Assemblée nationale

COMPTE RENDU
ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 2002-2003 - 46ème jour de séance, 122ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 21 JANVIER 2003

PRÉSIDENCE de M. Jean LE GARREC

vice-président

La séance est ouverte à vingt et une heures.

SÉCURITÉ INTÉRIEURE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure.

M. le Président - En conséquence, l'amendement 48 tombe. Je constate que les amendements 46 et 47 de M. Lellouche (UMP Paris) ne sont pas défendus.

M. Bruno Le Roux (SOC Seine-Saint-Denis) - Nous les reprenons.

M. le Rapporteur (Christian Estrosi, UMP Alpes-Maritimes) - La commission a repoussé le 47, le 46 n'étant que de coordination. Ce n'est pas qu'elle ait été en désaccord sur le fond - la nécessité de réprimer plus fermement les crimes ou les délits commis par homophobie - mais parce que les moyens proposés doivent faire l'objet d'une réflexion commune. Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen du texte sur la justice, car cet amendement n'a pas sa place dans le projet qui nous est soumis.

M. le Ministre - L'homophobie n'a rien d'un fantasme et, malheureusement, elle se développe. J'aurais souhaité que M. Lellouche soit là pour présenter lui-même ses arguments mais puisque l'amendement a été repris, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, pour dire clairement que le Gouvernement entend lutter sans réserve contre l'homophobie.

M. Bernard Roman (SOC Nord)- Je considère - une fois n'est pas coutume ! - que cet amendement de M. Lellouche doit être soutenu. Il me semble toutefois qu'une disposition similaire a été introduite dans sa proposition de loi relative à la lutte contre la xénophobie et le racisme que nous avons adoptée à l'unanimité il y a quelques semaines. Me trompe-je ? (Sourires) Si une telle disposition n'a pas été inscrite dans la loi aggravant les peines encourues lorsqu'une infraction est commise pour des motifs racistes, il est essentiel de dire maintenant qu'une infraction commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime est une circonstance aggravante.

M. Jean-Christophe Lagarde (UDF Seine-Saint-Denis) - Tout le monde s'était accordé pour dire que cette disposition n'avait pas sa place dans un texte consacré à la lutte contre le racisme mais qu'elle devrait être reprise. Le groupe UDF votera l'amendement, car l'homophobie gagne du terrain et M. Delanoë n'en est pas la seule victime. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, trois élus ont été agressés en raison de leur orientation sexuelle.

M. Gérard Léonard (UMP Meurthe-et-Moselle) - Si un sujet est susceptible de réunir un consensus sans faille, c'est bien la lutte contre toutes les discriminations et notamment contre l'homophobie. Mais, je le répète, nous traitons de la sécurité intérieure et tous ces amendements relèvent d'un autre texte. Le travail législatif, pour être de qualité, doit être cohérent. C'est pourquoi le groupe UMP votera contre l'amendement, qui trouvera mieux sa place dans le projet relatif à la justice.

M. Alain Vidalies (SOC Landes) - On peut comprendre que l'on veuille inclure des dispositions relatives à la criminalité organisée dans le texte que présentera le Garde des Sceaux, mais il s'agit bien, ici, d'une disposition qui a trait à la sécurité intérieure.

M. le Rapporteur - La commission avait eu le temps d'étudier à fond la proposition de M. Lellouche, qui apportait des réponses précises sur un certain nombre de questions. En revanche, cet amendement relatif à l'homophobie - que nous dénonçons tous - est simpliste, et de ce fait ne peut trouver place dans ce texte comme d'autres sujets touchant à la sécurité intérieure. Prenons le temps du débat et introduisons cette disposition dans le prochain texte sur la justice.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 47.

M. Bruno Le Roux - Nous parlons ici de choses très concrètes, de gens attaqués pour leur orientation sexuelle, pourchassés dans leur quartier par des bandes organisées, et qui ne sont pas moins nombreux, je pense, que des victimes de faits visés par d'autres articles. Dans ces conditions, je n'accepte pas cette espèce de hiérarchie que vous voulez introduire, et le renvoi à un texte sur la justice. Pour eux, il s'agit bien de sécurité.

