui a été régulièrement agravé par les nazis). Ce sont des incarcérations avec de terribles sévices. Mais le travail historique n'en est qu'à ses débuts.

3. Que s'est-il passé pour les homosexuels français pendant l'Occupation ?

Les homosexuels alsaciens et mosellans, ces provinces ayant été annexées par le IIIème Reich en 1940, tombèrent sous le joug du code pénal allemand, dont le § 175 condamnait de trois à cinq ans de prison la sexualité entre hommes. La police française de ces provinces offrit à la Gestapo des fichiers d'homosexuels illégalement constitués (car l'homosexualité n'était pas pénalisée en France). C'est ainsi que Pierre Seel, un jeune homosexuel de Mulhouse, s'est retrouvé convoqué par la Gestapo, torturé dix jours durant par les SS puis envoyé au camp d'internement de Schirmeck, à trente kilomètres au nord-ouest de Strasbourg. Les Alsaciens et les Mosellans ont ainsi subi le sort des homosexuels allemands, autrichiens et des autres pays annexés.

À Nice, Comté passé sous juridiction mussolinienne, les homosexuels ont subi une autre juridiction.

Dans ce qui restait de cette France morcelée, sans que la moindre pression allemande ait lieu, le cabinet du Maréchal Pétain a concocté en août 1942 une loi homophobe, condamnant les rapports entre hommes adultes : la première pénalisation depuis 150 ans, depuis l'instauration du code Napoléon, au sortir de l'Ancien Régime où l'homosexualité et le lesbianisme étaient punis du bûcher.

4. Il y a donc bien eu une déportation des homosexuels français par les nazis ?

Bien sûr. En France l'attestent Azéma, Vidal-Naquet, Glucksmann, Foucault comme Sartre, avec des interprétations certes différentes, mais le fait est là. De plus, des déportés pour homosexualité ont témoigné. Dire le contraire serait du révisionnisme ou du négationnisme.

Du révisionnisme en se gaussant de la longue incertitude sur les chiffres, ou en disant "oui, on a bien entendu parler d'un déporté homosexuel, Pierre Seel; mais il n'y a pas eu de déportation homosexuelle en France, sauf lui". Son livre paru en 1994, Pierre Seel a obtenu précipitamment sa carte de déporté, mais pas pour homosexualité. C'est pourquoi, Pierre Seel est toujours mobilisé malgré ses problèmes de santé et ses maigres ressources financières. N'y en aurait-il qu'un que l'horreur d'être raflé, torturé, expulsé ou interné pour sa seule préférence sexuelle est épouvantable et indigne quand on a le statut de citoyen. Et Pierre Seel avait 18 ans quand il fut déporté dans un camp alsacien.

Du négationnisme en exploitant des décennies durant le silence des témoins, des survivants de cette haine nazie des homosexuels, puis en misant sur leur âge avancé. Et en continuant de les terroriser avec des arguments patriotiques ou familiaux ou des preuves relativement introuvables cinquante ans après. En devinant aussi que témoigner de cette déportation de Français pour homosexualité fut impossible dans les années cinquante et soixante de par l'homophobie ambiante.

5. Y a-t-il eu des rafles d'homosexuels dans Paris occupé ?

Non, aucunement. Des rumeurs ont couru pendant des décennies. Mais rien ne le prouve. Il y eut par contre des arrestations concernant quelques homosexuels français qui s'approchaient de trop près de certains dignitaires nazis. Et lors de la Libération, les Alliés ayant dans leur propre code des articles de loi pénalisant l'homosexualité, le § 175 fut maintenu en Allemagne jusqu'en 1969, et complètement abrogé en 1994, comme l'article 331 en France jusqu'en 1982. Cela a maintenu d'autant ce silence sur cette déportation : survivants, témoins, chercheurs et histoire officielle.

Quelques indemnités et reconnaissances furent bien tardives : fonds suisse d'indemnisations à toutes les victimes du nazisme, vote du parlement allemand (le 7 novembre 2000), fondation Spielberg, etc. Et quelques plaques existent dans les principaux camps de concentration, ainsi que quelques monuments (Amsterdam, Berlin, Sydney).

6. Que sait-on du sort des lesbiennes entre 1933 et 1944 ?

Le § 175 ne concernait que la sodomie entre hommes. Sous les successives juridictions hitleriennes, cette condamnation s'est élargie aux embrassades, voire aux fantasmes, mais aux relations entre hommes seulement. Là résidait le scandale premier. Et deux SS surpris enlacés devaient être fusillés sur le champ. Les lesbiennes ne faisaient pas partie de cette violence juridique. Elles furent toutefois persécutées et parfois déportées en tant que filles de mauvaise vie, femmes trop indépendantes. Elles portaient le triangle noir des asociaux. Comme les homosexuels masculins, leur grand tort était de ne pas participer à l'effort du Reich, soit faire des bébés, la jeunesse allemande étant au front.

