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Autour de l'EuroPride,
une nouvelle distribution des rôles

Nouvelles

En juin 1997, Paris sera l'hôte de trois événements gais et lesbiens européens : les Eurogames (du 19 au 23), organisés par la Fédération CGPIF, l'Eurosalon (du 26 au 29), qui sera la version européenne du Salon de l'Homosocialité que Gai Pied organise depuis plusieurs années et l'Europride (du 27 au 29 juin). Ces trois événements constituent Paris 97.

L'EuroPride à Paris

Chaque année depuis 1993, une ville européenne est choisie par l'European Pride Organizers Association (EPOA), qui regroupe les associations organisatrices de Lesbian & Gay Pride d'Europe, pour organiser un "jour de fierté" européen : après Londres (1993), Amsterdam (1994), Berlin (1995), Copenhague (1996), et avant Stockholm (1998), Londres (1999) et Rome (2000), c'est Paris qui a été désigné par l'EPOA pour 1997, laquelle a donné mandat à l'association Lesbian & Gay Pride (LGP) pour organiser cette manifestation.

La LGP, qui organise la marche homosexuelle de Paris et coordonne les événements qui l'accompagnent depuis plusieurs années, a créé en 1995 un Conseil afin de décider des principes d'organisation et des objectifs politiques de ces manifestations. Les organisations, associations ou entreprises, qui ont participé à la marche de l'année précédente peuvent être membres de ce conseil.

Une nouvelle organisation

Le Conseil s'est réuni le 5 octobre 1996 ; la LGP a présenté son bilan de l'année 1996 et ses perspectives pour 1997.

Les éléments saillants de ce bilan sont : la réussite de la marche, de sa couverture médiatique et de son impact politique, la mauvaise organisation de l'arrivée Place de la Nation, les pertes financières dues à la fête à Bercy. Une nouvelle distribution des rôles a été mise en place durant l'été, avec la création d'une société anonyme, la SOFIGED ; bien que la liste des actionnaires n'ait pas été révélée, on sait que la LGP, LFM (Gai Pied), Cross Roads, et Nomad en font partie.

À la LGP, l'orientation politique, la concertation avec le monde associatif, l'action auprès des acteurs sociaux et politiques et des médias, et l'organisation de la marche ; à la SOFIGED, la mise en oeuvre des objectifs par la mise en commun de moyens. La LGP est prestataire de services de la SOFIGED, laquelle a un droit d'exploitation commerciale des marques déposées par la LGP. La SOFIGED assure également l'organisation matérielle de l'EuroSalon et des EuroGames et la coordination des trois événements.

Pas de visibilité sans lisibilité

La LGP est en effet propriétaire des marques Gay Pride, Lesbian & Gay Pride et Europride ; ce dépôt, par une association, doit préserver ces manifestations d'une exploitation commerciale non contrôlée qui mettrait en péril le travail accompli ces dernières années, dans l'intérêt de l'ensemble des homosexuels, pour expliciter le sens de ces événements. Auprès des médias, auprès des forces politiques et sociales, et à l'écart de toute gesticulation politique, ce travail a généré une lisibilité sans laquelle la visibilité des homosexuels ne serait qu'un leurre.

L'annonce de la création de la SOFIGED a suscité de vives réactions d'hostilité de certains membres du Conseil, qui ont dénoncé "la privatisation d'un événement communautaire" et se sont plaints de l'absence d'informations et de concertations précédent cette création. SOS Homophobie, Radio FG, le Centre Gai et Lesbien de Paris et Act Up-Paris ont manifesté leur désapprobation, en faisant à l'occasion preuve d'un optimisme plaisant : la nouvelle structure serait, par nature, capable de générer des profits que la réussite incontestable de l'Europride assurerait. Aucune autre solution n'a été proposée par les membres du Conseil.

Maturité et rationalité

Bien que la création de cette société anonyme ait pour origine le désir des créanciers de la LGP de rentrer dans leurs fonds, elle atteste d'une maturité politique (la séparation des pouvoirs) et d'une rationalité (la privatisation des risques, l'efficacité de la gestion). Il est en effet temps de cesser un mélange des genres, et de distinguer l'action politique des services et des pratiques commerciales, et cela dans l'intérêt même de chacune de ces activités.

L'évolution récente de deux des principales organisations politiques parisiennes est significative. Act Up-Paris, qui a décidé d'accepter des dons des laboratoires pharmaceutiques et a opté pour un recentrage thérapeutique, a quitté le Conseil de la LGP ; le CGL de Paris, dont l'action politique avait été un objectif depuis le printemps dernier, a également quitté le Conseil, et SOS Homophobie n'a pas participé à la réunion suivante, le 23 novembre. Il s'agit d'abord d'un geste de mauvaise humeur de ces organisations, qui n'ont pas été consultées lors de la création de la SOFIGED, et qui censurent ainsi la LGP. Ces départs expriment aussi que dans la mesure où le Conseil n'a pas dans ses attributions la mise en oeuvre des objectifs qu'il a définis, où il n'a donc aucun contrôle sur la gestion de la SOFIGED, la participation au Conseil n'est pas utile pour ces organisations.

La désaffection du politique

Le CGL, qui a expliqué ce départ dans un communiqué de presse, peut à juste titre se prévaloir du slogan "finances = services" pour expliquer ce retrait du Conseil ; il ne s'interdit pas de négocier avec la SOFIGED, et il estime même avoir les mains plus libres dans ces négociations en n'étant plus membre du Conseil. Ce départ signifie bien que ses préoccupations politiques sont désormais secondaires, face aux besoins en services que les usagers du Centre expriment.

Le 23 novembre, le président de la SOFIGED, Charles Myara, déclarait au Conseil de la LGP que les associations pouvaient considérer sa société comme une plateforme de services à leur usage. Vue sous cet angle, l'évolution globale de ces organisations apparaît extrêmement cohérente.

Le Conseil de la LGP, qui se réunit régulièrement, reste l'unique lieu de concertation et d'expression politique de la communauté gaie et lesbienne.

La SOFIGED et le CGL sont, quant à elles, deux organisations de services. L'une, dont le statut est commercial, mais qui s'adresse aux associations, se concentre sur la réalisation de quelques événements exceptionnels ; l'autre, de statut associatif, mais qui vise à être indépendante des autres associations, assure des services permanents orientés vers l'accueil et l'orientation, et réalise des événements d'animation, comme la Folle Semaine (fin janvier, début février).

La transparence et l'interassociatif

Un climat conflictuel, entretenu depuis des mois, voire des années, a sans doute conduit la LGP à une certaine réserve qui s'est traduite par un défaut de communication auprès de la communauté, dont certains éléments ont pu se sentir, à leur tour, exclus de ses choix. Il appartiendra à la LGP de prouver qu'elle a les moyens de contrôler cette nouvelle structure commerciale, et notamment les choix politiques que la SOFIGED serait amenée à prendre à partir des seuls critères commerciaux qui sont de sa compétence.

Le 23 novembre, le Conseil de la LGP décidait de la la mise en place de plusieurs groupes de travail dont un sur le thème politique de l'Europride ; ces groupes de travail, qui ont une composition interassociative, ont pour objet de préparer des orientations qui seront décidées par le Conseil. Cela permettra aux associations qui le souhaitent de participer de façon plus directe à la réalisation de l'Europride.

RL

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Last modified: Fri Jan 10 13:25:05 MET 1997
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