Alain Massuard

De l'influence de l'homophonie sur la pornographie homosexuelle

ou Bluette pour mes amis

à C.M. & T.K.

 

 

C'était un type très simple, Fidel Gonzales ; au moins pour ses voisins. Un type sans histoire.

Oh ! bien sûr, on en avait raconté sur lui, comme sur tout le monde dans le lotissement. Surtout lorsqu'il avait épousé Maria, une beur de la deuxième génération. Rien d'étonnant, direz-vous, deux immigrés ensemble... mais le bruit avait couru qu'il s'était converti. Remarquez, rien ne le prouvait, s'il faisait ses simagrées, tapis de prière et cul en l'air, c'était discret. Chez lui.

Pourtant, pourtant...

Un jour où il prenait une douche, après le boulot, on sonna à la porte. Il pensa que Maria avait oublié ses clefs et se précipita pour ouvrir, à poil. Ce n'était pas Maria, mais un très vieux pote à lui. Ils avaient été en classe ensemble, avaient fait pas mal de conneries et zoné un bout de temps vers quinze, seize ans. Il faut dire que le mec était d'origine espagnole, comme lui. Son père, anarchiste qui avait fui le franquisme, l'avait curieusement, et par provocation, prénommé Landru.

« Salut, vieux, quel bon vent t'amène ?

- Oh ! là, j'suis dans la merde »

Fidel le fit asseoir, négligeant de se rhabiller, l'autre connaissait son anatomie depuis de mémorables parties de branlette. Il était plutôt fier d'être très bien monté. Fidel lui servit un pastis.

« Alors ? »

Landru lui raconta une histoire embrouillée.

Il avait, de son passé espagnol, gardé un vieux fond de culture catholique. Probablement en réaction contre les idées de son paternel, ça lui était brutalement revenu et il s'était mis à fréquenter les églises. Pas n'importe lesquelles, pas celle de la ZUP où aurait trop eu la trouille que son vieux le vit entrer. Il allait à Sainte-Marie-de-l'Enfant-Jésus, l'église baroque des quartiers rupins, dans la ville basse. Là, il s'était fait brancher par un prêtre d'origine grecque, un nommé Zeus Typologos, qui l'avait complètement tourneboulé avec ses théories ­ l'amour divin comme transcendance du corps, une espèce d'idiosyncrasie qui mêlait au catholicisme basiste un couplet soufiste, un zeste de bouddhisme tantrique et des vieux restes de rituel grec orthodoxe appris à Santa Maria in Cosmedin lors d'un long séjour à Rome dans sa jeunesse. Tourneboulé, le Landru, au point de le rendre assez follement mystique.

« Mais voilà, vieux, ça m'a bloqué.

- Bloqué ?

- Ben, oui. Tu te souviens, on était plutôt portés sur la queue quand on était gamins les séances de paluche, aller mater les voisines dans leur salle de bain en passant par les jardins derrière les pavillons, les trafics de revues pornos. Tout ça. Mais moi, j'avais jamais baisé de nana »

Rien là pour étonner Fidel qui savait bien que leur vantardises et leurs pratiques solitaires ou entre copains servaient à compenser leur trouille de devoir passer à l'acte avec des filles.

« Alors, t'es toujours puceau ?

- Tu sais, j'ai bien essayé d'aller avec les putains, mais c'était un vrai massacre. Arrivé à casa, la panne totale. La fille m'a jeté en me traitant de pédé. »

Fidel se demandait comment s'était possible, Landru incapable de bander avec une pute. Dans son souvenir, il était plutôt bien pourvu question braquemart, le frangin. D'y penser, ça lui faisait remonter de vieilles images de paluchage entre eux ; et ça lui faisait remonter la queue.

Landru s'en aperçut. Difficile de ne pas le voir. Primo, Fidel était toujours à poil ; secundo, et comme nous l'avons dit plus haut, il était superbement membré. On le surnommait « belle lame » à cause de la dimension et du lisse de son engin, quand ils étaient plus jeunes.

Un vrai cornet de glaces avec deux boules, pensa Landru qui se surprit à le dire à haute voix.

« Tu crachais pas dessus avant, tu te rappelles, et tu savais bien les faire fondre, salope. »

Évocation qui ne laissait pas Landru vraiment indifférent mais dont il essaya de se défendre.

« Tu me menaçais d'un fouet, forcément, forcément.

- Tu parles, plus je t'en donnais de coups, plus ça te faisait reluire ; et je suis sûr que même maintenant ça te fait triquer rien que d'y penser », dit-il en allongeant sa main sur la bosse bien visible.

Fidel était partagé entre l'étonnement que provoquait la preuve bien tangible que son copain n'était pas devenu impuissant ­ ce qu'il aurait pu craindre après son récit alarmiste ­, le trouble de cette main maintenant posée sur la queue gonflée de Landru et l'embarras de ne plus savoir trop que faire.

« Je sais pas si les putes te font de l'effet ou non mais apparemment rien n'est perdu. Quand tu bandes, c'est pas du pipeau. »

Le mot lui était venu comme ça, involontairement, à la bouche. La bite de Landru, vite dégagée de pantalon et du slibard, lui vint aussi spontanément entre les lèvres. L'autre ne disait rien. Visiblement surpris de la situation, excité par le récit de ses propres infortunes et n'osant pas en ajouter une autre.

Fidel s'activait sur son paf qu'il avait mouillé d'une salive bien épaisse et qu'il caressait du creux de la main, puis qu'il reprenait à fond dans la bouche. Ça le faisait littéralement délirer, Landru, de voir sa queue dont il n'espérait plus rien, glisser sous les joues de son pote et les gonfler à bloc.

 

Dans un éclair, il pensa à ce con de Typologos, à ses théories à la, et il sourit on se disant cela, à la mord moi le noeud, à sa vierge mystique.

« Ah ! putain, je veux pas rester puceau ! », et il retourna d'un seul geste son copain. Il se passa ce qui devait se passer. Forcément, forcément : le vierge l'encula.

Alain Massuard

FQRDLa France Gaie et Lesbienne
France QRD

La revue h : (1)

16/07/1997, page réalisée par LC
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