7. Comment faire avancer ce dossier ?

Une dizaine de villes françaises disposent d'une communauté homosexuelle locale qui dépose une gerbe lors de la Journée nationale du Souvenir de la Déportation, le dernier dimanche d'avril. Des incidents, bousculades et injures ont encore eu lieu (Besançon, Lille, Rouen, Lyon). Certains actes d'ostracisme ont été condamnés par le stribunaux, comme à Reims en 1999. Il nous faut signifier, dans la dignité, que nous ne manifestons que dans le recueillement et le souvenir de nos aînés. D'autres dépôts de gerbe se passent mieux (Bordeaux, Marseille, Strasbourg). En général, les télévisions locales et les quotidiens régionaux relatent cette manifestation.

Cet ancrage régional n'a pas son équivalent à Paris. Le 29 avril 2001, pour la première fois depuis six ans, une délégation déposera une gerbe sur l'Île de la Cité à Paris.

Il faut également exiger une commission historique du Ministère qui pourra officialiser cette persécution dans les livres d'histoire. Cela est urgent car les témoins ont désormais très âgés, particulièrement pour témoigner.

La construction d'un espace de recueillement est également demandée à Strasbourg, où des homosexuels français furent raflés, mais aussi capitale d'une Europe dont les homosexuels furent persécutés, par Hitler, mais aussi par Staline, Franco et Mussolini. Telle est notre exigence de mémoire.

8. Quel rapport avec la Lesbian & Gay Pride ?

Après la reconstruction politique de la Lesbian & Gay Pride dans les années 1990 et l'obtention du pacs, il semblait important que le mouvement homosexuel français se penche sur son passé. La LGP Île-de-France a ainsi décidé par un vote en décembre 2000 que le devoir de mémoire serait l'un des axes de son action en 2001. Elle a consacré l'une des trois tables rondes de la conférence sur la discrimination qu'elle a organisée le 7 avril dernier, ce qui lui a valu d'être reçue la veille par le cabinet du Secrétariat d'État aux Anciens combattants. Une journée de films et de documentaires est prévue en juin, pendant la semaine de la Lesbian & Gay Pride. Une prise de parole et une visibilité spécifique sont également proposées pour le jour de la Marche parisienne. Le Gage s'est proposé d'être le partenaire de tous ces événements. De nombreuses LGP en France ont indiqué leur intention d'une action particulière.

9. La prochaine Journée nationale du Souvenir de la déportation aura lieu le dimanche 29 avril. Que faire ?

Le Secrétariat d'État aux Anciens combattants et victimes de guerre (Jean-Pierre Masseret, ministre ; Laurent Bellini, chef du protocole) a adressé à l'ensemble des préfets une circulaire, détaillant la procédure suivie à Paris, pour éviter tout incident qui nuirait au recueillement nécessaire lors de ces commémorations.

afficheÀ Paris, le Secrétariat d'État a invité une délégation des associations à faire partie des cérémonies officielles et facilitera notre accès à l'enceinte du mémorial national, pour que nous y déposions une gerbe de fleurs, après la cérémonie officielle.

De façon générale, les associations homosexuelles doivent avertir les autorités (mairie, préfecture) de leur intention de participer aux cérémonies. Comme à Paris, des représentants d'association homosexuelles devraient être invités à participer à la cérémonie officielle ; ils ne porteraient alors aucune insigne. Aucun discours n'est généralement prononcé lors de ces cérémonies. Un rassemblement homosexuel silencieux, sans banderole, portant des triangles roses, pourra être présent à proximité pendant la cérémonie officielle ; à l'issue de celle-ci, le dépôt d'une gerbe du souvenir des déportés homosexuels pourra être fait dans l'enceinte du mémorial ; cette gerbe doit être sobre. Certaines personnalités, présentes lors de la cérémonie officielle, peuvent accompagner ce dépôt de gerbe.

La presse quotidienne régionale et France 3 Région sont généralement présents. Prévenez le Mémorial de la Déportation Homosexuelle qui rassemble au niveau national les informations sur ces cérémonies :

Mémorial de la Déportation Homosexuelle
33 rue Richer
75009 Paris
Tél: 01 45 23 90 88
<https://www.chez.com/triangles>

10. À l'issue des élections municipales, que peut-on souhaiter pour ces cérémonies d'avril 2001 ?

À Paris, il faut souhaiter que Bertrand Delanoë honore ses engagements en soutenant la mise en place d'une commission historique. Il faut obtenir sa présence pour déposer la gerbe homosexuelle, après la cérémonie officielle.

À Lille, Martine Aubry a signé la pétition des Flamands Roses demandant une plus grande dignité officielle pour ce dépot de gerbe concernant les déportés pour homosexualité par le nazisme. Après Marie-Christine Blandin et Guy Hascoet qui, en charge de la gerbe homosexuelle, ont subi ces dernières années des résistances protocolaires, Martine Aubry se doit de déposer cette gerbe et d'honorer la minute de silence qui suit.

À Lyon, Gérard Collomb a également tenté de déposer cette gerbe l'an dernier malgré le service d'ordre. Il devrait aussi faire partie de cette cérémonie "latérale".

Références

  • Un site français : Triangles Roses.
  • La Pink Triangle Coalition.
  • www.lgp-idf.org L'association | La marche | Documents | Événements | Presse
    Last modified: Wed Apr 25 11:36:02 MET DST 2001