M. le Ministre - Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée et s'en tient à sa position. Mais quand il s'est agi de condamner l'antisémitisme ou le racisme, vous avez été unanimes, et cette unanimité avait valeur de symbole. Allons-nous prendre le risque de donner l'impression que la lutte contre l'homophobie ne fait pas la même unanimité ?

M. Bernard Roman - C'est pourquoi il faut voter l'amendement.

M. le Ministre - J'aurais préféré que l'accord se fasse pour en traiter dans un prochain texte. Mais à partir du moment où l'amendement a été repris, je ne voudrais pas qu'on prenne de risque et j'appelle les membres de la majorité à la réflexion (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Plusieurs députés socialistes - Très bien !

M. le Rapporteur - La majorité et le rapporteur ont affirmé nettement leur volonté de voir s'ouvrir un débat sur la lutte contre l'homophobie qui puisse être mené en profondeur. Mais l'opposition se livre, en récupérant un amendement...

Mme Martine David - En reprenant !

M. le Rapporteur - ...en reprenant un amendement qu'elle n'avait pas proposé...

M. Bruno Le Roux - Nous l'aurions voté !

M. le Rapporteur - ...à un jeu...

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas un jeu !

M. le Rapporteur - ...dont le but est de troubler l'opinion. Dans le même esprit que le ministre, je ne souhaite pas que la majorité fasse le jeu de l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je propose que, calmement, nous répondions au v_u du Gouvernement.

M. Jean-Louis Léonard - Je rassure M. le Ministre. J'ai été très clair, j'ai dit combien l'homophobie était à nos yeux un crime d'une extrême gravité. Mais l'opinion ne retient souvent que le résultat d'un vote, dans sa brutalité. Dans ces conditions, au nom de l'UMP, je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 35.

M. le Président - Un sous-amendement 506 a été déposé par le rapporteur, portant sur l'amendement 47.

M. le Rapporteur - Sur un sujet aussi sensible, qui montre sur tous les bancs une volonté de s'engager dans une lutte déterminée contre l'homophobie, nous avons le devoir de rechercher le consensus. D'autres textes aussi sensibles en ont fait l'objet, comme la proposition de loi de lutte contre la xénophobie et le racisme.

La commission des lois n'avait pas pu examiner l'amendement de M. Lellouche. Je voudrais donc vous proposer d'y apporter des améliorations. Il s'agit de le compléter par deux paragraphes, portant sur les articles 222-24 et 222-30 du code pénal, et qui prévoient que les sanctions requises contre les viols et les agressions sexuelles autres que le viol sont aggravées lorsque les faits ont été commis « à raison de l'orientation sexuelle de la victime ».

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Gérard Léonard - Il ne me semblait pas douteux que nous considérions tous sur ces bancs l'homophobie comme un danger contre lequel il fallait lutter avec la dernière énergie. C'est pour un motif de rigueur législative que nous voulions renvoyer cette proposition au texte sur la justice, comme nous l'avons fait pour le texte sur la pédophilie. On ne peut toutefois rester insensible aux arguments du ministre, portant sur l'interprétation qui pouvait être faite de ce renvoi.

S'il n'est donc pas satisfaisant de traiter de ce point dans un texte sur la sécurité intérieure, il est politiquement plus heureux que nous votions cet amendement, ainsi bien sûr que le sous-amendement. Je tiens toutefois à souligner que nous regrettons, dans cette nouvelle optique, d'avoir voté contre l'amendement sur la pédophilie et que je m'autoriserai peut-être dans la suite de la discussion des libertés que je m'étais interdites jusqu'à présent.

M. Bruno Le Roux - Cet amendement, qui n'a pas été examiné en commission, me paraissait si bien correspondre au thème du débat que je l'ai repris. Le sous-amendement ne fait que le compléter, comme il aurait pu l'être en commission, et nous y adhérons.

Le sous-amendement 506, mis aux voix, est adopté.

A la majorité de 133 voix contre 16 sur 151 votants et 149 suffrages exprimés, l'amendement 47, ainsi sous-amendé, est adopté.

M. le Président - En conséquence, je peux considérer que le vote est identique sur l'amendement 46 de M. Lellouche, qui crée un chapitre 5 quater.

L'amendement 46 est adopté.


© Assemblée nationale