L'actualité

L'AG des usagers de lieux de consommation sexuelle

Act Up s'intéresse à nouveau aux pédés. L'association réunissait mardi 7 novembre, dans l'amphithéâtre de l'école des Beaux-Arts où elle tient ses réunions hebdomadaires, une « AG des pédés », où se sont succédés pédagogie, témoignages, certitudes et invectives. Act Up est préoccupée par le relapse, extension des pratiques à risque des homosexuels alimentée par l'idéologie du bareback (baiser sans capote), popularisée dans les livres de Guillaume Dustan ou d'Éric Rémes. L'association dénonce l'indifférence des établissements (bars de drague, saunas, etc.), l'inaction du SNEG, et l'insuffisance des campagnes publiques de prévention. En fait, après avoir longtemps dirigé ses actions vers les pouvoirs publics, les laboratoires, etc., elle s'adresse aujourd'hui aux homosexuels avec la même résolution : «baiser sans capote, ça vous fait jouir ?»

Ce discours de prévention est justifié et il mérite incontestablement d'être soutenu. En réponse, plusieurs interventions (de René-Paul Leraton, d'associations gaies et lesbiennes comme DEGEL, ou l'ARDHIS, des sociologues Daniel Weltzer-Lang, ou Pierre-Olivier de Busschaert), ont pourtant fait entendre des voix diverses particulièrement pertinentes (sur la santé, le bien-être, le respect de soi, notamment des jeunes), mais souvent disqualifiées comme cultivant la « complexité ». On peut comprendre, dans un souci d'efficacité de la machinerie de communication d'Act Up, l'intérêt de simplifier le message et de restreindre sa cible à une certaine catégorie d'homosexuels (adultes urbains clients des backrooms). Cependant, il ne doit pas occulter la diversité des situations sociales et la nécessité d'actions plus appropriées à certaines populations (jeunes, adultes hors centres urbains, etc) et au contexte global de la santé et du bien-être des lesbiennes et des gais : le respect de soi passe avant l'observation d'interdits. Tous les pédés ne sont pas des « usagers de lieux de consommation sexuelle ».

Philippe Mangeot, ancien président d'Act Up Paris, estime qu'il y a « de nouvelles pratiques de prévention ». Arlindo de Constantino, vice-président, propose pour sa part de mettre les capotes dans la backroom au lieu de les laisser au bar, avec du papier pour s'essuyer après. Les actupiens reprochent au SNEG de ne pas avoir de campagnes de prévention plus visibles dans les établissements et à leur patrons d'être plus prompts à dénoncer les usagers de drogue que ceux des pratiques à risque. Il semble que la volonté d'Act Up soit, dans la lignée des marches de la Lesbian & Gay Pride 1999 et 2000, de stigmatiser les pratiques à risque, et d'obtenir du SNEG et de la DGS qu'ils s'engagent dans ce sens.

Il s'agit donc maintenant, non d'attaquer des entreprises ou leurs responsables, mais de stigmatiser des individus. Éric Rémes s'étonnait de ce que l'association reprenne à son compte le discours de stigmatisation anti-sidéens des années 80, toujours vivace dans une partie de la droite française ; Guillaume Dustan dénonçait cette tentative de contrôle des comportements individuels, dans la tradition de l'hygiénisme qui condamnait naguère les comportements homosexuels. Et tout en voulant agir sur l'individu, Act Up procède à sa dé-responsabilisation quand il demande au SNEG d'assurer la sécurité des clients de ses établissements.

On doit reconnaître à Act Up le courage d'un virage à 180 degrés, alors que la réfutation de la stigmatisation des sidéens avait pris la forme d'un « déni du sida » au début des années 80. Jamais aucune association homosexuelle n'avait aussi clairement dirigé une carabine vers les homosexuels, fût-ce sur une affiche. Cette stigmatisation reste-t-elle verbale, symbolique, ou Act Up souhaite-t-elle la pénalisation effective des pratiques à risque ; on notera que dans une tribune publiée par Libération le 22 octobre dernier, Didier Lestrade, l'un de ses fondateurs, n'hésite pas à comparer les pratiques à risque à la pédophilie. Qu'en pense François Léotard, qui s'était intéressé, il y a près d'un an, aux « pratiques sexuelles non réprimées par la loi » ?

Sa proposition de loi était relative à la « lutte contre la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard de personnes » en raison de ces pratiques. Si une telle loi était votée, la campagne d'Act Up deviendrait un délit, à moins que les pratiques à risque ne soient réprimées par la loi. Si la loi réprimait au même niveau les propos discriminatoires tenus en raison de l'orientation sexuelle, de l'état de santé ou le handicap (comme actuellement, ceux tenus en raison de la race), la campagne d'Act Up, qui repose sur le statut sérologique des personnes, serait également condamnée. À moins que des considérations de santé publique ne s'imposent, comme par exemple en Suède, qui a procédé à la fermeture des saunas homosexuels en 1987. Act Up adore jouer avec le feu.


Le site d'Act Up Paris : www.actupp.org


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FQRD

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