[Documents]

Documents : Marie Ange Schiltz

LES HOMOSEXUELS FACE AU SIDA : ENQUETE 1993 SUR LES MODES DE VIE ET LA GESTION DU RISQUE VIH

L’homosexualité masculine a longtemps relevé du registre médical et pénal comme l’ont montré Conrad et Schneider (1985). Au cours des années 1970, avec l’affirmation des sexualités marginales et l’intervention des sciences sociales, cette approche est modifiée : progressivement l’homosexualité n'est plus présentée comme une maladie ou une pratique illicite mais simplement comme un mode de vie. Des travaux pionniers se développent à l’étranger, qui reprennent cette nouvelle perspective (Gagnon, 1973 ; Dannecker, Reiche, 1974 ; Bell, Weinberg, 1978). Les premiers écrits paraissent en France à la fin des années 1970. Pour les comprendre il faut les replacer dans le contexte de l’époque qui influence fortement les problématiques développées. Ce contexte se caractérise par le déclin du Mouvement gai ainsi que par le développement d’un commerce et d’un “ ghetto ” homosexuels parisiens, lesquels sont directement liés à l’abandon, à partir de 1981, des mesures pénales et policières les plus répressives à l’égard de certaines pratiques homosexuelles (Mossuz-Lavau, 1991). Aussi est-ce donc l’univers de la drague “ organisée ” qui attire l’attention des chercheurs en sciences sociales. Dans la lignée des travaux de L. Humphreys (1970), M. Emory (1979) aux Etats-Unis et M. Pollak (1982) en France s’attachent à décrire les rituels et les codes de reconnaissance, de drague et de transgression des individus qui participent à ce “ ghetto ”. On perçoit d'ailleurs, dans ces premières études, une certaine fascination pour ce mode de vie. Les homosexuels du “ ghetto ” ont en effet mis en place un ensemble de pratiques et de codes permettant une sexualité facile et anonyme, l'objectif de toute rencontre étant dans ce contexte la maximisation du plaisir. L’attention de M. Pollak et d’A. Béjin (1977) est ainsi attirée par le processus de “ rationalisation de la sexualité ” qui est mis en oeuvre (maximisation du plaisir et minimisation des conséquences affectives et sociales de l’activité homosexuelle). Il apparaît chez les gais, outre le développement d'un “ marché des échanges sexuels ”, une tendance à dissocier les sphères sociale, affective et sexuelle. Par ailleurs, l’existence de trajectoires biographiques spécifiques (migration vers les grandes villes, orientation professionnelle vers des métiers et des milieux sociaux plus tolérants 1 ) semble favoriser l'épanouissement sexuel de nombreux homosexuels.

Ces premiers travaux sociologiques français sont en fait programmatiques. Dans le cas de M. Pollak, par exemple, il faudra attendre 1985 pour que soit développée une recherche alimentée non plus simplement par la littérature étrangère mais par des données autonomes. La mise en place cette année là de l'enquête quantitative menée par questionnaires auto-administrés auprès des lecteurs de Gai Pied a donc constitué une étape décisive. Ces premières investigations se développent cependant dans un contexte qui a fortement évolué en raison de l'épidémie de sida : si certains thèmes programmatiques auparavant esquissés sont effectivement poursuivis, de nouvelles perspectives vont s'imposer d'emblée.

Chargez l'intégralité de l'article ici.
Ainsi que les annexes ici.

[Sommaire] [Documents] [Monde] [Europe]
FQRD Copyright Gais et Lesbiennes Branchés © 2000
Last modified: Mon Apr 03 2000