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Documents : Marie Ange Schiltz

La prévention du VIH dans le couple homosexuel : constances et inconstances

La France fut longtemps l’un des pays européens les plus touchés par le sida. A l’origine la diffusion du VIH est fortement concentrée parmi les homo/bisexuels masculins 1 . Actuellement, les observations épidémiologiques montrent, une diminution relative de la part de ce groupe de transmission dans les nouveaux cas de sida déclarés en France. Malgré cette tendance, dans un contexte de stabilisation du nombre annuel de nouvelles contaminations et de baisse générale des cas de sida diagnostiqués, ce groupe reste majoritaire depuis le début de l’épidémie.

1. La politique de prévention du VIH en direction des homosexuels

Très tôt, la surveillance épidémiologique fait apparaître une diffusion concentrée des premiers cas parmi des homosexuels masculins jeunes et des toxicomanes par voie intraveineuse qui sont alors désignés comme « groupes à risque ». A partir de 1983, les premières associations spécifiques de lutte contre le sida sont créées et commencent, dès 1984, à diffuser, avec le soutien de la presse gay, les premiers conseils de prévention auprès des homosexuels. Le modèle de la prévention est alors fondé sur une sexualité sans risque ou safe sex qui consiste à éviter de tout échange de fluides corporels (protection systématique ou abandon des pratiques sexuelles) au quel s’ajoute une incitation à la prudence qui conseille de limiter les situation d’exposition au risque du VIH par un retrait des réseaux d’échanges sexuels.

En 1985, les tests industriels de dépistage du VIH sont disponibles, mais la communauté reste circonspecte. Il faudra attendre 1987, pour qu’une association se prononce en faveur du dépistage et crée les premiers centres à Paris puis à Lyon ; jusqu’alors les homosexuels qui voulaient connaître leur statut sérologique avaient recours au don du sang. Lorsqu’en 1988, le premier centre de dépistage public est créé, la pratique du test est largement répandue parmi les répondants à l’enquête Presse Gay. En 1992, au moment où l’Agence française de lutte contre le sida lance la première campagne nationale d’incitation volontaire au dépistage, les quatre cinquièmes des répondants ont déjà effectué le test.

En 1987, l’action pionnière des associations est amplifiée par les campagnes publiques nationales de prévention et l’autorisation de publicité sur les préservatifs est enfin accordée. Avec la création de l’Agence Française de Lutte contre le Sida en 1989, la politique de prévention évolue. Une communication gouvernementale spécifique en direction des homosexuels est alors mise en place.

Pour comprendre l’orientation de la politique de prévention, il faut se souvenir que dans un contexte de diffusion concentrée de l’épidémie du VIH dans des groupes socialement minoritaires et marginalisés, la crainte d’attitudes de rejet était assurément fondée. Le climat de tolérance à l’égard des personnes atteintes ne s’est pas imposé spontanément (Kowaleski, 1988), mais finalement, la volonté d’une politique de prévention incitative favorisant l’émergence de nouvelles normes de conduite (Pollak et al., 1989) a prévalu. Il s’agit de promouvoir une culture de sécurité face au VIH égale pour tous en excluant le recours à un système de règlement de santé publique contraignant. La communication s’élabore à partir du modèle qui investit chaque individu de la responsabilité de son « capital santé ». Selon la logique préventive, il s’agit de se comporter comme si tous étaient séropositifs. Les consignes ne souffrent pas d’exception. Le préservatif s’impose de plus en plus comme l’instrument incontournable de toutes formes d’échange sexuel ; toute autre incitation à la prudence est abandonnée ; la communication ignore complètement le fait que, selon la logique des réseaux, le virus doit transiter par une personne relais en contact avec d’autres.

Cette conception de la prévention permet de comprendre pourquoi, au tournant des années 90, la banalisation et la disponibilité du préservatif ont représenté l’enjeu majeur de la prévention. Dans ce contexte, en cas de contamination, l’essentiel de la responsabilité en incombe au séronégatif qui n’a pas su, en dépit de l’information, se préserver ; sa contamination est alors un manquement inexplicable. Il est intéressant, à ce propos, de regarder les effets de ce choix de communication parmi les homosexuels pour un temps érigés en groupe exemplaire ; seules l’incompétence et l’incapacité dues à l’ignorance sont retenues comme facteurs explicatifs d’un risque « résiduel » alors rejeté aux marges du groupe 2 . L’adaptation au risque du VIH des homosexuels affirmés est considérée comme acquise (Schiltz, 1998a), tout comme celle des séropositifs qui, en raison de leur atteinte sont réputés bien informés, ces hommes agissant alors au mieux de leur intérêt et de l’intérêt collectif. Au cours de la première moitié des années 90 l’exigence s’affaiblit. Un modèle de réduction des risques se substitue à l’impératif du risque nul. Cette évolution se traduit par un changement de vocabulaire : on parle désormais de « sexualité à moindre risque » ou safer sex.

Ayant choisi de nous limiter à l’étude de la présence et à la prise en compte du risque du VIH dans le couple homosexuel, nous nous proposons de situer la place et les diverses formes de la relation élective dans le contexte particulier des modes de vie homosexuels 3 , Après une présentation succincte de leur adaptation au risque du VIH, dans une dernière partie, nous ferons le point sur la présence du risque du VIH dans la relation homosexuelle et analyserons ses répercussions dans l’organisation de la vie du couple.

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