Les gais marseillais attaquent 96 sur les chapeaux de roue

Réunis le 12 janvier en assemblée générale dans des locaux de l'Assistance Publique de Marseille, les membres de l'Association pour la Création d'un Centre Gai et Lesbien Méditerranéen ont établi leur calendrier d'actions pour la nouvelle année. Si les querelles personnelles s'apaisent, ça va décoiffer dans la cité phocéenne !

Cette première réunion a d'abord été pour la jeune association l'occasion de compter ses forces. Sa naissance avait donné lieux à des protestations et des dénigrements, mais trois mois après, les passions semblent s'être tues.

Une quarantaine de personnes a répondu à la convocation du bureau."'C'est signe de réussite" , estime Didier Rodde, trésorier, "le projet d'un centre gai et lesbien à Marseille intéresse le public et répond à une volonté".

Le tumulte des premiers mois a cependant entraîné la démission du secrétaire. Gravement mis en cause a plusieurs reprises dans ses actions, il a préféré se retirer "pour couper cours aux sous-entendus de pouvoir de machination et de ragots qui [lui] sont sournoisement prêtés" . Jean-Louis Loubarès a été élu pour le remplacer à ce poste.

Ceci dit, le but réel de cette première réunion de l'année était bien de mettre en route les projets pour 1996, nombreux, et ambitieux. Le plus important d'entre eux consiste à s'installer dans des locaux plus vastes que ceux dans lesquels l'association se réunit actuellement. Elle souhaite notamment que ce point de rencontre devienne un bar associatif et qu'il serve à l'accueil des séropositifs, à l'imitation du café Positif qu'organise le CGL de Paris.

Jean-Yves Sevestre a été dépêché dans la capitale et a expliqué ce qu'il a vu : "cinquante à soixante séropositifs sont accueillis tous les dimanches. Il y a des jeux à leur disposition, ils peuvent discuter, on leur sert le thé,.... ils sont surtout là pour se retrouver. C'est un rendez-vous qui est attendu avec beaucoup d'impatience" .

Un petit groupe s'est formé pour trouver des locaux et pour ficeler un projet qui pourra être présenté à divers partenaires pour obtenir des subventions. A ce titre, Madame Gastinel, représentant la DDASS 13, a été conviée à la réunion pour juger du sérieux de l'association. Son Administration sera sollicitée comme bailleur de fonds.

De son côté, le président, Marc Billioud, qui est un ami intime de Jean-Claude Gaudin, s'est fait fort d'avoir l'oreille du Maire de Marseille. "Jean-Claude, qui était mon voisin quand nous étions petits, m'a dit quand tu as un projet structuré et qui tient la route, viens me voir, tu auras tout ce que tu veux. Si nous avons un bon dossier" a expliqué le président,"l n'y a pas de raison que la municipalité nous refuse son aide" .

Deuxième thème de mobilisation pour 1996, la reconnaissance des couples homosexuels. Comme dans d'autres villes de France, courant décembre, huit couples marseillais ont demandé un certificat de concubinage aux services de l'Etat-civil. Ils ont essuyé un refus ferme mais poli de l'Administration. Un petit groupe s'est constitué autour de Didier Saïd pour poursuivre cette action afin qu'à Marseille aussi on délivre ce certificat, qui représente plus qu'un simple papier aux yeux de ceux qui s'aiment et qui veulent que leur union soit publiquement reconnue.

Troisième volonté de l'association : réussir cette année encore la Lesbian and Gay Pride du mois de juin. L'an passé, les manifestations de la fierté homosexuelle s'étaient déroulées pendant plus de huit jours et avaient proposé au public une riche palette d'activités (spectacles, expositions, débats, fêtes) qui s'étaient achevées en apothéose par un défilé de plus de trois mille homos sur la Canebière. Cette année, pour renouer avec le succès, les différentes associations gay de la région devront impérativement faire taire leurs querelles et apaiser les rivalités personnelles pour travailler à l'organisation des événements. Qui sera le juge de paix ? Jean-Yves Sevestre s'est porté volontaire. Il aura la lourde tâche de tenter de fédérer toutes les associations et toutes les initiatives.

Marseille, 13 janvier 1996
Jean-Benoît RICHARD